réforme des retraites

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Éliane Assassi. Ma question s'adresse à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Le débat portant sur la réforme des retraites a, de toute évidence, montré que vos préférences allaient au MEDEF (Exclamations sur les travées de lUMP.) plutôt qu’à la concertation avec les organisations syndicales.

À preuve : alors qu’elle a été adoptée par le Parlement, votre réforme montre que les salariés ont tout à perdre, tandis que le patronat et les hyper-riches ont tout à gagner puisqu’ils ont obtenu que celle-ci soit financée quasi exclusivement par les travailleurs.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. René-Pierre Signé. C’est dommage !

Mme Éliane Assassi. Pendant que vous maintenez le gel des cotisations patronales, vous obligez les salariés à travailler jusqu’à 62 ans, et ce sans que le niveau des pensions soit revalorisé. Pis, avec les décotes, il baissera !

Pendant que vous permettez aux actionnaires de continuer à multiplier les dividendes qu’ils perçoivent, vous repoussez à 67 ans l’âge permettant à un salarié de bénéficier d’une carrière à taux plein, à condition qu’il puisse justifier de 41,5 annuités de cotisations. Autant dire que c’est impossible !

Pendant que vous affirmez sauver les retraites par répartition, vous multipliez les mécanismes de retraite par capitalisation, comme l’exigeaient d’ailleurs les banques et les assurances, qui ne rêvent que d’une chose : mettre la main sur les 230 milliards d’euros de retraites que gère la sécurité sociale…

Mme Éliane Assassi. … et sur lesquels elles veulent tant spéculer !

Pendant que vous affirmiez de manière mensongère conserver la solidarité intergénérationnelle, votre majorité adoptait ici même, au Sénat, un amendement prévoyant un basculement prochain de notre système de retraite de répartition vers un système par points, qui n’obéit qu’à une règle : le chacun pour soi.

Ce double discours, nos concitoyens l’ont si bien compris que la mobilisation ne faiblit pas et la colère est grandissante. C’est d’autant plus vrai que le Président de la République lui-même a été contraint d’annoncer qu’il avait entendu les « inquiétudes, souvent légitimes exprimées sur la réforme des retraites » et qu’il prendrait « des initiatives le moment venu pour y répondre ».

Si les inquiétudes de nos concitoyens sont légitimes (Mme Janine Rozier manifeste son impatience.), c’est bien que les solutions que vous proposez ne le sont pas ! Dès lors, nous avons une proposition toute simple à vous faire : la non-promulgation de la loi (Exclamations sur les travées de lUMP.) et l’ouverture immédiate d’une grande consultation nationale sur les retraites (Mme Janine Rozier manifeste de nouveau son impatience.) au sein de laquelle les organisations syndicales auraient naturellement toute leur place !

Monsieur le président, voici ma question. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.) Monsieur le Premier ministre, nos concitoyens vous enjoignent d’agir maintenant. Entendez-vous, comme ils le réclament, demander au Président de la République de ne pas promulguer la loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la sénatrice, les Français ont tout à gagner à la réforme des retraites (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.),…

Mme Éliane Assassi. Plutôt tout à perdre !

M. Jacques Mahéas. Ils sont tous d’accord !

M. Éric Woerth, ministre. … parce que c’est le sauvetage du régime de retraite de tous les Français. Et il faut bien que tous les Français, selon leurs capacités, fassent un effort pour que ce sauvetage ait lieu.

M. René-Pierre Signé. Ils n’en sont pas persuadés !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pratiquez la langue de bois, monsieur le ministre !

M. Éric Woerth, ministre. Ils doivent faire un effort sur l’âge et un effort financier, en contribuant plus au financement du régime de retraite. Ainsi, ceux qui gagnent plus participeront à hauteur de 4 milliards d’euros ; …

M. René-Pierre Signé. C’est peu !

M. Éric Woerth, ministre. … les entreprises financeront également la solidarité à l’intérieur de notre système de retraite pour un montant de 4 milliards d’euros.

M. René-Pierre Signé. Ce sont les salariés qui paient !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a pas de financement ; il y a un trou !

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons élaboré cette réforme ensemble, après des semaines de discussions,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais non ! Vous allez devoir faire une nouvelle réforme !

M. Robert Hue. C’est l’hommage du vice à la vertu !

M. Éric Woerth, ministre. … au cours desquelles chacun a exposé ses propres idées, et vous y avez participé activement – je n’emploierai pas d’autre qualificatif ! –, avec beaucoup de sérieux. (Marques d’ironie sur les travées de lUMP.) Bien que nos idées nous opposent, nous devrions au moins pouvoir nous mettre d’accord sur un point : …

M. Éric Woerth, ministre. … à un moment donné – et peut-être devrons-nous le faire régulièrement –, nous ne devons pas hésiter à modifier certaines règles qui régissent notre système de retraite. Tous les pays le font.

M. René-Pierre Signé. Si on les modifie, c’est que les règles ne sont pas bonnes !

M. Éric Woerth, ministre. Quand on vit plus longtemps,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On va vivre moins longtemps maintenant !

M. Éric Woerth, ministre. … il est naturel de repousser l’âge de la retraite, car le système de retraite est le miroir de la vie.

Avec ce système de retraite que nous avons conçu, avec cette réforme telle que nous l’avons voulue, telle que le Président de la République l’a souhaitée et telle qu’elle a été portée par le Premier ministre,…

M. David Assouline. Et le MEDEF !

M. Éric Woerth, ministre. … nous avons voulu que l’on travaille un peu plus longtemps, tout en intégrant, dans le même temps, des droits nouveaux, tels que le droit à la pénibilité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. René-Pierre Signé. À l’invalidité plutôt !

M. Guy Fischer. C’est la poussière sous le tapis !

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons voulu permettre aux personnes qui ont vécu des périodes professionnelles plus dures que les autres de pouvoir partir plus tôt à la retraite.

M. Guy Fischer. Parlons-en !

M. Didier Boulaud. C’est vrai que c’est pénible de vous écouter ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. Nous avons fait en sorte de prolonger la loi Fillon sur ce que l’on appelle les « carrières longues », des dispositions étant d’ores et déjà inscrites dans la loi pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, dispositions que vous n’aviez d’ailleurs pas votées ! Pourtant, il est juste de considérer qu’une personne ayant commencé à travailler avant dix-huit ans puisse partir plus tôt. Ainsi, ce sont 20 % des Français qui continueront à partir à 60 ans ou avant.

M. Guy Fischer. Il faut travailler jusqu’à 70 ans !

M. Éric Woerth, ministre. Cette réforme est profondément juste et elle l’est d’autant plus qu’elle sauve le régime de retraite par répartition.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle ne sauve rien du tout ! Vous avez déjà prévu une autre réforme en 2013 !

M. Éric Woerth, ministre. Il n’y a pas de capitalisation. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Le seul risque de la capitalisation serait de ne pas oser sauver le régime de retraite par répartition. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

sommet franco-britannique et traités de coopération en matière de défense

M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jacques Gautier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Mardi 2 novembre 2010 ont été signés les accords de Londres sur la défense entre la France et le Royaume-Uni.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bonjour l’indépendance nationale !

M. Jacques Gautier. Disons-le d’emblée, ces accords sont dans la logique des choses.

En effet, nos deux nations fournissent, à elles seules, l’essentiel de l’effort de défense européen. L’addition de nos deux budgets dédiés représente la moitié des dépenses militaires et les deux tiers des dépenses de recherche et de technologie. Nos deux nations sont les dernières en Europe à avoir la capacité et la volonté d’effectuer les missions militaires les plus exigeantes et d’en assumer le financement.

M. Jacques Gautier. De plus, elles sont les seules à disposer d’une force de dissuasion nucléaire.

M. René-Pierre Signé. Avec la permission de l’Amérique !

M. Jacques Gautier. Je me félicite donc de ces accords, qui permettront la mutualisation de certains équipements et de certaines formations, ainsi qu’un partage des coûts de la recherche et du développement. C’est l’assurance d’une défense plus efficace sans le renoncement à notre souveraineté.

M. Jacques Gautier. Néanmoins, je m’interroge, ces accords doivent-ils être interprétés comme un coup d’arrêt à l’Europe de la défense, tirant ainsi les conséquences, reconnaissons-le, du faible engagement de nos autres partenaires ? (M. Didier Boulaud s’exclame.)

Ou bien, au contraire, et de façon paradoxale, est-ce une sorte de première application, grandeur nature, d’une coopération structurée permanente, un noyau dur d’États pilotes, que le traité de Lisbonne autorise désormais à aller de l’avant sans attendre l’accord de tous ? L’avenir le dira.

Quoi qu’il en soit, ces accords renforceront-ils, monsieur le ministre, la dissuasion nucléaire dont dispose chacun de nos pays ?

M. David Assouline. Il n’en sait rien !

M. Jacques Gautier. Arriverons-nous, de ce fait, à avoir une position commune au sommet de l’OTAN, qui se tiendra à Lisbonne dans quelques jours et qui abordera notamment la question cruciale de la défense anti-missile balistique, « complément à la dissuasion », comme nous le défendons, ou « substitut à celle-ci », comme le souhaiteraient nos amis allemands ? (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Où est le temps où la France était indépendante ?

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le sénateur, votre question étant très précise, je tenterai d’y répondre précisément.

M. René-Pierre Signé. Cette question est bienvenue !

M. Bernard Kouchner, ministre. Vous l’avez dit, il s’agit de deux pays amis, partenaires, alliés, européens, qui, ensemble, se sont rapprochés. Un tel rapprochement n’avait pas eu lieu depuis les accords de Saint-Malo.

Mme Nicole Bricq. Exactement !

M. Didier Boulaud. « À Saint-Malo, beau port de mer » !

M. Bernard Kouchner, ministre. Vous l’avez dit, le contexte est aujourd'hui fort différent. Cet accord est-il antieuropéen ? Pas pour la France ! Au contraire, c’est un rapprochement – je l’espère, plus tard, avec d’autres pays –, mais dans le sens de l’Europe.

Votre question concerne la dissuasion nucléaire. Il n’est pas question des autres accords qui concernaient, comme vous l’avez dit rapidement, un certain nombre d’activités qui sont essentielles et qui seront désormais complémentaires, dans le respect absolu, pour la dissuasion nucléaire comme pour ces activités militaires ou la recherche, de la souveraineté nationale. Il est évident qu’il n’y a pas d’automaticité à travailler ensemble.

Pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire, vous avez souligné qu’il y avait deux domaines, un domaine d’exploration et un domaine de reproduction en laboratoire. Dans cette perspective, nous travaillerons avec les Britanniques sur le site de Valduc en France.

M. Didier Boulaud. En Bourgogne !

M. Bernard Kouchner, ministre. En effet, c’est très important de le souligner.

De la même manière, pour ce qui concerne les technologies, notamment l’amélioration des ogives ou le tir de missiles en laboratoire, nous travaillerons ensemble en Grande-Bretagne à Aldermaston.

Vous m’avez très précisément demandé quelle sera l’attitude de la France et de la Grande-Bretagne à Lisbonne lors de la réunion de l’OTAN.

Dans une déclaration commune, sur laquelle nous avons longuement travaillé, les deux pays défendront l’idée selon laquelle l’OTAN devra rester une puissance collective nucléaire tant qu’il existera des dangers nucléaires.

Toutefois, il n’est pas question de substituer à cette dissuasion nucléaire quelque défense anti-missile que ce soit, au contraire. Ce dernier projet, comme vous l’avez très bien dit, monsieur le sénateur, doit être vécu comme un complément et non comme un remplacement de la dissuasion.

De toute façon, le désarmement se discute en dehors du cadre du traité de l’Atlantique Nord, dans d’autres enceintes. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

plan social de l'usine molex

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.

Il y a trois semaines, la direction américaine de l’entreprise Molex a décidé de déposer le bilan de sa filiale française (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) et de la placer en liquidation judiciaire pour « punir » les salariés de Villemur-sur-Tarn, coupables d’avoir osé engager une action devant les prud’hommes destinée, tout simplement, à contester le motif économique de leur licenciement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est scandaleux !

M. Guy Fischer. Patrons voyous, Gouvernement complice !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cette décision inadmissible, prise au mépris du droit français, s’accompagne mécaniquement du refus de continuer à financer le plan social, privant les 19 représentants du personnel de leur congé de reclassement et de leurs indemnités de licenciement et frustrant tous les autres salariés de leur formation, ce qui représente, de la part de Molex, un désengagement financier de l’ordre de cinq millions d’euros.

M. Jean-Jacques Mirassou. Or, la semaine dernière, nous avons appris avec stupeur et indignation – les mots sont faibles –, de la part de ceux-là mêmes qui, pendant de long mois, ont tenté de justifier, pour des raisons économiques, la fermeture du site de Villemur-sur-Tarn, une hausse du chiffre d’affaires de l’entreprise de 33 % sur un an, avec, à la clé, une augmentation de près de 15 % des dividendes versés aux actionnaires.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est honteux !

M. Jean-Jacques Mirassou. Un tel cynisme, car c’est le mot qui convient, a provoqué…

M. Guy Fischer. La colère !

M. Jean-Jacques Mirassou. … de vives réactions en Haute-Garonne, et c’est un département tout entier qui vous demande des comptes aujourd'hui, monsieur le ministre, car le Gouvernement a engagé sa responsabilité à travers la signature apposée par Mme Lagarde sur le plan social.

Par ailleurs, faut-il vous rappeler que, le 24 mars 2010, M. Woerth, nouveau ministre du travail, a autorisé, contrairement à la décision prise par l’inspection du travail, le licenciement pour motif économique de ces mêmes 19 représentants du personnel,…

M. Guy Fischer. Scandaleux ! On s’en souviendra !

M. Jean-Jacques Mirassou. … qui se trouvent aujourd’hui dans les plus grandes difficultés ? Vous avez donc, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, une dette morale et sociale imprescriptible à l’égard de ces 19 salariés.

Monsieur le ministre, les mesures que vous avez annoncées à Toulouse l’autre jour n’ont pas rassuré, et le mot est faible, ceux qui vous ont entendu.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il est donc urgent et indispensable de répondre à deux questions.

Premièrement, que comptez-vous faire pour assurer la pérennité du plan social et des salaires ?

M. Didier Boulaud. Une table ronde. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Deuxièmement, que comptez-vous faire, sur le plan pénal, pour contraindre les patrons voyous à respecter le droit français et à remettre les choses à l’endroit ? (Mme Odette Terrade applaudit.)

M. Jean-Jacques Mirassou. En effet, au moment où je vous parle, deux représentants du personnel sont convoqués dans les locaux de la police judiciaire à la suite d’une plainte déposée par les mêmes patrons voyous. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et voilà ! La police contre les salariés.

M. Guy Fischer. C’est la criminalisation des syndicalistes !

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous conviendrez avec moi, monsieur le ministre, que ce n’est pas le moindre des paradoxes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur Mirassou, si je peux partager en partie votre indignation face à l’injustice dont sont victimes 19 salariés de Molex, je ne puis accepter les accusations que vous avez formulées, notamment en ce qui concerne la décision d’autoriser leur licenciement économique. Celle-ci, je vous le rappelle, a été prise par la Direction générale du travail qui, dans ce type d’affaires, se prononce ainsi dans 70 % des cas.

Pour le reste, comme vous le savez puisque je vous invite, depuis près d’un an, à participer à chacun des comités de pilotage que j’organise au sujet de l’avenir de Molex, je m’oppose, d'une part, à ce qu’un seul salarié soit laissé sur le bord du chemin et, d'autre part, à ce qu’on mette un terme à l’activité industrielle à Villemur-sur-Tarn, dans la région Midi-Pyrénées.

J’ai mené le combat au moment où l’on considérait qu’il n’y avait plus rien à faire. Nous avons obtenu que Molex France maintienne une petite partie de ses activités, à travers une société qui s’appelle Villemur-Industrie : le site, qui n’accueillait plus que 15 salariés, en emploie désormais près de 50. Ceux-ci sont soutenus par le Gouvernement, qui a aidé à la signature de nouveaux contrats pour l’entreprise.

Ensuite, un nouvel événement s’est produit : après que des salariés eurent déposé un recours devant les prud’hommes, ce qui était parfaitement leur droit, Molex États-Unis – et ce comportement est inacceptable – a mis sa filiale française en situation de cessation de paiement, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, pour qu’elle ne puisse faire face à ses obligations à l’égard des 19 salariés protégés.

Si 264 salariés sur 283 ont d’ores et déjà touché la totalité de leurs indemnités, nous serons attentifs à ce que ces 19 représentants du personnel perçoivent également les leurs.

C’est la raison pour laquelle je me suis rendu à Toulouse il y a dix jours, pour prendre, au nom du Gouvernement, un double engagement : d'une part, l’AGS, l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, prendra en charge les congés de reclassement pour ces 19 salariés ; d'autre part, l’État lui-même financera la totalité de la cellule de reclassement. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

J’ai demandé également à PSA et à Renault d’indiquer très clairement à Molex États-Unis qu’ils n’adresseraient plus de commandes à ce groupe, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de leurs équipementiers, s’il ne respectait pas le droit des salariés en France. Je les remercie d’avoir accédé à la demande du Gouvernement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Molex en tremble encore !

M. Christian Estrosi, ministre. Enfin, un liquidateur a été nommé ce matin par le tribunal de commerce. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Le Gouvernement accompagnera sa démarche en justice dans le cadre d’un recours en responsabilité pour insuffisance d’actifs.

Oui, monsieur le sénateur, lorsqu’on ne respecte pas le droit des salariés dans notre pays le Gouvernement est fondé à mettre en œuvre, avec toute l’énergie nécessaire, les moyens adéquats pour les défendre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le passé, on a souvent vu l’État baisser les droits,… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Oui, vous baissez les droits.

M. Christian Estrosi, ministre. … baisser les bras, veux-je dire. Vous le voyez, aujourd’hui, nous faisons preuve de volontarisme. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

chrétiens d'irak

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-Thérèse Hermange. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le terrible attentat perpétré contre les chrétiens d’Irak a bouleversé l’ensemble de nos concitoyens, parce que la protection des chrétiens d’Orient est une mission traditionnelle de la France et parce que cet acte a frappé une communauté historique et autochtone qui ne combat que pour vivre en paix chez elle.

En pleine célébration, à la veille de l’une des fêtes des plus solennelles pour les chrétiens, les armes ont parlé. Désormais c’est à une autre parole de s’exprimer : celle de la paix et du dialogue, pour rétablir la confiance et la coexistence civiles.

Aujourd’hui, l’avenir de cette population et, à travers elle, de la démocratie dans ce pays ne peut laisser la France indifférente, compte tenu de la position que nous avons prise dans le débat sur l’intervention militaire en Irak.

Les chrétiens fuient en masse, et la France les accueille chaleureusement. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de la sécurité de ces citoyens et du respect des libertés fondamentales, ce débat, nous semble-t-il, doit être porté à un autre niveau, au-delà de la seule hospitalité.

Il doit être porté, tout d’abord, dans la sphère internationale. Ne pensez-vous pas que la saisine de l’ONU, voire de son Conseil de sécurité, s’impose ? La France est-elle prête à y défendre cette parole ?

Il doit être porté, ensuite, à l'échelle européenne. Au moment où l’Union européenne met en place le Service européen pour l’action extérieure, la France est-elle prête à encourager une démarche commune, pour que l’Europe montre sa capacité d’action et défende les libertés fondamentales ?

Il doit être porté, enfin, au niveau irakien. Dans la mesure où ces communautés sont vivantes et liées aux autres, la France doit tout mettre en œuvre pour soutenir le tissu social qu’elles ont constitué.

Ne convient-il pas, dès lors, que notre pays recense les projets de soutien aux écoles, hôpitaux, universités, commerces et entreprises qu’il est susceptible d’aider au travers de l’aide au développement et du commerce extérieur, en liaison avec l’État irakien ?

La présence des chrétiens en Irak est un vecteur de paix pour l’Orient, mais aussi pour le monde. La France, sous l’autorité du Président de la République, est-elle prête à relever ce défi, pour que cette communauté historique et autochtone puisse, tout simplement, continuer à vivre chez elle ? (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame la sénatrice, le 31 octobre dernier, c’est un acte odieux et barbare qui a été perpétré. Ce n’était pas le premier, hélas ! en Irak. Il a frappé, dans l’église syriaque de Bagdad, des chrétiens qui assistaient à la messe. Il y eut 50 morts, vous le savez, et le retentissement mondial que cet acte a connu nous impose, une fois de plus, de réagir.

Comment faire ? Tout d’abord, il faut faire face à l’urgence. Ce matin, j’ai reçu les représentants des communautés chrétiennes d’Orient, qui nous demandent de prendre en charge une vingtaine de blessés graves. Nous sommes en train de le faire : ceux-ci seront traités dans les hôpitaux parisiens.

M. Bernard Kouchner, ministre. Cette aide était élémentaire. Que pouvons-nous faire d’autre ? Comme vous l’avez montré à juste titre, madame la sénatrice, et je ne reprendrai pas tous vos arguments à cet égard, les chrétiens font partie de l’histoire de ce pays. Avant le dernier conflit, qui aujourd'hui s’éternise, ils étaient d’ailleurs très nombreux, plusieurs centaines de milliers. Désormais, personne ne peut dire s’ils sont seulement 300 000.

En tout cas, nous ne pouvons, hélas ! les protéger un par un. Aussi, vous avez raison de demander une démarche européenne. Celle-ci sera engagée. J’ai d’ores et déjà demandé que ce sujet soit abordé au plus vite par les vingt-sept pays de l’Union européenne et que Mme Catherine Ashton puisse réagir.

Toutefois, comment faire ? Devons-nous suspendre la coopération avec l’Irak que nous avons engagée ? Celle-ci est tournée très majoritairement, et même presque complètement, vers la formation de la police, des juges et du système judiciaire. Il ne convient donc pas de la supprimer.

Peut-on protéger, comme vous le souhaitez, madame la sénatrice, les écoles chrétiennes, les centres communautaires et les églises ? C’est au Gouvernement irakien de le faire. Nous lui demanderons d’y veiller, mais nous ne pouvons nous en charger nous-mêmes, hélas !

Pouvons-nous nous tourner vers les Nations unies ? Nous nous efforcerons de le faire, en proposant au Conseil de sécurité un débat sur la situation en Irak.

En effet, avec tout le respect que je dois à votre démarche, madame la sénatrice, je suis au regret de vous rappeler que cet attentat n’est pas le premier commis en Irak et que d’autres communautés ont été frappées plus lourdement encore. Je le déplore, mais c’est la réalité. Toutefois, nous formulerons une telle demande à propos de la situation en Irak et nous verrons bien ce qui en résultera.

Sur le fond, il n’est pas question de renoncer à accueillir les chrétiens d’Irak. Brice Hortefeux, Éric Besson et moi-même avons créé depuis 2008 des centaines de places d’accueil dans cette perspective et nous sommes prêts à continuer à le faire.

Toutefois, ce n’est pas la solution. Les autorités irakiennes, ou du moins la communauté chrétienne d’Irak, nous demandent au contraire, comme vous l’avez suggéré, madame la sénatrice, d’engager une démarche internationale, au nom des droits de l’homme et de la liberté de culte. Nous nous y attellerons avec acharnement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)