M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 189.

Mme Catherine Tasca. L’article 23 soulève une émotion légitime chez les fonctionnaires parents d’au moins trois enfants, et plus particulièrement parmi les femmes.

En effet, il met fin à la possibilité de départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires parents d’au moins trois enfants après quinze années de services.

Par ailleurs, le dispositif transitoire prévu au paragraphe IV aura des effets contraires à l’esprit général de l’article, qui vise à maintenir en activité les femmes fonctionnaires mères de trois enfants et plus.

Depuis 2003, une décote calculée l’année où le droit était acquis était appliquée aux pensions servies dans le cadre de ce dispositif. Avec la mesure que tend à introduire l’article 23, cette décote sera calculée en fonction des droits définis pour l’année où l’agent concerné aura 60 ans. Le taux de décote aura donc augmenté. Or, s’il ne peut excéder 25 %, la pension moyenne dans la fonction publique hospitalière étant de 1 200 euros, cette hausse pourra avoir une incidence très importante sur le montant des pensions des mères concernées.

De plus, aujourd’hui, si 20 % des mères partant à la retraite dans le cadre de ce dispositif dans la fonction publique d’État font jouer leur droit au minimum garanti, ce taux atteint 50 % dans la fonction publique hospitalière et 60 % au sein de la fonction publique territoriale. Compte tenu des modifications d’attribution du minimum garanti dans la fonction publique, qui imposent désormais de justifier du bénéfice du taux plein, ces femmes ne pourront plus y prétendre, ce qui aura des conséquences importantes sur le montant de leur pension.

Ces éléments risquent d’entraîner des vagues de départs importantes, pour ne pas dire massives, d’ici au mois de juillet 2011. Les départs anticipés représentent 20 % des départs à la retraite dans la fonction publique hospitalière et 12 % dans la fonction publique territoriale. De tels départs massifs susciteraient de très importantes difficultés.

Je ne peux m’empêcher de m’interroger sur l’acharnement du Gouvernement et de la majorité à annuler les maigres avantages qui étaient concédés jusqu’à présent aux femmes pour atténuer quelque peu l’inégalité foncière qu’elles subissent, liée à leurs parcours de vie. Je ne peux non plus m’empêcher de songer aux mauvaises pensées qui sont les vôtres concernant la durée du congé de maternité, les pensions de réversion, la demi-part fiscale supplémentaire accordée aux parents isolés.

Pour nombre de femmes fonctionnaires, votre réforme des retraites sera source de difficultés supplémentaires. Nous demandons la suppression de l’article 23. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L’amendement n° 354 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’article 23 prévoit la suppression de la possibilité de départ à la retraite anticipé pour les fonctionnaires parents de trois enfants au moins et ayant effectué quinze années de services. Ce dispositif est obsolète, puisque les femmes concernées y ont recours bien après avoir atteint quinze ans de services, à un moment où leurs enfants sont déjà élevés.

En outre, au fil du temps, les règles de la décote et de l’augmentation de la durée d’assurance ne s’appliquent plus.

La suppression du dispositif est par conséquent justifiée. Toutes les précautions nécessaires sont prévues pour éviter une fermeture trop brutale.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 30 et 189.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis négatif sur les deux amendements.

Je suis très sensible au fait que certains intervenants aient fait le distinguo entre le cas des femmes et celui des agents. Il ne s’agit pas d’une question sémantique : comme vous le savez certainement, même si, curieusement, aucun d’entre vous ne mentionne jamais ce fait, la Commission européenne est très vigilante sur ce sujet et fait peser sur nous de très lourdes contraintes. (Mme Odette Terrade s’exclame.)

C’est une réalité ! Le dispositif ouvrant droit à un départ à la retraite anticipé après quinze ans de services pour les parents ayant eu au moins trois enfants a été jugé incompatible avec la réglementation européenne. Il a donc été modifié une première fois en 2003, afin d’ajouter une condition supplémentaire d’interruption d’activité minimale de deux mois par enfant. Cependant, cette nouvelle version du dispositif a également été jugée incompatible avec la réglementation européenne.

Je tiens à insister sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, car, si nous n’y prenons garde, c’est l’ensemble des dispositifs de bonification qui pourraient être remis en cause. Il est très important d’avoir cela à l’esprit.

En outre, comme l’a dit M. le rapporteur, le maintien du dispositif ne se justifiait plus. Il avait été adopté en 1924, dans le cadre d’une politique nataliste, mais il a été complètement détourné de cette vocation depuis. De plus, il n’a pas d’équivalent pour les salariés du secteur privé. J’ajoute qu’il a une incidence très négative sur le montant des pensions, puisqu’il incite à des carrières courtes, ce qui va à l’encontre de l’objectif visé. Enfin, il est évidemment coûteux pour les finances publiques.

L’Assemblée nationale a apporté trois aménagements à la rédaction de l’article 23, afin notamment de rendre progressive l’extinction du dispositif. De ce fait, de nombreuses inquiétudes ont pu être levées. En particulier, les règles actuelles s’appliqueront aux fonctionnaires qui auront déposé leur demande de départ à la retraite anticipé d’ici au 31 décembre prochain et à ceux qui sont à moins de cinq ans de l’âge d’ouverture des droits à pension. Nul ne peut donc aujourd’hui prétendre qu’il n’est pas possible de se projeter dans l’avenir.

Enfin, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a souligné la nécessité de délivrer une information très précise aux agents potentiellement concernés sur le changement des règles de départ anticipé à la retraite. Le Gouvernement a lancé une telle opération, en concertation d’ailleurs avec les organisations syndicales.

Tout cela m’amène à affirmer qu’il n’y aura pas de départs massifs. À ce jour, 900 demandes de départ anticipé à la retraite ont été déposées au sein de la fonction publique d’État. Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas du tout le flux redouté par certains d’entre vous.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Par le biais de l’amendement n° 30, nous souhaitons attirer une nouvelle fois l’attention sur le devenir du dispositif de départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires parents de trois enfants au moins.

Ce sont essentiellement des femmes qui sont concernées. Jusqu’à présent, en cas d’interruption de carrière, il n’était aucunement question de les pénaliser au moment de la retraite, d’autant qu’elles subissent déjà de profondes inégalités au cours de leur vie professionnelle. Or il n’en ira plus ainsi avec le présent texte.

De fait, nombre de femmes interrompent leur carrière à la naissance de leurs enfants, ce qui signifie que leur mari ou leur compagnon pourra prendre sa retraite bien avant elles.

Injustice supplémentaire, le niveau des pensions de retraite des femmes sera d’autant plus faible que les dispositions envisagées prévoient une décote de 5 % par année manquante et l’obligation de poursuivre une activité professionnelle jusqu’à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Ces mesures ne respectent rien. Elles ne respectent pas les préconisations du Conseil d’orientation des retraites, qui recommande de permettre un départ progressif à la retraite. Surtout, elles ne respectent pas les choix de vie de ces femmes, qui ont bien souvent interrompu leur carrière pour s’occuper de leurs enfants.

Encore une fois, nous dénonçons un projet de réforme des retraites particulièrement brutal, injuste pour les femmes. Avec l’article 23, vous entendez revenir sur un acquis social qui va à l’encontre de la volonté du Gouvernement de repousser de deux ans l’âge légal de départ à la retraite. Ainsi, selon vous, le dispositif de départ anticipé à la retraite, de facto réservé aux femmes fonctionnaires ayant eu au moins trois enfants et justifiant de quinze ans de services, doit être purement et simplement supprimé. À vos yeux, le respect du principe d’égalité exige que l’on gomme toutes les spécificités, autrement dit les supposés avantages dont bénéficieraient les fonctionnaires.

Nous nous opposons à ce manque de respect pour les choix et les projets de vie de milliers de femmes fonctionnaires mères de famille, déjà pénalisées lorsqu’elles ont pris un congé parental ou travaillé à temps partiel.

Nous nous opposons aussi à la volonté du Gouvernement de réduire le nombre de fonctionnaires et à sa décision de supprimer définitivement, au 1er  janvier 2012, le droit à un départ anticipé à la retraite.

Cette mesure ne manquera pas de dégrader davantage encore la situation des femmes au regard de la retraite. Ce dispositif remet en cause brutalement un droit par l’application du principe générationnel, ce qui conduit à calculer les droits à prendre en compte non plus l’année où ils sont acquis, mais celle où l’assuré atteint son soixantième anniversaire.

L’article 23 durcit également les conditions de départ anticipé à la retraite dans le cadre de la période transitoire. Malgré des effets d’annonce, l’extinction totale du dispositif est toujours prévue, et les mesures transitoires, très défavorables financièrement, demeurent inchangées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. De nombreuses femmes mères d’au moins trois enfants ayant bénéficié d’un départ anticipé à la retraite après quinze ans de services ou aspirant à cesser leur activité professionnelle dans les mêmes conditions m’ont dit leur attachement à ce dispositif et leur regret de le voir remis en cause.

Je voudrais revenir sur les arguments que vous nous avez opposés, monsieur le secrétaire d’État.

Premièrement, concernant la réglementation européenne, je serai, pour ma part, moins affirmatif que vous. Il faut examiner les textes de près. Je constate que, dans un certain nombre d’autres États européens, des systèmes similaires sont en vigueur.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Absolument pas !

M. Jean-Pierre Sueur. En outre, il n’est pas sûr que nous ne puissions continuer à mettre en œuvre des mesures de ce type après négociation avec la Commission européenne. Nous avons une certaine conception de l’Europe, qui n’implique pas un alignement systématique, en matière de mesures sociales, sur les dispositifs les moins favorables, bien au contraire.

Deuxièmement, vous nous avez indiqué que le dispositif avait été instauré en 1924. Monsieur le secrétaire d’État, je ne vois pas en quoi cela serait un argument. Permettez-moi de vous le rappeler, certaines dispositions ayant été prises en 1789, en 1848, en 1901 ou en 1905 sont toujours en vigueur…

Troisièmement, selon vous, ce dispositif incite des femmes à partir à la retraite avec une pension moins élevée. Or si tel est leur choix de vie, je ne vois pas en quoi nous devrions nous ériger en censeurs de ce choix.

Enfin, une information des personnes susceptibles d’être concernées par le changement des règles de départ anticipé à la retraite est assurée, nous avez-vous indiqué, en coopération étroite avec les organisations syndicales. Je trouve cette formule quelque peu excessive. Certes, les organisations syndicales informent sans doute les fonctionnaires sur votre dispositif, mais elles y sont globalement opposées.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Concernant les infirmières, un amendement soutenu par le groupe socialiste permettra, s’il est adopté, d’atténuer l’effet de masse que j’ai évoqué.

Monsieur le secrétaire d’État, vous oubliez un peu vite que les fonctionnaires ont choisi la fonction publique en pesant les contraintes et les avantages de son statut. La disparition d’un droit, même un peu étalée dans le temps, est vécue comme un mauvais coup. Les nombreux témoignages de désappointement qui nous ont été adressés le montrent bien. Pour le dire très clairement, il s’agit d’une rupture de contrat !

M. Jacques Mahéas. Comme l’a indiqué Mme Tasca, le dispositif de départ anticipé à la retraite après quinze ans de services concerne non pas quelques fonctionnaires, mais 20 % des agents de la fonction publique d’État, 50 % de ceux de la fonction publique hospitalière et 60 % des effectifs de la fonction publique territoriale.

Par ailleurs, l’article 24, que nous examinerons ensuite, durcit les conditions d’attribution du minimum garanti de pension, en imposant désormais de justifier du taux plein. Cela signifie que les agents partant à la retraite de manière anticipée ne pourront plus prétendre au minimum garanti, ce qui aura une incidence importante sur le montant de leur pension. De plus, la décote subsiste.

Ces départs anticipés à la retraite auraient pourtant pu permettre de libérer, tant dans nos collectivités territoriales que dans la fonction publique hospitalière ou dans la fonction publique d’État, un certain nombre d’emplois pour les jeunes.

D’une façon générale, les fonctionnaires sont manifestement dans votre ligne de mire. Toutes ces mesures sont porteuses de régression ! Leur présentation participe d’une technique éprouvée : vous gommez sciemment les spécificités de la fonction publique, vous enfoncez sans cesse des coins dans le statut des fonctionnaires. Vous avez ainsi institué le CDI de droit public, à la place du concours,…

M. Georges Tron, secrétaire d'État. C’est la directive européenne !

M. Jacques Mahéas. … autorisé l’emploi intérimaire, facilité le recours aux non-titulaires… D’ailleurs, la situation est à ce point difficile que, dans l’éducation nationale, on en est venu à dire aux chefs d’établissement de chercher eux-mêmes des remplaçants, tant on peine à en trouver. Nous connaissons tous des cas de non-remplacement d’enseignants.

J’ajoute que vous avez créé une procédure de licenciement économique dans la fonction publique et multiplié les dispositifs de rémunération au mérite. La liste est longue des accrocs au statut de la fonction publique ! Défenseur inconditionnel de la fonction publique, laquelle est, j’en suis de plus en plus persuadé, un facteur d’équilibre pour notre pays, je ne puis accepter ces attaques successives.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le secrétaire d’État, vous feignez de présenter les quelque cinq années de sursis à l’extinction du dispositif comme une reconduction, certes limitée dans le temps, d’une mesure vertueuse relevant du passé.

Je signale au passage que ce dispositif a perdu quelques plumes. Les femmes fonctionnaires ayant eu au moins trois enfants pouvaient jusqu’à présent partir à la retraite au bout de quinze ans de services ; désormais, elles devront en outre avoir interrompu leur activité professionnelle pour élever leurs enfants, et la première naissance devra avoir été précédée d’une certaine période de cotisation.

M. Guy Fischer. Très bien ! Voilà la vérité !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Vous parlez d’un autre dispositif !

Mme Marie-Christine Blandin. Par ailleurs, vous invoquez les foudres de la Commission européenne. M’occupant beaucoup de questions environnementales, j’ai pourtant pu constater avec quelle facilité vous vous asseyez sur toutes les directives et toutes les préconisations européennes ! Par exemple, vous ne respectez pas la directive-cadre sur l’eau : vous laissez les éleveurs de porcs polluer les eaux en Bretagne !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Ce n’est pas du tout la même chose !

Mme Marie-Christine Blandin. Dans ce domaine, l’Europe ne compte pas pour vous, vous ne l’écoutez pas ! Vous n’invoquez la réglementation européenne que lorsque cela vous arrange ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 et 189, tendant à supprimer l’article 23.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est de l’obstruction ! (Sourires.)

M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 50 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 153
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 927, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Les alinéas 1 à 6 de l’article 23 sont très importants, car ils suppriment, à compter du 1er janvier 2012, le droit à un départ à la retraite anticipé pour les femmes ayant eu au moins trois enfants et comptant quinze ans de services.

Visiblement, monsieur le secrétaire d'État, vous ne vous sentez pas concerné par la pénibilité du travail des infirmières, des aides-soignantes et autres agents publics qui sont les principales utilisatrices de cette mesure.

Dans le secteur public comme dans le secteur privé, vous vous en prenez frontalement aux salariés dont les conditions de travail sont les plus pénibles. Vous voulez les obliger à travailler le plus tard possible, sans manifester la moindre considération pour tous les services rendus. Vous n’avez qu’un seul objectif : récupérer 900 millions d’euros en 2020 dans la poche de ces salariés qui, je le répète, sont le plus souvent des femmes. Leur pension sera diminuée de 20 % à 25 % par rapport à ce qu’elles auraient touché avec l’application des règles de calcul antérieures à 2004, certains syndicats estimant même que leur retraite pourrait être amputée de 30 % à 40 % selon le moment du départ à la retraite. Quelle liberté de choix leur restera-t-il donc ?

Il est exact, monsieur le secrétaire d'État, que cette mesure existe depuis 1924. Les gouvernements qui se sont succédé depuis cette époque auraient-ils tous eu tort de ne pas la supprimer ? Faut-il rappeler que de nombreux textes remontant au début du xxe siècle sont toujours en vigueur et continuent de régir des pans entiers de notre vie quotidienne ou d’affirmer des valeurs auxquelles nous sommes très attachés ?

Pourquoi supprimer ce dispositif alors qu’il répond à un réel besoin ? De nombreuses femmes ont organisé leur carrière en s’appuyant sur cette possibilité, mais, à l’évidence, vous n’en faites aucun cas. Vous avez créé parmi elles un véritable climat de panique en annonçant de façon aussi brutale une telle mesure, applicable rétroactivement.

Les nouvelles conditions que vous imposez au travers de cet article pénaliseront de façon importante des femmes fonctionnaires qui ont travaillé au service de nos concitoyens. Vous allez les placer dans des difficultés telles qu’elles devront partir à la retraite avec des pensions incomplètes. Un quotidien a ainsi pu titrer : « Fonctionnaires avec trois enfants : partez vite ! »

Dans les lettres que nous recevons sur ce sujet, la colère n’a d’égale que l’incompréhension. L’une d’entre elles fait même état de la crainte et du mépris qu’inspirent vos mesures.

Mes chers collègues, je vous demande d’entendre ce que ces femmes nous disent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 927.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 51 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 153
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 190, présenté par M. Domeizel, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

Les conditions d'ouverture du droit liées à l'enfant doivent être remplies à la date de la demande de pension.

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’en reprends le texte, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1231, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, qui reprend le contenu de l’amendement n° 190.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le fonctionnaire parent d’un enfant handicapé peut bénéficier d’un départ anticipé à la retraite à la condition que cet enfant soit vivant au moment de la radiation des cadres ou, en cas de décès, qu’il ait été élevé pendant neuf ans avant l’âge de 16 ans ou de 20 ans.

L’état du droit impose actuellement aux régimes de retraite de vérifier la condition de l’enfant vivant au moment de l’examen des droits à pension, puis, une nouvelle fois, après la mise en paiement de la pension, afin de constater que la condition a été remplie à la date de radiation des cadres.

Afin de faciliter le traitement du dossier de pension et d’éviter tout retard, nous proposons que cette condition soit vérifiée uniquement lors de l’examen des droits à pension. Elle pourrait ainsi être appréciée au moment où l’ensemble des droits sont étudiés, sans qu’il soit besoin de procéder à une nouvelle vérification après l’âge de la radiation des cadres. Cet amendement vise à modifier en conséquence le III de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. M. Domeizel étant seul signataire, nous n’avons pu défendre l’amendement n° 190. Nous prenons acte de sa reprise par la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1231.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 314, présenté par Mme Debré, MM. Laménie, J. Gautier, Lardeux, Vasselle, Milon, Pinton et Vestri, Mme Rozier, M. Dériot, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. P. Blanc et Gournac, Mmes Hermange, Goy-Chavent et Bout et M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 10

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

c) Le mot : « officier » est remplacé par le mot : « militaire » ;

La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Cet amendement vise à étendre aux militaires non officiers le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite lorsqu'ils sont parents d'un enfant atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %.

En effet, cette possibilité est actuellement réservée aux seuls officiers, ainsi qu’aux civils. Or il paraîtrait pour le moins équitable que les militaires non officiers, hommes du rang et sous-officiers, bénéficient des mêmes droits que les autres assurés relevant du régime des militaires et que les fonctionnaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Étendre à tous les militaires parents d’un enfant handicapé la possibilité de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite semble une telle évidence que nous n’avons pu que souscrire à cet amendement. La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet évidemment un avis favorable sur cet amendement. Je remercie Mme Debré d’avoir corrigé une situation qui n’avait strictement aucune justification.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous ne pouvons que soutenir l’amendement présenté par Mme Debré. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Exceptionnellement, nous soutiendrons une proposition de Mme Debré ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 314.

M. Jean Desessard. Il n’y a pas de scrutin public ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 930, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 13 à 15

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez d’abord voulu pénaliser celles et ceux qui n’auraient pas déposé leur dossier de demande de départ anticipé à la retraite avant le 13 juillet 2010, puis, devant le tollé,…

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Quel tollé ?

M. Robert Hue. … vous avez repoussé cette échéance au 31 décembre 2010. Ce n’est pas mieux, c’est seulement moins mauvais…

Pour vous, une telle démarche était normale, puisqu’elle avait déjà été imposée en 2003 lors de la réforme des majorations pour enfants et de l’indemnité de retraite outre-mer. Toutefois, c’était ne pas tenir compte de la jurisprudence constante de la juridiction administrative, qui fait dépendre le droit de la date d’effet de la retraite du premier jour de cette dernière, et non de la date de demande.

Pour les demandes de départ à la retraite présentées à partir du 31 décembre 2010, le mode de calcul de la pension relèvera des dispositions de la loi Fillon, suivant les conditions de l’âge d’ouverture du droit, c'est-à-dire 60 ans en général et 55 ans pour les services actifs. Ainsi, en particulier, la décote s’appliquera.

De même, les mères dont la durée d’assurance n’est pas complète perdront le bénéfice du minimum garanti, qui a concerné 36 % des départs anticipés pour motifs familiaux en 2008. La perte financière pour les femmes pourra atteindre 30 %.

Ce dispositif de départ anticipé à la retraite a été utilisé par de nombreuses femmes ayant travaillé dans le secteur public depuis 1924, et ce n’est que justice. Mais, dans son rapport de 2008 intitulé « Retraites : droits familiaux et conjugaux », le COR a considéré qu’il échappait aux règles de calcul de la retraite en fonction de l’année de naissance qui s’appliquent à tous.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, à l’instar du COR, vous avez comparé ce dispositif à une préretraite à un âge jeune et vous avez estimé, avec la Commission européenne, qu’il était discriminatoire à l’égard des hommes ! C’est toujours au nom de l’alignement sur le droit commun que vous réduisez les droits acquis par les salariés, surtout lorsqu’il s’agit de femmes, comme dans le cas présent.

Dans ces conditions, le dispositif transitoire des alinéas 13 à 15 va, dans les faits, contraindre nombre de femmes à un départ précoce, au risque d’une réduction du montant de leur pension pouvant aller jusqu’à 30 %. Nous y sommes fermement opposés et demandons donc la suppression de ces alinéas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)