M. Guy Fischer. Nous continuons à traiter de la démographie médicale.

Un atlas publié par le Conseil national de l’ordre des médecins en avril dernier, et élaboré à partir des chiffres du tableau de l’Ordre, permet de mieux comprendre l’étendue des problèmes.

Cet atlas permet tout d’abord d’affiner, par région, la carte de la démographie médicale. Ainsi souligne-t-il – et c’est une première – que la région PACA détrône désormais l’Île-de-France en termes de densité médicale en activité régulière : on y compte en moyenne 375 médecins pour 100 000 habitants. Toutefois, il pointe le fossé grandissant qui se crée en PACA entre la côte et l’arrière-pays.

Les données régionales sont très contrastées. En effet, pour 100 000 habitants, on compte 274 médecins dans les Alpes-de-Haute-Provence contre seulement 405 dans les Alpes-Maritimes !

Pour l’Île-de-France, le constat est le même : surpopulation médicale, mais à répartition inégale. La région concentre à elle seule 22,4 % des médecins de l’ensemble de la métropole, sans pour autant permettre la réduction des inégalités. Alors que la densité moyenne de la région est de 373 médecins pour 100 000 habitants, Paris présente, toujours pour 100 000 habitants, une densité de 742 médecins contre 223 en Seine-et-Marne. Le Val-d’Oise attire les médecins, avec une augmentation de près de 40 % des effectifs en un an, alors que l’Essonne connaît une baisse de 27,5 % du nombre de praticiens.

L’atlas du Conseil national de l’ordre des médecins montre également que les régions sous-denses sont touchées par de fortes disparités. Les mesures qui ont été mises en œuvre ne portent pas leurs fruits. Ainsi la Picardie, qui est la région en moyenne la moins bien dotée – 238 médecins pour 100 000 habitants – et où des dispositions ont été prises pour lutter contre la désertification médicale, a enregistré, en vingt ans, une baisse de 29 % des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre. Dans le même temps, le nombre de médecins qui quittaient la région a augmenté de 130 %.

Dans les régions attractives, la situation est tout aussi contrastée. Les jeunes médecins se précipitent en Corse, où ils représentent 42 % des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre, mais l’on constate qu’ils préfèrent les villes – 58 % des installations à Bastia – et délaissent l’arrière-pays.

L’importance de ces disparités appelle une intervention des pouvoirs publics. Cet amendement procède d’une nouvelle approche. Plutôt que d’attirer les médecins dans les zones sous-denses, nous envisageons de ne pas les laisser s’installer dans les zones surdenses. J’ai en effet toujours douté de l’efficacité de la disposition votée dans la loi HPST qui, par le biais d’une adhésion à un contrat santé solidarité, vise à demander aux praticiens installés en zone surdense de se rendre ponctuellement en zone sous-dense. Vous avez d’ailleurs renoncé à cette mesure, madame la ministre, non parce que j’y étais opposé… mais parce qu’elle était ressentie comme vexatoire par les professionnels de santé.

Il ne me semble pas raisonnable d’en rester là. Plus facile d’application, sans doute plus compréhensible par les médecins, la disposition que nous présentons se veut une nouvelle piste. En tout état de cause, il s’agit d’un dossier très important.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les auteurs de cet amendement restent dans la ligne de leurs précédentes propositions.

M. François Autain. Nous sommes cohérents !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En effet ! Vous comprendrez donc que la commission, dans un souci de cohérence, émette un avis défavorable sur votre amendement.

M. François Autain. Cohérence contre cohérence !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cette idée peut, a priori, sembler intéressante pour celles et ceux qui en font une lecture rapide. Mais il faut bien mesurer que cette disposition risque de se retourner contre les patients en raison même de la situation actuelle difficile de la démographie médicale. Si vous interdisez, pendant trois ans, le conventionnement des médecins nouvellement installés dans certains territoires, vous obtiendrez sans doute une diminution du nombre des médecins dans ces territoires, mais au détriment de la qualité de l’offre de soin pour les patients.

Je vous invite donc à faire preuve de sagesse et à retirer cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement n’est pas un cavalier social puisqu’il a trait à la procédure de conventionnement.

M. Guy Fischer. Tout de même !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je veux rendre à César ce qui est à César et au conventionnement ce qui relève du conventionnement.

Le Gouvernement est néanmoins défavorable à cet amendement, dont l’effet serait véritablement contreproductif. Ce n’est pas parce que vous empêcherez un médecin de s’installer dans une zone surdense qu’il ira dans une zone sous-dense. Je pense plutôt qu’il se dirigera vers d’autres modes d’exercice.

M. Guy Fischer. Il n’y a donc pas de solution !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pas celle-là en tout cas !

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Je voterai contre l’amendement n° 244.

Monsieur Fischer, permettez-moi tout d’abord de souligner que, dans le sud, nous parlons de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et non pas de la région PACA. Nous ne sommes pas des « Pacaïens », nous sommes des Provençaux ou des Azuréens.

M. Guy Fischer. Excusez-moi !

M. Alain Milon. Ensuite, je remercie Mme la ministre et Mme la présidente de la commission de porter aujourd’hui les couleurs de la Provence aujourd’hui : coquelicot, mimosa… (Sourires.) Cela apporte un peu de lumière dans cet hémicycle bien gris !

S’il y a une forte densité de médecins sur la Côte d’Azur et une densité moindre dans les hauts pays alpins, cela vaut surtout pour les spécialistes. Le nombre de médecins généralistes est assez faible sur tout le territoire de la région.

J’ajoute que parmi les médecins sortant de la faculté de médecine de Marseille, seuls 30 % à 40 % décident d’exercer en Provence-Alpes-Côte d’Azur, les autres s’installent ailleurs.

M. François Autain. Dans le Nord ?

M. Alain Milon. Ce surtout des médecins venant d’autres régions, la Picardie notamment, formés à Amiens, qui viennent s’installer en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 244.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 351, présenté par M. Le Menn, Mme Jarraud-Vergnolle, M. Daudigny, Mme Le Texier, MM. Teulade, Cazeau et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon, Godefroy, Jeannerot, S. Larcher et Gillot, Mmes Ghali, San Vicente-Baudrin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 5121-5, sont insérés deux articles ainsi rédigés :

« Art. L. 5121-5-1. - Les pharmaciens sont tenus, dans tous leurs actes de dispensation de médicament d'observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l'efficacité des soins.

« Art. L. 5121-5-2. - Les pharmaciens d'officine peuvent, lors de la dispensation de médicament effectuer un déconditionnement, suivi d'un reconditionnement individualisé prenant en compte la durée du traitement. Le pharmacien a l'obligation d'adjoindre au reconditionnement une copie de la notice du médicament. » ;

2° L'article L. 4211-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La dispensation de médicaments effectuée sous la responsabilité d'un pharmacien d'officine avec déconditionnement et reconditionnement individualisé et sécurisé ne correspond pas à une nouvelle autorisation de mise sur le marché. »

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. En 2006, selon l’Inspection générale des affaires sociales, chaque Français a absorbé, en moyenne, pour 504 euros de médicaments, soit 40 % de plus que ses voisins européens : un record !

De nombreux remèdes traînent dans les armoires à pharmacie : pastilles contre les brûlures d’estomac, cachets contre l’insomnie, antidépresseurs pour les coups durs... avant de finir à la poubelle !

Ces médicaments prescrits, remboursés et non consommés coûtent cher à l’assurance maladie. Ainsi, selon le rapport de l’IGAS, près d’un médicament remboursé sur deux ne serait pas consommé. Or, en 2007, les remboursements ont coûté plus de 21 milliards d’euros à la Caisse nationale de l’assurance maladie, soit 2 % du PIB français.

En France, tout pharmacien est tenu de délivrer le conditionnement le plus économique en fonction de l’ordonnance, mais cette obligation est souvent difficile à respecter. Fréquemment, la posologie et la durée de traitement ne correspondent pas au nombre d’unités par emballage. Les laboratoires pharmaceutiques sortent des boîtes « grand modèle » pour des traitements de courte durée.

Pour respecter l’ordonnance du médecin, les pharmaciens sont donc amenés à délivrer des quantités supérieures à celles qui seraient nécessaires. Il en résulte que de nombreux médicaments ne sont pas utilisés, alors qu’ils ont été pris en charge par la sécurité sociale.

Vous n’avez pas idée du gaspillage phénoménal qui pourrait être évité. Par exemple, lors d’un examen radiologique avec injection d’iode, les anesthésistes prescrivent un seul comprimé d’Atarax 100, à prendre la veille au soir si le patient a des antécédents d’allergie. Or, les boîtes d’Atarax contiennent trente comprimés ! Et je n’évoque même pas le danger que représente la conservation de ce médicament, au fort pouvoir sédatif, dans les pharmacies familiales !

La réduction de la consommation de médicaments en France doit constituer un objectif pour réduire les dépenses de sécurité sociale.

II suffirait d’autoriser le pharmacien à ouvrir la boite de médicaments et à découper la plaquette, afin de donner au patient le nombre de pilules strictement nécessaire à son traitement. Le pharmacien joindrait une copie de la notice. Cette solution en vigueur aux Pays-Bas a permis de diminuer de façon conséquente la consommation de médicaments sans réduire la qualité du traitement pour les patients.

II est vrai que cela nécessite un vrai courage politique et qu’il faut passer outre certains lobbys. Ce courage, nous l’avons et c’est pourquoi nous vous proposons cet amendement qui ouvre la possibilité pour les pharmaciens de dispenser au patient la stricte quantité nécessaire au traitement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sur le principe, cet amendement n° 351 ne peut se voir opposer aucune objection. Nous ne pouvons que partager l’objectif de ses auteurs.

En revanche, les modalités pratiques de sa mise en œuvre soulèvent quelques questions.

Je rappellerai en préalable que l’article L. 5121-5 du code de santé publique prévoit déjà que la dispensation des médicaments doit être réalisée en conformité avec les bonnes pratiques dont les principes sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé. Cet arrêté est-il suffisamment précis pour permettre d’aboutir à un conditionnement adapté au traitement du patient ? Mme la ministre nous donnera la réponse dans quelques instants.

Cela dit, madame Jarraud-Vergnolle, ce que vous proposez peut apparaître a priori complexe en termes de gestion pour les officines, et vous n’avez pas abordé la question du coût ni celle du prix facturé par le pharmacien à la suite d’une telle manipulation. M. Gérard Dériot a soulevé cette difficulté en commission. Il ne faut pas laisser croire à nos concitoyens que donner cette mission au pharmacien va se traduire par une diminution du coût de la boîte de médicaments. Au contraire, la manipulation sera facturée par le pharmacien, entraînant un effet inflationniste. Il vaudrait mieux travailler beaucoup plus en amont, c'est-à-dire sur le conditionnement en laboratoire pour offrir une palette de boîtes qui soient adaptées aux diverses pathologies.

En principe, l’arrêté de Mme la ministre a dû prendre en compte tous ces éléments. Elle va dans un instant vous rassurer et vous amener ainsi à retirer votre amendement.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 351.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement prévoit plusieurs dispositions ; je vais donc y répondre point par point.

L’amendement prévoit d’abord que la dispensation des médicaments par le pharmacien d’officine se fasse dans le respect de la plus stricte économie. Cette préconisation est déjà intégrée au code de la santé publique et n’a donc pas à être mentionnée à nouveau.

L'amendement vise ensuite à systématiser la vente de médicaments en obligeant les pharmaciens à déconditionner et reconditionner. J’y suis défavorable, pour les raisons que M. le rapporteur général vient d’indiquer : les économies espérées ne seront pas au rendez-vous. Je signale que, dans tous les pays qui pratiquent ces manipulations, les médicaments sont plus chers que dans notre pays. En outre, la commission de transparence a pour mission de veiller à ce que la taille des conditionnements soit adaptée aux modalités des traitements, en particulier à leur durée, et le comité économique des produits de santé, CEPS, peut décider des diminutions de prix si le conditionnement n’est pas adapté.

Certes, un certain nombre de médicaments ne sont pas consommés. Cela n’est pas lié au conditionnement, mais résulte de la non-observance de l’ordonnance par les malades qui interrompent leur traitement avant qu’il ne soit terminé. Il s’agit donc plutôt d’une question d’éducation thérapeutique, d’explication du médecin ; je pense en particulier aux antibiotiques.

Je rappelle que le code de la santé publique prévoit en outre, dans sa partie réglementaire, que la préparation par le pharmacien des doses à administrer fait partie intégrante de l’acte de dispensation. Il n’est donc pas utile d’octroyer une nouvelle autorisation de mise sur le marché. Le code de la santé publique répond ainsi à votre inquiétude.

Cette opération n’est pas non plus soumise à une autorisation de fabrication, conformément à l’article 40 de la directive du 6 novembre 2001 sur les médicaments à usage humain. Par ailleurs, je viens de signer un décret en Conseil d’état visant à soumettre à des bonnes pratiques la préparation des doses à administrer par le pharmacien, et un arrêté viendra préciser les conditions de cette préparation. Ces textes réglementaires étaient très attendus par la profession pharmaceutique.

Je pense avoir répondu à l’ensemble de vos préoccupations, madame la sénateur. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur votre amendement n° 351.

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Effectivement, le fait d’attribuer aux pharmaciens le soin de distribuer des médicaments à l’unité, était une solution de repli. La meilleure solution serait évidemment qu’en amont les laboratoires conditionnent le traitement nécessaire. L’exemple de l’Atarax, qui n’est pas un antibiotique, est un bon exemple de gaspillage. L’objectif que nous visons est d’amener les laboratoires à conditionner les médicaments en fonction des pathologies qui sont repérées.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Tout le monde sait que les Français sont, en volume, les premiers consommateurs au monde de médicaments.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ils sont moins chers qu’ailleurs !

M. François Autain. En valeur, nous arrivons derrière les États-Unis, ce qui prouve que certains de nos médicaments sont moins chers qu’aux États-Unis. Toutefois, les médicaments les plus efficaces, les ASMR 1, 2 et 3, sont en moyenne plus chers en France que partout ailleurs alors que les médicaments ASMR 5 sont plutôt moins chers en moyenne.

Je voulais simplement dire que toutes les mesures, même marginales, sont bonnes à prendre et, à cet égard, cet amendement propose des mesures qui sont les bienvenues. C’est la raison pour laquelle nous le voterons.

Au demeurant, madame la ministre, quand vous dites que, si les médicaments ne sont pas consommés c’est parce que les malades ne suivent pas les prescriptions des médecins, je ne peux pas vous suivre, car, en fait, les doses prescrites sont souvent bien inférieures au contenu des boîtes. C’est la raison pour laquelle des médicaments ne sont pas consommés.

M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud, pour explication de vote.

M. Adrien Giraud. L’amendement dont nous discutons est en parfaite conformité avec la pratique du grand hôpital de l’île de Mayotte, où un pharmacien ouvre les boites de médicaments et les distribue selon la prescription médicale, comprimé par comprimé. Je ne comprends pas pourquoi ce qui s’applique aujourd’hui à Mayotte ne pourrait pas s’appliquer dans l’hexagone.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, j’attire votre attention sur la différence de dispensation entre l’hôpital et la ville. À l’hôpital, des piluliers journaliers contenant les médicaments nécessaires sont préparés pour permettre la stricte observance des traitements médicamenteux, mais cette méthode n’est pas transférable en ville, où le malade reçoit son traitement pour un temps donné, un mois par exemple dans le cadre d’une maladie chronique. On ne peut donc pas préparer des piluliers à l’avance pour la délivrance du médicament.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 351.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 354, présenté par M. Le Menn, Mme Jarraud-Vergnolle, M. Daudigny, Mme Le Texier, MM. Teulade, Cazeau et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon, Godefroy, Jeannerot, S. Larcher et Gillot et Mmes Ghali et San Vicente-Baudrin, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 5121-10 du code de la santé publique est supprimée.

La parole est à M. Jacky Le Menn.

M. Jacky Le Menn. La France est encore en retard par rapport à ses voisins européens en matière de développement des génériques. En 2006, en France, un peu plus d’une boîte de médicaments vendue sur six est générique contre une boîte sur deux aux Pays-Bas, au Danemark et en Allemagne etc.

Pourtant, les médicaments génériques ont la même efficacité que les médicaments princeps et ils coûtent environ 30 % à 40 % moins cher. Selon le rapport concluant les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments adopté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale en avril 2008, « les molécules concernées représenteraient une économie potentielle de plus de 3,8 milliards d’euros pour l’assurance maladie ».

La Commission européenne, qui a mené une étude sur le fonctionnement de la concurrence dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, partage cette conclusion et ajoute qu’il est nécessaire que la mise sur le marché du médicament générique intervienne immédiatement après la fin de l’exclusivité, pour réaliser un maximum d’économies.

Les résultats de l’enquête de la Commission européenne montrent que le comportement des entreprises contribue à retarder l’arrivée des médicaments génériques. Elles mettent en place des stratégies de dépôt de brevet afin de retarder ou bloquer l’entrée des médicaments génériques sur le marché, ou encore elles engagent des actions en justice afin de créer des obstacles pour les fabricants de génériques, en particulier les plus petits, et les dissuader d’entrer sur le marché.

En plus de ces mécanismes, les laboratoires princeps interviennent auprès des organes chargés de l’octroi des autorisations de mise sur le marché et/ou de fixation des prix et du niveau de remboursement, et présentent des réclamations quant au respect de leurs brevets, mais surtout mènent des campagnes de dénigrement vis-à-vis des médicaments génériques, qui seraient moins efficaces, de qualité inférieure etc.

La Commission européenne rapporte que les revendications des laboratoires de princeps n’ont été jugées fondées que dans 2 % des affaires notamment en l’absence de preuve. Toutes ces procédures sont perdues d’avance pour les laboratoires de princeps mais peu leur importe, car le but est avant tout de retarder la mise sur le marché des génériques, afin de générer des recettes supplémentaires importantes.

On comprend donc qu’il est essentiel, afin de favoriser le développement des génériques, de limiter les possibilités d’intervention des laboratoires princeps et de réduire les délais. Cet amendement vise donc à réduire le délai de commercialisation de produits génériques en supprimant notamment le triple niveau d’alerte car il est excessif.

En effet, le laboratoire de référence est informé à trois reprises lorsqu’un laboratoire souhaite commercialiser sous forme générique un produit princeps tombé dans le domaine public. Nous proposons, par cet amendement, que désormais le demandeur de l’autorisation informe le titulaire de ses droits concomitamment au dépôt de la demande.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il y a quelque temps a été modifié le dispositif antérieur, qui reposait uniquement sur l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, AFSSAPS. Le Gouvernement s’est rendu compte que cette dernière n’était pas du tout armée pour procéder aux contrôles des droits de propriété intellectuelle. Il a donc imaginé un autre dispositif.

Certes, certaines remarques ont été formulées dans le rapport d’enquête de la Commission européenne auquel vous faites référence. Il serait intéressant que Mme la ministre nous dise ce qu’elle en pense. Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas le sentiment que la suppression de l’information requise au moment du dépôt de la demande d’autorisation de mise sur le marché soit de nature à répondre aux difficultés que vous avez évoquées. Je souhaite que Mme la ministre puisse nous éclairer sur ce point. Au bénéfice de ces explications, peut être pourrez-vous retirer votre amendement, mon cher collègue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le rapporteur général, ainsi que les auteurs de l’amendement ont appelé l’attention sur le rapport d’enquête de la Commission européenne relatif au fonctionnement de la concurrence dans le secteur pharmaceutique, rapport de juillet 2009, qui avait mis en évidence certaines dérives.

Pour autant, supprimer cette information préalable du titulaire des droits par le génériqueur ne me paraît pas opportun dans la mesure où cette information est la contrepartie de la possibilité donnée par le code de la santé publique de délivrer une autorisation de mise sur le marché avant même l’expiration des droits de propriété intellectuelle qui s’attachent à la spécialité de référence.

Cette information permet au laboratoire princeps de faire valoir ses droits, le respect de la propriété intellectuelle étant évidemment primordial.

M. le rapporteur général a souligné que l’AFSSAPS était assez démunie en matière de défense des droits de propriété intellectuelle. Il lui faudrait pour remplir cette mission disposer de moyens considérables.

Cette phase d’information préalable permet, en amont de l’AMM, un échange entre l’exploitant du princeps et le génériqueur, afin d’éviter tout éventuel contentieux, toujours dommageable.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.

M. Nicolas About. Il est évident que je ne puis soutenir un tel amendement.

La recherche doit être encouragée et la propriété intellectuelle protégée.

Alors que l’on se plaint d’avoir une recherche de moins en moins performante, qui ne débouche plus sur de nouveaux antibiotiques, par exemple, on ne saurait prendre une mesure qui donne priorité au générique sur le princeps. Ce n’est pas ainsi, que l’on développera la recherche dans le domaine pharmaceutique, croyez-moi.

Nous avons assisté à plusieurs attaques de génériqueurs contre des molécules qui étaient toujours sous protection, et les laboratoires qui détenaient les princeps ont eu beaucoup de difficultés à faire respecter leur droit de propriété.

Ne voyez là, mes chers collègues, aucun conflit d’intérêts : j’ai peut-être été cadre dans l’industrie pharmaceutique, mais c’est justement à ce titre que je peux savoir, au moins autant que d’autres, à quel point il est impératif que notre pays protège ceux qui s’adonnent à la recherche et nous fournissent les nouvelles molécules dont nous avons besoin. (MM. Dominique Leclerc et Alain Milon applaudissent.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 354.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 248, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le chapitre I du titre VI du livre premier de la sixième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre....

« Modalités de contrôle de l'exercice de missions de service public par les établissements de santé privés

« Art. L.... - Les établissements de santé privés, dès lors qu'ils sont amenés à participer à une ou plusieurs missions de service public, organisent dans un recueil spécifique la séparation comptable entre les recettes et les dépenses liées à des activités effectuées par lesdits établissements en raison desdites missions de service public et des activités non liées à l'exécution de ces missions.

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités selon lesquelles les établissements de santé privés participant à une ou plusieurs missions de service public soumettent les comptes ainsi organisés à l'autorité chargée de la tarification de ces établissements.

« Art. L.... - Les comptes ainsi certifiés doivent attester que les établissements de santé privés participant à une ou plusieurs missions de service public ne tirent aucun bénéfice financier de l'exercice des missions mentionnées à l'article L. 6112-1 du code de la santé publique.

« Art. L. ... - Le directeur des établissements de santé privés communique au directeur de l'agence régionale de santé et de la chambre régionale et territoriale des comptes les conclusions du recueil mentionné à l'article L.... .

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités selon lesquelles le directeur de l'agence régionale de santé et la chambre régionale et territoriale des comptes organisent la publicité des conclusions mentionnées à l'alinéa précédent.

« Art. L.... - Le directeur de l'agence régionale de santé, s'il constate, au regard des éléments comptables communiqués par les établissements de santé privés, l'existence d'un bénéfice financier au titre de l'exercice par cet établissement d'une ou de plusieurs missions de service public, dispose, dans un délai de six mois à compter de cette publication, de la capacité juridique pour exiger de l'établissement de santé privé le remboursement des bénéfices ici mentionnés.

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités selon lesquelles le directeur de l'agence régionale de santé organise les mécanismes de récupération des sommes visées à l'alinéa précédent. »

La parole est à M. François Autain.