M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Dans le prolongement de l’intervention de ma collègue Catherine Tasca, je souhaite vous poser une question, monsieur le ministre.

Certains travailleurs salariés sont aujourd’hui couverts par des accords de cessation anticipée d’activité liée à l’âge ou à la pénibilité de leur travail, accords qui sont en cours d’application.

Or, on m’a cité le cas de bénéficiaires de tels accords de préretraite qui risqueraient, avec le recul des conditions d’âge de départ en retraite, de se trouver en fin de convention sans pour autant remplir les conditions d’âge leur permettant de bénéficier de leur retraite à taux plein.

Ma question est très concrète, monsieur le ministre. Il y a deux hypothèses.

Première hypothèse, les informations qui m’ont été communiquées ne sont pas exactes et il n’y aurait aucun cas où une personne actuellement en préretraite serait, à l’expiration de la convention, en dessous de l’âge nouveau de la retraite prévu par le projet de loi. Dans ce cas, ma question ne se pose pas.

Seconde hypothèse, si une telle situation existait, j’aimerais savoir comment vous allez régler le problème de ces salariés ou anciens salariés qui, à la fin de la période couverte par lesdits accords, ne satisferaient pas aux nouvelles conditions d’âge pour toucher leur retraite à taux plein.

C’est une question extrêmement concrète qui concerne un certain nombre de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre à la question de M. Sueur, je souhaiterais préciser plusieurs points.

Tout d’abord, notre réforme n’est pas idéologique ! J’ai entendu à plusieurs reprises cette qualification, notamment sur les travées de l’opposition. C’est faux ! La modification des critères d’âge est – comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de l’expliquer – avant tout une question de bon sens dans le cadre d’une réforme des retraites. Des réponses spécifiques sont par ailleurs apportées pour traiter les cas particuliers de personnes ayant commencé à travailler tôt ou dont la pénibilité de l’activité est avérée. Il n’y a donc pas moins idéologique que cette réforme !

En outre, le message selon lequel la réforme serait contre l’emploi des jeunes est également très éloigné de ce que pense le Gouvernement. Vous dites que la prolongation de l’âge de départ à la retraite aurait pour effet, en maintenant les « vieux » en activité, de capter l’emploi des jeunes. (Mme Bariza Khiari s’exclame.) Je tiens à souligner que ce n’est pas comme ça que fonctionne la société française. Je trouve cette manière de voir les choses épouvantable. Sinon, demandez aux gens de partir à 40 ans ! Les « vieux » ont aussi leur place dans l’entreprise. (Marque d’approbation sur plusieurs travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ils l’ont même au Sénat !

M. Éric Woerth, ministre. En effet, monsieur le sénateur, je n’osais pas faire cette remarque mais puisque c’est vous qui la faites… (Sourires.)

Heureusement qu’ils ont leur place dans la vie professionnelle ! J’imagine que vous le pensez également. On ne jette pas des personnes à 55 ans en leur disant que leur vie professionnelle est finie et qu’ils vont entrer dans des dispositifs sociaux compliqués avant de pouvoir prendre leur retraite.

Je pense que le mieux est de permettre à tout le monde de travailler. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Les personnes les plus expérimentées peuvent transmettre leur expérience. On doit aussi aménager les fins de carrière. En effet, on ne travaille pas de la même manière à 60 ans et, a fortiori, à 62 ans qu’à 40 ans ! Les jeunes également ont toute leur place dans le monde du travail, et ce le plus tôt possible.

Toutefois, il est faux de dire que le maintien d’une personne senior dans l’emploi crée automatiquement du chômage pour les jeunes. Sinon, nous aurions sans doute le taux d’emploi des jeunes le plus élevé d’Europe, puisque nous avons un faible taux d’emploi des seniors. Or ce n’est pas le cas. Le marché du travail ne se construit pas ainsi. Les « vieux » salariés ne sont donc pas l’ennemi du travail des jeunes !

Vous ne pouvez pas opposer les catégories d’âge. Si vous le faites en prétendant que c’est parce que les plus âgés ne partent pas à la retraite que les jeunes ne trouvent pas d’emploi, vous commencez à stigmatiser une partie de la population et vous créez une opposition entre les générations, ce qui n’est pas bon.

La seule manière de développer le marché du travail, c’est la croissance. Seule la création de richesses permet à nos salariés de travailler plus longtemps, tout simplement parce qu’avec celle-ci le marché du travail se développe. C’est aussi la fluidité de ce dernier, sa capacité à s’adapter, par la formation professionnelle notamment, qui permet de répondre au marché du travail. L’ensemble de l’environnement du marché du travail doit être considéré, et pas uniquement la retraite.

Mme Christiane Demontès. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Éric Woerth, ministre. Par ailleurs, encore une fois, s’il est vrai que l’UNEDIC aura probablement des charges supplémentaires, il ne faut pas oublier qu’elle aura également des recettes plus importantes. Ces charges proviendront du fait que des personnes resteront plus longtemps dans les dispositifs de chômage faute d’emploi. C’est la réalité, vous avez raison ! Dans le même temps, il y aura des personnes qui maintiendront une activité professionnelle et qui continueront à cotiser. Les deux phénomènes vont avoir lieu.

L’UNEDIC évalue le coût net à environ 400 millions d’euros. Nous considérons, pour notre part, que cette évaluation est extrêmement pessimiste parce qu’elle est fondée sur des taux d’emploi des seniors ainsi qu’une prévision de croissance très faibles. Tant mieux ! Il est préférable d’être prudent et avoir de bonnes surprises.

Enfin, si l’on considère, d’une part, 400 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour l’UNEDIC et, d’autre part, 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires dans les comptes de l’assurance vieillesse, cette réforme reste très positive en termes d’argent public.

Par ailleurs, nous avons demandé à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, de faire une étude plus fine des conséquences de la réforme des retraites sur l’emploi des seniors. Je vous en communique le résultat : entre 55 ans et 59 ans, le taux d’emploi est actuellement de 58,5 % et passerait à quelque 68,5 %, soit une augmentation de près de 10 points. Pour les personnes de 60 ans à 64 ans, le taux d’emploi, qui est évidemment plus faible, s’élève à 17 % et devrait être augmenté de 10,5 % pour atteindre 27,5 % en 2018. (Mme Christiane Demontès s’exclame.) Ce sont les chiffres de la DREES.

Ainsi, cette réforme a évidemment un effet très fort sur l’emploi des seniors comme le relèvement de l’âge de départ à la retraite a pu l’avoir en Allemagne par exemple. Il n’y a aucune raison que nous soyons moins bons que les Allemands dans le domaine de l’emploi des seniors.

Monsieur Sueur, pour répondre à votre question, la plupart des conventions, de préretraites au fond, qui sont signées avec les entreprises font référence à l’âge légal et ne vise donc pas l’âge exact. Aussi, l’âge légal se déplaçant, la convention s’adapte. Ce point concerne toutes les conventions portées à notre connaissance, qui ne peut pas être exhaustive puisqu’il s’agit de conventions de droit privé.

Nous sommes en train de réaliser une enquête dans les différentes régions pour recenser si certaines conventions se réfèrent à un âge précis. Bien évidemment, le cas échéant nous apporterons une réponse au problème que vous soulevez.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je vous remercie, parce qu’il s’agit d’une précision importante pour les salariés concernés.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 149 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Daudigny, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 256 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

L'amendement n° 346 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l’amendement n° 149.

Mme Bariza Khiari. L’article 15 qui prévoit le relèvement progressif des âges limites de versement des indemnités destinées aux travailleurs privés d’emploi est une aberration supplémentaire. Il est la conséquence directe de l’article 6.

Vous allez prolonger un peu plus le désarroi et l’humiliation d’un grand nombre de nos concitoyens : seulement 38 % des 55-64 ans sont actifs. Être au chômage, ce n’est pas un choix. Être au chômage, c’est déstabilisant.

Lorsque l’on a travaillé toute une vie et que l’on se retrouve à 55 ans ou 56 ans sans emploi, on développe un sentiment d’inutilité et de rejet, que vous n’allez faire qu’amplifier.

La précarité économique entraîne l’essor de la vulnérabilité sociale.

Votre projet est vraiment – je regrette de vous le dire ! – un projet de classe ; les plus démunis, les plus vulnérables sont les premiers touchés.

Votre projet est un amplificateur de la précarité ; il ajoute de l’injustice à l’injustice.

Vous nous parlez d’avenir, monsieur le ministre. Mais que proposez-vous aux 62 % des plus de 55 ans qui se retrouvent au chômage parce que les employeurs considèrent qu’ils sont trop vieux ? Ils ne travailleront pas plus longtemps, mais ils vont galérer deux années de plus !

La majorité des entreprises ne sont pas prêtes à embaucher des employés de plus de 50 ans, et vous le savez. Elles les voient comme des freins à la croissance et le fait qu’on repousse l’âge de la retraite ne les fera pas changer d’avis. Alors, vous les sacrifiez une fois de plus ; ils sont triplement victimes, à la fois de la crise, de votre politique économique et de votre politique sociale.

De plus, les coûts économisés sur les pensions de retraite seront automatiquement transférés vers l’assurance chômage et le RSA.

Entre 440 millions et 530 millions d’euros par an, tel est le coût de la réforme des retraites pour l’assurance chômage.

Mécaniquement, la durée de prise en charge par l’assurance chômage des demandeurs d’emploi de plus de 60 ans s’allongera. Ce qui ne sera pas versé par les régimes de retraite le sera par l’assurance chômage ou par les départements. Tout cela pèsera encore sur les finances de nos collectivités locales, déjà mises à mal.

Il est vrai que vous êtes coutumiers des transferts de charges sans transferts des moyens adéquats. C’est une habitude ; faire payer par les autres ce que vous ne voulez plus ou ne pouvez plus assumer. Mes collègues conseillers généraux et présidents de conseil général savent de quoi je parle !

Au travers de la suppression prévue par cet amendement, nous voulons non pas interrompre le versement des indemnités chômage à 65 ans, mais nous opposer une fois de plus au recul du taux plein à 67 ans et à ses conséquences, qui, je le répète, sont inacceptables et touchent en premier nos concitoyens les plus précaires.

C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement visant à supprimer l’article 15.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 256.

Mme Marie-Christine Blandin. Voici comment est abordée la question du chômage au travers de ce projet de loi : les chômeurs resteront au chômage deux ans de plus !

Notre société issue des Trente Glorieuses a tant sacralisé la valeur « emploi » que ceux qui en sont exclus sont non seulement en difficulté financière, mais également en souffrance, par le regard que l’on porte sur eux à l’âge qu’ils ont ou qu’eux-mêmes portent sur eux.

Au moment où le demandeur d’emploi âgé allait entrer dans une période de retraite et de reconnaissance des efforts passés, vous le condamnez à deux ans de plus de mal-vivre !

La France compte plus de 5 millions d’hommes et de femmes touchés par le chômage. Franchement, c’est votre mission. On aurait pu espérer une politique de l’emploi plus ambitieuse. En 2010, le total des cinq catégories de Pôle emploi atteint les 4,4 millions de personnes en métropole, on compte également 270 000 chômeurs outre-mer, 324 000 dispensés de recherche d’emploi et, bien évidemment, des milliers de jeunes en situation de galère qui ne figurent pas dans les statistiques.

Votre devoir, c’est de stopper l’hémorragie. C’est aussi de protéger les chômeurs et précaires. Or, cet article ne fait qu’aggraver la situation de tous.

Compte tenu du faible taux d’emploi, le recul de l’âge de départ rendra encore plus difficile une carrière complète. De moins en moins de concitoyens pourront donc prétendre au taux plein. Sans compter que ces mesures sont financièrement inefficaces. Vous ne faites que transférer les coûts de l’assurance vieillesse sur l’assurance chômage.

Comme le soulignait Raymonde Le Texier, vous remplacez les jeunes retraités par de vieux chômeurs, et des gens soulagés par des gens en galère !

Et pour les chômeurs en fin de droits, ce sera éventuellement aux associations ou aux conseils généraux de verser davantage de revenu de solidarité active.

Les transferts de charges, quelle belle mesure d’économie ! Surtout quand la suppression de la taxe professionnelle met en péril la majorité des collectivités.

Comme vos amis du MEDEF, qui privatisent les bénéfices et externalisent les coûts de requalification de leurs sites, vous construisez un système de retraite qui transfère les déséquilibres aux autres. L’UNEDIC a du souci à se faire.

Vous avez évoqué les chiffres. On peut les étaler dans le temps. Le surcoût pourra atteindre 230 millions d’euros en 2015, 480 millions d’euros en 2016, 530 millions d’euros en 2018, à moins bien sûr d’une amélioration de l’emploi des seniors qui limiterait la casse, mais nous arriverions quand même à 440 millions d’euros. Nous sommes très loin d’une politique responsable et ambitieuse.

Une politique active de l’emploi reposerait sur la conversion de l’économie : conversion écologique, relocalisation, partage du temps de travail, et ce dans un contexte réel de décroissance sélective, solidaire et équitable. Mais cela vous est tellement idéologiquement insupportable que vous continuez à pédaler sur le vélo de la croissance sans vous rendre compte que votre chaîne a déraillé !

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à supprimer cet article, qui ne fait qu’aggraver la précarité des seniors. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)

M. le président. L’amendement n° 346 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 149 et 256 ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ces deux amendements tendent à supprimer l’article 15, qui relève les âges permettant de conserver un revenu de remplacement au titre du chômage. S’ils étaient adoptés, certains chômeurs perdraient leur revenu de remplacement sans avoir le droit de liquider leur pension de retraite. L’article 15 est donc indispensable.

Par ailleurs, comme vous le savez, la commission des affaires sociales a complété le projet de loi pour permettre aux bénéficiaires de l’allocation équivalent retraite, l’AER, de la conserver jusqu’à avoir atteint l’âge qui permet de liquider leurs pensions.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 149 et 256.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Article 15
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article additionnel après l’article 15 (réservé) (interruption de la discussion)

Article additionnel après l’article 15 (réservé)

M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Article additionnel après l’article 15 (réservé) (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Discussion générale

8

Nomination de membres de commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe de l’Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales, une pour celle de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, et une pour celle des finances.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

– Mme Catherine Deroche membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. René Vestri, démissionnaire ;

– M. René Vestri membre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, en remplacement de M. Philippe Dominati, démissionnaire ;

– M. Philippe Dominati membre de la commission des finances, à la place laissée vacante par M. Christian Gaudin, dont le mandat de sénateur a cessé.

9

Article additionnel après l’article 15 (réservé) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 16

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Chapitre III

Limite d’âge et de durée de services des militaires

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 17

Article 16

I. – Pour les militaires dont la limite d’âge est inférieure à soixante-cinq ans, en application de l’article L. 4139-16 du code de la défense, antérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi, la limite d’âge est fixée, à compter du 1er janvier 2016 :

1° À quarante-sept ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à quarante-cinq ans ;

2° À cinquante-deux ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante ans ;

3° À cinquante-six ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-quatre ans ;

4° À cinquante-huit ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-six ans ;

5° À cinquante-neuf ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-sept ans ;

6° À soixante ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-huit ans ;

7° À soixante-deux ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à soixante ans ;

8° À soixante-six ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à soixante-quatre ans.

Un décret fixe, de manière croissante, les limites d’âge sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, dans la limite des âges fixés au présent I.

Pour les militaires mentionnés au présent I, l’âge maximal de maintien mentionné au I de l’article L. 4139-16 du code de la défense est relevé de deux années à compter du 1er janvier 2016.

Un décret fixe, de manière croissante, les âges maximaux de maintien des militaires mentionnés au présent I sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, dans la limite des deux années prévues à l’alinéa précédent.

II. – Pour les militaires sous contrat, les limites de durée de services sont fixées, à compter du 1er janvier 2016 :

1° À dix-sept ans lorsque cette durée était fixée antérieurement à quinze ans ;

2° À vingt-sept ans lorsque cette durée était fixée antérieurement à vingt-cinq ans.

Un décret fixe, de manière croissante, les limites de durée de services sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, dans la limite des durées fixées aux 1° et 2° du présent II.

III. – L’article 91 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires est abrogé à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au I du présent article et au plus tard le 1er juillet 2011.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 16 porte sur le relèvement de deux années des limites d’âge des militaires et des durées de service des militaires sous contrat.

En apparence, cette disposition pourrait sembler équitable et de bon sens. En effet, comme tous les Français, comme tous les salariés, comme tous les fonctionnaires, bien que ce qualificatif convienne mal à ces hommes et à ces femmes, il pourrait paraître normal qu’ils soient eux aussi appelés à fournir un effort pour assurer la pérennité de notre système de retraite.

Pourtant, cette argumentation ne tient compte ni de la réalité ni de la spécificité de l’état militaire.

Il faut tout d’abord rappeler que les militaires ont déjà fourni cet effort avec la modification de leur dispositif statutaire en 2005.

La loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires avait ainsi déjà reculé les limites d’âge d’un an à cinq ans pour les officiers et d’un an à trois ans pour les sous-officiers. Cela a d’ailleurs été critiqué par le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, le HCECM, dans l’avis qu’il a rendu sur le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui. En effet, selon le comité, cette mesure « serait, à tout le moins, prématurée, les effets combinés de la loi sur les retraites de 2003 et du relèvement des limites d’âges opéré par le statut général des militaires de 2005 n’étant pas encore définitifs. »

Remettre aujourd’hui en cause ce dispositif statutaire, sans concertation, au travers d’un autre projet de loi, me paraît peu convenable et, surtout, désinvolte à l’égard de nos armées.

Un projet de loi qui considère, comme vous le faites, que les militaires sont après tout des fonctionnaires comme les autres, qui ne reconnaît ni la spécificité de leur condition ni leurs mérites risque d’être très mal ressenti dans l’institution.

En outre, un tel relèvement de deux ans entre en totale contradiction avec la nécessité d’avoir des armées jeunes, principale garantie de leur qualité opérationnelle.

Le HCECM avait également relevé que cette mesure était « de nature à conduire à un vieillissement trop important de l’ensemble des effectifs, surtout si elle était accompagnée d’un allongement de la durée des services ouvrant droit à la liquidation immédiate de la pension de retraite. »

En plus, cette disposition est aussi contradictoire avec le type de déroulement de carrières qu’a toujours essayé d’appliquer le ministère de la défense. Il consiste à faire en sorte que les limites d’âge restent suffisamment basses, notamment dans les unités opérationnelles, afin de stimuler les gradés d’un niveau subalterne et d’éviter un vieillissement trop important dans les grades les plus élevés.

Enfin, cette mesure posera inévitablement des problèmes de qualité du recrutement. Celle-ci a déjà été largement éprouvée avec la suspension de la conscription, qui représentait un très important vivier de talents divers.

Quel attrait peuvent encore aujourd’hui représenter nos armées auprès de jeunes, s’ils n’ont plus, par exemple, la possibilité d’une bonne reconversion professionnelle après quinze années de services ?

Décidément, ces mesures de relèvement des limites d’âge et de durée de service, qui pourraient sembler banales et logiques, auront de graves conséquences sur le moral et sur l’organisation même de nos armées.

Les militaires font un métier exigeant, qui peut parfois aller – je vous le rappelle – jusqu’au sacrifice de leur vie, un métier qui demande un engagement de tous les instants. Ils ont largement contribué à l’effort imposé par la RGPP, la révision générale des politiques publiques, notamment en matière de réduction budgétaire et de diminution des effectifs.

Monsieur le ministre, ne leur imposez pas ces mesures, qui, comme pour le reste de nos concitoyens, sont injustes et inefficaces.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l'article.

M. Jean-Pierre Caffet. Le sujet de cet article 16, c'est-à-dire la limite d’âge et de durée de services des militaires, aurait dû, nous semble-t-il, faire l’objet d’un examen approfondi en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Nous aurions pu alors apporter quelques lumières au texte du Gouvernement et ainsi permettre à ce dernier de l’améliorer ou, en tout cas, de ne pas commettre des erreurs.

C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit positif que nous avons déposé nos amendements à l’article 16. Et c’est sans doute aussi cet état d’esprit qui animait M. de Rohan, le président de la commission des affaires étrangères, quand il a déposé un amendement sur l’article 20 visant à « maintenir le bénéfice de la bonification du cinquième à quinze ans de services ».

J’espère d’ailleurs que le Gouvernement réservera à l’amendement de M. de Rohan un autre sort que celui qu’il réserve aux nôtres, c'est-à-dire, en règle générale, le rejet pur et simple.

Avec la professionnalisation des armées, le recrutement du personnel militaire est confronté à une concurrence permanente sur le marché de l’emploi. Les armées doivent attirer désormais une ressource jeune vers un métier caractérisé notamment par des sujétions que ne connaît pas le secteur civil, comme la disponibilité, les opérations extérieures et les risques particuliers à la fonction militaire. Les mesures proposées par votre projet viennent compliquer encore cette situation.

Les pensions des militaires sont en effet régies, au même titre que celles qui sont attribuées aux fonctionnaires civils, par le code des pensions civiles et militaires de retraite. Toutefois, les pensions militaires présentent plusieurs particularités du fait de la spécificité du métier et des carrières militaires.

D’une part, elles prennent en compte, à travers les modalités du calcul des annuités, les conditions particulières d’exercice du métier militaire. D’autre part, elles permettent d’assurer la maîtrise des flux qui caractérise la gestion du personnel militaire.

À ce titre, elles remplissent une double fonction. Elles constituent un instrument de gestion, concourant, avec d’autres, à la jeunesse et au pyramidage des effectifs militaires ; elles revêtent alors le caractère d’une pension de reconversion. Elles assurent également, pour la dernière partie de la vie de ceux qui ont quitté le service, le maintien d’un niveau de ressources qui est fonction de leur rémunération d’activité ; elles ont alors le caractère d’un avantage vieillesse classique.

Nous soutenons, et vous aurez du mal à nous démontrer le contraire, que votre réforme met à mal cette double fonction.

D’une part, parce qu’elle vient percuter de plein fouet la difficile, complexe et périlleuse « manœuvre des ressources humaines » engagée par les armées en raison de la RGPP. D’autre part, parce que vous allez troubler profondément le fonctionnement interne des armées en asséchant l’attractivité de la carrière militaire.

Pourtant, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes convaincus que la question d’une évolution de la durée des services ouvrant droit à liquidation de la pension des militaires mérite d’être étudiée selon deux points de vue : ses conséquences sur la carrière et la condition des intéressés, d’une part ; son impact sur les capacités et les besoins opérationnels des armées, d’autre part.

Pourriez-vous nous communiquer une étude d’impact analysant les conséquences de ce projet de loi sur les carrières militaires, sur les effectifs des forces et, in fine, sur la tenue du contrat opérationnel ?

Pourriez-vous nous dire aussi comment préserver la cohésion du « système d’hommes » des armées, pris en tenaille entre la déflation due à la RGPP et l’évolution des retraites militaires induite par ce projet de loi ?

Il est évident que la communauté militaire doit contribuer elle aussi à l’effort collectif national de financement des régimes de retraite, mais elle doit le faire ni plus ni moins que tout le monde.

Le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a rédigé son quatrième rapport en janvier 2010 et l’a remis au Gouvernement ainsi qu’au chef de l’État. Nous regrettons profondément que toutes les recommandations avancées par le Haut Comité aient été ignorées par le Gouvernement.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, les mesures que vous proposez auront sur le périmètre et sur le profil des armées des conséquences qui, selon nous, ont été mal évaluées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)