M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l’amendement n° 148.

Mme Raymonde Le Texier. Cet article 14, qui tend à prolonger de deux ans les limites d’âge des catégories actives de la fonction publique, est l’une des conséquences des articles 5 et 6, contre lesquels nous avons voté.

C’est une aberration supplémentaire !

Messieurs les ministres, au moment où la fonction publique est attaquée de toute part, à l’heure où vous y supprimez des dizaines de milliers de postes, vous limitez les entrées dans le monde du travail et vous édifiez une véritable barrière pour des milliers de jeunes qui vont rester sans emploi.

Supprimer des emplois, reculer l’âge de départ à la retraite, c’est freiner la promotion des jeunes, comme vient de l’expliquer, à l’instant, notre collègue Josiane Mathon-Poinat.

Selon un rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, il faut trois départs à la retraite pour embaucher un jeune. N’est-ce donc pas essentiel pour l’emploi des jeunes de maintenir l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans ?

Pourquoi préférez-vous des vieux travailleurs qui s’épuisent à des jeunes qui galèrent et se désespèrent ?

Aujourd’hui, 9 jeunes actifs sur 10 se disent soucieux de leur retraite, un sur 3 est même sûr qu’il n’en aura pas et 59 % des moins de 35 ans redoutent ce moment.

Voilà l’angoisse qui s’exprime dans la rue et que vous ne voulez pas entendre !

Cet article 14, qui tend à remettre en cause les limites d’âge des agents classés en catégorie active de la fonction publique, est un recul supplémentaire. Par conséquent, nous soutenons sa suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements identiques tendent à supprimer l’article 14. Or celui-ci a pour objet de relever les limites d’âge des catégories actives de la fonction publique, relèvement qui est cohérent avec toutes les autres mesures contenues dans le projet de loi.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Nous partageons l’avis défavorable de la commission. Les dispositions de l’article 14 sont parfaitement cohérentes avec le relèvement général de deux ans de l’âge de la retraite.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Le moins que l’on puisse dire, effectivement, c’est que ces mesures sont cohérentes.

Cet article 14 s’articule parfaitement avec les articles 5 et 6 du projet de loi. C’est justement là le problème !

Chaque jour, messieurs les ministres, nous nous demandons pourquoi, devant le mécontentement et l’incompréhension suscités par ces deux articles, vous répondez de cette manière si brutale et lapidaire à la proposition qui, une fois encore, vous a été faite hier soir par une éminente personnalité. (Mme Bariza Khiari acquiesce.)

Devant les encouragements de Mme Bariza Khiari, je citerai très volontiers cette personne : il s’agit de Martine Aubry, et sa proposition consiste à prendre le temps de la négociation, celle-ci étant aujourd’hui, comme tout le monde le comprend dans le pays, vraiment nécessaire.

Vous pouvez dire, comme l’a jadis fait un Premier ministre, que vous êtes droits dans vos bottes. Pourtant, croyez-moi, il vaut parfois mieux prendre le temps de la discussion…

M. Gérard Longuet. Pour le prendre, on le prend !

M. Jean-Pierre Sueur. … plutôt que de laisser le climat se dégrader, comme c’est le cas actuellement.

S’agissant de la fonction publique, cela a été dit, notamment par Mme Le Texier, le contexte est très difficile depuis deux ans. Et comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, j’ai récemment eu l’occasion de discuter avec des gendarmes et des policiers.

Pensez-vous que la suppression de 9 200 postes de gendarmes et de policiers en trois ans soit une mesure positive, défendable, cohérente avec les discours prononcés par les plus hautes personnalités de l’État ? Je pense notamment à M. Nicolas Sarkozy et aux propos qu’il a tenus au mois de juillet dernier sur la sécurité.

Si l’on en parle aux gendarmes – il n’y a pas d’organisation professionnelle – et aux syndicats des policiers, ils ont une idée très claire sur la question. Ils pensent qu’on ferait mieux de maintenir les postes et de s’épargner quelques discours. Je vous assure que ce serait plus efficace.

Dans d’autres secteurs d’activité, c’est pareil. Il m’est arrivé encore récemment, comme à chacun et chacune d’entre nous, de me rendre dans un hôpital, de visiter le service des urgences et de voir les conditions de travail des personnels. Quand on supprime des postes dans le secteur de la santé, notamment en milieu hospitalier, aux urgences, on crée une situation très difficile.

Il est tout à fait cohérent selon vous d’allonger les mesures d’âge de deux ans, et vous l’avez dit avec beaucoup de clarté.

Les jeunes ont le sentiment que cela rendra leur accès à l’emploi encore plus difficile. Je ne crois pas du tout que le malaise exprimé par la jeunesse soit quelque chose d’artificiel. Les jeunes se demandent vraiment s’ils vont avoir du travail. Je connais, comme nous tous, des jeunes qui font des études, qui se préparent à des métiers dans le domaine de la santé ou de la sécurité – on pourrait en citer d’autres – et qui s’interrogent sur leur avenir. Si les personnes en poste restent plus longtemps et que l’on supprime un poste sur deux dans des domaines dont on dit, dans tous les discours publics et officiels, tous les jours, qu’ils sont prioritaires, comment voulez-vous que l’on suscite de l’espoir chez ces jeunes ?

Dans le même temps, vous annoncez, messieurs les ministres, que ce n’est plus la peine de parler puisqu’on l’a déjà suffisamment fait et que, de toute façon, cela ne sert plus à rien de se mettre aujourd’hui autour de la table avec les syndicats. Comment voulez-vous que cela se passe bien ?

Finalement, nous aurions avantage à suivre la proposition de nos collègues qui nous ont suggéré, avec beaucoup de sagesse, de retirer cet article.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je voudrais soutenir mes collègues et préciser de nouveau que le maintien en poste, « de force », des seniors de la fonction publique, accompagné de votre RGPP, obscurcit dramatiquement l’horizon des jeunes adultes et leur entrée dans l’emploi.

Si on se place dans votre logique, vous prétendez nous parler d’avenir ; mais l’avenir, ce sont les jeunes. Vous prétendez nous parler d’efficacité, de réactivité, de compétitivité ; mais, qui mieux que les jeunes peut se saisir très rapidement des outils d’aujourd’hui et de demain comme le numérique ? Nos seniors se confrontent à ces nouvelles technologies avec difficulté et parfois avec souffrance.

Vous parlez de consommation, vous parlez de relance, vous inventez des mots, comme Mme Lagarde avec la « ri-lance ». Mais, si les jeunes sont au travail, à la différence des seniors, ils ne sont pas équipés, ils feront des achats, ils feront « tourner la machine ». Vous parlez de croissance, il faudrait encore vous en donner les moyens. Vous parlez de la dynamique d’une nation ; cela implique aussi de s’occuper de ses jeunes adultes.

Vos choix sont tragiquement incohérents.

Si on se place sur une autre logique, plus humaniste, le renouvellement générationnel dans l’emploi s’accompagnera d’un renouvellement culturel.

Cette mixité culturelle dans l’emploi des jeunes adultes est une impérieuse nécessité, et ce à un double titre : pour montrer que nous sommes encore dans un État juste, sans discrimination ; et parce que cet emploi des jeunes, de toutes origines culturelles, sera un miroir fondateur pour de nombreux adolescents à qui s’est, hélas ! transmise l’idée que, du fait de leur origine, il y avait moins de place pour eux que pour d’autres.

Ce levier-là, vous pouvez l’utiliser avec l’emploi des jeunes, à condition de ne pas « tenir de force » les seniors sur des postes qu’ils veulent quitter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.

M. Jacques Gautier. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais je me dois de réagir. Lorsque l’on parle de réduction des effectifs de police et de gendarmerie sur trois ans, tous mes collègues savent bien qu’il s’agit, non pas de diminuer les postes de policiers ou de gendarmes opérationnels sur le terrain, mais de supprimer certaines écoles qui « doublonnaient » et de mutualiser des services logistiques ou des gardes statiques.

M. Jean-Pierre Sueur. À vous entendre, ces 9 200 personnes ne faisaient rien : comme c’est étrange !

M. Jacques Gautier. Sur le terrain, je tiens à le rappeler, nous ne constaterons aucune perte d’effectifs.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. Au contraire, et ce n’est pas fini !

M. Jacques Gautier. Par ailleurs, cela fait maintenant trois semaines que nous recevons des leçons tous les jours et que nous voyons nos amis de la gauche se succéder au micro. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je voudrais rappeler que la responsabilité du politique, notre honneur et notre noblesse consistent parfois à anticiper sur l’évolution de l’opinion publique et à relever les défis qui s’imposent à nous !

Mme Éliane Assassi. Cela fait quinze jours que nous vous expliquons que votre projet n’est pas bon !

M. Jacques Gautier. Nous ne pouvons pas toujours céder. Nous devons préparer l’avenir, car nous savons les uns et les autres que le système de retraite par répartition est en danger et qu’il nous appartient de le sauver ! Le Gouvernement et sa majorité sont en train de le faire, envers et contre tous ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Pierre Godefroy. « Envers et contre tous », c’est certain !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 148 tendant à supprimer l’article 14.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 36 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 153
Contre 183

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 787, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Le présent article prévoit le relèvement de deux années des limites d’âge des fonctionnaires appartenant aux catégories actives de la fonction publique.

Pour les mêmes raisons que celles que nous avons développées à l’article 5, nous sommes opposés à ce report de l’âge légal de départ à la retraite pour les fonctionnaires concernés.

Nous considérons ainsi que l’allongement de la durée de vie ne peut en aucun cas justifier ce recul social sans précédent.

Je vous l’accorde, il existe un déficit de financement, mais, pour le combler, nous avons proposé des solutions dont vous n’avez pas souhaité débattre. Ces solutions sont pourtant crédibles, justes socialement et pertinentes économiquement.

Pensez-vous réellement, alors que tout le monde s’accorde sur le fait qu’il existe aujourd’hui un déséquilibre entre revenus du travail et revenus du capital, qu’il est nécessaire, une nouvelle fois, de faire porter l’essentiel de l’effort sur les salariés ?

Votre réforme est contestée, elle prend l’eau, la vigueur du mouvement social le démontre. Il est donc temps de mettre toutes les cartes sur la table et de réfléchir à une réforme des retraites qui serait moins pénalisante pour les salariés, plus en phase avec la réalité du monde de l’entreprise et avec celle de notre société.

Vos calculs mathématiques ne valent rien devant la réalité sociale. Les salariés et les agents de la fonction publique sont épuisés lorsqu’ils arrivent, enfin, à la retraite. Vous les obligez à travailler deux années supplémentaires sans en mesurer les conséquences. C’est là que votre raisonnement devient vicieux en termes d’espérance de vie.

Nous demandons donc la suppression de l’alinéa 1 de l’article 14.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’avais pas prévu de prendre la parole. Je tiens à soutenir cet amendement.

Mais je veux revenir sur les propos de M. Gautier, car nous ne pouvons tout de même pas les entendre sans en tirer quelques conséquences.

S’agissant de la police et de la gendarmerie, notre collègue nous a expliqué, si je comprends bien, que les 9200 postes supprimés en trois ans étaient finalement des postes inutiles, occupés par des personnes qui « doublonnaient » et ne faisaient, en quelque sorte, rien.

M. Gérard Longuet. Cela s’améliore, il y a des gains de productivité, le monde bouge !

M. François Autain. Les étudiants aussi !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous savez, monsieur Longuet, l’administration a une réelle utilité ! Le monde bouge beaucoup, c’est vrai, mais il y a tout de même quelque chose qui me surprend. Vous connaissez la qualité des ministres de l’intérieur qui se sont succédé pendant les neuf dernières années. Nous avons eu MM. Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin, François Baroin – assez peu, mais nous l’avons eu –, …

M. François Autain. Nous l’avons encore ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. … puis Mme Michèle Alliot-Marie et, aujourd’hui, nous avons M. Brice Hortefeux.

Vous me voyez extrêmement étonné que ces éminents personnages aient pu supporter pendant tant d’années ces 9 200 personnes qui ne faisaient rien et qu’il ait fallu attendre la période récente pour se séparer de ces 9 200 gendarmes et policiers qui n’étaient pas utilisés. Étaient-ils dans des placards ?... Quel manque de vigilance de la part de personnages aussi éminents ! Cela aurait pu être l’inattention d’un seul, mais que cinq personnes aient été aussi inattentives au fait que non pas quelques dizaines, ni même quelques centaines, mais 9 200 personnels soient inutilisés, voilà qui me stupéfie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 787.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 788, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Par l’article 14 du projet de loi, le Gouvernement entend relever de deux années l’ensemble des limites d’âge applicables aux catégories actives de la fonction publique.

Au travers de notre amendement, qui s’inscrit dans la logique de suppression de l’ensemble des alinéas de l’article 14, nous réaffirmons notre opposition à l’ensemble du dispositif de cet article.

Pour vous convaincre, je voudrais aborder la question des emplois classés en catégorie active dans la fonction publique hospitalière. Il s’agit là de métiers particulièrement stressants et éprouvants physiquement ; je ne m’étendrai pas sur ce point, puisque plusieurs de mes collègues l’ont amplement démontré.

Alors que le Gouvernement s’était engagé – je fais référence à l’engagement n° 9 du Gouvernement sur les retraites – à « tenir compte de ceux qui ont eu une vie professionnelle plus difficile », cet engagement entre en totale contradiction, au détriment des salariés, avec l’objectif affiché.

Lors de l’examen du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et anticipant les débats sur les retraites, le Gouvernement a, par un cavalier législatif, fait passer de 55 ans à 60 ans l’âge de départ à la retraite des infirmiers et personnels paramédicaux, en échange du versement de ces derniers dans la catégorie A de la fonction publique.

Les sénateurs de mon groupe et moi-même avions proposé, au contraire, de reconnaître la qualité et l’engagement des professionnels par une double revalorisation, au travers, d’une part, de la qualification et, d’autre part, de la gratification.

Aujourd’hui, nos divergences sont toujours les mêmes. Nous considérons que les emplois visés notamment en raison de la pénibilité ne peuvent faire l’objet d’un relèvement des limites d’âge.

Parce que l’article 14 du projet de loi s’inscrit dans la droite ligne de cette première atteinte portée au statut des infirmiers du public, face à la dégradation des conditions de travail dans le public, comme dans le privé, à la remise en cause de la reconnaissance de la pénibilité pour l’ensemble des professionnels du secteur de la santé, et au nom de la défense des droits de l’ensemble des salariés des catégories actives de la fonction publique, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de notre amendement. (Mme Éliane Assassi et M. Guy Fischer applaudissent.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 788.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 789, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Par cet amendement, qui s’inscrit dans le droit fil des positions que nous avons déjà défendues, nous nous opposons au passage de l’âge légal de départ à la retraite à 59 ans lorsqu’il était fixé antérieurement à 57 ans, pour les agents de la fonction publique nés à compter du 1er janvier 1964.

Cette limite d’âge concerne particulièrement, parmi un certain nombre de catégories, les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne. Pourtant, ces personnels subissent des conditions de travail dont la pénibilité est caractérisée et reconnue. Cela justifie d’ailleurs un départ précoce et un aménagement de leur temps de travail.

Les contrôleurs aériens, souvent appelés « aiguilleurs du ciel », ont, en effet, pour mission d’assurer le contrôle, la sécurité et la gestion de la circulation aérienne. Il s’agit d’une mission d’intérêt général fondamentale, source d’un grand stress chez les contrôleurs compte tenu du développement du mode de transport aérien, voire de l’explosion des trafics. (M. le rapporteur en doute.)

En effet, la moindre erreur pourrait avoir des conséquences particulièrement dramatiques. L’importance du trafic, les conditions météo, les plans de vol et trajectoires des avions, voilà de nombreuses informations que le contrôleur doit analyser simultanément. Il doit ainsi être en mesure de réagir et de prendre des décisions avec une extrême rapidité.

Plus fondamentalement, leur métier est éprouvant et lourd de responsabilités. Comme le pilote, le contrôleur aérien tient entre ses mains la vie de tous ceux qui sont à bord d’un avion ; il doit donc être en parfaite condition physique et nerveuse. Il communique en anglais avec les pilotes dans la plupart des cas. Il travaille en horaires décalés.

M. Gérard Longuet. Combien d’heures fait-il ?

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Selon vous, monsieur Fischer, tous les emplois qui nécessitent de parler en anglais devraient donc être classés dans les métiers pénibles ?

M. Guy Fischer. Je n’ai pas dit cela, monsieur le ministre, ne caricaturez pas mes positions ! Mais si vous en êtes d’accord, allons-y !

Ces conditions de travail particulièrement pénibles et justifiant un départ anticipé n’ont pas changé. Bien au contraire, le trafic étant de plus en plus important, les conditions de travail méritent d’être examinées de très près.

C’est pourquoi nous demandons le maintien de leur âge légal de départ à la retraite à 57 ans et cela pour deux raisons : non seulement pour préserver les droits sociaux des contrôleurs aériens, mais également parce que, à nos yeux, maintenir dans l’emploi ces contrôleurs trop longtemps ferait peser des risques importants sur la bonne réalisation de leur mission de sécurité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 789.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 790, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’alinéa 4 de l’article 14 traite des fonctionnaires dont la limite d’âge était jusqu’alors fixée à 58 ans pour la relever à 60 ans. Cela ne saurait vous étonner, nous souhaitons supprimer cet allongement. Nous sommes ainsi en cohérence avec les amendements précédemment déposés sur cet article comme sur l’ensemble du texte.

Le dispositif que vous nous proposez est, selon nous, inadapté et contradictoire, et je vais vous donner les paramètres qui nous permettent d’aboutir à cette conclusion.

Premièrement, seuls 40 % des 55-64 ans ont un emploi. L’emploi de ceux que l’on appelle les « seniors » est difficile et nombre d’entre eux terminent leur carrière par des années de chômage.

Deuxièmement, favoriser l’emploi des seniors contribuera à augmenter le chômage des jeunes. Ce sont autant de postes qui ne seront pas occupés par de nouveaux entrants sur le marché du travail.

Troisièmement, le chômage des jeunes est déjà extrêmement important : il est actuellement évalué à 25 % des jeunes de moins de 25 ans en âge de travailler.

Quatrièmement, le chômage, comme les retraites, a un coût financier qui incombe à l’État, en plus de son coût social.

Comment le Gouvernement peut-il ainsi prévoir de reculer l’âge limite de départ à la retraite sans, par ailleurs, se soucier de la question de l’emploi réel des seniors ?

Ces deux questions se complètent, sous peine de devenir inefficaces ou d’appauvrir nos futurs retraités condamnés à des années de chômage supplémentaires au risque que celles-ci soient prises en compte dans le montant de leur pension.

Selon la branche chômage de la sécurité sociale, l’UNEDIC, le coût de la réforme des retraites sur l’assurance chômage serait colossal. Les chiffres ont déjà été évoqués mais je me permettrai de les rappeler car ils sont très significatifs. La réforme des retraites va creuser le déficit de l’assurance chômage de 440 millions à 530 millions d’euros par an à partir de 2017.

Telles sont donc les raisons de notre refus du recul de la limite d’âge de départ à la retraite qui, dans la fonction publique comme ailleurs, n’aura pour effet que d’alimenter le chômage des jeunes, particulièrement en difficulté par la diminution du nombre de places aux concours, laquelle, alliée à la RGPP, sera drastique.

C’est pourtant bien l’emploi qui constitue une des ressources principales de la sécurité sociale en matière de financement des retraites par le biais de la cotisation des actifs.

Le cercle vicieux des dispositifs prévus par le Gouvernement est bouclé puisque les mesures prévues alimenteront purement et simplement le déficit des comptes de l’État.

Voilà pourquoi la suppression de cet alinéa, comme de ceux qui suivent, nous paraît extrêmement importante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 790.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 791, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. L’alinéa 5 de l’article 14 repousse à 61 ans l’âge de départ à la retraite sans pénalisation pour les agents nés à compter du 1er janvier 1962, s’agissant des emplois classés en catégorie active.

Vous n’avez de cesse de parler d’équité entre public et privé quand, en réalité, vous cherchez à économiser sur le régime des fonctionnaires en l’alignant sur le privé. Car, pour vous, s’agissant des salariés, l’équité ne peut se concrétiser que vers le bas.

Vous cherchez sans cesse à opposer les salariés du secteur privé à ceux du secteur public, tentant de faire passer ces derniers pour d’indécents privilégiés. C’est une constante de votre politique : diviser pour régner. Mais cette constante fonctionne de moins en moins bien. Il n’est qu’à voir comment se côtoient dans les manifestations les secteurs publics comme privés dans toute leur diversité. Le « Tous ensemble » sonne l’échec cinglant de vos campagnes de division.

Ce que nous défendons, c’est une véritable égalité devant le droit à la retraite, et nous n’oublions pas que c’est la réforme Balladur de 1993 qui a précisément commencé à creuser les inégalités entre les différents régimes.

En portant la période de référence de dix ans à vingt-cinq ans pour le calcul des pensions dans le privé et en allongeant la durée de cotisation de trente-sept ans et demi à quarante ans, vous avez définitivement installé le déséquilibre entre le secteur privé et le secteur public. Puis, au nom d’une prétendue équité, vous avez dénoncé ce déséquilibre et, dans la réforme de 2003, accru la durée de cotisation des fonctionnaires pour prétendre à la retraite en l’alignant sur le privé.

En conséquence, aujourd’hui, vous augmentez l’âge de départ à la retraite et la limite d’âge de tout le monde à égalité : deux ans.

Vous manifestez une singulière conception de l’équité et de l’égalité, une conception pour le moins partisane : vers le bas pour l’énorme majorité des salariés, vers le haut pour les dirigeants de grandes entreprises, pour lesquels les retraites s’apparentent à une pêche miraculeuse.

Qu’ils viennent de la fonction publique ou du secteur privé, les salariés ne sont pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, responsables de l’insuffisance de financement des retraites.

Ce sont vos politiques inégalitaires, antisociales, qui le sont. Nous refusons donc toute augmentation de la limite d’âge pour les fonctionnaires en service actif. Par conséquent, nous demandons la suppression de l’alinéa 5.