Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Le Gouvernement émet un avis identique à celui de la commission. Il y a une certaine logique à prévoir, parallèlement aux retraites chapeaux, une couverture de l’ensemble des salariés par un dispositif d’épargne retraite.

Les auteurs de ces quatre amendements de suppression de cet article ont émis une série de critiques contre la disposition qui y est visée, mais, en réalité, ils voudraient en rester à la situation qui prévaut actuellement et refuser ce qui constitue une réelle amélioration. C’est quelque peu incohérent.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. L’article 32 quinquies est symptomatique – j’allais dire significatif – de la volonté qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi.

En fait, cet article aurait pu être intitulé « article 32 quinquies (MEDEF) », car il permet de joindre l’utile à l’agréable, comme cela a été démontré tout à l’heure. Il garantit les retraites chapeaux au prix de quelques contraintes qui, cela n’a échappé à personne, ne seront pas opérationnelles.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ceux qui nous expliquent aujourd’hui qu’il faut garantir les retraites chapeaux pour éviter les délocalisations nous expliquaient déjà hier que le bouclier fiscal était destiné à fixer sur notre sol les foyers aux revenus les plus élevés. Et ce sont encore eux qui affirmaient détenir une liste de personnes possédant des comptes secrets en Suisse, personnes qui auraient été menacées de poursuites à moins de rapatrier rapidement leur argent en France. On aimerait bien, du reste, savoir où en est ce dossier.

Par ailleurs, monsieur le ministre, cet article garantit un principe qui est antinomique avec celui que vous prétendez défendre depuis une centaine d’heures. En introduisant la retraite par capitalisation, à dose homéopathique, certes, et en la présentant comme une fatalité, vous vous inscrivez dans l’échec programmé du financement du système par répartition dont vous soutenez pourtant la pertinence. Les mesures que vous préconisez dans cet article marquent un glissement fatal de notre système par répartition vers la capitalisation.

M. Roland Courteau. Évidemment !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela signifie que vous ne croyez pas aux slogans que vous scandez depuis maintenant dix jours et dix nuits, vantant les bienfaits de la retraite par répartition.

Vous nous proposez un marché de dupes et c’est pourquoi nous voterons les amendements de suppression de l’article 32 quinquies.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Le développement forcené de l’épargne retraite est un aveu d’échec. Les experts, dont certains sont proches du Gouvernement, estiment que le déséquilibre démographique ne pourra pas être corrigé par le seul recul de l’âge de départ à la retraite. Ainsi, cette réforme est non seulement détestable socialement – nous l’avons maintes fois souligné ces derniers jours – mais elle est aussi mauvaise, inefficace sur le plan économique.

M. Woerth nous expliquait tout à l’heure qu’il faut savoir entrer dans le détail pour comprendre les choses. Eh bien voici un détail, un peu oublié, qui permet de mieux comprendre la situation : dans notre économie, les revenus financiers ont été multipliés par dix en quarante ans et ils pèsent aujourd’hui quelque 230 milliards d’euros.

L’inefficacité du système des retraites qui nous est proposé conduit naturellement le Gouvernement à stimuler l’épargne retraite pour contrebalancer le recul programmé du régime de base. Cette démarche soulève deux problèmes majeurs.

Le premier est que l’on joue la carte de la spéculation plutôt que celle de la sécurité.

Sous couvert de nous inspirer de la modernité des régimes anglo-saxons, d’une nécessité de rupture avec un modèle obsolète des retraites, on se prépare à faire un grand saut dans l’inconnu.

En termes de sécurité, la retraite par répartition est la plus efficace puisque ce sont les actifs d’aujourd’hui qui financent en temps réel, sur l’ensemble de leurs revenus, ceux du travail et ceux du capital – il ne faut pas l’oublier – la retraite des inactifs. Il n’y a donc pas de perte en ligne.

Pour défendre un tel système, il faut trouver un point d’équilibre en tenant compte des disparités démographiques, ce qui est politiquement délicat, j’en conviens. Il ne faut pas trop solliciter les actifs qui ne souhaitent pas subir des prélèvements trop importants tout en maintenant des niveaux de pension satisfaisants. Pour réussir, il faut du temps. Or, plutôt que de se donner du temps, le Gouvernement a décidé de passer en force.

Ensuite, et c’est le second problème, la spéculation sur l’épargne retraite est une réalité. Les responsables politiques bottent en touche : épargnez aujourd’hui, on verra plus tard. Ce refus de prendre ses responsabilités présente des risques inconsidérés.

Le développement des fonds de pension conduit à la catastrophe, nous le savons. Il suffit d’observer ce qui s’est passé dans une entreprise comme Enron, mais aussi dans un pays comme la Grande-Bretagne, qui a vu son système de retraite mis en difficulté par la crise financière de 2008, ou encore lors de la catastrophe générale de 1929.

C’est une très mauvaise opération que de troquer la solidarité et la sécurité contre la spéculation, avec tous les risques qu’elle recèle.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons tous les amendements de suppression des articles qui tendent à développer cette détestable retraite par capitalisation.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. L’objectif de cet article est de nous faire accepter les retraites chapeaux comme un mal nécessaire pour lutter contre les délocalisations.

Hier, Christiane Demontès a repris une exclamation d’un dirigeant de la CFDT : « Mais que font-ils de leur fric ? »

Dans notre pays, les inégalités sont passées en une décennie d’un rapport de 1 à 30 à 1 à 300. Avec cet article, vous nous proposez en fait d’entériner cette situation en imposant aux entreprises qui proposent des retraites chapeaux d’ouvrir à l’ensemble de leurs salariés un dispositif d’épargne retraite par capitalisation.

Il ne suffit plus de dire que la ficelle est un peu grosse, car en fait de ficelle, il s’agit d’une corde. Cet article est inacceptable.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, dans un premier temps, la capitalisation va créer une dualité entre le système par répartition et le système par capitalisation. Dans un second temps, vous le savez, le système par capitalisation deviendra prédominant.

Ce n’est pas une coïncidence si Guillaume Sarkozy a pris la tête d’un groupement qui prépare un fonds de pension à la française, qui ambitionne d’agir sur une surface financière de 40 à 110 milliards d’euros. Mais le Gouvernement reste silencieux sur ce sujet, ce qui est pour le moins gênant ! Plus le débat avance, et plus j’ai l’impression que nous avons un mur devant nous.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Martial Bourquin. Je me demande même si nous débattons encore des régimes de retraite, par capitalisation ou par répartition, si nous ne sommes pas en fait revenus à l’ancien régime, qui fait tout pour le CAC 40, tout pour les quelques privilégiés de ce pays, mais qui n’a aucune volonté de prendre en considération ce que des millions de personnes disent très fort dans la rue ou pensent tout bas.

M. Roland Courteau. Voilà la vérité !

M. Martial Bourquin. Des personnes, de gauche et de droite, se demandent pourquoi on met en place une réforme aussi inique, aussi injuste !

Le Gouvernement doit dire ouvertement ce qu’il veut faire. Je considère pour ma part qu’il dynamite le système par répartition, sous prétexte de le défendre. En réalité, il prépare un système par capitalisation et déjà un fonds de pension se met en place afin de pouvoir occuper ce créneau.

Mes chers collègues, les manifestations qui ont lieu depuis trois semaines sont d’une ampleur rarement atteinte en France. Il est temps de revenir à la raison, de se poser les vraies questions, d’ouvrir de véritables négociations avec les organisations syndicales… (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Roland Courteau. Absolument !

M. Martial Bourquin. … et de revenir devant le Parlement avec une vraie réforme. Car ce que vous nous proposez aujourd’hui est tout sauf une réforme. C’est un retour en arrière spectaculaire. Vous ne pouvez pas appeler cela une réforme !

Nous vivons une des crises les plus importantes que nous ayons connues. Et vous demandez aux salariés de payer les pots cassés, de supporter les conséquences des aventures immobilières extraordinaires de quelques financiers !

Chers collègues, il est toujours temps de revenir en arrière, d’ouvrir des négociations. Tout à l’heure, trois présidents de groupe vous l’ont demandé. Cessez d’être sourds aux revendications des salariés, à la volonté du peuple, qui attend du Parlement une vraie réforme. Or, pour l’instant, vous ne proposez qu’un retour en arrière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Christian Cointat. Des mots, toujours des mots !

M. Nicolas About. Retour en arrière, c’est un pléonasme !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. En donnant l’avis de la commission sur les amendements de suppression, M. Leclerc s’est étonné que nous souhaitions supprimer l’article 32 quinquies qui vise, à ses yeux, à encadrer les retraites chapeaux, que nous refusons par ailleurs.

Prétendre que cet article vise à encadrer les retraites chapeaux est un peu exagéré, mon cher collègue. Vous reconnaissez vous-même dans votre rapport que le seul intérêt de ces retraites est leur caractère largement dérogatoire sur le plan fiscal. Pour mieux faire passer le maintien des retraites chapeaux – vous pouvez constater que je m’efforce d’employer des termes corrects –, vous subordonnez ce régime à l’ouverture, pour l’ensemble des salariés, d’un dispositif d’épargne retraite. C’est un peu fort !

Une fois que les salariés se seront habitués à l’épargne retraite, il sera plus facile de continuer à détricoter le système par répartition afin que la seule solution devienne la retraite par capitalisation.

Nous ne pouvons accepter une telle démarche. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 32 quinquies. Nous refusons d’entrer dans la logique d’habillage de la capitalisation, qui a été portée par les députés à l’Assemblée nationale, à laquelle vous avez aujourd’hui recours parce que le Gouvernement n’a pas voulu affronter directement l’ensemble des organisations syndicales, des salariés, des retraités en annonçant d’emblée que la capitalisation sous-tend votre réforme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. L’article 32 quinquies vise à justifier de manière implicite les retraites chapeaux.

Voilà maintenant de nombreuses journées et de nombreuses nuits que nous dénonçons le caractère injuste de ce projet de loi. Après les longues discussions que nous avons eues sur des sujets majeurs, notamment la pénibilité, le présent article, par un effet d’affichage, ne peut que susciter une certaine indignation dans l’opinion.

En effet, il s’agit ici, on l’a bien compris, d’inciter les cadres qui souhaitent continuer à bénéficier de la retraite chapeau à mettre en place un PERCO ou un contrat d’épargne retraite, afin de dissimuler les privilèges qui leur sont octroyés.

Notre collègue Jean-Pierre Sueur a, tout à l’heure, clairement analysé ce processus d’autolégitimation sur les retraites chapeaux qui, incontestablement, nous paraît des plus injustes.

En effet, ces retraites chapeaux sont des chèques de départ de plusieurs millions d’euros, qui constituent un des aspects les plus choquants de l’indécence qui caractérise les rémunérations des PDG. Hélas pour eux, ces avantages sont désormais portés à la connaissance du grand public, et figurent dans les documents d’information qui sont publiés par les groupes cotés en bourse.

Peu à peu, on découvre l’intégralité des rémunérations folles de nombreux patrons. (Signes d’impatiences sur les travées de lUMP.)

M. Alain Vasselle. C’est fini !

M. Jacques Gautier. Il a épuisé son temps de parole !

M. François Marc. Ce qui doit nous inquiéter, mes chers collègues, ce sont ces informations récentes, communiquées lors des dernières semaines, qui font état d’une explosion, depuis 2009, des rémunérations des administrateurs d’entreprises et des bonus qui sont accordés à certains traders. (Mêmes mouvements.)

M. Jean Desessard. Très juste !

M. François Marc. Notre questionnement concernant ces retraites chapeaux est donc tout à fait légitime. Il s’agit, à travers les amendements de suppression qui sont émis ici, de tenter d’arrêter ce processus de légitimation de certains avantages indus. (Signes d’impatiences sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cointat. C’est tout de même incroyable ! On ne peut pas continuer comme cela !

M. François Marc. Certes, les retraites chapeaux peuvent avoir une utilité dans la gestion des ressources humaines, et peuvent conserver une fonction d’attractivité de carrière pour de nombreux cadres, et pour des droits supplémentaires qui souvent ne dépassent pas quelques centaines d’euros mensuels.

L’entreprise peut déduire du bénéfice imposable le montant des primes versées si elle recourt à un tiers externe pour la gestion de la retraite supplémentaire. À ce sujet, j’attire votre attention… (Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Laissez terminer M. Marc !

M. François Marc. Je viens de commencer, madame la présidente, je n’ai parlé que deux minutes…

M. Christian Cointat. Pas du tout !

Mme la présidente. J’entends bien, monsieur Marc. Mais vous savez que la fatigue se fait partout un peu sentir … (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Reprenez votre propos, je vous laisse encore deux minutes et demie de temps de parole. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. François Marc. Je crains de ne pas devoir vous remercier de ce temps de parole que vous m’accordez, madame la présidente. C’est en effet un temps qui m’est dû. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Je n’attends pas de remerciements, monsieur Marc. Veuillez poursuivre.

M. François Marc. Je voulais attirer votre attention, mes chers collègues, sur le rapport que vient de publier le conseil des prélèvements obligatoires, concernant les niches fiscales et sociales. Nous avons en effet, ces derniers jours, pu prendre connaissance des décisions prises depuis 2002 dans notre pays, qui conduisent le conseil des prélèvements obligatoires à signaler que, depuis cette date, 107 dépenses fiscales applicables aux entreprises ont été créées, soit près de 12 dépenses fiscales nouvelles par an. On observe d’ailleurs que le rythme s’est accéléré depuis 2006. Cette accélération s’explique sans doute par le fait qu’à partir de 2006 les politiques qui ont été menées visaient à accentuer cette évolution.

Le rapport du conseil des prélèvements obligatoires attire enfin l’attention sur l’injustice constituée par les retraites chapeaux, et la nécessité qu’il y aurait, aujourd’hui, à modifier ce dispositif.

Tous les dirigeants du CAC 40 se sont fait voter des retraites à faire rêver !... Et tous ont un double privilège : ils ne versent aucune cotisation pour financer leur retraite supplémentaire, et ils se gardent bien de calculer le montant de celle-ci sur la base des vingt-cinq meilleures années, comme le premier salarié venu.

Il n’est donc pas acceptable, mes chers collègues, de poursuivre la consolidation et la pérennisation des retraites chapeaux, telles qu’elles seraient introduites par ce dispositif. Dès lors, la suppression de l’article 32 quinquies a totalement sa raison d’être. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 51, 282, 387 rectifié et 475, tendant à supprimer l’article 32 quinquies.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 70 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 153
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 1148, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Notre amendement vise à supprimer le premier alinéa de l’article 32 quinquies de ce projet de loi de réforme des retraites.

Nous souhaitons sa suppression car il s’inscrit dans le titre V ter de ce projet de loi qui consacre véritablement l’épargne retraite.

Si chacun des articles de ce projet de loi est injuste et inadmissible – nous n’avons pas peur de le répéter –, ce titre V ter constitue l’aboutissement idéologique des destructions opérées par les articles précédents : l’affaiblissement du régime de retraite par répartition, pour favoriser la retraite par capitalisation.

Ce projet de loi opère un véritable changement de système de notre régime de retraite. Sous couvert de vouloir préserver la retraite par répartition, tout est fait pour mieux l’affaiblir et faire évoluer un système fondé sur la solidarité collective vers une épargne individuelle, aussi injuste que dangereuse.

L’article 32 quinquies est ici particulièrement significatif puisqu’il crée une obligation d’extension de l’épargne retraite pour chacun des salariés, lorsqu’il existe dans l’entreprise des retraites chapeaux.

Voilà la seule volonté du Gouvernement qui, une fois de plus, fait passer les intérêts du capital et des grandes entreprises, pressées de prospérer sur ce qui va devenir un véritable marché de la retraite, avant ceux des salariés.

Car la retraite par capitalisation ne peut être satisfaisante pour les salariés et les futurs retraités ; elle n’est pour eux qu’un miroir aux alouettes que brandissent comme une solution miracle ceux qui peuvent et qui veulent en tirer profit.

Nous nous opposons vivement à ce que le niveau de retraite de chacun dépende de son épargne individuelle, a fortiori quand une part de capitalisation est introduite dans la retraite.

De plus, l’épargne retraite n’offre pas des garanties suffisantes pour les salariés. En effet, les prestations de celle-ci sont largement inférieures à la seule qui vaille : la retraite par répartition.

L’effort d’épargne exigée serait en effet trop important, pour une pension au final assez maigre. Par ailleurs, aucune garantie n’existe pour indexer le montant des pensions sur les salaires, ni pour compenser la perte du pouvoir d’achat due à l’inflation.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de voter pour cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’avis est défavorable sur cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Défavorable également.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Le développement de cette épargne retraite constitue pour nous une priorité claire et nette donnée aux plus riches.

En effet, le développement de l’épargne retraite pour compléter une ressource de base programmée à la baisse constitue en réalité une rupture avec le principe de solidarité, sur lequel reposait notre système de retraite bâti au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Sur le papier, tout le monde a le droit d’épargner ; en revanche, concrètement, nombre de nos concitoyens ne peuvent pas le faire, au regard des revenus dont ils disposent aujourd’hui. Ceux qui ont du mal à « boucler » leurs fins de mois ne pourront jamais épargner pour leur retraite.

Ne pas accepter cette réalité, c’est pratiquer la politique de l’autruche.

Cette priorité donnée aux riches repose également sur le principe des exonérations fiscales. En effet, il s’agit d’un cadeau proportionnel à la richesse. Ce « manque à gagner » pour l’État est supporté par tous les contribuables, y compris les bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA, car ils paient, à travers leur consommation, fût-elle minimaliste, la TVA.

Je voudrais rappeler ici une loi économique fondamentale, la loi de Keynes, selon laquelle la propension à épargner est une fonction croissante du revenu. Autrement dit, plus on est riche, plus on peut épargner.

Avec ce dispositif, manifestement, le Gouvernement se prépare à aider les plus riches.

Sur ce sujet, je demande une fois de plus au Gouvernement – je constate que M. Woerth n’est plus là mais M. Tron le suppléera parfaitement –…

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Merci !

M. Jacques Muller. … quel est le coût pour la collectivité du montant de l’épargne retraite. C’est la troisième fois que nous posons la question. Nous aimerions obtenir une réponse.

En conclusion, je dirai que le développement de cette épargne retraite, avec les exonérations fiscales à la clé, relève très exactement d’une redistribution à l’envers des pauvres envers les riches.

Les principes fondateurs de notre système de retraite sont aujourd’hui mis à mal. Les précurseurs de ce système de retraites collectives qui devait être notre fierté – je pense notamment au général de Gaulle et à son délégué au Conseil national de la Résistance, Jean Moulin – doivent se retourner dans leur tombe !

Nous voterons cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1149, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Cet article 32 quinquies, tout comme le titre V ter, n’a pas d’autre but que de consacrer et d’organiser la retraite par capitalisation.

Ce projet de loi la pose tout d’abord comme une simple possibilité, avant de la prévoir de manière obligatoire dans les entreprises. Enfin, on voit bien arriver la dernière étape : c’est l’obligation pure et simple de la retraite par capitalisation, en la soumettant aux retraites chapeaux de quelques-uns dans les entreprises.

La retraite par répartition à laquelle nous sommes tant attachés, proclamée à l’article 1er, est ensuite soigneusement et insidieusement liquidée par le reste de ce projet de loi.

Faire que la capitalisation ne soit plus un simple choix mais devienne, petit à petit, une véritable obligation : voilà le but ultime de la majorité et de ce projet de loi.

Les Français le savent et vous le disent, monsieur le secrétaire d’État, mais vous persistez à ne pas vouloir les entendre, le système de retraite par capitalisation amplifie les inégalités salariales. C’est un système profondément injuste. Ils n’en veulent pas, car la plupart d’entre eux percevront une pension insuffisante et aléatoire.

C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement de suppression de votre mécanique douteuse et incompréhensible, mais fidèle à votre objectif.

Nous vous demandons, une fois encore, d’écouter la rue. (Exclamations sur les travées de lUMP.) Les Français veulent que le montant de leur retraite soit pérenne et leur permette de vivre dignement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1149.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1150, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Beaucoup a été dit sur ces fameuses retraites chapeaux. Je ferai tout de même quelques remarques.

Il est des moments révélateurs dans nos débats, où il vous est plus difficile de dissimuler vos véritables intentions.

Nos concitoyens ont découvert l’existence des retraites chapeaux, qui attribuent des mannes exorbitantes, en plus de leurs non moins exorbitantes rémunérations, à des PDG des entreprises du CAC 40 pour « stimuler la concurrence », comme l’a dit notre collègue Jean-Pierre Fourcade. Pour nombre d’entre eux, ces retraites chapeaux symbolisent tout ce qu’il y a de profondément immoral dans cette société ultralibérale, chère à votre cœur, et dans laquelle vous voulez faire entrer la France à marche forcée.

Il est particulièrement scandaleux d’avoir aujourd’hui ce débat, que je trouve détestable, alors que l’on va demander aux salariés d’accepter de travailler plus longtemps, et souvent d’avoir une retraite, non pas chapeau mais au rabais.

Le Président de la République avait, au cœur de la crise, déclaré solennellement qu’il allait moraliser le capitalisme. Proposer à ces salariés, parce qu’on est un peu gêné aux entournures, de conditionner le bénéfice des retraites chapeaux, qu’on bénit pour l’occasion, à l’ouverture d’un PERCO, que l’on pourrait appeler leur ersatz, ce fonds de pension à la française, dont nous avons déjà dit très abondamment tout ce que nous en pensons – et qui, d’ailleurs ne rencontre pas le succès attendu, comme le souligne M. Leclerc lui-même dans son rapport –, je trouve que c’est à la fois scandaleux et arrogant.

Chers collègues, vous avez l’occasion de vous rattraper en votant notre amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 1212, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 3 et 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° Régime de retraite supplémentaire auquel l'affiliation est obligatoire et mis en place dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.

II. - En conséquence, alinéa 5

Remplacer la référence :

par la référence :

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de simplification, qui vise également, mais de manière incidente, à consacrer l’épargne retraite sur un plus petit nombre de types de contrats, tout en conservant pour l’entreprise un panel de choix suffisamment large.