M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Cette disparition ne supprime pas l’utile débat parlementaire relatif aux crédits de la présente mission.

Par ailleurs, nous avons la chance d’avoir un ministre qui connaît très bien les sujets dont nous débattrons cet après-midi.

Il me semble souhaitable, malgré tout, que la mission « Immigration, asile et intégration » figure toujours dans les prochains projets de loi de finances et qu’elle puisse faire l’objet d’un débat individualisé.

Effectivement, la politique d’immigration est une politique spécifique ; elle se situe au confluent de préoccupations sociales d’intégration des populations étrangères, d’enjeux sécuritaires de lutte contre l’immigration clandestine et des relations internationales que nous entretenons non seulement avec nos partenaires européens, mais aussi avec d’autres pays, auxquels nous lient des accords ou simplement dont un certain nombre de ressortissants souhaitent émigrer en France.

C’est ce qui explique que, au total, seize programmes répartis dans treize missions entre dix périmètres ministériels contribuent à la politique transversale consacrée à l’immigration et à l’intégration des étrangers en France. Celle-ci représentera, en 2011, 4,25 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 562 millions d’euros, soit 13,7 % des crédits, sont affectés à la mission « Immigration, asile et intégration ».

Les principales missions contributrices sont les missions à caractère culturel ou social du budget de l’État. Ainsi, en particulier, les dépenses liées à l’enseignement dispensé aux élèves étrangers s’élèveront à plus de 2 milliards d’euros en 2011, soit plus de 48 % des crédits de la politique transversale, tandis que les crédits consacrés à la santé s’établiront à environ 600 millions d'euros, soit un montant égal à celui qui est attribué à la mission que nous examinons.

Le caractère interministériel de la politique d’immigration a un impact budgétaire sur cette mission. Ainsi, par exemple, nous avons pu constater, lors du contrôle que j’ai mené cette année avec Jean-Claude Frécon sur la Cour nationale du droit d’asile – la CNDA –, que les délais de jugement des demandes d’asile avaient de très fortes conséquences sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » puisqu’il faut financer l’hébergement et les aides aux demandeurs d’asile en attente d’une décision. Or la CNDA fait partie non pas de cette mission, mais de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Cet exemple illustre bien le caractère interministériel de la politique d’immigration et d’intégration.

J’en viens au budget pour 2011. Les crédits demandés sont relativement stables par rapport à 2010 : 564 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une diminution de 0,2 %, et 562 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 0,7 %.

Cette stabilisation sera suivie d’une légère contraction sur la période 2011-2013, selon la programmation triennale de la loi de programmation des finances publiques. Les autorisations d’engagement devraient baisser de 3,6 % et les crédits de paiement de 1,8 %.

Il n’est pas aisé, pour le moment, d’identifier les actions de la mission qui devront subir ces baisses de crédits. Deux pistes sont envisageables.

D’une part, les crédits consacrés à la construction et à l’entretien des centres de rétention administrative – les CRA –, après avoir connu une montée en puissance ces dernières années pour financer de nombreuses nouvelles constructions, devraient progressivement pouvoir être réduits.

D’autre part, aux termes de l’audit lancé par le ministère sur la gestion des centres d’accueil des demandeurs d’asile – les CADA –, les coûts de ces structures, aujourd’hui très variées, peu contrôlées, peuvent probablement être réduits à moyen terme.

Comme vous le savez, mes chers collègues, la mission est composée de deux programmes.

Le programme Immigration et asile est budgétairement le plus important puisqu’il représente plus de 86 % des crédits de la mission. Il regroupe principalement les crédits destinés à l’accueil des demandeurs d’asile et à l’instruction de leurs demandes. Ces crédits sont, comme chaque année, sous-évalués. En effet, ils sont en diminution par rapport à ceux qui étaient disponibles en 2010, alors même que le rythme d’augmentation de la demande d’asile est élevé – de 8,5 % sur les neuf premiers mois de cette année – et que, comme nous l’avons constaté lors de notre contrôle de la CNDA, les délais de traitement des dossiers des demandeurs d’asile ne peuvent être réduits à court terme.

Ainsi, il est probable qu’un nouveau décret d’avance sera nécessaire l’an prochain pour faire face aux dépenses, tout comme en 2010, en 2009 et en 2008, années au cours desquelles des décrets de cette nature ont prévu respectivement 60 millions d’euros, 70 millions d’euros et 36 millions d’euros supplémentaires.

Je relève, par ailleurs, que le projet de loi de finances rectificative, qui va dans les tout prochains jours être discuté par le Parlement, prévoit de nouveau des ouvertures de crédits pour financer les dépenses liées à la demande d’asile : 47 millions d’euros en autorisations d’engagement et 55 millions d’euros en crédits de paiement.

Au total, les crédits ouverts en 2010 en cours de gestion représenteront donc le quart des crédits ouverts en loi de finances initiale pour l’ensemble de la mission.

Dans ces conditions, se prononcer sur les dotations de la mission prévues par le projet de loi de finances pour 2011 soulève des interrogations. On peut penser que ces crédits ne reflètent pas l’effort financier exact qui sera réellement déployé en 2011 au titre de la mission, notamment en faveur de l’accueil et de l’hébergement des demandeurs d’asile.

C’est pourquoi je vous proposerai d’adopter un amendement qui fait un pas vers davantage de sincérité pour le budget de la mission. Il tend à majorer de 12,85 millions d’euros les crédits destinés à l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, et à l’hébergement d’urgence, ce qui, malheureusement, ne devrait même pas suffire à couvrir les dépenses de la mission en 2011.

Deux autres éléments intéressants concernent ce programme.

D’une part, 9 millions d’euros sont prévus pour financer le centre de rétention administrative de Mayotte, dont les travaux doivent enfin démarrer en 2011, d’après les informations que j’ai recueillies ; je pense que M. le ministre pourra nous le confirmer.

D’autre part, les effectifs de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, qui traite en première instance les demandes d’asile, seront renforcés pour faire face à l’augmentation de la demande d’asile, ce qui est très satisfaisant. Nous avons en effet constaté, lors de notre contrôle de la CNDA, qu’il était préférable pour les finances publiques de renforcer ces effectifs plutôt que de voir croître le nombre de demandeurs d’asile en attente d’une décision.

Je constate également qu’en 2011, et par dérogation à la règle générale de gel des emplois publics et de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, le Gouvernement a décidé de poursuivre le mouvement de création de postes concernant la CNDA, qui figure dans la mission.

Au total, la programmation triennale prévoit dix emplois supplémentaires de magistrats et dix nouveaux emplois d’agents en 2011, vingt emplois nouveaux d’agents en 2012 et dix emplois nouveaux d’agents en 2013. Cela devrait permettre de limiter les délais d’attente des demandeurs d’asile et les coûts induits sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

Le second programme de la mission, Intégration et accès à la nationalité française, est, budgétairement, de moindre importance puisqu’il représente seulement 73 millions d’euros. Ses crédits diminuent de 8 % par rapport à 2010, ce qui correspond essentiellement à une baisse des subventions accordées par le ministère pour mener des actions d’intégration des populations étrangères.

Ce programme comporte également la subvention de 14,4 millions d’euros versée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Cet office est le principal opérateur de la mission et prend en charge l’accueil et l’intégration des étrangers primo-arrivants.

Le maintien de cette subvention à son niveau actuel est nécessaire du fait des besoins croissants de l’opérateur, résultant de la montée en puissance des actions d’insertion qu’il mène.

Outre cette subvention, l’OFII est majoritairement financé par des taxes affectées, qui représentent 71 % de ses ressources, soit près de 100 millions d’euros.

Cela m’amène au dernier point de mon intervention : l’article 74 du projet de loi de finances. Cet article modifie le tarif d’une grande partie de ces taxes, qui portent sur la délivrance des documents administratifs aux étrangers.

D’une part, les modifications proposées doivent permettre d’accroître les ressources de l’OFII de 10,5 millions d’euros en 2011. Ces ressources nouvelles se justifient pleinement par la montée en puissance des actions menées par l’Office : contrats d’accueil et d’intégration, bilans de compétences professionnelles, obligatoires depuis 2008, et préparation à l’intégration des migrants dès le pays d’origine. La principale ressource nouvelle proviendra de la création d’un droit de 220 euros pour la délivrance de visas de régularisation aux étrangers en situation irrégulière.

D’autre part, l’article 74 opère des ajustements à la hausse et à la baisse de certaines taxes, qui sont, me semble-t-il, bienvenus : diminution des taxes acquittées par les employeurs de travailleurs étrangers, modulation des taxes sur les renouvellements de titres de séjour en fonction de la durée du séjour, diminution de la taxe sur les attestations d’accueil.

De manière générale, le dispositif proposé par l’article 74 me paraît tout à fait satisfaisant.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances vous proposera d’adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », modifiés par l’amendement que j’ai évoqué et que je vous présenterai, ainsi que par l’article 74 rattaché. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Trillard, rapporteur pour avis.

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous savez tous que la mission « Immigration, asile et intégration » a été créée en 2007 et qu’elle est composée de deux programmes : le programme 303 porte sur l’immigration et l’asile et le programme 104 sur l’intégration et l’accès à la nationalité française.

Depuis cette création, notre commission se saisit pour avis du programme 303, plus particulièrement de l’action n° 2, qui a trait à la garantie de l’exercice du droit d’asile. Le but de cet avis est de continuer à examiner les conditions de fonctionnement de l’OFPRA et de la Cour nationale du droit d’asile, qui a été rattachée, le 1er janvier 2009, au Conseil d’État et dont les crédits sont donc inscrits au sein de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Je vous renvoie à mon rapport écrit pour l’analyse détaillée des crédits et des personnels affectés à ces organismes et je m’en tiendrai ici à quelques points critiques.

Au sujet de l’OFPRA, j’avais évoqué l’an dernier l’analyse du ministre Éric Besson concernant une explosion de la demande d’asile. En effet, les demandes ont augmenté de 23 % en 2009, et déjà de 10 % au premier semestre 2010, laissant augurer une croissance analogue à celle de l’année précédente.

En 2009, ce sont 48 000 demandes d’asile qui ont été formulées, en additionnant les premières demandes et les réexamens. L’augmentation d’activité de l’OFPRA s’est élevée, cette même année, à 11 %, à effectifs constants. Mais la forte progression des demandes a conduit à une croissance des dossiers en stock.

Le nombre de demandes en instance s’élevait donc à 20 500 au 30 juin 2010, ce qui conduit mécaniquement à l’allongement des délais d’examen des dossiers, estimé à quatre mois en 2010, alors qu’il était de trois mois – cent jours exactement – en 2008.

Pour faire face à cette situation, le projet de budget pour 2011 prévoit d’engager un renfort de trente officiers de protection contractuels pour dix-huit mois, portant le plafond global d’emploi de l’OFPRA à 442 équivalents temps plein, dont 164 titulaires et 113 contractuels de cadre A. Il serait souhaitable que ce renfort soit pérennisé si la demande se maintient à un taux élevé.

Si la France reste en Europe le premier pays destinataire de demandeurs d’asile, les demandes adressées à d’autres pays augmentent : de 18 % en Allemagne, de 24 % en Autriche et de 40 % en Belgique.

Les chiffres de l’ONU indiquent qu’au niveau mondial la France arrive, en 2009, derrière les États-Unis, qui reçoivent 50 000 demandes, mais bien avant le Canada, qui en reçoit 34 000.

Toutefois, en 2009, c’est d’Europe que sont issus le plus grand nombre de demandeurs d’asile, avec 19 000 demandes, alors qu’en 2008 c’était l’Afrique qui venait en tête, avec 17 400 demandes. Cette tendance se poursuit au premier semestre 2010, avec 9 400 demandes en provenance d’Europe, l’Afrique restant le deuxième continent d’origine des demandeurs, avec 8 400 demandes.

La forte augmentation de demandeurs originaires du Kosovo, au nombre de 3 050 – soit une progression de 70 % par rapport à 2008 –, explique cette évolution, qui a persisté au premier semestre 2010. Les demandes formulées par les citoyens russes ont, elles, augmenté de 50 % au premier semestre 2010. Deux autres pays fournissent une demande en très sensible progression : le Bangladesh, avec une augmentation de 80 %, et la République démocratique du Congo, avec 30 % de demandes supplémentaires.

Pour faire face à l’augmentation des demandes d’asile adressées à la France, mais également, nous l’avons vu, à la plupart des pays de l’Union européenne, la priorité en matière d’immigration pour 2011 est de mieux harmoniser les politiques de l’asile aux plans européen et international, notamment par la négociation d’un régime d’asile européen espéré pour 2012. C’est, en effet, dans une coordination de ce type, dont nous ne sous-estimons pas les difficultés, que réside un renforcement de l’efficacité du traitement de la demande d’asile, dont les premiers bénéficiaires sont les demandeurs eux-mêmes, qui ont intérêt à voir leur dossier traité avec justice et diligence.

J’en viens maintenant à la CNDA, dont le rattachement à la mission « Conseil et contrôle de l’État » se justifie par le caractère juridictionnel du rôle qu’elle exerce. De surcroît, le Conseil d’État, relevant de la même mission, est son instance de cassation.

Je constate avec satisfaction une évolution vers une plus grande professionnalisation du corps de ses magistrats, qui conduira, je n’en doute pas, à une impartialité accrue de la Cour, corollaire indispensable de son statut de juridiction.

C’est ainsi que dix magistrats à plein-temps, issus du Conseil d’État, ont été affectés à la CNDA à compter du 1er septembre 2009. Ils ont présidé chaque mois, depuis cette date, une moyenne de soixante-huit audiences, les présidents vacataires restant majoritaires, avec une moyenne de 125 audiences présidées chaque mois.

Je vous rappelle que les décisions prises par les formations de jugement ont une grande importance puisque les décisions de la Cour peuvent casser un avis négatif donné par l’OFPRA sur une demande d’asile et accorder, ipso facto, le statut de réfugié au demandeur initialement débouté.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande, mes chers collègues, l’adoption des crédits pour 2011 de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Mme Catherine Troendle applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous pouvons, dans un premier temps, constater une stabilisation du budget de la présente mission, après une forte hausse au cours des années précédentes puisque, entre 2009 et 2010, ses crédits avaient progressé de plus de 10 %.

Cependant, à compter de 2011, cette mission va participer à l’effort général de maîtrise des dépenses publiques. Elle passera donc de 562 millions d’euros en 2011 à 545 millions d’euros en 2013, soit une baisse, légère, de 3,5 %.

Néanmoins, en 2011 le budget reste quasiment stable, eu égard à deux constats : d’une part, le programme Immigration et asile augmente de plus de 2,2 % en crédits de paiement ; d’autre part, le programme Intégration et accès à la nationalité française est en baisse.

Comment expliquer ces évolutions ?

Il n’y a que très peu de marge de manœuvre sur le programme Immigration et asile. En effet, on assiste à une poursuite de la hausse des demandes d’asile. Après une diminution régulière de 2004 à 2007, on a enregistré une augmentation de près de 20 % en 2008, de près de 12 % en 2009 et de plus de 8,3 % durant les huit premiers mois de l’année en cours.

Au total, depuis 2007, l’ensemble des demandes d’asile a augmenté de plus d’un tiers. En 2009, la France a ainsi compté 47 700 demandes d’asile, le plus grand nombre pour un pays européen.

Je rappelle brièvement que, depuis 2006, les principaux pays de provenance restent la Turquie, la Serbie, le Kosovo, la Russie, la République démocratique du Congo et le Sri Lanka. On constate par ailleurs une forte augmentation des demandes en provenance de Chine et d’Haïti, ainsi que du Bangladesh.

Nous devons remplir nos engagements internationaux et continuer à recevoir les demandes d’asile dans les meilleures conditions possibles. En conséquence, il faut sans doute maintenir ou augmenter les dépenses pour les CADA, l’hébergement temporaire et l’allocation temporaire d’attente.

Parallèlement, la subvention à l’OFPRA bénéficie d’une augmentation de 8 % pour le recrutement de trente officiers de protection supplémentaires sur dix-huit mois.

Il faudra compter aussi sur les efforts de la réforme de la CNDA pour tenter de diminuer les délais d’instruction et donc réduire les coûts de la prise en charge de chaque demandeur.

Le programme Intégration et accès à la nationalité offre davantage de marge de manœuvre. Certes, la dotation de l’OFII baisse quelque peu, mais cette baisse est compensée par une revalorisation des taxes qui sont affectées à l’Office.

Les crédits d’intervention pour l’intégration des étrangers en situation régulière sont également stabilisés, malgré une légère baisse.

Ainsi, l’augmentation inévitable des dépenses liées à l’asile se répercute mécaniquement, compte tenu de la nécessité de maîtriser les dépenses publiques, sur les actions en faveur de l’intégration.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur ce budget, au nom de la commission des lois.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour ajouter quelques remarques sur les réformes entreprises au cours des deux dernières années.

D’abord, je salue la réforme de la procédure de la naturalisation. L’expérimentation de la déconcentration de cette procédure, qui s’est déroulée du 1er janvier 2010 au 30 juin dernier, a donné, concernant les délais, d’excellents résultats dans les préfectures.

En revanche, le taux de décisions positives, s’il reste globalement stable, a beaucoup baissé dans certaines préfectures. Monsieur le ministre, il faudra examiner cette question et garantir la plus grande uniformité dans le traitement des demandes de naturalisation.

En tout état de cause, la déconcentration est quasiment généralisée depuis le 1er juillet dernier.

Autre réforme importante, qui a porté ses fruits et qui se révèle utile : celle du visa de long séjour.

Mme Nathalie Goulet. Tout à fait.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Cette réforme met un terme à la double instruction par le consulat et la préfecture pour certaines catégories d’étrangers. Il s'agit d’un véritable succès puisque, depuis le 1er janvier 2009, 80 % des visas de long séjour valent titres de séjour.

Enfin, je voudrais faire un point rapide sur la lutte contre l’immigration irrégulière.

Certes, l’action menée contre les filières d’immigration illégale est intense : l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titre indique avoir démantelé environ cent cinquante filières en 2009, contre une centaine en 2008 et 2007. Il faut donc continuer dans cette voie.

Toutefois, alors que le nombre des mesures d’éloignement était toujours en hausse depuis 2003, l’objectif retenu pour les années 2011-2013 reste fixé à 28 000. Il convient surtout d’observer le taux d’exécution des mesures d’éloignement, qui a connu une amélioration récente : alors que 112 000 mesures avaient été prononcées en 2007, dont 24 000 furent exécutées, 95 000 mesures ont été prononcées et 29 000 exécutées en 2009.

Il reste que ce taux reste faible – autour de 20 % –, et cela pour des raisons bien connues : le refus de la prolongation de la détention par le juge des libertés et de la détention et la faiblesse des taux de délivrance des laissez-passer consulaires. Nous aurons l'occasion d’évoquer tous ces sujets lors de l’examen du projet de loi sur l’immigration.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces remarques, la commission des lois a émis un avis favorable quant à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2011. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits budgétaires pour l’année 2011 de la mission « Immigration, asile et intégration » s’inscrit dans un contexte politique et législatif singulier. Ce dernier donnera à notre débat, je l'espère, une tonalité moins convenue que celle qui caractérise parfois l’examen des missions budgétaires.

La suppression du ministère de l’immigration, ajoutée à l’abandon de l’intitulé « identité nationale », pourrait être annonciatrice d’une évolution dans la façon dont le Gouvernement appréhende les questions liées aux migrations et à l’intégration.

Toutefois, sans préjuger de nos débats sur le projet de loi à venir, le Gouvernement semble vouloir poursuivre la même politique, une politique que, pour ma part, je juge stigmatisante, déséquilibrée et contraire à notre tradition en matière de droits de l’homme.

Les résultats, en termes de facilitation de la circulation ou d’intégration, demeurent peu perceptibles.

J’évoquais à l’instant le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. L’examen des crédits de cette mission ne pourra s’affranchir de ce contexte législatif.

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » s’élèvent à 563,8 millions d’euros en crédits de paiement – en baisse de 0,2 % – et à 561,5 millions d'euros en autorisations d’engagement – en augmentation de 0,7 %.

Cette quasi-stabilité des crédits doit, en raison du caractère transversal de la politique d’immigration, être mise en regard des évolutions que connaissent d’autres missions intervenant en cette matière.

Ainsi, les missions « Culture », «Travail et emploi » et « Aide publique au développement » voient leurs crédits nettement reculer, respectivement de 11,7 %, 14,5 % et 15,4 %.

En outre, la quasi-stabilité des crédits de la mission masque d’importantes disparités au sein de cette dernière. Certaines actions, parmi les plus vitales, connaissent des baisses marquées. C’est sur elles que je centrerai mon propos.

J’évoquerai tout d’abord l’asile.

Le soutien aux demandeurs d’asile rassemble à lui seul plus de la moitié – 58,4 % – des crédits de la mission. Ce pourcentage traduit la tradition séculaire d’accueil et de protection de la France pour les femmes et les hommes qui sont menacés dans leur pays du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur combat pour la démocratie et les libertés. Le Gouvernement revendique souvent cette tradition d’accueil de la France, qui reste la première terre d’asile en Europe.

Comment, dès lors, expliquer ce sentiment profond que l’on éprouve d’une image aujourd’hui écornée de la politique française de l’asile ?

Récemment, la France a accueilli 36 Irakiens blessés dans l’attaque de la cathédrale syriaque de Bagdad. La minorité chrétienne d’Irak est la cible de nombreuses persécutions. La décision de notre pays d’accueillir ces réfugiés était une réponse nécessaire, une exigence morale.

Toutefois, peut-on ignorer que l’humanité montrée aujourd’hui succède à l’intransigeance manifestée hier ? Le refus du gouvernement français de mettre en œuvre, au bénéfice des réfugiés afghans, le dispositif de protection temporaire, ajouté à l’expulsion par charters de nombre de ces derniers, en dépit des menaces qui pouvaient peser sur eux, crée, chez beaucoup d’entre nous, le sentiment d’une compassion à deux vitesses.

Que ce soit le même ministre, M. Éric Besson, qui ait décidé l’une et l’autre mesures nous conforte dans ce sentiment désagréable que la France opère un tri entre les victimes des désordres du monde. Or telle n’est pas la tradition française de l’asile, selon laquelle l’unique souci doit être l’accueil et la protection des réfugiés. La prise en compte des motifs de persécution, de la race, de la religion ou de la nationalité constituerait une rupture avec cette tradition.

Plus préoccupantes encore sont les conditions pratiques d’exercice du droit d’asile, qui se dégradent. Le Gouvernement admet la nécessité d’un effort important, mais il ne parvient pas à sortir de la logique de sous-évaluation des crédits liés à l’accueil et au soutien des demandeurs d’asile.

Je suis bien consciente de la difficulté que représente pour un gouvernement l’adaptation de nos dispositifs à des demandes d’asile dont il est compliqué d’anticiper le nombre. Toutefois, une politique ainsi menée par « à-coups » n’est pas à la hauteur d’un pays qui, comme la France, revendique haut et fort sa tradition d’accueil.

Depuis 1998, des efforts notables ont été réalisés, du fait de la forte croissance de la demande d’asile entre 1997 et 2003. Ainsi, les places dans les CADA ont été multipliées par six depuis 1998. Il n’empêche que le dispositif national d’hébergement se trouve aujourd’hui saturé.

Des places sont ouvertes chaque année, mais elles sont insuffisantes dans un contexte d’augmentation ininterrompue du nombre des demandeurs d’asile. Contraints à une obligation légale de domiciliation, ceux-ci se retrouvent dans l’impossibilité d’entamer leur démarche et se voient, de ce fait, privés de l’exercice effectif de leur droit. Quelles initiatives entendez-vous prendre, monsieur le ministre, pour renforcer le dispositif de domiciliation et, ainsi, garantir l’effectivité du droit d’asile ?

Les délais de traitement des demandes constituent l’autre grand chantier des dispositifs de soutien et d’accueil des réfugiés. La durée d’examen des dossiers par l’OFPRA a connu une très forte inflation ces deux dernières années, du fait du nombre croissant des demandeurs d’asile et d’un déficit de personnels.

Le délai moyen de traitement d’un dossier était de 100 jours en 2008. Il est aujourd’hui de 135 jours. Une dotation de 1,5 million d’euros permettra de recruter trente contractuels pour une période de dix-huit mois. Sans doute ce renforcement des personnels permettra-t-il à l’opérateur de faire cesser l’allongement des durées d’instruction. Néanmoins, suffira-t-il à enclencher une baisse des délais telle que celle que le Gouvernement envisage ? J’en doute !

S’agissant de la politique de l’éloignement, je regrette que l’évaluation de son coût soit encore si difficile. Le travail accompli par M. le rapporteur spécial lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 avait, de ce point de vue, apporté une intéressante contribution.

Des difficultés persistent, qui sont liées, notamment, à l’évaluation complexe du coût des interpellations et des gardes à vue réalisées dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière. La réunion de ces missions au sein du seul ministère de l’intérieur devrait permettre d’améliorer l’évaluation du coût de l’éloignement forcé.

Il n’en demeure pas moins que les crédits relatifs à la lutte contre l’immigration irrégulière connaissent une baisse de 10,6 % en autorisations d’engagement et de 3,4 % en crédits de paiement.

Monsieur le rapporteur spécial, vous indiquez que cette contraction résulterait de la baisse du coût de la billetterie. Pourtant, si j’en crois les documents budgétaires qui sont à ma disposition, l’évaluation des frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière a été opérée sur une prévision stable de retours forcés, pour un coût moyen lui-même constant. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point précis ?

J’en viens aux crédits d’investissement consacrés aux centres de rétention administrative. Ceux-ci s’élevaient à 24 millions d’euros en 2010. Pour 2011, ils sont de 15,9 millions d’euros, dont près de 9 millions d’euros seront mobilisés pour le seul centre de Mayotte. En dépit d’un nombre de places à la hausse, les CRA d’Île-de-France font face à un phénomène de saturation que l’augmentation des durées de rétention souhaitée par le Gouvernement viendra encore amplifier. Je plaide là non pas pour l’augmentation du nombre de centres de rétention administrative, mais bien pour une politique plus mesurée de la rétention.

Je souhaite, enfin, aborder la question de l’intégration des migrants.

Globalement, le programme 303 connaît un repli de ses crédits de 8,1 % et l’action Intégration des étrangers en situation régulière une baisse plus importante, de 13,1 %. Il n’est sans doute pas inutile de rappeler ces chiffres à quelques semaines de l’examen d’un projet de loi dont l’exposé des motifs précise que son « premier objet » est de « renforcer l’intégration des immigrés qui entrent et séjournent sur le territoire national ».

Dans ce contexte, la subvention pour charges de service public versée à l’OFII reste stable, mais les projets de lois successifs ont tellement gonflé le nombre des missions qui sont affectées à cet opérateur que je suis plus que sceptique sur sa capacité à les remplir efficacement à budget constant.

Monsieur le ministre, une politique de l’immigration et de l’asile se juge non pas seulement aux moyens budgétaires qui lui sont consacrés, mais aussi, et bien plus sûrement, à la pensée qui l’inspire. Or nous n’approuvons ni la philosophie ni les moyens de votre politique en la matière. Pour les objectifs auxquels nous pouvons souscrire, c'est-à-dire la facilitation de la circulation des migrants et l’amélioration de l’accueil des réfugiés et des migrants réguliers, les moyens de cette mission ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Pour ces raisons, notre groupe votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Thiers écrivait : « Il y a toujours dans les maux publics un mal réel et un mal d’imagination. »

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Jacques Mézard. L’immigration est vécue dans l’opinion publique comme un mal, nos concitoyens en arrivant à occulter le rôle positif qu’elle a joué dans la construction de notre nation au fil des siècles. Un seul exemple : comment, aujourd’hui, fonctionneraient nos hôpitaux si on les privait soudainement de leurs médecins étrangers ?

Mme Éliane Assassi. C’est vrai !