Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … qui s’évaluent en fonction du praticien, du patient et de la réalité.

MM. Nicolas About et Gilbert Barbier. Et de l’opportunité de l’acte demandé !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Absolument, vous avez raison ! Ce dernier critère n’a pas été pris en compte, mais on pourrait utilement l’ajouter.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Tout à l’heure, madame la ministre, vous avez indiqué que la définition du tact et de la mesure figurait dans un décret. Pouvez-vous me préciser si celui-ci est toujours en vigueur ?

D’après ce que j’ai cru comprendre, il aurait été supprimé sous la pression des professionnels, qui en récusaient le contenu. Autrement dit, le tact et la mesure, par définition, ne se définiraient pas. Cela laisse donc une entière liberté aux médecins de pratiquer les tarifs qu’ils souhaitent. Voilà une conception de l’assurance maladie qui est à l’opposé de la mienne. Pour ma part, je considère que les praticiens doivent prendre l’engagement de respecter les tarifs préconisés par l’assurance maladie, de manière que les malades soient remboursés convenablement, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

Il serait à tout le moins souhaitable de fixer une limite à ces dépassements, dans la mesure où, dans certaines situations, ils dépassent le tact et la mesure, même si c’est au nom de cette même notion qu’ils sont pratiqués.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, le décret en question est paru le 31 décembre 2008 et son objet a été repris dans le décret d’application de l’article 54 de la loi HPST. Ce dernier a inséré dans le code de la sécurité sociale un nouvel article prévoyant un dispositif de sanctions financières – ni diminué ni altéré, mais au contraire renforcé –, adossé à la procédure des pénalités financières prononcées par le directeur de l’organisme local d’assurance maladie concerné à l’encontre des professionnels de santé pratiquant des dépassements d’honoraires abusifs ou illégaux ou ayant omis l’information écrite préalable.

Pour les dépassements d’honoraires abusifs, le décret vient préciser l’intention du législateur. L’échelle des sanctions applicables est la suivante : pénalité financière, « dans la limite de deux fois le montant des dépassements en cause » ; en cas de récidive, « retrait du droit à dépassement » pendant cinq ans pour les médecins de secteur 2 ou « suspension de la participation des caisses au financement des cotisations sociales » pendant la même durée pour les médecins de secteur 1.

La loi HPST n’a pas donc modifié, j’insiste sur ce point, la définition du tact et de la mesure, les sanctions financières prévues formant dorénavant l’armature du dispositif.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 246.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 249, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l’article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L.... - Peuvent faire l’objet d’une sanction prononcée par le directeur de l’agence régionale de santé les établissements de santé qui exposent les assurés sociaux au cours de l’exercice d’une mission de service public à des dépassements d’honoraires. »

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous persévérons dans notre quête pour améliorer la situation. La loi HPST a autorisé les établissements privés commerciaux à assumer des missions de service public. Nous contestons une telle disposition, considérant que, ce faisant, ces structures concurrencent les établissements publics et tirent des avantages financiers qui alimentent directement le portefeuille de leurs actionnaires. On assiste d’ailleurs, année après année, à un véritable affaissement du service public hospitalier. Celui-ci n’a d’ailleurs plus d’existence légale depuis l’adoption de la loi HPST. Il n’y a plus que des « établissements de santé ».

Un constat s’impose : avec la gestion des services d’urgences, les cliniques privées bénéficient d’un mécanisme d’« aspiration à clientèle ».

M. Guy Fischer. D’autant que votre majorité a toujours refusé d’adopter un principe simple et qui a le mérite de la clarté : des soins commencés dans le secteur privé à tarifs opposables doivent, s’ils se poursuivent dans le secteur privé, continuer à se voir appliquer le même type de tarifs.

Par cet amendement, nous entendons poursuivre notre logique. Il importe de garantir aux patients dirigés vers des établissements lucratifs, qui se seraient vu confier des missions de service public, l’application des tarifs opposables.

Nous avons de la suite dans les idées.

M. Guy Fischer. Nous avions déjà déposé un amendement similaire lors de l’examen, au Sénat, de la loi HPST. À l’époque, le rapporteur du texte, notre collègue Alain Milon, avait qualifié l’idée d’« intéressante ». Cela ne vous avait toutefois pas empêchée, madame la ministre, de vous y opposer, conduisant au rejet de l’amendement. Vous aviez alors indiqué, permettez-moi de reprendre vos propres mots : « Il a été inscrit dans le texte que les tarifs appliqués pour l’exécution des missions de service public seront ceux qui sont définis à l’article L. 6112-3 du code de santé publique, c’est-à-dire les tarifs conventionnels hors dépassements d’honoraires. » Et vous aviez précisé : « Bien entendu, si des médecins ou des établissements de santé ne respectaient pas les tarifs opposables pour ces prestations, ils s’exposeraient aux sanctions prévues dans le code de la santé publique, à savoir des sanctions ordinales ou financières, celles-ci étant décidées par l’assurance maladie. »

C’est là que bât blesse. En effet, nous ne sommes pas convaincus – c’est un euphémisme – que l’Ordre national des médecins soit le plus compétent pour sanctionner ceux de ses adhérents qui manqueraient à cette obligation. (MM. Nicolas About et Gilbert Barbier protestent.) Comme on peut le constater en ce qui concerne les dépassements d’honoraires, les sanctions prononcées par l’Ordre sont extrêmement rares. Il en va de même pour les refus de soins discriminatoires pour lesquels, ne l’oublions pas, l’Ordre national des médecins a qualifié les « testings » de harcèlement de la profession, sans chercher par ailleurs à les sanctionner.

Notre groupe considère que l’application de tarifs comportant des dépassements d’honoraires dans le cadre de l’exécution d’une mission de service public constitue une violation importante de notre pacte social qu’il convient de faire sanctionner par une autorité administrative.

Cette autorité doit, à nos yeux, être l’agence régionale de santé, ARS, et non l’assurance maladie, comme vous le souhaitiez en 2009, madame la ministre. Les agences régionales de santé ayant maintenant la double mission d’assurer la gestion du risque et de garantir l’accès aux soins de nos concitoyens, c’est à elles que doit revenir l’initiative de la sanction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. M. Fischer veut interdire, sous peine de sanction, les dépassements d’honoraires pratiqués par les établissements de santé au cours de l’exercice d’une mission de service public.

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il rappelle par ailleurs que le rapporteur du projet de loi HPST avait trouvé l’idée « intéressante ». Je ne me souviens pas si telle avait également été l’appréciation du Gouvernement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La demande était satisfaite.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Toujours est-il que le Gouvernement n’a pas pris d’initiative de nature à répondre à votre attente. C’est sans doute la raison pour laquelle vous avez déposé l’amendement.

M. Guy Fischer. Bonne analyse !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. On peut se poser la question de savoir si un praticien hospitalier ou libéral exerçant dans un établissement de santé public peut pratiquer des dépassements d’honoraires. La loi HPST impose aux cliniques privées de pratiquer les tarifs opposables, sans dépassement d’honoraires, lorsqu’elles exercent une mission de service public. Tout à l’heure, M. Daudigny a présenté un amendement visant à fixer le seuil de ces interventions à au moins 70 % lorsque les actes impliquent l’utilisation d’une partie des plateaux techniques de l’établissement.

Votre demande est déjà en partie satisfaite par cette disposition même si, je l’admets, aucune sanction n’est prévue.

La rédaction de l’amendement est imparfaite. Il faudrait soit renvoyer la définition de ces sanctions à un décret, soit les prévoir directement dans l’amendement. En outre, il conviendrait de préciser, par voie législative, les conditions générales d’une telle sanction.

Je laisse à Mme la ministre le soin de vous expliquer ce qui se passe lorsqu’un médecin ne respecte ni la loi ni les dispositions réglementaires y afférent.

En tout état de cause, il s’agit d’un amendement d’appel, d’affichage, adressé au Gouvernement. Je vous invite donc à retirer l’amendement après avoir obtenu les précisions que vous attendez.

Un sénateur du groupe socialiste. C’est ce que l’on appelle parler pour ne rien dire.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’essaye simplement d’être le plus agréable possible.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous progressons ! M. Autain reconnaît que l’article 1er de la loi HPST du 21 juillet 2009 précise de façon claire que les missions de service public doivent s’exercer à tarif opposable et qu’aucun dépassement d’honoraires n’est autorisé. En fait, nous sommes là au cœur de la loi. Les praticiens qui ne respecteraient pas ces prescriptions s’exposent à des sanctions, lesquelles sont de deux ordres. Il peut s’agir de sanctions financières ou de sanctions ordinales, telles qu’une interdiction temporaire ou définitive d’exercer.

Les sanctions ordinales, par définition, ne peuvent qu’être prononcées que par l’Ordre national des médecins. Les sanctions financières sont aujourd’hui décidées par l’assurance maladie. L’amendement no 249 vise à transférer cette compétence aux agences régionales de santé.

Pour reprendre un proverbe bien connu : chacun son métier et les… médecins seront bien gardés. (Sourires.)

M. Guy Fischer. Nous vous faisons confiance sur ce point !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie ! (Nouveaux sourires.)

M. le rapporteur général m’a fait observer, avec un soupçon de malignité, que les agences régionales de santé avaient d’ores et déjà reçu 250 instructions, alors qu’elles se mettent seulement en place. Dans ces conditions, pourquoi accroître le poids de leur mission en leur confiant la responsabilité de prononcer des sanctions financières, d’autant que les organismes d’assurance maladie, auxquels je fais entière confiance, ont toutes les compétences nécessaires ? Cet amendement ne me paraît donc pas utile.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Faites confiance à la CNAM, c’est-à-dire au payeur.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Madame la ministre, je ne comprends pas votre refus de confier aux agences régionales de santé la responsabilité de prononcer des sanctions contre les praticiens qui ne respectent pas la loi.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous voici devenu un militant des agences régionales de santé : bravo !

M. François Autain. Nous avons certes critiqué les ARS, mais aujourd’hui, elles existent : alors, respectons la loi, toute la loi !

Les agences régionales de santé ont fédéré sept organismes, dont les caisses régionales d’assurance maladie. À l’échelon régional, l’assurance maladie n’existe donc plus. La gestion des risques est désormais assurée par les ARS.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Conjointement avec la CNAM.

M. François Autain. Oui, les agences régionales de santé assurent la gestion des risques, conjointement avec la CNAM. Dans ces conditions, pourquoi leur refuser le droit de prononcer des sanctions ?

Je maintiens donc l’amendement afin de permettre à chacun de prendre position.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 249.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 569, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 21° Le cas échéant, la rémunération versée en contrepartie du respect d’engagements individualisés. Ces engagements peuvent porter sur la prescription, la participation à des actions de dépistage, de prévention, la prise en charge de patients atteints de pathologies chroniques, des actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins, la participation à la permanence des soins, le contrôle médical ainsi que toute action d’amélioration des pratiques, de formation et d’information des professionnels. La contrepartie financière est fonction de l’atteinte des objectifs par le professionnel de santé. »

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement, dont l’adoption répondrait sans doute aux souhaits de l’ensemble des partenaires conventionnels, a pour objet de permettre à la convention médicale de prévoir un dispositif de rémunération à la performance, qui aurait vocation à être généralisé à l’ensemble des médecins. Ce dispositif viendrait compléter les contrats d’amélioration des pratiques individuelles, CAPI, qui ont rencontré un grand succès puisque 16 000 contrats auraient été signés. Il y aurait donc une nouvelle possibilité de rémunérer les médecins en fonction d’un engagement individuel de respect d’objectifs de prescription, de prévention et de suivi des patients. Cela ne remettrait pas en cause le principe du CAPI, qui conserve par ailleurs sa base légale.

Cet amendement, qui est un pas supplémentaire dans la définition de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé, s’inscrit dans l’esprit de la réforme que nous avons engagée en 2004.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement que je vais vous présenter.

L’idée selon laquelle la rémunération à la performance est nécessaire à la modernisation de l’offre de soins de premier recours fait l’objet d’un assez large consensus. Cette forme de rémunération n’est actuellement possible que dans le cadre du CAPI dont chacun se plaît à souligner la réussite, puisque 16 000 contrats ont été signés.

Toutefois, monsieur le rapporteur général, votre amendement me semble devoir être modifié sur deux points, et c’est l’objet du sous-amendement du Gouvernement.

En premier lieu, il est nécessaire de supprimer la référence à la « permanence des soins », PDS, et au « contrôle médical » puisque, depuis la loi du 21 juillet 2009, la permanence des soins ne relève plus de la convention médicale.

En second lieu, le contrôle médical relève de la compétence exclusive du directeur général de l’Union nationale des caisses d'assurance maladie, l’UNCAM, et ne peut donc pas entrer dans la convention médicale.

Je souhaite par ailleurs appliquer le dispositif prévu dans l’amendement aux centres de santé, car des médecins exerçant dans ces centres peuvent souhaiter opter pour une rémunération à la performance.

Tel est l’objet du sous-amendement du Gouvernement.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 600, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

Sous-amendement à l'amendement n° 569

I.- Alinéa 3

Supprimer les mots :

la participation à la permanence des soins, le contrôle médical

II.- Compléter l'amendement par un paragraphe ainsi rédigé :

II.- L'article L. 162-32-1 du même code est complété par un 9° ainsi rédigé :

" 9° Le cas échéant, la rémunération versée en contrepartie du respect d'engagements individualisés. Ces engagements individualisés du centre de santé peuvent porter sur la prescription, la participation à des actions de dépistage et de prévention, la prise en charge des patients atteints de pathologies chroniques, des actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins, ainsi que toute action d'amélioration des pratiques, de formation et d'information des professionnels. Le versement de la contrepartie financière au centre de santé est fonction de l'atteinte des objectifs par celui-ci."

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, nous avions travaillé sur ce sujet avant l’examen du texte par la commission des affaires sociales. Nous aboutissons aujourd’hui. À titre personnel, je suis favorable à ce sous-amendement, qui montre que la séance publique peut améliorer le travail accompli en commission. Peut-être aurons-nous encore l’occasion de le vérifier d’ici à la commission mixte paritaire.

J’espère que la rédaction du texte n’évoluera plus, ou alors, dans le respect de l’esprit qui a présidé à son élaboration.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Afin d’apaiser par avance toute éventuelle inquiétude, je précise que la base légale du CAPI reste en l’état. Les dispositions du sous-amendement visent non pas à remplacer le dispositif existant, mais à le compléter.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 600.

M. François Autain. Madame la ministre, vous avez eu raison de préciser que ce nouveau dispositif nouveau s’ajoutait au CAPI.

Lors des travaux de la commission, j’ai eu l’occasion de souligner la complexité du système conventionnel. J’ignore si cela explique son mauvais fonctionnement, mais je constate qu’avec cette nouvelle disposition, vous rendez encore plus complexe un système qui ne l’est déjà que trop, ce qui permet de faire un peu n’importe quoi.

Je suis par conséquent très réticent quant à l’adoption du sous-amendement nº 600.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 600.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 569, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, après l'article 36.

L'amendement n° 425, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Si les médicaments visés à l'alinéa précédent sont considérés par la commission prévue à l'article L. 5123-3 du code de la santé publique, comme n'apportant aucune amélioration du service médical rendu, le ministre chargé de la santé et de la sécurité sociale ne les inscrit pas ou procède sans délai à leur retrait de la liste visée au premier alinéa. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cette année encore, la Haute Autorité de santé indique que l’innovation pharmaceutique, en dépit des politiques incitatives mises en place, reste désespérément en berne.

En 2009, 28 des 278 dossiers déposés en première inscription concernaient des molécules plus ou moins innovantes. Sur ces 28 dossiers, 5 ont obtenu une ASMR I, 4 une ASMR II, 3 une ASMR III, et 16 une ASMR IV. Les 250 dossiers restants, représentant 89,9 % du total des dossiers déposés, se sont vu attribuer une ASMR V, qui sanctionne les molécules n’apportant aucune amélioration du service médical rendu.

Si le syndicat « Les entreprises du médicament », le LEEM, s’est félicité de l’augmentation du nombre d’innovations thérapeutiques pour l’année 2009 – il est vrai qu’en 2008, près de 94 % des nouvelles molécules ne présentaient aucune amélioration du service médical rendu –, il s’est bien gardé de communiquer le nombre de médicaments inutiles qui ont pourtant été inscrits au remboursement et qui pèsent sur les dépenses d’assurance maladie. Chaque année, on retrouve en effet dans le palmarès des dix médicaments ayant connu la plus forte augmentation de leur chiffre d’affaires, quelques-uns de ces produits, aussi efficaces que ceux qui existent déjà, mais bien plus chers.

Pour l’année 2009, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, a présenté un document complémentaire aux comptes nationaux de la santé, dans lequel figure une étude consacrée au marché du médicament remboursable en ville en 2009, qui porte non pas sur la consommation des médicaments, mais sur les achats effectués par les pharmacies d’officine de ville.

Selon cette étude, en 2009, les dépenses consacrées au médicament représentaient 35,4 milliards d’euros contre 22 milliards pour les honoraires des médecins généralistes et spécialistes. Le poste médicaments se situe donc « à la première place de la consommation médicale ambulatoire ». La DREES évalue par ailleurs à 50 milliards d’euros le chiffre d’affaires total hors taxes des laboratoires : exportations et ventes en France, médicaments remboursables et non remboursables.

Ce document souligne également l’impact de l’innovation sur les taux de croissance élevés afin de mieux mettre en lumière quelques anomalies. Dans le palmarès des dix produits ayant connu la plus forte augmentation de leur chiffre d’affaires, les antinéoplasiques disposent d’une ASMR élevée, alors que l’association inhibiteurs calciques et sartans a une ASMR nulle.

La DREES souligne le phénomène de glissement de prescriptions de classes plus anciennes, disposant le plus souvent de génériques, vers des classes plus récentes, ne proposant pas encore de génériques. Elle prend l’exemple des hypertenseurs et des antidiabétiques oraux, qui font leur entrée dans la liste des dix plus importantes progressions de chiffre d’affaires ; en parallèle, d’autres classes à même visée thérapeutique connaissent, elles, les plus fortes baisses de chiffre d’affaires.

L’adoption de cet amendement, qui vise à sortir de la liste des médicaments admis au remboursement ceux qui n’apporte aucune amélioration du service médical rendu, permettrait de mettre fin à une gabegie financière !

M. François Autain. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Voilà un amendement récurrent, qui est présenté cette année par Mme David. Mais je suppose que M. Autain ne se privera pas du plaisir d’intervenir en explication de vote, bien que je ne l’y invite pas…

Depuis plusieurs années, en effet, M. Autain relève que nous inscrivons sur la liste des produits remboursés entre 80 % et 95 % de médicaments ayant une ASMR V. Il observe par ailleurs que le taux de remboursement de ces médicaments est plus élevé que celui d’autres médicaments de la même classe apportant un service médical équivalent.

M. Guy Fischer. Vous avez bien compris !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, pourriez-vous, une nouvelle fois, faire montre de toute votre pédagogie pour faire comprendre à M. Autain les raisons qui nous conduisent tous les ans à la même situation.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est impossible !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Autain, permettez-moi de vous rappeler les arguments qu’avance M. Renaudin, le président du Comité économique des produits de santé, le CEPS, pour justifier le fait qu’il accepte ce type de médicaments.

Il part du constat que le médicament proposé pour une pathologie donnée est profitable à la grande majorité des patients, mais qu’une partie d’entre eux, soit ne réagit pas, soit présente des effets secondaires indésirables. Il accepte donc la mise sur le marché d’un médicament comparable, mais mieux supporté par ces catégories de malades. Notre pays devrait-il se priver de la possibilité de soulager les maux d’une partie de sa population ? Ensuite, il appartient au praticien de faire preuve de « tact et mesure »…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … en prescrivant non pas le médicament le plus cher, mais celui qui est le mieux adapté au patient qui est devant lui.

Madame David, faute de disposer d’éléments lui permettant d’accéder à votre demande, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je crains que mes chances de convaincre M. Autain et Mme David ne soient extrêmement limitées.

M. François Autain. Je ne suis en effet pas le seul à convaincre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vais malgré tout malgré tout m’y efforcer. Après tout, il n’y a jamais rien d’impossible !

Lorsque l’on admet au remboursement un médicament dont le service médical rendu est faible, c’est bien évidemment à un taux inférieur à celui des médicaments similaires présents sur le marché. Il est toujours utile d’élargir la palette des médicaments remboursables, tout en proposant une offre de soins moins coûteuse.

J’ajoute que l’adoption de l’amendement no 425 aurait pour effet de tuer les médicaments génériques. Ces derniers ne sont en effet que des copies et n’améliorent donc pas le service médical rendu.

M. François Autain. C’est une caricature !

M. Guy Fischer. Vous nous provoquez !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement est absurde et contreproductif, et je vous invite à ne plus déposer d’amendements similaires à l’avenir.

Il existe une palette de thérapies remboursables. Si un médicament, présentant un service médical plus faible, est malgré tout profitable à certains patients, il peut être admis au remboursement, à la condition d’être moins coûteux. Le praticien dispose ainsi d’un choix plus large de médicaments pour répondre à une pathologie donnée.

Cet amendement ne permettra aucune économie et pourrait même être à l’origine de dépenses supplémentaires. Le Gouvernement ne peut donc qu’y être défavorable.