M. Yves Daudigny. Très belle démonstration !

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà quarante ans, et nombre d’entre nous n’étaient pas nés (Exclamations amusées sur plusieurs travées.),…

M. Jean-Claude Gaudin. Les femmes ! (Sourires.)

M. Marc Daunis. Politiquement pas nés !

M. Claude Jeannerot. … Évelyne Sullerot, dans un ouvrage remarquable intitulé Le fait féminin, devenu un classique d’une étonnante modernité, dénonçait l’inégalité sociale et professionnelle entre les hommes et les femmes.

Elle situait l’origine de cette inégalité notamment dans l’image culturelle de la femme, à laquelle la société se référait pour maintenir celle-ci dans des emplois subalternes. Pour sortir de cette situation, elle préconisait un certain nombre de mesures parmi lesquelles l’exercice par les femmes des emplois traditionnellement masculins.

Depuis cette date, reconnaissons-le, comme en témoigne le classement de notre pays sur cette question, la situation, dénoncée avec force et pertinence par Évelyne Sullerot, ne s’est pas améliorée ; elle a même continué de se dégrader.

Il est vrai que l’article 31 du projet de loi peut sembler constituer une voie de progrès. Il prévoit notamment une obligation de moyens, mais son mérite s’arrête-là, car il ne garantit nullement que ceux-ci permettront d’avancer concrètement sur la voie de l’égalité. Les exceptions envisagées, les nuances introduites limiteront considérablement, pour ne pas dire complètement, les effets de cette disposition.

Sous les apparences d’une avancée, cet article n’est en réalité qu’un ersatz de progrès : du fait des exceptions qu’il comporte, il ne permettra pas d’obtenir les garanties escomptées.

Pis, comme l’ont souligné d’autres orateurs avant moi, on peut craindre, compte tenu de ces exceptions, de la timidité de cet article, qu’il ne soit perçu par les entreprises comme un faux-semblant, une invitation molle à avancer sur ce terrain, alors que nous aurions dû faire de la lutte contre les inégalités une priorité partagée par tous, quelles que soient nos sensibilités politiques.

L’égalité entre les hommes et les femmes est un progrès social attendu depuis très longtemps. Nous aurions pu mettre à profit ce texte sur les retraites pour opérer une avancée sur cette question. Ce rendez-vous est manqué et nous le regrettons. C’est pourquoi nous voterons contre l’article 31 ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. La Haute Assemblée a abordé l’examen de la partie de la présente réforme consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes – sujet d’importance s’il en est, M. le ministre l’a lui-même souligné – à trois heures ce matin, l’Assemblée nationale l’ayant examinée, quant à elle, à cinq heures du matin, étant précisé que cette partie ne comporte que trois articles.

Le Parlement en est donc réduit à constater que la considération réelle que le Gouvernement porte à cette question ne trouve pas de traduction à la hauteur, et que les bonnes intentions affichées sont contredites tant par la méthode que par la maigreur de ce texte, et restent purement déclaratoires.

L’article 31, dont nous achevons l’examen, prévoit d’infliger une pénalité financière d’un maximum de 1 % de la masse salariale aux entreprises de plus de 50 salariés qui n’auront pas signé un accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’auront pas élaboré un plan d’action contre les écarts salariaux. Il prévoit également que les modalités de suivi seront fixées par décret.

Il est vrai qu’en l’absence de sanction, et de sanction suffisamment dissuasive, les entreprises font rarement preuve de spontanéité. La culture de négociation n’est pas celle du patronat français, qui pratique plus le sport de combat que la controverse éclairée. Il est vrai aussi que le mauvais exemple vient de haut !

Nous devrions donc nous féliciter que soient suivies les recommandations du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, du mois de juillet 2009 et l’avis du Conseil économique, social et environnemental du mois de février 2010.

Nous applaudirions des deux mains cet article 31 si, toutefois, plus de la moitié des salariés ne travaillaient pas dans des entreprises de moins de 50 salariés, dans des PME dépourvues de délégués du personnel et ne seront donc pas concernés, et si 80 % des femmes n’étaient pas, à 65 ans, depuis vingt ans sans travail et ne seront donc pas non plus concernées par cette mesure.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Yves Daudigny. Vous l’aurez compris, le périmètre d’application de l’article 31 sera fort restreint.

Nous applaudirions encore des deux mains si la mesure était d’application immédiate, mais son entrée en vigueur n’est prévue qu’à l’horizon de 2012.

Vous l’aurez compris aussi, la mesure n’est pas pour demain mais pour plus tard, et rien n’exclut qu’à l’orée de 2012 ce délai soit encore repoussé, de la même manière que le présent projet de loi prend simplement acte du non-respect de la date limite précédemment fixée au 31 décembre 2010 et l’efface.

Nous applaudirions des deux mains si la pénalité prévue était fixée à un niveau réellement dissuasif. Or le taux de 1 % de la masse salariale est un maximum et sera modulé « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise […] ainsi que des motifs de sa défaillance ». Il est donc très vraisemblable qu’il sera le plus souvent moindre ou nul et que les entreprises, à partir de 50 salariés, préféreront provisionner ce risque plutôt que de se contraindre au respect des prescriptions légales.

Vous l’aurez encore compris, il est à craindre que ce qui n’était pas respecté hier ne le soit pas beaucoup plus demain : à l’heure actuelle, moins de 5 % des accords de branche abordent la question de l’égalité professionnelle et les rapports prennent la forme de coquilles vides et de déclarations de principes.

Nous applaudirions enfin des deux mains s’il était possible de dissocier cette mesure du contexte. Mais elle est malheureusement insuffisante et impuissante à modifier, à elle seule, l’ampleur des écarts de pension subsistants entre les hommes et les femmes. Elle le sera d’autant moins que les mesures d’âge contenues dans le projet de loi aggraveront mécaniquement la situation des quatre cinquièmes des femmes de 65 ans qui sont en moyenne, à cet âge, au chômage depuis vint ans et six mois et devront le rester deux ans de plus pour avoir droit à une retraite sans décote.

Nous ne cessons de vous alerter sur la précarisation de l’emploi féminin, la montée du travail à temps partiel et celle du chômage, qui annihilent les effets de la progression du taux d’activité des femmes sur le montant de leur pension. L’écart, de 40 % par rapport à celles des hommes, reste deux fois plus important que celui qui existe entre les salaires. Ainsi, 62 % des allocataires du minimum vieillesse sont des femmes. Nous ne cessons de vous poser la question : à quoi sert d’imposer deux années supplémentaires de travail quand il n’y a pas de travail ?

C’est en effet la donnée la plus inquiétante de toutes que celle de la stagnation des écarts actuels entre les hommes et les femmes, pour laquelle le Conseil d’orientation des retraites n’envisage pas d’amélioration à un horizon prévisible.

Outre la portée très limitée que je viens de mettre en évidence, l’effectivité de la disposition dépendra au surplus des mesures de suivi, que l’article 31 renvoie à la compétence réglementaire et dont on ignore le contenu.

En résumé, cet article constitue une petite avancée potentielle en contrepartie d’un grand recul immédiat ! Nous voterons contre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.

Mme Gisèle Printz. Pour remédier aux inégalités et à la situation préoccupante des femmes, le Gouvernement prend en compte, dans le calcul de la pension de retraite, des indemnités journalières perçues lors du congé de maternité. Autant le dire tout de suite, cette mesure est pour le moins inefficace et insuffisante, car portant sur seize semaines par rapport à quarante ans de vie active, elle ne permet pas de corriger les inégalités accumulées tout au long de la carrière professionnelle.

De plus, cette mesure ne bénéficiera qu’aux femmes aujourd’hui âgées de 25 à 35 ans. Ses effets ne se feront donc sentir qu’à très long terme. N’oublions pas que, dans l’immédiat, le relèvement de l’âge auquel on peut percevoir une retraite sans décote de 65 à 67 ans conduira à la dégradation de la situation d’un grand nombre de femmes. Quelques « mesurettes » n’y changeront rien !

En réalité, si nous voulons que les femmes puissent mener une vie professionnelle à égalité avec les hommes, il faut évidemment mettre en œuvre une politique de prise en charge des enfants de nature à permettre la conciliation effective de la vie familiale et de la vie professionnelle.

À défaut, tout ce que l’on pourra dire sur la capacité à mener de front vie familiale et vie professionnelle sera inutile.

Il serait grand temps que le Gouvernement se préoccupe de façon sérieuse de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce problème doit être traité dans le cadre non pas de l’assistanat, mais du droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avant 1945, les femmes n’avaient pas le droit de vote. Jusqu’en 1951, elles n’avaient pas le droit d’avoir un compte bancaire. Des quantités de métiers, de diplômes et de professions leur étaient interdits. Fort heureusement, beaucoup de choses ont évolué depuis, grâce aux femmes, qui se sont battues pour cela.

Aujourd'hui cependant, – j’en reviens à notre sujet – les femmes sont discriminées en termes de salaires, de carrières et de qualifications. En outre, les tâches ménagères et les obligations familiales sont assurées à 90 % par les femmes.

Nous n’allons évidemment pas demander à M. Woerth, ministre du travail, de régler tous ces problèmes. Les femmes vont continuer de se battre pour l’égalité des salaires, pour le partage des tâches et pour l’égalité en politique. À cet égard, je rappelle que, en politique, les pénalités financières n’ont pas abouti à grand-chose. Seule la proportionnelle, là où elle est appliquée, a permis de parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes. Or vous vous apprêtez à la supprimer là où elle existe ! On le voit, on peut difficilement compter sur vous pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes.

J’en reviens à la reforme des retraites. Celle-ci va poser un problème très lourd : elle va en effet accroître les très fortes discriminations qui existent déjà, compte tenu notamment de l’inégalité salariale et du fait que ce sont les femmes, plutôt que les hommes, qui s’arrêtent pour s’occuper des enfants – certaines en tout cas et pour un certain temps. Les femmes connaissent très souvent le temps partiel subi. Quand elles choisissent de travailler à temps partiel – comme l’a fait remarquer M. Longuet, qui n’est plus là (Protestations sur les travées de lUMP.), ce qui est dommage –, c’est souvent une décision familiale, prise avec le conjoint. Elles font ce choix parce que leur conjoint gagne plus qu’elles, parce qu’il est logique que la femme reste à la maison, plutôt que l’homme.

Or il arrive très souvent que vingt ou vingt-cinq ans plus tard les femmes se retrouvent seules et subissent seules les conséquences du temps partiel. Concrètement, elles sont pénalisées en termes de retraite, et non leurs conjoints.

Ce problème, qui existe déjà avec la retraite à 60 ans, va subsister et être aggravé demain avec le report à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite et à 67 ans de l’âge permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein sans décote.

M. Woerth et vous-même, monsieur le secrétaire d’État, avez réussi avec cet article un tour de force, un véritable tour de prestidigitation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez orienté le débat sur l’égalité salariale, ce qui est en effet une question massue. Personne ici ne dira le contraire ! Vous arguez que l’égalité salariale est pour bientôt, grâce à l’instauration de la pénalité de 1 % à laquelle seront soumis les employeurs.

Pour ma part, je vous renvoie aux partis politiques. Vous verrez comme il est facile de parvenir à l’égalité salariale en instaurant une pénalité de 1 % ! Je vous renvoie également à la loi SRU. Toutes ces choses, vous les connaissez aussi bien que moi.

Par ce biais, nous avons beaucoup discuté de l’égalité des salaires, question qui mériterait d’ailleurs, selon M. le ministre, un débat à elle seule. En revanche, on a baissé d’un cran concernant les inégalités en termes de retraites. Or cette question se pose concrètement aujourd'hui dans le projet de réforme des retraites.

Jusqu’à présent, qu’avez-vous fait pour apporter un petit plus aux femmes…

Mme Bariza Khiari et M. Guy Fischer. Rien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … qui connaissent de fortes discriminations en termes de retraite, ce qui sera encore davantage le cas avec votre réforme, monsieur le secrétaire d’État ?

Vous avez accordé aux mères de trois enfants et plus, à condition qu’elles soient nées entre 1951 et 1955, une petite faveur.

M. Jean-Claude Gaudin. Une petite faveur ? Elle coûtera 3,5 milliards d’euros ! C’est honteux de dire cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà ce que vous avez fait. Point barre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Certes, des mesures en faveur de l’égalité salariale sont nécessaires, mais, s’il vous plaît, ne tentez pas une fois de plus de faire passer des vessies pour des lanternes !

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Gaudin. Ce n’est pas grave !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur, qui est toujours, ou en tout cas souvent, bien inspiré dans son rapport écrit, a dit que ce texte ne se prêtait pas à une réforme d’ensemble sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Or je pense au contraire qu’il est l’occasion pour nous de revenir sur ce problème, même si le texte, je le rappelle, traite fondamentalement des retraites.

À cet égard, il est dommage que les explications de vote des sénateurs de gauche n’intéressent pas le ministre chargé du droit des femmes et que les travées de la majorité soient soudainement dégarnies ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Fourcade. La répétition nous lasse !

Mme Nicole Bricq. Je le dis à ceux qui restent afin qu’ils le répètent à ceux qui sont partis à la buvette ou qui vaquent à leurs occupations. (Protestations sur les mêmes travées.) Leur absence montre tout de même que ce problème n’est vraiment pas au cœur de leurs préoccupations.

Cette explication de vote sera pour moi l’occasion de rappeler trois facteurs cumulatifs que l’on trouve dans la vie active des femmes et que l’on retrouve évidemment dans le calcul de leur retraite.

Le premier facteur – M. le ministre en a parlé tout à l’heure – est le rattrapage en termes de salaires dans la vie active. Certes, il y a un rattrapage et on pourrait être optimiste et considérer qu’il ira jusqu’à son terme. Mais, comme le montrent les statistiques de l’INED, qui a réalisé un travail important sur cette question, notamment en prévision de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, on constate une stagnation depuis environ une dizaine d’années. Il n’y a désormais plus de rattrapage, comme ce fut le cas à partir des années cinquante.

À cela s’ajoute le deuxième facteur cumulatif, qui a souvent été évoqué ici, à savoir le travail à temps partiel, lequel, monsieur Longuet, vous devez le savoir, est rarement choisi. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Gérard Cornu. Mais Mme Borvo Cohen-Seat n’est pas là !

Mme Nicole Bricq. J’ai vu que M. Longuet était revenu, c’est pour cela que je lui en parle ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

À partir de la génération née en 1955, la progression du temps complet chez les femmes s’est arrêtée depuis les années quatre-vingt-dix, précisément celle que vous avez refusé de prendre en compte, monsieur le secrétaire d’État, dans la mini-mesure à laquelle a fait référence Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

M. Jean-Patrick Courtois. Elle n’est pas là !

Mme Nicole Bricq. Le troisième facteur est sociétal. Vous ne pouvez ignorer que le nombre de divorces et de familles monoparentales est en augmentation. Dans ces familles, le chef de famille est souvent la mère, une femme seule avec enfants.

Cumulés, ces trois facteurs vont poser des problèmes pour les femmes dans les années à venir, problèmes que vous ne réglez absolument pas.

Mme Nicole Bricq. Bien au contraire, vous les aggravez. Comme cela a été dit, je n’y reviens pas.

La semaine prochaine, nous examinerons la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance. Le 29 avril dernier, Mme Morano, qui siégeait au banc des ministres lors de l’examen de la proposition de loi du groupe socialiste, a déclaré : « en période de crise, d’incertitude économique et sociale, il existe toujours un risque : celui de voir les femmes devenir une variable d’ajustement économique ». C’est exactement ce qui va se passer !

Vous glissez sous le tapis les problèmes que vous ne voulez pas aborder, alors qu’ils pourraient faire l’objet d’une réforme systémique. Vous refusez de les régler. Dès lors, vous transmettez aux générations futures le problème immense de la retraite des femmes. Et cela, c’est une faute politique !

Vous pouvez toujours dire : « On verra ! », mais nous ne sommes pas ici pour élaborer le programme du candidat UMP à l’élection présidentielle de 2012. (Exclamations sur les travées de lUMP.) Nous sommes là pour agir. C’est notre responsabilité de politiques. Et c’est d’abord la vôtre, parce que c’est vous qui êtes aux commandes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Guy Fischer applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Selon M. Woerth, l’égalité entre les hommes et les femmes progresse. Il n’y a que lui pour oser dire cela dans un débat parlementaire ! C’est un tel déni de la réalité, une telle négation de tous les exemples qui ont été donnés par les uns et par les autres que l’on peut se demander à quoi il sert de débattre. Les seules réponses qui nous sont faites, comme dans un monologue, sont les suivantes : la première, c’est qu’il n’y a pas d’autre réforme possible ; la seconde, c’est que cette réforme ne peut être que bonne puisque c’est le Gouvernement qui la présente.

À l’instar de notre collègue Raymonde Le Texier, je dirai que, dans ces conditions, ce qui a si mal fonctionné dans le domaine de l’égalité entre les hommes et les femmes ne peut que perdurer.

Sommes-nous là confrontés à un problème nouveau, dont nous découvririons l’existence et sur lequel nous rechercherions des éléments ? J’ai pourtant l’impression, depuis ma naissance – il y a quelques années ! (Sourires.) – de baigner dans ce problème individuellement. Or, collectivement, face aux progrès constatés, on ne peut qu’être déçus.

Je me souviens Du côté des petites filles, du complexe de Jocaste, de Féminisme et anthropologie, de réflexions de fond pour essayer de comprendre l’incompréhensible, à savoir une telle inégalité entre les femmes et les hommes, pour essayer d’en démonter les mécanismes. Nous disposons depuis longtemps de nombreuses études sur ce sujet.

Pourquoi devrions-nous une nouvelle fois rater l’occasion, à travers cet article, d’œuvrer en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail ?

Certes, cette avancée serait des plus modestes, mais elle aurait tout de même son importance, car les décisions qui seront prises aujourd'hui, par exemple le maintien des inégalités, auront des répercussions pendant vingt ou trente ans.

Les exemples que notre collègue Nicole Bricq a évoqués traduisent des injustices criantes, notamment sur la question des pensions de réversion. Et nous avons tous en tête des cas de femmes qui se trouvent dans des situations extrêmement difficiles.

Tout à l’heure, Mme Borvo Cohen-Seat déclarait faire confiance aux femmes pour se libérer et permettre à l’égalité de progresser. Mais je crois qu’il nous appartient à tous d’œuvrer collectivement en ce sens. D’ailleurs, cela correspond à la devise de la République : « Liberté, égalité, fraternité ».

Pouvons-nous accepter ainsi, par petits renoncements successifs, par une sorte d’adaptation à l’intolérable, le maintien dans notre République d’inégalités aussi flagrantes dont est victime plus de la moitié de la population ?

Ce n’est pas, hélas ! en examinant un simple article d’un projet de loi que nous réglerons le problème. Mais nous aurions tout de même pu profiter de l’occasion – et je regrette que cela ne soit pas le cas, mes chers collègues – pour adresser un message, même modeste, à ceux qui manifestent. Jeunes ou moins jeunes, tous ont en commun de penser que ces injustices ne sont plus tolérables, et ils ne les accepteront pas aussi longtemps que nous-mêmes avons pu le faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.

M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà plus de deux heures que nous débattons sur l’article 31 et, à entendre certains, j’ai un peu l’impression que nous vivons dans un « monde enchanté », à mi-chemin entre jardin d’Éden et contes de Charles Perrault ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Exclamations ironiques sur les travées de lUMP.) Voilà une société imaginaire dans laquelle tous les patrons seraient bons,…

M. Gérard Longuet. La plupart le sont !

M. Jacky Le Menn. … et, bien entendu, s’apprêteraient spontanément à combler les écarts salariaux entre les hommes et les femmes, même si cela ne leur était jamais venu à l’idée auparavant ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) S’ils ne l’ont jamais fait jusqu’à présent, c’est parce qu’ils n’y pensaient pas, et pas du tout par mauvaise volonté, évidemment… (Même mouvement.)

Hier soir, tard dans la nuit – il était peut-être trois heures –, j’ai entendu notre collègue Gérard Longuet, qui est d’ordinaire quelqu’un de très avisé, faire référence à une étude de l’INED, dont je ne doute pas d’ailleurs de la valeur heuristique, pour affirmer que les femmes choisissaient majoritairement de travailler à temps partiel.

M. Gérard Longuet. Oui ! La majorité d’entre elles !

M. Jacky Le Menn. Puis, nous dit-on, ce seront leurs enfants qui s’occuperont d’elles lorsqu’elles seront âgées… Ce n’est pas beau, tout cela ? C’est merveilleux ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Nous sommes en plein « illusionnisme social », au sens où Bourdieu l’entendait ! Regardons autour de nous ; il y aurait tout de même beaucoup à dire, notamment en matière de vie domestique. En l’occurrence, c’est un rapport de un à cent : les courses, le ménage, la vaisselle, les enfants, les devoirs…

M. Gérard Longuet. Le bricolage !

M. Jacky Le Menn. Tout cela n’existe pas, bien évidemment…

Que se passe-t-il dans la réalité, mes chers collègues ? Ne soyons pas hypocrites, surtout sur un sujet aussi important ! Puisque nous discutons des retraites, demandons-nous pourquoi les femmes ont des carrières en dents de scie qui vont les pénaliser.

Et on aggrave le problème en portant l’âge de départ en retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans ! Celles qui n’auront pas pu faire carrière, qui n’auront pas pu cotiser, n’auront pas droit à une retraite à taux plein. Pourtant, nous savons tous qu’elles font deux, voire trois journées en une seule ! (Mme Béatrice Descamps s’exclame.)

M. Jean-Claude Gaudin. Même Mme Parisot !

M. Jacky Le Menn. Lors de l’examen d’autres amendements, j’ai eu l’occasion de vous inviter à regarder qui travaille dans nos propres locaux le matin à cinq ou six heures. Ce sont souvent des femmes, qui viennent astiquer pour que tout soit correct…

Et on constate la même chose quand on prend le métro. Évidemment, il est moins évident de connaître la situation que je décris quand on se fait conduire au Sénat par un chauffeur…

M. Jean-Claude Gaudin. Cela vous arrivera !

M. Jacky Le Menn. Le matin, dans le métro, on croise des femmes qui, après avoir fait deux ou trois heures de boulot, s’en retournent dans des conditions difficiles pour prendre un autre travail. Surtout, pour elles, c’est un véritable parcours du combattant pour placer leur enfant, trouver une nourrice, parce qu’il n’est pas possible, par exemple, d’aller voir la voisine, qui est malade… C’est cela, la réalité ! Et le nombre d’heures est cumulatif, contrairement aux salaires et pensions, qui, eux, sont plutôt régressifs !

Monsieur le secrétaire d’État, profitons de l’examen de cet article pour frapper un grand coup de poing sur la table ! (Plusieurs sénateurs de l’UMP frappent ironiquement sur leur pupitre.) Mais allez-y, mes chers collègues ! Vous avez encore beaucoup de chemin à faire ! Et nous aussi d’ailleurs, en tant qu’hommes…

Toujours est-il qu’il est vain de croire à des évolutions spontanées s’il n’y a pas une législation et une réglementation pour fixer des limites et réprimer sévèrement ceux qui les franchissent !

On nous propose de commencer par un taux de 1 % ? Soit, mais il faut des pénalités fortes !

Certaines de nos compagnes n’ont plus de cellule familiale, mais ont toujours la charge des enfants. Songeons à ces milliers de femmes dans les familles monoparentales qui ne pourront pas avoir de carrière ! Ouvrons les yeux sur le monde autour de nous et essayons tous ensemble, quelles que soient nos sensibilités politiques, de faire un texte qui soit digne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. François Fortassin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. J’aurais souhaité m’adresser aux ministres.

M. Jean-Claude Gaudin. Arrêtez ! Il y en a un en séance !

M. Yannick Bodin. Faut-il voir un sens caché à l’absence de M. Woerth ? (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Aucun !

M. Yannick Bodin. Dans ce cas, disons qu’il s’agit pour le moins d’une maladresse. Nous discutons d’une question très importante pour la vie en société, l’égalité entre les femmes et les hommes, et c’est ce moment-là que M. le ministre a choisi pour s’absenter ! (Protestations sur les travées de lUMP.)