Mme Alima Boumediene-Thiery. Avec cet article 25 quater et les suivants, le Gouvernement propose tout simplement de démanteler notre système de santé au travail, comme plusieurs de nos collègues viennent de l’exposer. (Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. Philippe Dallier. Cela faisait longtemps !

M. André Trillard. Changez de disque !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mais c’est la réalité !

Depuis l’introduction de ces articles portant réforme de la médecine du travail, monsieur le ministre, nous avons tous reçu de nombreux courriers de protestation des syndicats, qui dénoncent l’abandon de notre système au profit des employeurs.

Cet après-midi, un cortège de médecins du travail assez important participait à la manifestation. Tous disaient craindre de ne pouvoir exercer leur métier en toute transparence et en toute indépendance. Il fallait les rencontrer !

Comme vous le savez, les inégalités en matière d’espérance de vie selon les métiers existent et les risques psychosociaux augmentent dans l'ensemble des secteurs professionnels. Il est donc important que des études épidémiologiques et ergonomiques soient menées en toute indépendance par rapport à l’employeur et bienveillance à l’égard des porteurs d’alerte.

Pour faire suite au projet du Gouvernement, voici ce que m’a rapporté tout à l’heure un médecin du travail qui venait de Grenoble.

Les visites systématiques ne sont pas une perte de temps ; elles permettent l’écoute et le dépistage précoce de dangers individuels et collectifs.

Le « tiers temps » du médecin du travail pour étudier les postes en lien avec les constats cliniques ne peut être réduit, même si le travail pluridisciplinaire avec infirmiers, ergonomes, épidémiologistes est susceptible de renforcer la capacité d’analyse du service.

Mais ces compétences doivent se coordonner avec la médecine du travail et non la remplacer, comme le souhaite la direction.

Parfois des ergonomes rattachés à des DRH se voient interdire de faire connaître leurs constats, alors que le statut du médecin du travail donne une autonomie, même s’il est toujours possible de mettre le médecin à l’écart ou de le licencier s’il diffuse certains constats.

Enfin, une structure nationale et régionale garantissant l’emploi des médecins du travail et des autres « préventeurs », avec financement des employeurs, peut réduire les pressions si un comité de gestion fait une large place aux représentants du personnel.

Voilà ce que nous disent les médecins du travail, monsieur le ministre. Nous, nous les avons écoutés ; mais peut-être pas vous ?

Par conséquent, nous proposons la suppression de l’article 25 quater, et nous vous demandons surtout qu’un véritable débat sur la médecine du travail ait lieu dans la sérénité et la concertation. Cet article sacralise une dérive déjà existante, qui consiste à favoriser les intérêts des employeurs. Aussi, mes chers collègues, je vous demande de ne pas l’adopter.

M. le président. L’amendement n° 364 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l’amendement n° 411.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt, mais je tiens à vous dire que vos propos sont inacceptables lorsque vous affirmez que nous ne connaissons rien au monde du travail ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)

Mme Isabelle Debré. Il ne vous a pas tous visés !

M. Alain Gournac. Seulement ceux qui racontent des âneries !

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, j’ai commencé à travailler à quinze ans. Je n’ai fait ni HEC ni l’ENA, et je n’en rougis pas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez raison !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je me suis construit tout seul et j’ai travaillé. Je connais donc le monde du travail. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Cela vous dérange ? (Mêmes mouvements.)

M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je peux m’arrêter ! On a bien compris que le fait de parler du monde du travail vous dérangeait vraiment, surtout lorsqu’il s’adresse à vous ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)

Mes chers collègues, je sais ce qu’est le travail pénible et je sais aussi que certains en meurent.

Monsieur le ministre, je vous invite dans notre ville, pour voir les victimes de l’amiante dans les constructions navales, et dans la vallée de Condé-sur-Noireau, que l’on appelle aussi « la vallée de la mort ».

Venez voir les anciens de ces entreprises-là se promener. Ils sont peut-être encore vivants, mais ils ont des tuyaux dans les narines et traînent leur bouteille d’oxygène derrière eux pour pouvoir encore se déplacer et faire leurs courses !

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous en sommes là parce qu’il y a eu faillite de la prévention, des lacunes et des manquements. À l’époque, le Comité permanent amiante expliquait que ce n’était pas grave et donnait comme conseils au Gouvernement de ne pas interdire l’amiante, car des normes avaient été fixées et il n’y avait donc aucun risque à respirer tant de particules d’amiante par litre d’air.

Mais on s’est aperçu que c’était faux et que les gens en mouraient ! Voilà pourquoi la médecine du travail est importante pour ceux qui sont vraiment au travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

J’ai vu des camarades mourir de l’amiante, une mort à petit feu par asphyxie !

M. Éric Woerth, ministre. L’amiante, on le respirait aussi quand vous étiez au pouvoir, et c’est un gouvernement de droite qui en a interdit l’usage !

M. Gérard Longuet. Il a fallu attendre M. Barrot !

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous affirmez, je connais le monde du travail !

M. Alain Gournac. Qui a interdit l’amiante ? C’est nous !

M. le président. Un peu de sérénité, je vous en prie !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous ne pouvez pas porter une telle accusation à notre égard, monsieur le ministre.

Tout a été fait, avez-vous affirmé. Mais je ne cherche pas à dire que les prédécesseurs n’ont rien fait.

Quant à M. Barrot – souvenez-vous, ce devait être en 1976 –, il est à l’origine non pas de l’interdiction de l’amiante, mais de son interdiction dans certaines fabrications. L’interdiction totale est venue après !

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, demandez à vos conseillers si c’est vrai ou non !

Par conséquent, il ne faut pas lancer de telles affirmations ! C’est bien pour faire des effets de manches à une tribune ou vis-à-vis de la presse, mais ce n’est pas vrai !

M. Éric Woerth, ministre. L’interdiction totale date de 1996 !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous avez affirmé aussi que rien n’avait été fait auparavant. Mais c’est bien Martine Aubry et la gauche qui sont à l’origine du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, ainsi que du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA !

Par conséquent, cessez ces invectives contre nous, surtout sur le dos des travailleurs ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Monsieur Godefroy, mes chers collègues, un peu de sérénité !

M. Jean-Pierre Godefroy. Rien que pour cela, il faut voter contre cet article ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, je voudrais dissiper un malentendu.

Monsieur Godefroy, je n’ai rien dit de tout cela et votre intervention est sans rapport avec les propos que j’ai tenus ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Ce procès d’intention est d’autant plus anormal que nous respectons les victimes de l’amiante. Sur ce sujet de l’amiante, les gouvernements de droite ont fait ce qu’ils devaient faire, tout comme vous probablement. On a aussi respiré des particules d’amiante sous des gouvernements de gauche, car le nuage de l’amiante ne s’est pas arrêté à un moment donné. Les gens en ont souffert longtemps !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il a tout de même fallu vingt ans de batailles menées par les associations de malades !

M. Éric Woerth, ministre. Aujourd’hui, un dispositif de lutte est mis en place. L’utilisation de l’amiante a été totalement interdite par M. Barrot en 1996, et c’est tant mieux ! Cela ne fait pas si longtemps : quatorze ans. L’amiante, c’est une longue chaîne, et tout le monde est particulièrement horrifié par ce qui arrive aux victimes.

Monsieur Godefroy, je n’ai jamais dit que vous ne connaissiez pas le travail.

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous l’avez dit !

M. Éric Woerth, ministre. Qui peut se permettre de dire cela ? (Vous ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Du calme ! Laissez M. le ministre répondre à M. Godefroy.

M. Éric Woerth, ministre. Je vous parle du droit du travail, non du travail !

J’ai dit que le parti socialiste avait investi le champ de l’emploi, et non du droit du travail, des conditions de travail.

M. Éric Woerth, ministre. Je n’ai pas dit que vous ne connaissiez pas le travail. Tout le monde connaît le travail et, heureusement, en a eu !

Faites bien la différence, autrement on dérape très vite et on en vient au procès d’intention. Encore une fois, je n’ai jamais dit ce que vous prétendez avoir entendu ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l’amendement n° 991.

M. Bernard Vera. Contrairement à ce que vous venez d’affirmer, monsieur le ministre, cet article n’est rien d’autre qu’un cavalier législatif.

M. Bernard Vera. En effet, au mépris des organisations syndicales et des spécialistes de la prévention des risques professionnels, il réorganise et redéfinit la médecine du travail par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.

Au-delà du procédé antidémocratique, c’est véritablement le cœur de métier des médecins du travail qui est malmené, puisque ces derniers seront réduits à ne faire que de l’hygiène industrielle, comme nous l’ont indiqué les médecins du travail que nous avons rencontrés.

Alors que, actuellement, ils définissent et mettent en œuvre leurs missions, ces tâches reviendront désormais aux services de santé au travail et à leur direction, donc aux employeurs.

Monsieur le ministre, ce transfert de responsabilité réduit leur indépendance à leur protection statutaire que vous n’avez pas osé toucher. Mais, malheureusement, et vous le savez, elle ne suffit pas.

Un employeur mécontent des rapports d’un médecin du travail peut demander aux services interentreprises que celui-ci soit remplacé par un de ses collègues. Lorsque le service de santé est organisé en interne, le médecin du travail est un salarié de l’entreprise et est donc susceptible de faire l’objet de diverses manœuvres d’intimidation.

La mainmise du patronat sur la santé au travail est d’autant plus prégnante qu’il est également indiqué que « les missions des services de santé au travail sont précisées, sans préjudice des missions générales prévues à l’article L. 4622-2 et en fonction des réalités locales ».

La commission a d’ailleurs jugé utile de renommer le chapitre IV « Aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail ». Cela a au moins le mérite de la clarté !

Les médecins du travail sont ainsi réduits à n’être que de simples exécutants au service de leur employeur pour mettre en œuvre une des obligations patronales pourtant prévues à l’article L. 4121-1 du code du travail : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »

Les médecins du travail vont ainsi se retrouver tiraillés par des injonctions contradictoires. D’un côté, ils devront se soumettre aux missions du service de santé au travail, et, de l’autre, ils devront répondre à leur code de déontologie.

Comment, dans un tel contexte, leur permettre de mener à bien leur mission, c’est-à-dire prévenir les atteintes à la santé au travail et accompagner les salariés en souffrance ?

L’article 25 quater, en marquant un recul grave d’une politique de prévention des risques professionnels indépendante de toute pression, dénature complètement l’esprit de la loi de 1946 qui créa la médecine du travail. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir le supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 263, 411 et 991 ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’ai écouté avec attention tout ce qui s’est dit, mais j’aimerais bien qu’on en revienne au cœur du sujet. Même si le débat est passionné, de grâce, écoutez-vous les uns les autres ! Des propos excessifs ont été tenus... (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ai rien dit !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. À chaque fois qu’on parle, madame, vous êtes là à crier et, après, vous vous plaignez que le ton monte ! Vous ne vous en rendez même plus compte.

Faites attention et respectez les autres ! Certes, il est normal, dans une assemblée, d’apporter la contradiction, mais si chacun crie plus fort que l’autre et que nous ne nous écoutons pas, nous ne ferons pas avancer le débat !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous entendez des voix !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Vous avez reconnu que la commission avait tenté d’améliorer le texte, en commençant par le structurer en évoquant la prévention et la préparation.

En matière de prévention et de pénibilité, une chose est incontournable, c’est le code du travail ! D’ailleurs, la médecine du travail figure dans ce code-là et non dans le code de la santé publique.

Ainsi, l’article L. 4622-3 du code du travail précise « Le rôle des médecins du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé. »

Dans cette logique, nous avons rencontré tous les médecins du travail représentatifs – médecins syndiqués, professeurs – et même l’Ordre des médecins. C’est à partir de leurs réflexions que nous avons essayé d’écrire quelque chose et, hormis quelques points de détail qui ne leur plaisaient pas, ils étaient globalement satisfaits et nous demandaient d’aller un peu plus loin.

Inutile de nous jeter à la tête nos lettres respectives ; nous en recevons tous ! Je n’ai pas demandé qu’on me les écrive ; je ne connais pas mes interlocuteurs et eux ne me connaissent pas non plus.

Prenez garde à ce qui se dit à l’extérieur ! On nous regarde. Or cela fait huit jours que, dans la presse spécialisée, on ne lit plus de critiques sur le texte.

Dans les manifestations, vous avez, dites-vous, rencontré des médecins mécontents. Mais les points de vue exprimés dans ces manifestations, comme il y en a eu aujourd'hui, portent sur la réforme dans sa globalité. Ils ne reflètent pas obligatoirement l’avis de ceux qui ont travaillé la question, étudié le texte et suivi les débats. Voilà la vérité !

Revenons-en donc à l’essentiel : le texte !

Le médecin du travail serait sous la coupe du patron ? Diable ! Mais, je vous l’ai dit, nous avons réécrit l’article L. 4622-4 – c’est l’alinéa 8 de l’article 25 quater – avec eux, pour préciser qu’ils agissent « en coordination » ! La version de l’Assemblée nationale était totalement différente. Maintenant, ils en sont contents. Que faire de plus ? Je ne sais pas.

Monsieur Sueur, nous vous avons écouté avec attention. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous vous écoutons toujours avec attention ! Parfois, votre propos nous agace un peu, car le ton est assez dérangeant. Mais vous ne vous en rendez peut-être pas compte... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Écoutez-moi ! Vous avez cité le troisième alinéa de l’article L. 4622-10 du code du travail. Lisez le projet, nous l’avons repris intégralement. Que pouvons-nous faire de plus ? Dites-le-moi, parce que je ne sais plus. Soyez raisonnable et revenons à la définition du texte !

J’ai lu le rapport Conso-Frimat, notamment sa conclusion. Elle est essentiellement consacrée aux statuts et à l’évolution statutaire. En un mot, ils se tourmentent à leur sujet. C’est leur droit mais je ne pense pas que ce soit ce qu’on attendait des conclusions de ce rapport.

Monsieur Sueur, comme je vous l’ai dit, j’ai reçu plusieurs dizaines de lettres. Permettez-moi de vous en lire une dernière. Son auteur ? Thierry Lasfargues. Je ne le connais pas et ne l’ai jamais rencontré.

Voici ce qu’il m’écrit : « Monsieur le sénateur, en tant que médecin du travail en exercice, il m’apparaît que le projet de réforme des services de santé au travail attaché au projet de loi portant réforme des retraites comprend des dispositions qui constituent un progrès important au regard de la mission spécifique dévolue à la santé au travail, même si, sur certains points, elles devront être précisées et améliorées par les décrets à venir. » Donc, un peu d’humilité les uns et les autres !

Il conclut ainsi : « Compte tenu de ces aspects positifs et conscient de la nécessité d’une réforme rapide de la santé au travail, … » – qui nous a fait le reproche d’être opportunistes et guidés par le MEDEF ? – « … je souhaite voir approuvées les dispositions principales du projet de réforme de la santé au travail qui est soumis à votre assemblée. »

Tout est dit, je ne peux pas faire plus ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

Ce que je souhaite, c’est que tout le monde puisse s’exprimer – on ne peut pas tous dire la même chose, ce serait ennuyeux (Sourires.) – et que la discussion progresse.

Nous abordons ce soir la question de la médecine au travail dans le secteur privé. Monsieur le ministre, inversons les choses pour une fois et intéressons-nous à la fonction publique, car le problème de la souffrance au travail s’y pose également, comme l’a souligné la mission d’information sénatoriale sur le mal-être au travail.

Pour en revenir au trois amendements identiques de suppression de l’article 25 quater, la commission a émis un avis défavorable. En effet, leurs auteurs souhaitent écarter d’un revers de main non seulement le travail de la commission, mais surtout le projet du Gouvernement.

M. David Assouline. Je n’ai pas compris !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je ne suis pas allé à la même école que vous !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Revenons à nos moutons, c’est-à-dire à ce qui était au cœur de nos préoccupations. Comme nous l’avons dit – et nous voyons la passion que suscite ce débat –, cet article 25 quater et toutes les dispositions qui ont trait à la médecine du travail n’ont pas leur place dans un projet de loi portant réforme des retraites.

Nous avions souhaité que ce sujet fasse l’objet d’un texte spécifique et, à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, vous aviez souscrit à cette proposition,

Aujourd’hui, notre opposition repose véritablement sur ce qui a été l’expression des médecins du travail. Sans doute n’avons-nous pas les mêmes relations, les mêmes contacts, ne côtoyons-nous pas les mêmes publics, mais les médecins du travail ont été unanimes à dénoncer votre initiative tant sur la forme que sur le fond. Pourtant, vous osez encore prétendre que vous voulez revaloriser leur fonction !

Depuis des années, et surtout depuis l’échec des négociations, nous considérons que tout ce qui a été fait pour cette spécialité est allé dans le sens de la régression. On sait la part que le MEDEF, la CGPME y ont prise. (Protestations sur les travées de l’UMP.)

Je n’ai pas voulu prendre tous les dossiers les concernant mais nous avons reçu comme vous tous des lettres très militantes du MEDEF, et surtout de la CGPME ! Et dans quels termes !

Mme Odette Terrade. Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cessez donc de jouer les vierges effarouchées !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Nous, nous en avons reçu de la CGT !

M. Guy Fischer. Aujourd’hui, entre la majorité et ces deux organisations, ces deux partenaires sociaux, il y a une volonté d’agir vite pour démanteler la médecine du travail.

M. Guy Fischer. C’est le mot qui convient !

Vous méprisez les partenaires sociaux puisque la réforme de la médecine du travail était en cours de négociation. Et ce n’est pas parce qu’ils n’avaient pas encore réussi à se mettre d’accord que vous deviez agir ainsi.

J’ajoute que la manière dont vous conduisez cette réforme traduit également un mépris à l’égard des parlementaires. J’en veux pour preuve le dépôt inopiné de votre amendement à l’Assemblée nationale. Leur temps de parole étant épuisé à ce stade du débat, les députés n’ont pas pu s’exprimer sur vos propositions et le débat n’a pas pu avoir véritablement lieu.

Mme Catherine Procaccia. Vous avez tout loisir de vous exprimer au Sénat !

M. Guy Fischer. C’est un véritable coup de force que vous avez orchestré à l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Regardez les choses telles qu’elles sont !

Vous vous vantez de respecter et de faire respecter le dialogue social ; c’est faux !

Monsieur le ministre, ici-même, le 5 octobre dernier, vous vous félicitiez de l’issue en commission mixte paritaire du projet de loi sur le dialogue social dans les TPE alors que, de l’aveu général, y compris des rapporteurs, ce fut un véritable fiasco !

Nous sommes donc absolument opposés à cet article, et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression. Nous aurons l’occasion, au fil des amendements suivants, de développer notre point de vue sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Bariza Khiari applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis très sensible à tous les appels à la sérénité, propice au bon déroulement de notre discussion, monsieur le rapporteur. Que personne n’irrite personne ! (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.) Toutefois, nous ne pouvons pas laisser sans réponse – et le débat consiste précisément à se donner la possibilité de répondre – ce qui a été dit par M. le ministre.

Monsieur le ministre, vous avez d’abord expliqué que les socialistes s’intéressaient à l’emploi mais non au travail.

M. André Trillard. C’est bien connu !

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est une absurdité totale !

Je me souviens très bien du vote des quatre lois Auroux, que j’ai soutenues, à l’Assemblée nationale. Pendant des jours et des nuits, MM. Madelin, Toubon et beaucoup d’autres – la liste est longue ! – étaient mobilisés contre l’ensemble des dispositions contenues dans ces lois. C’est la vérité.

Aujourd’hui, on a entendu de votre part : « Le droit du travail, c’est nous ! » Pendant une minute, deux minutes, c’est revenu comme un refrain : « C’est nous, c’est nous ! » Je pensais que vous alliez dire : « Le Front populaire, c’est nous ! » Et conclure par : « Mai 68, c’est nous, c’est nous ! » (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Caffet. Et le Cartel des gauches !

M. Jean-Pierre Sueur. Dites plutôt : « Tout est nous ! »

Monsieur le ministre, ce genre d’argument tombe de lui-même.

En guise de deuxième argument, nous avons eu droit au syndicat SUD. Nos propositions, dites-vous, en émaneraient et M. Godefroy en serait le porte-parole.

Et puis vous en arrivez à nous parler de M. Filoche, du présent et du passé de M. Filoche. Tout cela est très intéressant…

Mme Odette Terrade. C’est scandaleux !

M. Éric Woerth, ministre. Alors, cessez de nous parler du MEDEF !

M. Jean-Pierre Sueur. Voulez-vous que je vous parle du présent et du passé de tel ou tel, monsieur le ministre ? Mais en quoi cela a-t-il un rapport avec le sujet qui nous occupe ?

Ensuite, on a eu droit – je parle avec beaucoup de modération, puisque je vous cite – à : « Tous les journaux disent la même chose. » L’ensemble de la presse, des médias et toutes les tribunes se seraient donc ligués contre la réforme très opportune que vous proposez !

M. Jean-Pierre Caffet. C’est un complot !

M. Jean-Pierre Sueur. Il suffit de répéter ce que vous dites pour que chacun comprenne que cela n’a pas de sens. Pourquoi employez-vous de tels arguments ? J’essaie de comprendre.

Vous nous dites ensuite que l’on ne trouve plus de médecins du travail. Mais on ne trouve pas non plus de médecins anesthésistes, d’obstétriciens,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …d’ophtalmologistes !

M. Jean-Pierre Sueur. … on ne trouve pas de médecins pour aller dans la Creuse, dans le Cantal, dans certains cantons ruraux. C’est un vrai problème, on le sait bien, auquel nous sommes tous confrontés. Il faudra un jour prendre des mesures pour que le droit à la santé soit autre chose que l’addition des décisions individuelles des praticiens, parce que la somme des décisions individuelles ne produit pas le bien commun en matière de santé publique. Et cela vaut dans tous les cas.

Il n’y a pas assez de médecins du travail, prétendez-vous. Et pourquoi, dans certains cantons ruraux de mon département, n’y a-t-il pas de médecins anesthésistes ? Je veux bien qu’on ait ce débat, mais en quoi fait-il avancer le sujet de la médecine du travail ?

Ensuite, vous nous objectez qu’il n’y a pas que les visites individuelles. Pour préparer ce débat – je ne suis sans doute pas le seul –, j’ai reçu un certain nombre de médecins du travail. Tous, sans exception, m’ont confié qu’ils tenaient comme à la prunelle de leurs yeux à un équilibre entre les visites individuelles, absolument nécessaires, et le fait de pouvoir travailler collectivement sur un certain nombre de sujets de prévention, de sujets d’intérêt général.

Il n’y a pas, contrairement à ce que vous affirmez, ceux qui seraient pour la visite individuelle et ceux qui seraient pour avoir une vision plus large. Aucun médecin du travail ne défend cela !

Ensuite, on a eu droit au fait que, quand bien même l’Ordre des médecins s’était exprimé, ce qu’il disait n’avait pas beaucoup d’importance, puisque, de toute façon, il était influencé par le syndicat SUD.

Mes chers collègues, qui peut donner crédit à ce genre de raisonnement ? Personne ! Donc, on n’est pas dans le sujet, monsieur le ministre. Ce n’est pas parce que quelqu’un dit que votre projet a été écrit sur la table de Mme Parisot qu’il faut répondre que le syndicat SUD a grandement influencé l’Ordre des médecins. Tout cela est nul ! Disons-le et parlons du sujet ! (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)