M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis identique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 831.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1093, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les conditions de mise en œuvre du présent article et ses effets en termes de réduction des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes font l'objet, au plus tard au 31 décembre 2011, d'une évaluation.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. La question de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes doit être suivie le plus précisément possible, comme l’ont précédemment rappelé l’ensemble des orateurs, majoritairement féminin.

Selon l’article 31, les entreprises ne seront pénalisées qu’au terme d'un processus relativement complexe puisque les éléments de mesure objective des efforts accomplis vont manquer, notamment les indicateurs, déterminés par voie réglementaire, retenus dans le cadre du plan d’action. Dès lors, nous craignons de disposer d’éléments très incomplets ou fragmentaires concernant le vécu des femmes salariées. En effet, nombre d’accords sont purement formels et ne comportent aucun élément engageant réellement l’entreprise.

Une véritable évaluation de l’égalité professionnelle suppose un regard sur les politiques salariales de recrutement, de formation et de promotion interne de l’entreprise. Tout autre indicateur n’aurait ni sens ni utilité. Il est de la responsabilité sociale des entreprises de ne pas faire de discrimination entre les hommes et les femmes en ces domaines.

Par exemple, l’ouverture éventuelle d’une crèche d’entreprise aura un goût d’inachevé si, parallèlement, le salaire des femmes cadres continue à être de 20 % à 30 % inférieur à celui de leurs collègues masculins, ou si celui des ouvrières est toujours de 15 % à 17 % inférieur à celui des ouvriers.

Une évaluation complète et régulière est donc indispensable. Nous pouvons nous fixer cette perspective dès l’an prochain. C’est pourquoi nous avons déposé le présent amendement.

Comme l’a dit M. le rapporteur, le travail doit être poursuivi, et notre proposition va dans ce sens. Nous pourrons ainsi savoir si les mesures incitatives que nous avons présentées étaient nécessaires, ou si les dispositions figurant à l’article 31 étaient effectivement suffisantes, comme la majorité l’affirme depuis le début de ce débat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission ne s’oppose pas au principe d’une évaluation, mais en quoi consisterait cette dernière et qui la réaliserait ? Je rappelle que les commissions d’enquête du Parlement sont compétentes en la matière. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis identique.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Dans le cadre de la lutte contre les inégalités professionnelles qu’il nous invite à poursuivre, le rapport établit une forte corrélation entre ces inégalités et le développement du travail à temps partiel. Ce dernier résulte de l’application systématique d’un dogme : celui du « tout-marché », selon lequel il faut dérégler le marché du travail et se rapprocher du modèle anglo-saxon.

Finalement, le travail à temps partiel est devenu une variable d’ajustement de l’activité économique, un facteur de production comme un autre, une charge variable.

Il représente 17 % de l’emploi global et il frappe surtout les femmes. Il représente 31 % de l’emploi féminin contre 5 % de celui des hommes. En fait, la précarité professionnelle des femmes est six fois plus élevée que celles des hommes. Ainsi, elles accomplissent 85 % des emplois à temps partiel et 80 % des emplois à temps partiel imposé, ce cas de figure existant évidemment. Au total, le travail à temps partiel représente 1,2 million d’emplois.

Comme ces emplois sont mécaniquement moins bien rémunérés que les autres, on peut considérer que le travail à temps partiel est l’une des causes majeures des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes.

Peut-on délibérément opter pour le travail à temps partiel ? Évidemment, on a évoqué la fonction publique dans laquelle il pourrait correspondre à un avantage, au demeurant obtenu de haute lutte. Mais deux problèmes de fond subsistent.

Le premier tient aux difficultés qu’éprouvent les femmes à concilier leurs orientations professionnelles avec le désir d’avoir des enfants, en raison du manque de crèches et d’accueil périscolaire. Je rappelle que plus de 50 % des enfants âgés de trois ans sont gardés par leur famille, à commencer, pour des raisons culturelles, par des femmes. N’oublions cependant pas le temps partiel imposé aux femmes par les entreprises de services, pour des raisons de flexibilité externe.

Je voudrais maintenant revenir sur une affirmation hallucinante entendue hier soir, selon laquelle si le travail à mi-temps a pour conséquence pour les femmes la perception d’une pension peu élevée, il faut prendre en compte la solidarité des enfants vis-à-vis de leurs parents âgés. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jacques Muller. Une fois de plus, il s’agit là d’une affirmation complètement déconnectée de la réalité. Il suffit de regarder autour de nous : aujourd’hui, les familles modestes ont du mal à financer les études de leurs enfants et à prendre en charge la dépendance de leurs parents. Elles sont encore plus loin de pouvoir assumer la retraite de ces derniers ! Par conséquent, il n’est pas sérieux de le leur demander.

Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est toute la différence entre vous et nous !

M. Jacques Muller. Le second problème de fond est plus grave encore : c’est la philosophie sous-jacente des promoteurs du projet de loi. Appeler à la solidarité intrafamiliale, c’est tout simplement abandonner le système collectif de retraite. Celui-ci est pourtant le fruit d’un consensus formé après la Seconde Guerre mondiale, visant à ce que chacun puisse décemment vivre la fin de sa vie.

Agir ainsi, c’est une injure à l’Histoire, ainsi, je le crois, qu’au pacte républicain et à la fraternité, qui ne peut être qu’une solidarité collective ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1093.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote sur l'article.

Mme Nicole Bonnefoy. La question de l’égalité entre les sexes ne peut pas être traitée seulement au détour de deux articles d’un projet de loi, en l’occurrence les articles 30 et 31.

En effet, cette question se pose dans chaque article de la réforme proposée, à commencer, bien sûr, par les articles 5 et 6, qui portent un réel coup à tous les travailleurs ayant connu des carrières longues, pénibles ou fractionnées, donc majoritairement aux femmes.

Deux maigres mesures proposées un matin ne peuvent apporter un changement de fond. Ce ne sont que deux gouttes d’eau dans l’injustice que la réforme fait aux femmes qui touchent actuellement une pension de retraite inférieure de 40 % à celle des hommes.

Je trouve également choquant que le Gouvernement puisse se targuer, dans les médias en particulier, de mettre en place des politiques prenant en compte les situations difficiles ou précaires et apportant des réponses aux femmes alors que, dans le même temps, il a fait voter, lors de l’examen de la loi de finances de 2009, la suppression de la demi-part fiscale pour les parents isolés, mesure qui concerne 3,6 millions de Français, dont une grande majorité de femmes.

Il est également choquant de le voir proposer la suppression de l’avantage fiscal consenti aux jeunes couples durant la première année qui suit leur union.

M. le ministre a rappelé à maintes reprises au cours des débats, tant au Sénat qu’à l'Assemblée nationale, que les femmes connaissaient non pas des « problèmes de retraite », mais seulement des « problèmes de carrière ».

Certes, leurs carrières sont plus fractionnées que celles des hommes ; elles comportent des périodes de chômage ou d'inactivité. Les femmes sont aussi dans une situation plus précaire – elles occupent 83 % des emplois à temps partiel – et moins bien rémunérées – elles touchent en moyenne un salaire inférieur de 27 % à celui des hommes. Je suis d'accord avec M. Woerth : mécaniquement, tout cela se répercute sur le calcul des retraites.

Mais cette situation est aussi et surtout le fruit d’une discrimination intolérable de tous les jours, qui se manifeste aussi à travers cette réforme des retraites.

En ne prenant pas suffisamment en compte les carrières à temps partiel, précaires, longues ou morcelées, le Gouvernement prolonge cette discrimination professionnelle jusqu’au moment de la retraite.

Ainsi, il occulte une part importante de femmes qui, pour s’occuper de leur foyer et de leurs enfants, ont couramment recours à des aménagements ou des suspensions temporaires de carrière. Pourtant, cette situation ne relève pas forcément d’une volonté de la mère de rester au foyer. Elle est bien souvent contrainte, et cela a été relevé à de multiples reprises.

Il ne suffit donc pas de proposer quelques avancées éparses pour régler ce problème de fond, qui, pour être traité, nécessite une véritable prise de conscience de la persistance des inégalités et des discriminations. Mais ce n’est pas ce que le Gouvernement fait avec la présente réforme !

Pour conclure, je tiens à répéter que les dispositifs de solidarité au sein des régimes de retraite ne compensent pas efficacement l’impact des enfants sur le calcul des pensions de retraite pour les femmes, comme l’a prétendu pourtant M. le ministre lors de la présentation du présent projet de loi. De telles affirmations sont archi-fausses !

Je vous appelle donc, mes chers collègues, à voter contre l’article 31, qui ne règle pas le fond du problème. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, jusqu’à présent, j’ai enregistré quatorze demandes d’explication de vote. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est ridicule : quatorze fois la même chose !

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.

Mme Claire-Lise Campion. La France vient d’être pointée du doigt par une étude du Forum économique mondial, qui la fait chuter de vingt-huit places. Elle passe ainsi du dix-huitième rang au quarante-sixième rang dans le classement de 2010 concernant l’égalité entre les hommes et les femmes, derrière le Lesotho. Cette chute ramène notre pays à son niveau de 2007.

Après s’être fortement réduit pendant quinze ans, l’écart des rémunérations entre les hommes et les femmes stagne. Rien ne permet donc aujourd’hui d’être optimiste quant à un revirement de situation dans les années à venir.

La France a pourtant beaucoup légiféré. Des accords ont même été conclus, mais ces prises de conscience et ces engagements n’ont jamais été contraignants : pas d’engagement chiffré, aucun engagement déterminé dans le temps, aucune proposition de sanction en cas de non-application.

Si le Gouvernement nous propose aujourd’hui de faire un pas en avant, il réalise également trois pas en arrière. En effet, si l’objectif de la réforme est, comme il le prétend, de garantir un niveau de retraite décent pour toutes et tous, celle-ci devrait comporter des mesures de grande ampleur relatives au marché du travail, afin d’agir durablement en faveur du développement de l’emploi, de lutter contre les contrats précaires, de faire en sorte que les congés parentaux soient partagés à égalité, de rehausser les salaires des femmes, encore victimes d’importantes inégalités à responsabilités égales, et de contraindre les entreprises à appliquer les lois sur l’égalité professionnelle.

Or il n’en est rien ! L’inégalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes continuera à peser encore longtemps.

Que nous propose le Gouvernement pour réduire cette inégalité ? La seule création d’une pénalité financière pour les entreprises qui ne signeraient pas un accord relatif à l’égalité professionnelle ou qui ne mettraient pas en œuvre un plan d’action en la matière. Nous avions d’ailleurs réclamé en vain une telle pénalité financière lors de l’examen de la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Quatre années se sont écoulées depuis …

Cette mesure doit, une fois encore, être relativisée. Le montant de la pénalité, contrairement à ce que certains pourraient croire, ne sera pas automatiquement de 1 % de la masse salariale. En effet, en cas d’absence d’accord ou de plan d’action, l’autorité administrative fixera le montant de la pénalité « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise […] ainsi que des motifs de sa défaillance ».

Il est donc nécessaire de fixer et de publier une grille d’évaluation de ces efforts et de ces motifs à la fois pour préserver l’égalité entre les entreprises et pour que le texte ne risque pas de tomber rapidement en désuétude faute de référence.

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous ne sommes pas dupes. Cette disposition ne saurait à elle seule constituer un dispositif suffisant, complet, de nature à garantir l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Celle-ci repose sur bien d’autres facteurs : la rénovation de la négociation collective ou des mesures relatives au temps partiel, par exemple.

La volonté politique doit être forte et suivie d’effets pour que nous puissions espérer une modification des comportements. Nous ne pouvons nous satisfaire de la multiplication des recours contentieux pour régler la question de l’égalité salariale.

Si je me réjouis de l’arrêt du 6 juillet 2010 de la Cour de cassation, qui a sanctionné des pratiques consistant à justifier des écarts de salaires en raison de fonctions différentes, mais qui étaient en réalité comparables, il nous revient à nous, législateur, de mettre un terme à ces pratiques.

À la lecture de l’article 31, l’engagement du Président de la République en 2007 d’assurer une égalité salariale totale entre les hommes et les femmes en 2010 risque malheureusement de demeurer lettre morte encore longtemps. Voilà pourquoi nous ne le voterons pas.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.

Mme Maryvonne Blondin. Les vraies mesures concernant la retraite des femmes se situent dans l’article 31, qui se veut le fer de lance de l’égalité professionnelle. Reste que, au vu de son contenu, nous pouvons nous interroger sur la réelle volonté du Gouvernement sur ce sujet.

Le Gouvernement nous répond par la mise en place d’une pénalité. Là encore, je lui fais part de mon scepticisme. D’aucuns dans cette enceinte lui ont opposé la loi SRU. Pour ma part, je citerai la pénalité frappant les entreprises et les collectivités ne respectant pas l’obligation d’employer 6 % de travailleurs handicapés : on sait que nombre d’entreprises préfèrent payer une pénalité que de réaliser de telles embauches.

Qu’est-ce que 1 % de pénalité, au maximum, pour les entreprises de plus de 50 salariés quand on sait que plus de la moitié des salariés travaillent dans des entreprises aux effectifs moindres ?

Qu’est-ce que 1 % de pénalité, au maximum, en cas d’absence d’accord sur l’égalité professionnelle quand on sait que la plupart de ces accords ne consisteront qu’en de belles déclarations de principe ou de simples rappels à la loi ? Vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur, les accords d’entreprise seront des coquilles vides.

Qu’est-ce que 1 % de pénalité, au maximum, quand on connaît le caractère aléatoire de l’appréciation qui sera faite par l’autorité administrative chargée de fixer son montant réel ?

L’égalité professionnelle mériterait des mesures plus innovantes, plus contraignantes et, comme M. Woerth l’a évoqué, peut-être une nouvelle loi. Il a maintenant le dossier entre les mains.

Vous le savez, l’iniquité des pensions ne repose pas uniquement sur l’inégalité professionnelle. Elle trouve également sa source dans la condition de la femme dans notre société, dans l’ordre social établi, fondé avant tout sur le patriarcat.

Les femmes n’ont pas besoin d’être protégées. Elles doivent être traitées sur un pied d’égalité. Or, aujourd’hui encore, elles subissent largement les archétypes ancrés dans les mentalités : archétypes favorisant la carrière des hommes à qui il revient d’entretenir la famille, tandis que la femme n’apporte qu’un possible complément de salaire ; archétypes selon lesquels les femmes seraient moins productives en raison de leur maternité ainsi que de leur appartenance au sexe faible. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Gaudin. Ce n’est pas le cas au Sénat !

Mme Maryvonne Blondin. Outre les discriminations avérées, les femmes doivent encore affronter de nombreux obstacles pour obtenir une carrière complète : un taux de chômage supérieur à 11 %, contre 9,7 % pour les hommes ; des responsabilités familiales encore réparties de façon inéquitable ; une politique de la famille et de la petite enfance contraignant souvent à un retrait du marché du travail. Autant d’éléments qui se traduisent par des réductions de leurs droits à la retraite. Cette situation est profondément injuste !

Vous l’aurez compris, nous pensons que l’article 31 et le présent projet de loi ne sont pas à la hauteur des injustices subies par les femmes à la retraite.

Vous auriez pourtant pu tirer les bénéfices d’une vision avant-gardiste en préconisant, par exemple, une réelle déconnexion du temps travaillé et du temps cotisé, ou bien en lissant les effets de seuils des carrières incomplètes.

Vous auriez pu amorcer cette réforme des retraites à l’issue d’une politique de la famille, de la petite enfance et de l’emploi réellement favorable à la situation des femmes.

Vous auriez pu contribuer de cette façon à redonner à notre pays sa position de choix parmi les meilleurs élèves internationaux en matière d’équité entre les hommes et les femmes. À la place, il vous faudra faire face à un constat d’échec et de déception de millions de femmes.

Tout comme mes collègues du groupe socialiste, je ne voterai donc pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Gaudin. Quelle tristesse !

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. À l’instar de mes collègues du groupe socialiste qui se sont exprimés avant moi, je ne voterai pas l’article 31. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Ronan Kerdraon. Le débat que nous venons d’avoir sur l’égalité entre les hommes et les femmes ne m’a absolument pas convaincu, au-delà des bonnes intentions affichées – mais l’enfer est pavé de bonnes intentions –, de la pertinence de ce texte au regard d’une situation d’inégalité criante.

Je vais en rappeler quelques-unes.

Le montant des pensions de droit propre des femmes représente 48 % de celui des hommes, 62 % si l’on inclut les droits dérivés. Pour les générations qui partiront à la retraite entre 2025 et 2030, les pensions des femmes pourraient être encore inférieures de 30 % à celles des hommes.

Pourquoi de telles différences, alors que les taux d’activité féminins ont explosé depuis les années soixante-dix ?

Tout d’abord, les femmes connaissent, on l’a expliqué tout au long de ce débat, des interruptions de carrière, même si celles-ci sont de plus en plus courtes. Chaque année d’interruption se traduit par une baisse de 11 % du salaire.

Ensuite, l’augmentation du taux d’activité a surtout pris la forme d’un travail à temps partiel : 30 % des femmes travaillent ainsi.

Connaissant plus d’interruptions, les femmes doivent travailler plus longtemps avant d’accéder à une retraite à taux plein, ce qui explique le fait que nombre d’entre elles ne liquident aujourd’hui leurs droits qu’à 65 ans. Le recul à 67 ans de l’âge auquel on peut obtenir ce taux plein les frappera donc directement, elles qui sont déjà les plus concernées par la décote, le minimum contributif et le minimum vieillesse.

Par ailleurs, ces déséquilibres se traduisent aussi au sein de la famille où le partage des charges – tâches ménagères, éducation des enfants – reste très largement inégal.

Certes, du droit de vote aux premières lois sur l’égalité professionnelle, en passant par l’IVG, les droits des femmes ont évolué depuis la Seconde Guerre mondiale. Cependant, aujourd’hui, ils stagnent. L’égalité entre les hommes et les femmes aurait donc nécessité un nouvel élan. Les politiques publiques, sociales et familiales auraient pu y contribuer.

Au moment de la retraite, ces inégalités deviennent inéluctables pour les femmes. Celles-ci sont pénalisées par des écarts de pension comparables à ceux des salaires et par des conditions de vie plus précaires. Les retraitées vivant seules – veuves, divorcées ou célibataires – héritent encore plus durement de toute une vie d’inégalités, issues tant du travail que de la vie sociale.

Le présent projet de loi ne répond pas réellement à la volonté de lutter contre ces inégalités. Le Gouvernement se hâte trop lentement. Il aurait pourtant pu, au travers de l’article 31, proposer des mesures dynamiques réellement incitatives. Tel n’est pas le cas.

L’article 31 ne contient que des mesures tièdes, voire mièvres, pour ne pas heurter le MEDEF et Mme Parisot. Il traduit une conception de la femme – on l’a entendu hier à travers les propos de Mme Hermange ou de M. Longuet – quelque peu rétrograde !

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour explication de vote.

Mme Renée Nicoux. Les femmes sont les grandes perdantes de la présente réforme. Nous en avons tous rappelé longuement les raisons.

En 2008, leur pension de retraite s’élevait, en moyenne, à 825 euros par mois, soit un montant inférieur de 40 % à celle des hommes. Aujourd’hui, en ignorant certaines réalités socio-économiques, vous allez précariser encore plus les femmes, les seniors et l’ensemble des personnes ayant eu des carrières longues, difficiles et fractionnées.

L’article 31, tout comme l’article 30 et les deux amendements que le Gouvernement a fait voter lors de la première semaine des débats, n’est qu’un alibi qui lui permet, dans les médias, d’essayer de sauver un peu la face d’un gouvernement qui souffre actuellement.

Mais personne n’est dupe, à commencer par les Français. Le mouvement social s’étend, et de plus en plus de nos concitoyens manifestent leur opposition à cette réforme.

L’inégalité des hommes et des femmes devant la retraite est à la fois la conséquence d’inégalités professionnelles tout au long de leur carrière et d’une inégalité au moment de leur départ à la retraite lors du calcul de leur pension. Cette situation va s’aggraver avec la présente réforme. Il suffit pour s’en convaincre de lire les conclusions de la HALDE ou du COR.

L’article 31 vise à pénaliser les entreprises n’ayant signé aucun accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’ont pas mis en place de plan d’action contre les écarts sociaux. C’est une démarche que nous ne pouvons que soutenir. Cependant, est-elle suffisante ? La pénalité financière de 1 % de la masse salariale au maximum sera-t-elle efficace et surtout suffisamment contraignante ?

Ne faudrait-il pas remonter beaucoup plus en amont pour traiter la question de l’inégalité entre les hommes et les femmes ? En effet, cette problématique ne relève pas seulement des entreprises. Elle est le fruit d’un conditionnement général des femmes, victimes directes ou indirectes de discriminations ; elles se retrouvent, bien souvent malgré elles, dans des situations personnelles et familiales qui les conduisent à mettre leur carrière professionnelle au second plan. La raison principale est l’arrivée d’un enfant.

Pour réduire ces inégalités, il est indispensable de commencer par mettre en place des politiques assurant la prise en charge des enfants, afin que les mères ne soient pas dans l’obligation de suspendre momentanément leur carrière ou de la poursuivre à temps partiel.

De plus, les femmes qui arrivent à mener leurs études et leur carrière comme elles le souhaitent constatent qu’à un niveau de qualification équivalent, elles sont payées 10 % à 15 % de moins que les hommes ; elles sont une minorité à occuper des postes à responsabilité. Là aussi, un problème doit être résolu.

En somme, mettre en place des mesures relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes ne peut se réduire aux deux seuls articles noyés dans une réforme qui, elle, aggrave profondément les inégalités entre les sexes.

C’est pourquoi nous ne voterons pas l’article 31. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur secrétaire d’État, mes chers collègues, l’esprit de la loi compte, certes, mais les paroles proférées par les personnes qui détiennent le pouvoir, notamment les membres du Gouvernement, comptent aussi. Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.

S'agissant des impôts, à chaque fois qu’un élu ou un ministre brandit comme un étendard l’engagement de ne pas les augmenter ou dès que l’on cherche, grâce aux niches fiscales, à en acquitter le moins possible, implicitement, on fait passer le message à nos concitoyens que, payer des impôts, c’est gâcher de l’argent ! On perd une occasion de leur indiquer que, au contraire, ceux-ci permettent de financer des enseignants, des infirmiers, des hôpitaux, des lycées, des universités, des routes, etc.

Quand on refuse de taxer correctement les entreprises ou les personnes les plus fortunées par crainte de délocalisation ou d’évasion fiscale, on perd une occasion d’encourager les personnes fortunées à adopter un comportement citoyen et à ne pas placer leur argent ailleurs qu’en France.

S’agissant des femmes, nous expliquons au Gouvernement depuis plus de deux heures que le présent texte est trop timoré, inutile, etc. Les uns et les autres développent leurs arguments à propos de ce que prévoit, ou ne prévoit pas, le projet de loi ; le ministre ou le secrétaire d’État répond point par point, sans entendre les critiques, mais en justifiant ce qu’il a mis ou omis dans le texte. Ce faisant, le message qu’il adresse aux employeurs est qu’ils peuvent dormir tranquilles et continuer à sous-payer les femmes : il ne va rien se passer !

M. Yves Daudigny. Exactement !

Mme Raymonde Le Texier. Nous aurions voulu que ce texte ne soit pas une mascarade ! Nous aurions voulu que le Gouvernement proclame haut et fort que les inégalités entre les hommes et les femmes – inégalités de traitement, de salaire – sont anachroniques et injustes, que notre pays doit cesser de se trouver en queue de peloton s’agissant de cette question ! Alors, les employeurs auraient commencé à se poser des questions… Malheureusement, rien de tel ne s’est produit.

Les membres du groupe socialiste vont voter contre l’article 31, pour qu’une poignée de parlementaires dise aux employeurs qu’il faut que cela cesse, que notre pays ne doit plus demeurer la lanterne rouge en matière d’inégalité entre les hommes et les femmes, inégalité non seulement injuste, mais aussi anachronique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)