M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces chiffres nous font prendre la mesure des efforts qu’il nous reste à accomplir.

Mes chers collègues, quand nous observons la courbe du déficit primaire, lequel, selon le présent projet de loi de programmation des finances publiques, ne devrait être totalement réduit qu’à la fin de l’année 2013, au moment même où nous respecterions la norme des 3 %, nous mesurons à quel point l’ampleur de notre dette et les taux d’intérêt potentiellement élevés qui pourraient assortir celle-ci détermineront nos comportements politiques et l’avenir à moyen terme de notre pays. Que nous le voulions ou non, ces chiffres s’imposent et s’imposeront à nous ; dès 2011, nous devrons faire des efforts structurels très significatifs pour être crédibles dans notre volonté affichée de respecter les critères de convergence.

Monsieur le ministre, la commission des finances a vraiment joué le jeu. Voilà quelques mois, M. Arthuis et moi-même nous sommes passionnés pour les travaux du groupe de réflexion présidé par M. Camdessus (M. le président de la commission des finances acquiesce), tant et si bien que nous lui avons adressé une contribution écrite, qui figure en annexe de notre rapport sur le présent projet de loi de programmation. Au-delà des enjeux juridiques, nous avons posé deux règles : la règle de sincérité, d’une part ; la règle de responsabilité, d’autre part.

Par « règle de sincérité », nous entendons la nécessité de bâtir les trajectoires en fonction d’hypothèses économiques prudentes.

Mme Nicole Bricq. C’est raté !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je ne doute pas que vous souscriviez à cette règle, ma chère collègue !

Par « règle de responsabilité », nous voulons signifier que les gouvernements ne doivent être tenus pour responsables que de ce dont ils ont la maîtrise : le niveau des dépenses, qu’elles soient budgétaires ou fiscales, et les mesures nouvelles en recettes.

Pour que l’esprit de cette règle de responsabilité soit bien respecté, un dispositif constitutionnel est nécessaire. Ainsi, le Conseil constitutionnel lui-même pourrait un jour être le gardien du bon ordre des choses en matière budgétaire ; en particulier, il pourrait contrôler la conformité des lois financières annuelles à une loi-cadre pluriannuelle relative aux finances publiques.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, va assurément dans le bon sens, mais bien des conditions sous-tendent encore les raisonnements que nous pouvons faire en la matière.

Tout d’abord, il est nécessaire que la loi de programmation pluriannuelle soit intelligible et puisse être comprise par tout lecteur attentif. C’est pourquoi nous sommes attachés à ce que les normes de dépenses, à l’exception de celles qui sont relatives à la sécurité sociale, soient exprimées en milliards d’euros constants sur une base annuelle, plutôt qu’en pourcentages d’augmentation moyens sur une séquence pluriannuelle. Comme le disait mon excellent prédécesseur Alain Lambert, je ne vais pas faire mes courses avec des millièmes de point de produit intérieur brut ! C’est pourquoi la commission des finances a adopté plusieurs amendements tendant à exprimer les normes de dépenses en milliards d’euros constants sur une base annuelle. Je vous sais gré, monsieur le ministre, de les avoir acceptés, car ils permettent de clarifier le texte et de le rendre plus opérant.

De la même façon, nous saluons votre initiative d’interdire enfin aux opérateurs de l’État de recourir à l’emprunt ; nous avons considéré que cette logique devait être poussée jusqu’à son terme, c’est-à-dire que cette règle devait être permanente.

Mais, bien entendu, l’édifice que nous nous efforçons de bâtir – avec un maximum de dépenses pour l’ensemble des administrations publiques d’un côté, un minimum de recettes de l’autre – ne tiendra et ne sera harmonieux que si tous les acteurs jouent bien leur rôle.

Jusqu’à la révision constitutionnelle, le respect de la trajectoire reposera sur l’autodiscipline. En ce qui concerne les crédits des missions pour 2011, il importe déjà, monsieur le ministre, que vous vous montriez totalement convaincant à l’égard de vos collègues, que les gestionnaires ministériels de ces crédits s’approprient, en quelque sorte, la loi de programmation, et qu’ils la considèrent comme étant véritablement de portée contraignante.

C’est là qu’intervient aussi le contexte économique. Comme vous le savez, pour la commission des finances, le taux de croissance ne se proclame pas. C’est une conviction que nous affirmons de longue date. Le taux de croissance s’observe une fois que l’année est passée, d’où notre souci de prudence. C’est pourquoi nous avons souhaité qu’un scénario alternatif, bâti sur la base du taux de croissance potentiel de l’économie – 2 % par an –, puisse permettre de mieux concrétiser le raisonnement sous-tendant la loi de programmation pluriannuelle.

J’ai compris, monsieur le ministre, et nous reviendrons sur ce point à l’occasion de l’examen de votre amendement, que vous acceptiez le principe d’un tel scénario alternatif. Pour vous, l’obligation essentielle est de ramener le déficit public à 3 % du PIB, et, dans l’hypothèse où les circonstances économiques et la croissance seraient un peu ou sensiblement moins favorables, des efforts supplémentaires seraient faits, à hauteur d’un volume annuel de 4 milliards à 6 milliards d’euros, par réduction des dépenses fiscales et des niches sociales. Par ailleurs, vous nous avez indiqué que vous seriez attentif aux effets éventuels de la situation de l’emploi sur d’autres paramètres, par exemple sur le déséquilibre financier du régime de l’assurance chômage.

L’amendement que vous exposerez tout à l’heure montre que nous nous rencontrons dans le raisonnement, même si ce n’est pas dans la présentation du dispositif même de la loi. Cela nous permet de constater, de notre côté aussi, que le dialogue est particulièrement fructueux.

M. François Baroin, ministre. Et que nous croyons à nos prévisions de croissance !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas un acte de foi !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument ! Mais si les prévisions doivent être révisées, toutes conséquences en seront tirées, nous dites-vous, monsieur le ministre, sachant que l’impératif a été fixé à 3 % non pas pour le plaisir de respecter un engagement international, mais en fonction de l’analyse que nous faisons des risques financiers pesant sur nous, ainsi que de l’objectif que nous nous sommes assigné de supprimer le déficit primaire, et donc de mettre fin à l’augmentation de la dette, en 2013, ce qui est une échéance encore assez lointaine. Ne l’oublions pas, mes chers collègues : quand on parle de ramener le déficit public à 3 % du PIB, il s’agit non pas de satisfaire une bureaucratie anonyme, mais tout simplement de faire en sorte que le capital de la dette n’augmente plus, ni plus, ni moins !

J’en termine avec cette question du programme de stabilité. Nous le savons bien, cette séquence pluriannuelle émanant de l’exécutif et de ses services qui doit, dorénavant, être explicitée au printemps dans le cadre de la nouvelle procédure dite du « semestre européen », sera transmise au Parlement. Pour nous, il ne s’agit pas d’une information, ni d’une vague association ; il s’agit de partager la responsabilité des chiffres, et on ne peut le faire qu’après débat et vote, car une assemblée parlementaire ne sait pas faire autre chose que débattre et voter ! Ce n’est pas un colloque, ni un lieu de recherche universitaire ; c’est un lieu où l’on prend des responsabilités, et l’on ne peut le faire que par un vote.

Bien entendu, l’imagination est grande en matière de procédure parlementaire. Il existe, notamment depuis la dernière révision constitutionnelle, des modalités permettant à un tel vote de s’exprimer de manière claire, sans, pour autant, que l’on doive s’astreindre à tout le formalisme de la loi, ce qui, je vous l’accorde, ne serait pas possible dans le laps de temps imparti.

Mes chers collègues, la période que nous allons vivre d’ici à la fin de l’année avec l’examen des textes financiers nous permettra certainement de mieux prendre la mesure des efforts qui nous sont proposés, de nous convaincre de la nécessité de ne pas diverger par rapport à la trajectoire qui est tracée et de mettre en lumière le fait que notre pays ne pourra vraiment peser en Europe – et ce à un moment décisif pour la définition de la politique économique et monétaire de l’Union européenne – que s’il apparaît que toute son énergie est vraiment rassemblée, ramassée pour réduire les déséquilibres actuels. C’est une question, en effet, d’indépendance – vous l’avez dit, monsieur le ministre, et il ne faut pas hésiter à le répéter –, en même temps que de confiance dans les perspectives économiques qui sont devant nous. Avec un tel déficit et une telle dette, la confiance, bien sûr, est difficile à obtenir, mais c’est des efforts que vous menez qu’elle pourra sans doute naître ou renaître. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre séance d’aujourd’hui est le lever de rideau des débats annuels sur les textes financiers. C’est une étape que la commission des affaires sociales estime essentielle, car elle fournit un cadre indispensable à nos prises de position des prochaines semaines.

Je rappelle que c’est la deuxième fois que nous examinons un projet de loi de programmation des finances publiques, mais sans doute la première que l’exercice se fait d’une manière aussi approfondie.

En effet, notre première expérience était arrivée de manière un peu précipitée, quelques semaines seulement après le vote de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a institué cette nouvelle catégorie de lois, et, surtout, au moment même de la survenue de la crise financière qui a bouleversé tous les équilibres.

Ce deuxième exercice de programmation des finances publiques s’inscrit donc dans un contexte différent, celui de l’après-crise. C’est dans ce cadre que le Parlement est conduit à approuver, par un vote, la stratégie du Gouvernement en matière de finances publiques. C’est un réel progrès, car, auparavant, la stratégie était élaborée par le seul Gouvernement, à l’occasion de la transmission, au début du mois de décembre, du programme de stabilité à la Commission européenne.

L’approche globale des comptes publics qu’autorise cette nouvelle catégorie de lois, en intégrant les finances de l’État, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités locales dans un même ensemble et en les insérant dans une perspective pluriannuelle, constitue également une incontestable avancée.

Jusqu’alors, nous pouvions seulement discuter de l’évolution des prélèvements obligatoires, ce que nous avons fait l’année dernière à la même époque et que nous faisons à nouveau cette année, en même temps que nous examinons le présent projet de loi de programmation des finances publiques. C’était évidemment un exercice utile, car il permettait un débat d’ensemble, mais il ne concernait qu’un aspect du sujet, celui des recettes ; pour les dépenses, la réflexion était renvoyée à la discussion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En matière sociale, toutefois, nous avions déjà un débat tel que celui que le Gouvernement nous propose aujourd’hui, puisque, depuis le vote de la loi organique du 2 août 2005, le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit être accompagné d’une annexe B comportant une projection pour les quatre années à venir, tant pour les recettes que pour les dépenses, à la fois pour le régime général et pour l’ensemble des régimes obligatoires de base.

Au cours des derniers exercices, nous avons beaucoup critiqué cette annexe, que nous trouvions insuffisamment fournie. Aujourd’hui, s’il fallait dresser un bilan, je dirais que, malgré ses limites, notamment en termes de fiabilité et de durabilité des projections, l’annexe a l’incontestable mérite de proposer une trajectoire et de faire apparaître des tendances qui montrent avec beaucoup de clarté les difficultés du redressement des comptes.

Avec le présent projet de loi de programmation des finances publiques, nous disposons d’un outil plus complet encore et plus cohérent, d’un outil de bonne gouvernante qui manquait et que nombre d’entre nous appelaient d’ailleurs de leurs vœux. Il permet d’éclairer de façon plus lisible et transparente le débat public sur l’ensemble de nos finances, qui représentent environ la moitié de la richesse nationale.

Ce projet de loi n’est toutefois qu’une programmation. Cela signifie que les prérogatives du législateur financier et celles du législateur social sont préservées, de même que les domaines respectifs des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Cette situation pourrait toutefois évoluer si le Gouvernement retenait la proposition du rapport Camdessus de créer une nouvelle catégorie de lois. En effet, ce rapport préconise d’instituer des lois-cadres de programmation des finances publiques qui s’imposeraient juridiquement aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

Certes, nous n’en sommes pas encore là, mais le Premier ministre a suggéré de lancer une consultation sur une éventuelle réforme en profondeur du pilotage des finances publiques, allant, pourquoi pas, jusqu’à l’introduction, dans la Constitution, d’une règle d’équilibre des finances publiques. Je sais que ce sujet a fait l’objet de nombreux débats à l’Assemblée nationale, notamment d’interventions vigoureuses des députés centristes.

À l’évidence, ce débat nécessite une réflexion approfondie, et l’expérience des deux dernières années –singulièrement l’examen du premier projet de loi de programmation des finances publiques – doit, me semble-t-il, nous rendre particulièrement prudents en la matière.

La loi de programmation des finances publiques d’il y a deux ans a été votée dans un contexte très particulier : la crise financière venait de se déclarer, ses conséquences sur l’économie « réelle » étaient encore très incertaines, et la pertinence de l’exercice a très vite été remise en question.

La trajectoire prévue est donc devenue immédiatement caduque. Le Gouvernement ayant fait le choix, d’une part, de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, et, d’autre part, de mettre en place un plan de relance significatif, les déficits et la dette publics se sont envolés vers des montants encore jamais atteints. Le Gouvernement et le Président de la République avaient-ils d’autres solutions ? Je n’en suis pas certain, d’ailleurs les chiffres nous montrent aujourd’hui que la situation tend à s’améliorer malgré tout.

Il importe désormais de remédier aux déséquilibres budgétaires et financiers considérables que connaît notre pays et de replacer nos comptes publics sur une trajectoire de désendettement à la fois crédible et efficace. L’exercice est naturellement bien plus complexe qu’il ne l’était voilà deux ans.

L’objectif affiché par le Président de la République lors des conférences nationales des finances publiques du printemps dernier et repris dans le dernier programme de stabilité présenté à nos partenaires européens est de réduire le déficit public à 3 % du produit intérieur brut en 2013.

À l’horizon de 2011, l’objectif considéré comme « majeur et intangible » est de ramener le déficit public à 6 % du PIB. Pour ce faire, le Gouvernement retient plusieurs principes.

D’abord, il estime que l’effort de redressement doit engager l’ensemble des administrations publiques : l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales. C’est effectivement indispensable, mais, en ce qui concerne les collectivités territoriales, monsieur le ministre, si vous avez décidé de reconduire les niveaux de dotations des années antérieures, comment allez-vous procéder pour leur imposer de maîtriser l’évolution de leur fiscalité et de leur endettement, dans la mesure où la Constitution pose le principe de leur libre administration ? Peut-être allez-vous jouer sur les contraintes budgétaires ? J’attends votre réponse avec impatience, car cela risque d’être un peu compliqué…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très juste !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Enfin, le Gouvernement juge nécessaire de développer des instruments de gouvernance des finances publiques qui, en particulier chez nos voisins européens, ont joué un rôle essentiel pour infléchir les tendances. C’est indispensable, et j’y reviendrai dans un instant en évoquant l’ONDAM.

Le rapport annexé au projet de loi, assez détaillé d’ailleurs, précise le contexte macroéconomique et les hypothèses retenues pour encadrer la programmation.

Pour ce qui est des finances sociales, objet de mon intervention, les principales hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement sont au nombre de trois.

La première hypothèse est que la croissance connaîtra un redressement d’abord progressif en 2010 et en 2011, avec des taux de 1,5 % et de 2 % respectivement, puis un peu plus dynamique à partir de 2012, avec un taux moyen de 2,5 % par an.

La deuxième hypothèse est que la masse salariale –élément qui détermine les trois quarts des recettes de la sécurité sociale – augmentera de 2 % en 2010, de 2,9 % en 2011 et de 4,5 % par an les trois années suivantes. Il s’agit là d’une prévision assez ambitieuse, et nous ne pouvons nous empêcher de considérer une telle hypothèse comme optimiste ou, pour le moins, très volontariste de la part du Gouvernement. Cela étant, si nous ne faisions pas preuve de volontarisme, comment pourrions-nous nous fixer des objectifs et plus encore tenter de les atteindre ? Nous nous efforcerons de vous aider dans cette tâche, monsieur le ministre.

La troisième hypothèse est que l’inflation hors tabac s’établira à 1,5 % en 2010 et en 2011, puis à 1,75 % les années suivantes.

Dans ce cadre, l’objectif de réduction du déficit public à 2 % du PIB en 2014 et, pour les seules administrations de sécurité sociale, à 0,5 % du PIB, est à l’évidence exigeant : cela signifie un solde d’environ 11 milliards à 12 milliards d’euros, soit une division par deux du déficit, aujourd’hui stabilisé aux alentours de 20 milliards d’euros.

La stratégie à suivre repose sur les éléments essentiels suivants.

Tout d’abord, il faudra faire des efforts pour accroître la maîtrise de la dépense. Un objectif chiffré de dépenses est fixé pour l’ensemble des régimes obligatoires. Il correspond à une croissance annuelle moyenne des dépenses de 3,3 %, inférieure en volume d’environ un point à celle du PIB. La réforme des retraites contribuera largement à ces efforts, mais je ne suis pas persuadé que cela soit suffisant. Cependant, là encore, sachons faire preuve de volontarisme !

Pour la branche maladie, conformément aux préconisations du rapport Briet, l’ONDAM est fixé à 2,9 % pour 2011, puis à 2,8 % pour 2012 et pour les années suivantes. Cet objectif est certes ambitieux, mais sans doute pas inatteignable, comme le montrent les résultats de 2010 : à la fin de l’année, l’ONDAM, qui avait été fixé à 3 %, devrait être respecté pour la première fois depuis 1997, mais au prix du gel d’un certain nombre de dépenses, à hauteur de pas moins de 450 millions d’euros.

Le PLFSS pour 2011 met en réserve 530 millions d’euros. Vous n’avez pu donner le détail de cette disposition devant la commission des affaires sociales, monsieur le ministre, mais peut-être serez-vous en mesure de nous apporter quelques précisions aujourd’hui.

Pour parvenir à un ONDAM de 2,8 % en 2012, il faudra trouver chaque année au moins 2,3 milliards d’euros d’économies pour contenir la progression des dépenses de santé, dont l’évolution tendancielle, je vous le rappelle, est supérieure à 4 % par an.

Le rapport annexé au projet de loi fait état de la nécessité d’engager des réformes structurelles pluriannuelles, en améliorant les synergies entre les différents types de prise en charge – ambulatoire, hospitalière, médicosociale –, en modernisant les modes d’exercice des professionnels de santé, par l’extension des nouveaux modes de rémunération ou la promotion du contrat d’amélioration des pratiques individuelles, ou encore en améliorant l’efficience de l’hôpital. Sur ce dernier point, il reste beaucoup à faire !

Je suis également convaincu que l’on peut réaliser des économies dans ces différents domaines, car les marges d’efficience sont grandes. La Cour des comptes nous le rappelle d’ailleurs chaque année. Toutefois, lorsque les décisions sont prises, leur application est souvent lente, pour ne pas dire très lente… Je pense notamment ici à la convergence des tarifs entre l’hôpital public et le secteur privé, dont il est question depuis 2004 mais qui ne progresse que très lentement.

Pour les autres branches de la sécurité sociale, le rapport comporte peu d’indications, hormis l’affichage de la nécessité d’assainir les finances de la branche accidents du travail-maladies professionnelles afin de lui permettre d’élargir ses missions et de « l’impératif d’adapter la politique familiale aux évolutions économiques et sociales ». Cela est bien flou, vous en conviendrez, monsieur le ministre. Le Gouvernement a encore des progrès à faire en matière de définition, dans le cadre de ses prévisions pluriannuelles, des éléments sur lesquels il entend s’appuyer pour mieux maîtriser les dépenses ou faire progresser les recettes, en vue d’assurer l’équilibre financier des différentes branches. En effet, comme nous aurons l’occasion de le souligner lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la branche famille a été particulièrement mise à mal par toutes les mesures qui ont été prises lors des réformes précédentes.

La sécurisation des recettes est un autre élément essentiel. Elle passe par une dynamique suffisante des ressources du régime général et par la poursuite de la mise en œuvre de la stratégie de réduction des dispositifs d’exonération et d’exemption, c’est-à-dire des fameuses « niches sociales ».

Le projet de loi de programmation des finances publiques se fonde sur une progression annuelle de 4,1 % des produits du régime général. C’est là encore un objectif particulièrement exigeant, supérieur à ce qui a été enregistré les années précédentes. Il est directement lié à la croissance de la masse salariale. Or, un point de masse salariale en moins représente une perte de ressources d’environ 2 milliards d’euros pour la sécurité sociale.

Cela étant, on peut aussi atteindre cet objectif en veillant à limiter le développement des exemptions d’assiettes des exonérations de charges et de contributions sociales, c’est-à-dire en contenant la progression des « niches sociales ». Ces dernières représentent en effet des dizaines de milliards d’euros.

La commission des affaires sociales s’intéresse à cette question depuis plusieurs années. Nous avions ainsi proposé successivement, avant que le Gouvernement et l’Assemblée nationale ne s’emparent de ces idées, la taxation des stock-options ou l’instauration d’une flat tax, dénommée aujourd’hui forfait social. Nous avons également cherché à limiter le poids des exonérations de charges. Ainsi, l’année dernière, nous avions proposé une annualisation du calcul de ces allégements, suggestion à laquelle le Gouvernement a d’abord opposé une fin de non-recevoir.

Je relève une fois de plus que le Sénat est en avance sur son temps, puisque nos propositions, qui avaient d’ailleurs été relayées par la commission des finances, ont finalement été reprises par le Gouvernement, en ce qui concerne notamment l’annualisation des exonérations de charges, ou par l’Assemblée nationale, s’agissant de la taxation des stock-options !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement propose d’ailleurs maintenant de relever le taux de cette dernière, ce qui montre à nos collègues de l’opposition que, contrairement à leurs dires, le financement de la réforme des retraites repose aussi sur la fiscalité du patrimoine. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Cela étant, il faut arrêter de faire croire à nos concitoyens que la taxation du patrimoine suffirait à financer les dizaines de milliards d’euros de déficits publics qui pèsent sur notre pays ! Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de celle du projet de loi de finances, nous démontrerons qu’il ne saurait en être ainsi ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas le sujet !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. De telles affirmations sont infondées ! C’est mentir aux Français que de leur laisser croire que la taxation du patrimoine serait une solution miraculeuse ! Vous soutenez cette thèse pour des raisons purement idéologiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Peut-être que si nous nous y mettons à deux, ils nous écouteront davantage !

M. Roland Courteau. Vous ne voulez pas écouter l’opposition !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je me réjouis des règles de bonne gouvernance et d’encadrement des dépenses fiscales et des niches sociales prévues aux articles 9 et 9 bis du projet de loi de programmation.

L’article 10, quant à lui, reprend en fait l’idée de la clause de retour à meilleure fortune que j’avais développée lors de la discussion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, de manière à ne pas faire supporter aux générations futures le poids de la dette que nous avons créée.

S’agissant des autres articles, je ferai simplement valoir que la commission des affaires sociales attend avec impatience le bilan que le Gouvernement devra présenter sur l’évaluation de tous les dispositifs en vigueur.

En conclusion, je suis bien conscient que l’art de la prévision est difficile. J’en veux pour preuve les écarts constatés dans les projections d’une année à l’autre. Ainsi, il y a deux ans, le Gouvernement nous promettait, dans ses différents scénarios, un retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2012.

M. Didier Guillaume. C’est raté !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Voilà un an, crise oblige, les prévisions quadriennales de l’annexe B envisageaient une tout autre situation, marquée par un déficit difficilement stabilisé autour de 30 milliards d’euros jusqu’en 2013 au moins. La prévision de cette année modifie à nouveau sensiblement cette projection, avec un déficit du régime général d’environ 20 milliards d’euros aujourd’hui, devant être ramené à quelque 15 milliards d’euros en 2014, soit la moitié de ce qui était annoncé il y a un an !

Sachons donc faire preuve d’humilité ! Que nos collègues de l’opposition ne se montrent pas trop critiques sur ces prévisions quadriennales, car s’ils étaient au pouvoir,…