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Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale.

J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mme Muguette Dini, M. Alain Vasselle, Mmes Colette Giudicelli, Marie-Thérèse Hermange, MM. Bernard Cazeau, Jacky Le Menn et Guy Fischer ;

Suppléants : M. Yves Daudigny, Mmes Annie David, Christiane Demontès, Françoise Henneron, MM. Jean-Jacques Jégou, Marc Laménie et Mme Janine Rozier.

7

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le Président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 19 octobre, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-86 QPC).

Le texte de décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

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Article 32 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 32

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l'article 32 (réservés)

Article 32 (suite)

M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 32.

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, sur l’article.

M. Jean-Marc Todeschini. L’article 32 vise à permettre aux employeurs qui en font la demande de percevoir une aide à l’embauche, en contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins six mois, de demandeurs d’emploi âgés de 55 ans ou plus.

Avant toute chose, il faut rappeler qu’aucune réforme des retraites ne sera durablement viable si elle n’est pas accompagnée d’une profonde restructuration du marché de l’emploi. Ainsi, les pays qui se sont engagés dans une refonte de leur système de retraite avaient tout d’abord cherché à renforcer les taux d’emploi. Le Gouvernement semble, sur ce point, prendre les problèmes à l’envers !

M. Jean-Marc Todeschini. Précisément, c’est l’augmentation du taux d’emploi des plus de 55 ans qui conditionne la viabilité de toute politique en matière de retraite. Or, à ce sujet, toutes les déclarations d’intention du Gouvernement sont restées lettre morte, et la place réservée à « l’emploi des seniors » dans ce projet de réforme s’apparente surtout à un gadget, comme le démontre déjà l’emploi du terme « senior », qui ne recouvre aucune réalité juridique.

Dans ces conditions, le « CDD senior » que le Gouvernement préconise paraît bien insuffisant face à la réalité de l’emploi des plus de 55 ans en France. Cela a été dit et redit fort justement, leur taux d’emploi, qui n’atteint que 38 %, est l’un des plus faibles d’Europe. De plus, non seulement les seniors ont désormais des difficultés à se maintenir dans l’emploi, mais ils en ont plus encore à y revenir. En effet, 57 % des chômeurs de 50 ans et plus sont des chômeurs de longue durée.

Depuis plus de trente ans, l’emploi des seniors a ainsi servi de variable d’ajustement, conformément à l’idée que s’en trouverait amélioré l’emploi des jeunes : c’est le contraire qui s’est produit.

Aussi, il aurait été plus utile sur ce point de s’inspirer de ce qui a été fait avec succès dans des pays comme la Finlande ou le Canada : garantir l’accès à la formation après 50 ans, alors que moins d’un tiers des seniors en bénéficie ; accompagner les salariés tout au long de leur vie professionnelle ; adapter les postes aux salariés plutôt que l’inverse, ce qui passe par la généralisation des dispositifs de tutorat en entreprise, l’encouragement des départs en retraite progressive, la limitation, voire la suppression, du travail de nuit et des tâches physiques au-delà de 55 ans ; ou bien encore instaurer un bonus sur les cotisations pour les entreprises qui joueront le jeu.

À l’inverse, le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, semblez préférer vous obstiner à mener une politique d’affichage, au risque de renforcer la paupérisation des plus de 55 ans.

M. Roland Courteau. Très juste !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir défendu la cause des jeunes, pour ce qui concerne les stages, la cause des femmes, si bien soutenue de ce côté-ci de l’hémicycle… (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

Mme Bariza Khiari. … nous plaiderons la cause des seniors, parce que le chômage dont ils sont victimes constitue une véritable question de société qui devient de plus en plus préoccupante.

Nous n’avons fait que vous le répéter, monsieur le ministre, avec ce projet de loi, vous serez incapable de tenir vos engagements. Vous évoquez sans cesse la nécessité d’équilibrer les comptes publics en retardant le moment où les travailleurs pourront prétendre à une juste et méritée retraite. Cependant, en France, le taux d’activité des seniors, qui n’atteint que 38,9 % chez les 55-65 ans, est très faible et bien inférieur à la moyenne européenne. En d’autres termes, les seniors, en attendant leur retraite, sont principalement des chômeurs.

En repoussant l’âge de la retraite, vous ne faites en conséquence que déplacer le problème, sans le résoudre.

Mme Bariza Khiari. Les déficits seront reportés sur l’assurance chômage, les minima sociaux ou les finances des collectivités locales, que vous avez déjà mises à mal.

M. Roland Courteau. Très juste !

Mme Bariza Khiari. Je doute que l’on puisse qualifier de réforme d’envergure ou de projet de long terme un texte dont l’objet essentiel est un tour de passe-passe comptable. Il faut, monsieur le ministre, que l’État s’engage réellement en faveur de l’emploi des seniors. C’est la vocation officielle d’une minuscule section du texte, ce qui en dit long sur votre souci de veiller à un réel rééquilibrage des comptes sociaux.

S’il fallait une preuve de la non-validité de votre projet de loi, cette section en constituerait la plus éloquente. Les « mesurettes » que vous proposez ne sont pas, très clairement, à la hauteur des enjeux. Elles s’avéreront aussi inutiles que coûteuses, tant socialement qu’économiquement.

Nous ne pouvons que regretter que nos collègues députés, qui ont subi le couperet du temps législatif programmé, n’aient pas eu le temps de développer ces thèmes.

Dès lors, ne vous étonnez pas que nous nous penchions sur le sujet. Vous proposez une énième incitation financière aux employeurs, après le « succès » qu’ont connu d’autres mesures du même ordre.

Les obligations pour l’employeur sont minimes. Le CDI n’est pas imposé ; il peut s’agir d’un CDD renouvelable de six mois en six mois. En d’autres termes, après avoir proposé le « contrat première embauche » pour les jeunes, avec le succès que l’on sait, vous défendez maintenant le « CPE senior », que j’appellerai « contrat dernière embauche », autorisant ainsi la précarisation et la fragilisation des plus anciens. Alors qu’ils ont déjà une vie de travail derrière eux, parfois faite de galères et de renoncements, vous ne leur proposez qu’une forme supplémentaire de difficulté.

Vous condamnez ainsi les « seniors », lesquels, comme l’a dit mon collègue Jean-Marc Todeschini, ne représentent pas une catégorie juridique bien définie, à occuper des postes au rabais, tandis que votre texte ne tente nullement d’éviter d’éventuels abus des employeurs. Alors que l’État doit protéger les catégories les plus fragiles face aux plus puissantes, vous pratiquez une politique qui affaiblit encore les plus précaires, en produisant des chômeurs de plus en plus âgés et des seniors de plus en plus pauvres.

Faire de la politique, c’est porter sur soi, ici et maintenant, le destin d’autrui. Comme pour ce qui concerne les femmes, vous repoussez en permanence les décisions à prendre. Avec cet article 32, vous vous conformez à la règle du parallélisme des formes, en appliquant aux seniors la méthode que vous avez adoptée pour les femmes à l’article 31. Dans les deux cas, il s’agit d’un semblant d’amélioration qui ne règle rien.

M. Guy Fischer. C’est un leurre !

Mme Bariza Khiari. Devant un traitement si caricatural d’une question aussi sérieuse, nous ne sommes pas dupes, monsieur le ministre, vous vous en doutez bien.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bertrand Auban. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l'article.

M. Jacky Le Menn. Nos réflexions sur l’article 32, qui concerne l’aide à l’embauche des seniors, s’inscrivent dans la suite logique, tant sur la forme que sur le fond, de celles qui ont été longuement exposées sur l’article 31.

L’expérience confirme maintenant suffisamment que la question de l’emploi ne trouve pas sa réponse au travers d’incitations, aussi multiples soient-elles. Elle s’insère, vous le savez bien, dans une politique d’ensemble, inexistante aujourd’hui, de sécurisation des parcours professionnels.

Nul ne conteste l’importance majeure du problème de l’emploi des seniors en général au regard du taux de chômage actuel et de ses conséquences en termes de précarité et de pauvreté, et ce particulièrement au regard de la constitution des droits à retraite.

Comment ne pas s’étonner, dès lors, que ce sujet ne soit traité qu’à la marge de ce projet de loi, de manière tout aussi minimaliste que l’est la question, que nous avons encore évoquée cet après-midi, de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ?

Au fond, nous devons nous interroger plus particulièrement sur l’efficacité réelle des choix politiques menés, à savoir, d’une part, l’instauration, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, d’une pénalité à hauteur de 1 % de la masse salariale et, d’autre part, la nouvelle aide à l’embauche prévue dans ce projet de loi.

Sur ce dernier aspect, l’expérience nous conduit effectivement à nous interroger eu égard aux 34 milliards d’allégements de cotisations sociales patronales qui existent déjà. L’aide prévue par l’article 32 sera versée aux entreprises, quel que soit leur effectif, qui recruteront en CDI ou CDD de plus de six mois un chômeur de plus de 55 ans et représentera 14 % du salaire brut pendant un an.

Il faut rappeler que l’Accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 relatif à l’emploi des seniors en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l’emploi est demeuré pratiquement sans effet. Il s’agit des fameux « CDD seniors », destinés aux plus de 57 ans recrutés pour dix-huit mois et renouvelables une fois. Vingt contrats environ ont vu le jour…

Il apparaît que déroger toujours plus au droit commun en inventant toujours plus de contrats atypiques non seulement n’engendre pas un plus grand nombre d’embauches, mais contribue à fragiliser le cadre juridique du droit du travail et à précariser, par contrecoup, les salariés dont ces contrats sont supposés favoriser l’embauche, ce qui est tout de même paradoxal.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Jacky Le Menn. De même, le « Plan en faveur de l’emploi des seniors », auquel les entreprises de plus de 50 salariés sont astreintes, sous peine d’une pénalité de 1 % de la masse salariale, n’a pas produit les effets attendus.

Les accords et les plans analysés se limitent le plus souvent à fixer un objectif de maintien dans l’emploi dans des termes peu contraignants – je pense notamment à celui qui évoque la prévision d’une mesure annuelle de l’effectif des salariés seniors, afin de réfléchir à la définition d’un plan d’action pluriannuel – ou forts modestes.

Mais, surtout, la pénalité prévue n’étant pas liée aux résultats des accords ou des plans, elle perd tout effet dissuasif et risque donc d’être de peu d’effet, tout comme celle qui est prévue à l’identique pour assurer l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jacky Le Menn. À ce manque d’efficacité des « plans et accords » non réellement sanctionnés et du subventionnement public, jusqu’à présent à fonds perdus, des entreprises privées s’ajoute un autre paramètre également important pour l’emploi des seniors, à savoir la volonté des salariés eux-mêmes de ne pas rester dans l’emploi.

Nous avons déjà longuement évoqué, au cours de nos débats, les résultats d’une enquête sur l’évolution des conditions de travail, menée en 2009 par la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Qu’il ait été jugé nécessaire de mener une telle étude est déjà significatif en soi. Le résultat est en outre sans appel : les conditions de travail se sont terriblement détériorées.

La précarisation constante du cadre juridique du droit du travail, auquel on déroge toujours plus au nom de « l’employabilité », et la dégradation accélérée des conditions de travail, au nom de « l’adaptabilité », aboutissent en réalité à dévaloriser le travail lui-même.

L’expérience nous le prouve, rétablir la « valeur travail » suppose au contraire, je le redis, de sécuriser, au lieu d’instaurer une flexibilité qui appauvrit finalement tant les salariés que les entreprises elles-mêmes.

L’exemple de la Finlande est probant à cet égard, avec une politique globale menée de manière volontariste sur le long terme, ce dont, à l’évidence, cet article 32 ne peut tenir lieu.

M. Roland Courteau. Absolument !

M. Jacky Le Menn. Plutôt qu’une politique « à la découpe » qui déroge ici pour les jeunes et qui déroge là pour les vieux, peut-être est-il temps, toutes expériences faites, toutes mesures échouées, « d’opter enfin pour une culture du droit du travail, et ce à tous les âges ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

MM. Marc Daunis et Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l’article.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans cet article est proposée la mise en place d’une aide à l’embauche pour les employeurs recrutant une personne âgée de 55 ans ou plus en CDI ou en CDD de plus de six mois. Cette proposition est tout à fait louable, mais elle vient s’ajouter aux autres mesures en faveur de l’emploi des seniors sans constituer en rien un ensemble cohérent. Au contraire, je ne peux m’empêcher de penser que cet article est d’abord un aveu, l’aveu que votre réforme aura bel et bien des impacts néfastes sur l’emploi des seniors.

Depuis le début de l’examen de ce texte, nous nous sommes opposés au report de l’âge de départ à la retraite pour de multiples raisons. Parmi elles, nous avons évoqué les conséquences de ce report sur l’emploi des seniors et des plus jeunes.

Actuellement, deux tiers des actifs de plus de 55 ans sont sans emploi, et plus de la moitié des personnes liquidant leur retraite sont au chômage au moment de le faire. Cette situation n’est pas nouvelle et pourtant, il a fallu attendre cette réforme pour que le Gouvernement, au détour d’un article, semble y attacher une importance.

Pour ces raisons je pense que vous faites, ici, l’aveu que cette réforme aura des conséquences catastrophiques pour l’emploi des seniors en faisant des jeunes retraités de vieux chômeurs.

Monsieur le ministre, si vous vouliez vraiment lutter contre le chômage des seniors, n’aurait-il pas fallu mettre en place des mesures d’envergure favorisant la poursuite de l’activité professionnelle jusqu’à 60 ans, au lieu de repousser, dès maintenant, la retraite à 62 ans ?

Cette réforme va aussi avoir des conséquences sur l’entrée des jeunes sur le marché du travail. Les 18-25 ans, rappelons-le, n’ont jamais été dans une situation aussi précaire où la dévalorisation des diplômes, le chômage de masse et les incertitudes qui pèsent sur leur avenir, à commencer par leur retraite, ne les poussent pas à l’optimisme, et je peux les comprendre. D’ailleurs, ils sont dans la rue pour vous le dire : entendez-les !

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Nicole Bonnefoy. En effet, les mutations actuelles du marché du travail conduisent à une précarisation structurelle de la situation des travailleurs. Aujourd’hui, un jeune diplômé doit passer par une phase de transition d’une dizaine d’années avant d’atteindre une stabilisation de sa situation professionnelle. Durant cette période, il sera amené à multiplier les emplois précaires, les temps partiels, les CDD, les périodes de chômage...

En repoussant l’âge de départ à la retraite et en ne prenant pas en compte les carrières fractionnées, vous occultez cette réalité. Vous ne permettez pas aux jeunes générations de prendre le relais des anciennes. Vous empêchez donc des salariés de pouvoir se reposer après une vie de travail, tout en ne permettant pas la libération de milliers d’emplois pour les plus jeunes.

C’est pour ces raisons que le groupe socialiste proposera la suppression de cet article qui n’apporte aucune solution réelle aux problèmes d’emplois des seniors.

De plus, cet article, tout comme l’article 31 l’a fait pour les femmes, est la parfaite illustration de la politique « de l’effet d’annonce » du Gouvernement qui a pour objectif, avant tout, de tenter d’anesthésier par des « mesurettes » les Françaises et les Français, mais qui ne répond en rien à leurs vrais problèmes. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 465 est présenté par M. Kerdraon, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau et Jeannerot, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 1096 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Teston, pour présenter l’amendement n° 465.

M. Michel Teston. L’article 32 prévoit la mise en place d’une nouvelle aide aux employeurs pour l’embauche de salariés de 55 ans ou plus en CDI ou en CDD d’au moins six mois. Cette aide représenterait 14 % du montant du salaire pendant une durée d’un an, sans limitation de montant.

En réalité, ce dispositif ne fait-il pas courir un risque d’insécurité aux salariés ? En effet, que peut-il se passer au bout d’un an ? Soit le salarié est en fin de CDD et l’employeur peut utiliser le dispositif pour recruter un autre salarié, soit l’employeur peut proposer au salarié un autre contrat, sur un poste différent.

Le salaire risque d’être diminué de 14 %, diminution que le salarié sera obligé d’accepter, compte tenu du recul de l’âge d’ouverture des droits, du nombre d’annuités nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein, et de la fin probable de l’allocation équivalent retraite.

Parallèlement, le Gouvernement se targue d’avoir mis en place des mesures supposées coercitives, bien qu’elles le soient en réalité fort peu, et qui ne donnent en tout cas aucun résultat probant.

Depuis le 1er janvier 2010, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent être dotées d’un « plan en faveur de l’emploi des seniors », sous peine de se voir infliger une pénalité représentant au maximum 1 % de la masse salariale.

Ces plans doivent comporter un objectif chiffré de maintien dans l’emploi des salariés de plus de 55 ans et de recrutement des salariés de plus de 50 ans, ainsi que des mesures d’amélioration des conditions de travail et de prévention de la pénibilité, de développement des compétences et de la qualification, de formation, d’aménagement des fins de carrière et, enfin, de transmission des savoirs. Les entreprises entre 50 et 300 salariés peuvent être couvertes par un accord de branche étendu, et non d’entreprise.

Le bilan n’est pas brillant : à ce jour, une entreprise sur cinq s’engage à recruter des seniors, et 75 % de celles qui le font s’engagent dans la transmission des savoirs, ce qui signifie des périodes de tutorat, des salariés en « binôme jeune-senior », soit une sortie des seniors de l’emploi en douceur.

Les employeurs évitent ainsi les pénalités, les contentieux de licenciements, et peuvent diminuer les salaires des seniors par des temps partiels assortis de tutorat.

Ainsi, M. le ministre peut venir devant la commission des affaires sociales du Sénat expliquer que 250 entreprises seulement paieront la pénalité, que 80 accords de branche ont été signés ainsi que 33 900 accords d’entreprises.

Selon nous, il serait au moins nécessaire que l’inspection du travail procède annuellement au contrôle de la stricte application des accords et des plans d’action dans les entreprises.

Dans cette perspective, la mise en place d’une pénalité un peu plus dissuasive ne serait pas inutile. Elle pourrait par exemple être fixée à 3 %.

Nous connaissions jusqu’à présent le traitement statistique du chômage. Nous en venons aujourd’hui au traitement statistique de l’emploi des seniors. C’est la raison pour laquelle notre amendement vise à supprimer cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 1096.

Mme Mireille Schurch. Le taux de chômage s’aggrave pour les plus de 50 ans. Je n’exposerai pas de nouveau les chiffres car ils ont été cités à maintes reprises et vous les connaissez parfaitement, monsieur le ministre.

Au vu des échecs des mesures précédentes pour renforcer l’emploi des seniors, nous ne pensons pas que ces nouvelles mesures laissent augurer un succès réel : ceux que l’on appelle « les seniors », ou les « salariés âgés », ou encore « les salariés à bout de souffle » – que je veux bien appeler « les vieux » – iront encore grossir les rangs des chômeurs à pôle emploi, ou devront se contenter d’un « ersatz » d’emploi.

Vous aviez pourtant exhorté les entreprises de 50 salariés et plus à se doter d’un accord sur l’emploi des seniors ou à définir un plan d’action sur le sujet, sous peine de pénalités financières. Bien rares sont celles qui ont embauché davantage de seniors.

Le recul de l’âge légal de 60 à 62 ans coûtera entre 440 millions et 530 millions d’euros par an à l’assurance chômage en 2018, et ce au vu des chiffres sur la situation de « l’emploi » desdits seniors.

L’allongement de l’âge légal de départ en retraite empêchera au moins 18 000 personnes au chômage de basculer à la retraite. Parmi elles figurent bien sûr beaucoup de femmes et personnes aux carrières heurtées, qui devront rester au chômage, voire aux minima sociaux, deux ans de plus. Je rappelle ici que le RSA, c’est 460 euros, soit un montant très inférieur au minimum vieillesse, qui ne s’élève qu’à 708 euros.

Pourquoi vouloir s’acharner à faire travailler les plus vieux quand les plus jeunes ne trouvent pas de travail, a-t-on pu entendre lors des manifestations, et aujourd’hui encore parmi la jeunesse ? La question résume toute l’absurdité dans laquelle nous sommes plongés aujourd’hui.

Nous ne pouvons vous suivre sur ce chemin à rebours de l’histoire, car nous pensons que la réduction de la durée de la vie de travail que permet l’augmentation de la productivité est la marque du progrès social.

Nous considérons que l’objectif d’une retraite « citoyenne » et « solidaire » est l’un des défis de société du XXIe siècle : penser les retraités comme des acteurs potentiels du développement social et local est tout de même une idée plus stimulante que celle qui consiste à les concevoir comme des « surcoûts » pour la société.

Derrière les retraites, ce qui est en jeu, c’est la place du travail et du temps libéré dans la vie, la place des travailleurs et des retraités dans notre société. Ce qui est en jeu aussi, c’est le type de développement humain que nous voulons promouvoir : sur ce sujet, monsieur le ministre, nos points de vue divergent fortement. À votre contre-réforme des retraites correspond un modèle dans lequel est exclue la possibilité d’utiliser les gains de productivité pour réduire la durée du travail et gagner du temps libre, un modèle où la société est vouée à jamais au productivisme.

Il en est tout autrement pour nous, et c’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à voter notre amendement de suppression de l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il s’agit de deux amendements de suppression de l’article 32. Cet article créé une aide à l’embauche des seniors. Nous pensons qu’il constitue un élément supplémentaire dans l’ensemble des mesures prises par le Gouvernement pour augmenter le taux d’emploi des seniors. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Je souhaiterais d’abord dire un mot sur ce que le Gouvernement attend comme impact de ces mesures de retraites sur le taux d’emploi des seniors. Le taux d’emploi des seniors va s’améliorer, bien sûr. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)