M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. N’étant pas Madame Soleil (Sourires.), je me contenterai de vous décrire la situation actuelle. Demain commence la procédure de conciliation sur le prochain budget, dans le cadre d’une nouvelle procédure, qui, vous l’avez justement rappelé, donne des pouvoirs importants au Parlement européen.

Allons-nous vers la reconduction du budget antérieur en cas de blocage ? À cet égard, les articles 314 et 315 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne sont clairs : en cas de rejet du budget, la commission serait appelée à présenter un nouveau projet. Dans l’attente, l’Union fonctionnerait sur la base des douzièmes provisoires, c’est-à-dire un douzième du budget ouvert l’année précédente. On ne peut bien évidemment exclure un tel cas de désaccord.

Cette situation ne perturberait pas le fonctionnement de l’Union, puisque le système des douzièmes provisoires permet d’éviter tout blocage. Pourrait-elle gêner la mise en œuvre d’un nouvel instrument comme le Service européen d’action extérieure ? S’agissant du rythme de recrutement, on observe pour le moment une montée en puissance.

Quoi qu’il en soit, les différents États ont demandé aux institutions européennes de « calmer » le rythme de leurs dépenses. En effet, ceux qui demandent aux États de faire des efforts d’économies ne peuvent ensuite réclamer 6 % d’augmentation pour leurs propres dépenses ! Une telle remarque vaut également pour le Parlement européen, lequel, au motif qu’il se considère comme étant un parlement très important, aurait à couvrir des dépenses supplémentaires elles-mêmes très importantes. Quand on demande au peuple de faire des efforts, les institutions européennes, aussi respectables soient-elles, doivent agir dans le même sens. (Très bien ! au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, je vous poserai deux questions.

Tout d’abord, comment comptez-vous présenter l’accord de Deauville aux Britanniques, qui doivent se sentir un peu amers de ne pas être de la danse ? Certes, ils ne participent jamais pleinement aux institutions, mais cela ne les empêche pas de critiquer.

J’imagine qu’ils sont aujourd’hui partagés. D’un côté, le terme de « gouvernance économique européenne » doit les révulser, leur nouveau gouvernement ayant répété à de nombreuses reprises qu’il n’y aurait aucun transfert vers Bruxelles. De l’autre, ils veulent se présenter comme très vertueux.

Quoi qu’il en soit, nous avons besoin de trouver un modus vivendi avec la zone sterling et la place financière de Londres. Comment, d’un point de vue politique, envisagez-vous cet aspect ? Il faut en outre espérer que Mme Merkel trouve une majorité pour faire adopter les mesures prévues par cet accord, ce qui n’est pas tout à fait assuré.

J’en viens à ma seconde question. Nous avons évoqué tout à l’heure des sanctions financières et politiques, à croire que la gouvernance économique ne se rapporte qu’à cela. Mais aucune mesure positive n’est prévue. Par exemple, avez-vous envisagé, à un moment ou à un autre, de travailler sur une convergence progressive en matière fiscale, sur un « tunnel de rapprochement » de certains de nos impôts ? Je pense notamment au taux et à l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Monsieur Yung, je commencerai par répondre à votre deuxième question. Oui, nous sommes en train d’organiser la convergence fiscale, car nous sommes convaincus que la gouvernance passe aussi par là. Dans ce but, nous avons demandé à M. Didier Migaud de faire des propositions. Une telle évolution pourra-t-elle concerner les Vingt-Sept ? C’est une autre histoire ! Pour le moment, une « mise en sympathie », si j’ose dire, de nos systèmes avec notre principal partenaire ne serait déjà pas si mal.

J’en viens à votre première question. Nous avons rencontré les Britanniques dimanche soir, puis lundi matin à Luxembourg. Par ailleurs, le sommet franco-britannique du 2 novembre prochain est activement préparé, notamment par Jean-David Levitte, qui était aujourd’hui à Londres.

Très franchement, concernant l’accord de Deauville, peut-on vraiment parler d’amertume en ce qui les concerne ? Certes, ils sont dans une situation inconfortable, dans laquelle ils se sont mis eux-mêmes. C’est toujours la même histoire du monsieur qui a un pied dedans et un pied dehors ! Ils ne veulent absolument pas être concernés par les disciplines de la zone monétaire, alors qu’ils adoptent pourtant les mêmes analyses !

Il est d’ailleurs assez drôle d’entendre un certain nombre de mes amis conservateurs britanniques : je crois entendre Jean-Pierre Chevènement et des « nonistes » français. Pour eux, pas question d’accepter les disciplines communes : ils préfèrent conserver leur livre sterling et rester à l’extérieur !

En même temps, les Britanniques savent bien qu’ils ont un pied dans la zone euro. Ils le reconnaissent même publiquement et officiellement : il n’est qu’à lire leurs déclarations ministérielles ! Ils ont conscience que leurs intérêts nationaux sont liés aux décisions que nous sommes appelés à prendre et sur lesquelles, d’ailleurs, ils ne manquent pas de nous interroger.

Cela étant, au printemps dernier, les Britanniques ont refusé d’adhérer au dispositif de garantie de la zone euro et de se plier aux disciplines y afférentes. Certes, il appartiendra au peuple britannique de se prononcer sur ce choix, mais, honnêtement, je ne peux m’empêcher de considérer que cette attitude « à la fin de la journée », comme on dit là-bas, est probablement la pire des solutions : ne disposant ni d’une souveraineté totale ni des moyens de peser sur les événements afin d’en éviter les conséquences, les Britanniques risquent bien d’être les grands perdants.

Le Royaume-Uni n’est pas la Norvège, laquelle, en raison de sa taille, de sa position géographique excentrée et de ses immenses réserves de gaz, peut parvenir à un équilibre différent. Si nos voisins britanniques, dont l’économie est très imbriquée à celle du continent, veulent que leur pays reste au cœur des marchés financiers, leur position deviendra vite difficilement tenable.

Encore une fois, il ne m’appartient pas de dire à nos amis d’outre-Manche ce qu’ils doivent faire. Je constate simplement que leur positionnement les exclut de facto du bénéfice des décisions que viennent de prendre la France et l’Allemagne.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le secrétaire d'État, plutôt que de vous interroger, je me contenterai de vous faire part de deux réflexions. Si la première paraîtra pessimiste et désabusée, la seconde sera teintée de plus d’optimisme. (Sourires.)

Parler de « gouvernance économique », c’est se gargariser de mots : nous en sommes extrêmement loin ! Tout juste parvient-on, tant bien que mal, à adopter des mesures pour faire face aux problèmes financiers auxquels nous sommes confrontés. Comme vous le rappeliez tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, une gouvernance économique impliquerait à tout le moins des politiques fiscales communes et la gestion en commun d’un certain nombre de dossiers, par exemple les approvisionnements énergétiques ou bien nos relations avec la Chine, auprès de laquelle nous sommes incapables de faire valoir le moindre point de vue, situation passablement ridicule.

Je pourrais ainsi continuer d’égrener les actions qui devraient être menées dans le cadre d’une réelle politique économique européenne, mais le temps me manquerait.

Et que dire des autres politiques ? Au gré de notre débat ont été évoquées différentes questions, notamment celle de la défense européenne. Il est effarant de constater que, face à une mondialisation galopante, à des réalités extrêmement mouvantes et à des enjeux complètement nouveaux, les Européens ont le plus grand mal à être à la hauteur.

J’en suis un peu le témoin : notre pauvre Europe, celle des États-nations chère à notre ami Jean-Pierre Chevènement, après s’être joyeusement suicidée à deux reprises à l’occasion des deux conflits mondiaux qui ont marqué son histoire et avoir ainsi montré à quoi conduisait le nationalisme, aurait pu ressusciter à travers une union réellement dynamique et créative. Or, si celle-ci a pu être telle à certains moments dans le passé, l’Europe paraît terriblement enlisée à ce jour.

Mes propos ne doivent en aucun cas être interprétés comme une critique à l’égard du Gouvernement. J’admire ce qui s’est passé à Deauville : alors que l’on avait depuis quelques mois le sentiment que la situation était bloquée et que les difficultés entre l’Allemagne et la France ne semblaient pas aisément surmontables, il semble que ces dernières aient été aplanies. Certes, elles ne l’ont été que partiellement, mais il faut savoir l’apprécier et se départir d’un certain pessimisme. C’est pourquoi, outre le Gouvernement, je félicite le Président de la République de la part qu’il a prise dans la conclusion de cet accord de Deauville, qui est évidemment une très bonne nouvelle.

J’en viens maintenant à ma seconde réflexion.

Je suis de ceux qui envisagent avec confiance le projet d’accord particulier au sein du traité de Lisbonne, accord aux termes duquel les États volontaires accepteraient de se soumettre à un mécanisme de sanctions consistant notamment en la suppression du droit de vote.

L’idée que l’on puisse retirer son droit de vote à un État associé ne m’effraie pas. Pour autant, je suis bien conscient qu’une telle mesure dérogerait aux règles démocratiques : dans un système démocratique, il paraît difficilement envisageable d’être partie prenante à une association et de perdre son droit de vote. J’objecterai que notre système juridique est en phase de transition entre les structures cohérentes qui demeurent celles des États-nations et une structure européenne en voie de constitution et qui n’a pas encore atteint une telle cohérence. Aussi, dans une telle période, il n’est pas illégitime d’imaginer des solutions surprenantes, sans caractère définitif.

Une solution souple pourrait consister à maintenir à l’État concerné son droit de vote, sans que ce dernier soit pris en considération dans le décompte des voix. Ce faisant, il conserverait le droit de s’exprimer. Il existe donc différentes solutions raisonnables et nuancées, dès lors que, par définition, ceux qui se plieront à l’une ou à l’autre d’entre elles en auront pleinement accepté les termes par un accord particulier. C’est sur un tel accord que doit travailler M. Van Rompuy et que la France et l’Allemagne se sont accordé un délai : cette démarche me paraît excellente.

Yves Pozzo di Borgo a raison d’affirmer que la seule manière de faire sortir l’Europe des Vingt-Sept de l’ornière dans laquelle elle se trouve consiste à développer à quelques-uns, c’est-à-dire entre les États les plus résolus, des coopérations renforcées – appelons-les comme on voudra –, qui soient réellement opérationnelles. J’en suis moi aussi convaincu, et c’est le point de vue que tente de faire valoir la commission des affaires européennes du Sénat. Monsieur le secrétaire d’État, si, à travers cette démarche, vous parvenez à rendre effective cette collaboration, nous ne pourrons que nous en féliciter, car c’est à mon sens le seul moyen pour l’Europe d’échapper à la situation assez pitoyable qui est la sienne.

Je constate donc, pour m’en réjouir, qu’il reste une petite flamme d’espoir. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de contribuer à l’entretenir : je sais que votre action est loin d’être vaine et que nous partageons les mêmes préoccupations.

Je le répète, mes propos ne se veulent nullement critiques : je dresse un simple constat. Monsieur le secrétaire d’Etat, je forme le vœu que votre démarche aboutisse et que, lors des réunions à venir, vous parveniez à raviver cette flamme si fragile qui est la flamme de l’espérance.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Monsieur Fauchon, je vous remercie de vos propos, qui n’appellent pas, de la part du Gouvernement, de commentaires particuliers. Votre constat, loin d’être simple, est brillant. Sachez que je porte moi aussi cette flamme de l’espérance.

M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans le débat souvent vif sur la situation des Roms dans l’Union européenne, les différences d’appréciation entre la Commission européenne et le Gouvernement français se sont plus particulièrement focalisées sur la transposition en droit français de la directive de 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

C’est pourquoi, sur l’initiative de son président, Jean Bizet, la commission des affaires européennes a étudié cette question sous l’angle juridique. Avec mon collègue Richard Yung, nous sommes allés à Bruxelles pour recueillir les observations juridiques de la Commission européenne. Nous avons également entendu les services du Premier ministre et ceux des ministères compétents.

La Commission européenne considérait que la France n’avait pas transposé la directive de manière à rendre les droits prévus par celle-ci « complètement efficaces et transparents ». Selon elle, les garanties prévues par la directive pour encadrer la réserve de l’ordre public au droit au séjour et les mesures d’éloignement devaient faire l’objet d’une transposition expresse.

Le Gouvernement, quant à lui, faisait valoir que ces garanties étaient toutes prévues dans le droit français. Certaines ne résultaient pas de normes spécifiques au droit des étrangers et avaient été dégagées, notamment par la jurisprudence administrative, bien avant la transposition de la directive.

Nous ne pouvons qu’être attentifs au souci de sécurité juridique pour permettre à chacun d’identifier ses droits de manière claire. Dès lors, la commission des affaires européennes a considéré qu’il n’y aurait probablement pas d’inconvénient à inscrire dans notre loi nationale un certain nombre de garanties prévues par la directive qui n’y figureraient pas encore expressément.

Une telle démarche serait concevable sans mettre en cause l’équilibre de notre ordre juridique. Elle pourrait être envisagée lors de l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

C’est pourquoi nous avons accueilli avec satisfaction la décision du Gouvernement de proposer au Parlement de compléter le droit national pour y inscrire les garanties prévues par la directive. Cette décision a d’ailleurs conduit la Commission européenne à renoncer à mettre en œuvre contre la France une procédure d’infraction, comme elle l’avait envisagé le 29 septembre dernier. À titre personnel, je m’en félicite.

Ces réflexions me conduisent à vous poser deux questions, monsieur le secrétaire d'État. En premier lieu, pouvez-vous indiquer précisément au Sénat quelles modifications seront soumises au Parlement ? En second lieu, dans quel délai ces modifications pourraient-elles lui être présentées ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, la France, dans la réponse qu’elle a adressée à la Commission européenne le 15 octobre dernier, a annoncé qu’elle était prête à compléter la transposition de la fameuse directive de 2004 sur la liberté de circulation et de séjour en intégrant dans son droit positif national certains des principes généraux contenus notamment aux articles 27 et 28 de cette dernière.

Les garanties prévues à ces articles étaient déjà inscrites dans nos principes généraux du droit dégagés par la jurisprudence, reconnus et appliqués par tous les tribunaux français. C’est ce qu’Éric Besson et moi-même avons déclaré à Mme Reding et à Mme Malmström, lorsque nous avons été reçus par la Commission européenne, avant l’incident provoqué par la diffusion de cette fameuse circulaire interne au ministère de l’intérieur. À vous dire le vrai, il nous avait alors semblé que certains arguments avaient été entendus.

Cela dit, dans les circonstances présentes, nous avons décidé, à l’issue du dialogue approfondi que nous avons conduit avec les techniciens de la Commission européenne, d’inscrire dans la loi ces garanties, qui existaient déjà.

Sur le fond, ces articles 27 et 28 apportent aux citoyens européens un certain nombre de garanties, s’agissant de la limitation du droit d’entrée et de séjour pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique, de santé publique et de protection contre l’éloignement. Ils prévoient par exemple de tenir compte, dans les procédures d’éloignement, de l’ensemble des circonstances relatives à la situation des individus, « notamment le degré d’intégration sociale et culturelle ».

Je me tiens à votre disposition pour vous transmettre toutes les précisions nécessaires sur les garanties apportées par ces articles et leur transcription concrète en droit français. Je peux toutefois vous indiquer que le Gouvernement vous proposera de les intégrer dans le droit national, selon le calendrier suivant : les articles 27 – sauf le paragraphe 3 – et 28 seront introduits dans le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité que le Sénat examinera au mois de janvier prochain. Le Gouvernement présentera alors un ou plusieurs amendements à cette fin. La loi devrait, après saisine éventuelle du Conseil constitutionnel, être promulguée au printemps 2011.

Le paragraphe 3 de l’article 27, qui porte sur les conditions dans lesquelles l’État membre d’accueil peut obtenir des informations de l’État d’origine sur les antécédents judiciaires d’un citoyen européen, sera transposé par un décret d’application de la loi, une fois celle-ci adoptée.

Naturellement, les circulaires administratives seront adaptées pour tenir compte des modifications de la loi française et en informer toutes les autorités administratives concernées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez souligné l’avancée que constituait la pérennisation du mécanisme de stabilisation financière pour venir au secours de pays qui pourraient faire défaut. Vous n’ignorez pas que, dans une telle hypothèse, chaque pays prêteur devra emprunter à son propre taux. Par conséquent, la solidarité financière, dans le mécanisme en question, présente des limites évidentes.

Je poserai deux questions techniques.

Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous envisagé l’émission de bons européens, qui seraient garantis par l’Allemagne et la France et placés sur le marché au même taux ? Voilà qui serait le signe d’une réelle avancée de la solidarité européenne, à laquelle je ne suis pas hostile, contrairement à ce que croit M. Fauchon, qui confond – mais il n’est pas le seul – nation et nationalisme. Cela dit, je ne me lancerai pas aujourd’hui dans des développements philosophiques.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à la question concernant l’implication du secteur privé à la demande de l’Allemagne. Jusqu’où ira-t-elle ? Demandera-t-on aux banques de renoncer à une partie de leurs créances au cas où un pays viendrait à faire défaut ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, ces deux questions sont tout à fait pertinentes, mais, ne disposant pas de tous les éléments me permettant d’y répondre, je préfère ne pas le faire avant le Conseil européen.

Pour en avoir discuté en privé avec mes collègues allemands, je suis en mesure de vous dire – mais ces propos n’engagent que moi, car engager mes interlocuteurs risquerait de les mettre en difficulté – que ceux qui sont à l’origine de ce désastre financier, qui ont prêté ou acheté des dettes souveraines en sachant que les obligations étaient plus ou moins fiables ont pris des risques et en ont fait courir à tout le monde.

Pourquoi ces opérateurs privés l’ont-ils fait ? Parce qu’ils savaient que, au bout du chemin, en cas de malheur, l’État français, l’État allemand seraient là pour acheter. Et c’est précisément ce qui s’est passé !

Rappelez-vous, le printemps dernier n’a pas été une période facile. Des discussions ont eu lieu entre l’Allemagne et la Grèce et des tensions intérieures se sont fait sentir en Allemagne.

La France a été un peu épargnée. Il est vrai que nous sommes un pays curieux : quand il s’est agi de voter 20 milliards d’euros pour la Grèce, puis 111 milliards d’euros pour la zone euro, une unanimité s’est dégagée, toutes tendances confondues, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, à l’exception de quelques rares voix dissidentes. En revanche, sur la question des retraites, le consensus n’a pas été aussi évident.

Étonnamment, en Allemagne, le débat sur la question « est-ce que je donne ma carte de crédit à la Grèce ou à d’autres pays ? » a été très âpre. Les Allemands ont été très divisés, mais, au final, le Bundestag et le Bundesrat – comme l’Assemblée nationale et le Sénat en France – ont voté ces crédits. C’est ce qui a permis de sauver la zone euro.

Les opérateurs privés peuvent-ils continuer à spéculer et à jouer sur les dettes souveraines des États membres et l’hétérogénéité de la zone euro en étant sûrs que quelqu’un paiera ? Quelle contribution faut-il leur demander ? Ce sont de vraies questions, qui se posent tant en Allemagne qu’en France.

Monsieur le sénateur, à votre première question sur les obligations communes que nous pourrions faire circuler entre la France et l’Allemagne, je dépasserais de très loin mes connaissances et mes attributions ministérielles en y répondant ce soir. Je vous recommande donc de patienter quelque peu ou de vous entretenir par exemple avec Christine Lagarde pour connaître notre orientation future dans ce domaine. Je ne peux vous apporter de réponse aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Je tiens tout d’abord à remercier M. le secrétaire d’État de la qualité de ses réponses et de son engagement, que chacun connaît ici. Le débat qui vient d’avoir lieu fut intéressant.

Je remercierai ensuite l’ensemble de nos collègues, notamment les membres de la commission des affaires européennes, qui ont participé à ce débat.

Je me réjouis des dernières avancées en matière de gouvernance économique de l’Union européenne, qu’il s’agisse du « semestre européen », que chacun a désormais bien à l’esprit au niveau des différents parlements, ainsi que de l’accord franco-allemand qui est intervenu à Deauville. On n’en mesure pas encore toutes les implications, mais cette notion d’interdépendance et de réciprocité entre les États est très importante.

Enfin, je salue le fait qu’au travers de cet accord franco-allemand le Conseil, c’est-à-dire les politiques, ait repris la main de la gouvernance économique de l’Union européenne. Nous analyserons avec beaucoup d’intérêt les travaux qui se dérouleront lors du prochain Conseil européen. (Applaudissements.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen des 28 et 29 octobre 2010.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinquante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinquante, sous la présidence de M. Roger Romani.)