M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances est très partagée. L’école numérique rurale, fille du plan de relance, est en effet un succès, comme vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission de la culture, mais cet enfant, parfaitement légitime, pose toutefois deux problèmes à la commission des finances.

Premièrement, si le dispositif « écoles numériques rurales » a permis d’apporter un soutien à des communes ou à des regroupements intercommunaux qui, en son absence, n’auraient certainement pas pu accéder à ce type d’équipements, il a aussi créé une sorte de précédent qui vient contrarier la répartition traditionnelle des responsabilités entre, d’un côté, le ministère de l’éducation nationale, lequel prend en charge les salaires des enseignants – en l’occurrence ceux du primaire –, et, de l’autre, les communes, qui assument les dépenses relative aux équipements. Or le présent amendement rompt avec ce principe.

Deuxièmement, vous proposez, monsieur Legendre, de gager cet amendement par un redéploiement des crédits destinés à financer les heures supplémentaires des professeurs de l’enseignement secondaire, lesquelles s’inscrivent dans ce vaste et pertinent projet qu’est la réforme des lycées.

Nous serions naturellement enclins à émettre un avis favorable sur cet amendement, qui constitue assurément un progrès. Il n’en est pas moins contraire à la logique traditionnelle de répartition des charges entre les collectivités et l’État et, par ailleurs, il pourrait affecter le projet de l’État de mettre en place un enseignement plus suivi et plus personnalisé au lycée.

Cela étant, je reconnais que l’effort demandé, qui s’élève à 25 millions d’euros, ne représente qu’une faible part du budget consacré au financement des heures supplémentaires dans les lycées, qui mobilise 1 milliard d’euros.

La commission aimerait donc recueillir votre avis, monsieur le ministre. Sans doute le suivra-t-elle, si vous savez être convaincant ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Je reconnais que cet amendement est séduisant pour l’élu rural que je suis. Je n’ignore pas le succès du plan que vous avez évoqué, monsieur Legendre, puisque près de 8 000 écoles ont pu être équipées en tableaux blancs interactifs ou en chariots roulants d’ordinateurs portables grâce aux moyens exceptionnels dégagés par l’État. Pour ces écoles, c’est incontestablement un grand progrès.

Tout à l’heure, Catherine Morin-Desailly rappelait que le niveau d’équipement numérique des écoles restait insuffisant dans notre pays, ce retard ayant d’ailleurs motivé le plan numérique que je viens de lancer.

Mais les arguments avancés par M. Longuet sont tout aussi pertinents.

D’abord, le plan de relance avait par nature vocation à être limité dans le temps, mesdames, messieurs les sénateurs. Le projet de budget que vous examinez actuellement met d’ailleurs fin à de nombreuses dispositions du plan de relance. Du reste, la principale source de réduction du déficit budgétaire pour l’exercice 2011 réside dans l’arrêt de mesures exceptionnelles qui avaient été prises à la suite de la crise de 2008-2009.

Ensuite, il y a peu, vous avez longuement débattu de la question des partages de compétences entre les différents niveaux de collectivités. Comme l’a rappelé M. Longuet, le législateur a voulu, dans les premières lois de décentralisation, qu’il a adoptées voilà plus de vingt-cinq ans et qui ont depuis été confirmées à plusieurs reprises, séparer les responsabilités entre, d’une part, l’État, qui prend en charge les aspects éducatifs et pédagogiques, y compris les salaires des enseignants et, d’autre part, les collectivités, qui assurent toute la dimension matérielle, dont relèvent notamment les investissements dans les bâtiments et les achats de fournitures.

En dehors du cadre exceptionnel du plan de relance, l’État peut-il continuer à investir dans le matériel ? Je suis certes sensible au fait que ces 25 millions d’euros permettraient d’équiper 2 500 écoles, mais je rappelle que notre pays compte 55 000 écoles, dont plus de la moitié sont des écoles rurales. Je vous laisse imaginer la masse des crédits qu’il faudrait mobiliser pour financer l’équipement de toutes ces écoles !

Je voudrais toutefois proposer une solution de repli au président Legendre.

En premier lieu, d’après les contacts que nous avons pu avoir, le commissariat aux investissements d’avenir, qui travaille sur l’équipement numérique, ne serait pas insensible à la question de l’équipement des écoles en milieu rural. Cette institution pourrait donc fournir une première source de financement.

En second lieu, dans le cadre du plan numérique que je viens d’annoncer, l’éducation nationale a décidé de renforcer ses partenariats avec les associations d’élus et de collectivités territoriales, notamment l’Association des régions de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France. Les conventions-cadres que nous sommes en train de rédiger reposent notamment sur un partenariat qui consiste, pour l’État, à renforcer son engagement sur son cœur de métier, à savoir la formation des enseignants et les ressources pédagogiques, et, pour les collectivités territoriales, à investir en contrepartie dans les équipements.

Nous pourrions ainsi conclure avec l’AMF un accord aux termes duquel les communes s’engageraient à investir dans l’équipement numérique, en contrepartie des moyens déployés par l’État concernant les ressources pédagogiques et la formation des enseignants.

En conclusion, cet amendement me séduit en tant qu’élu local, mais je peux difficilement y être favorable en tant que ministre de l’éducation nationale, compte tenu du précédent qu’il pourrait créer en matière d’investissements dans des compétences qui ne sont pas celles de l’État.

En conséquence, l’avis est plutôt défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Je ne peux pas retirer cet amendement, monsieur le ministre.

Les solutions de repli que vous proposez ne présentent aucune garantie.

Par ailleurs, nous ne demandons pas que les 25 millions d’euros de crédits que nous proposons de dégager soient utilisés dans les mêmes conditions que dans le cadre du plan « écoles numériques rurales », mais qu’ils servent à poursuivre l’effort engagé. Nous devons continuer à amorcer ce grand mouvement, qui s’avère absolument indispensable.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. Nous avons, nous aussi, une double lecture de cet amendement. En effet, nous sommes partagés.

Le plan d’équipement des petites écoles rurales est un vrai succès. Il a impulsé une dynamique dans nos territoires ruraux. Il correspond à ce que nous défendons tous : l’égalité des territoires et des moyens.

Aujourd’hui, nous sommes au milieu du gué. Il y a, d’une part, les collectivités et les écoles qui ont pu être équipées et, d’autre part, toutes celles qui, aujourd’hui, aimeraient pouvoir bénéficier d’un prolongement de ce plan.

Nous approuvons l’intérêt et la nécessité de ce plan, mais ce qui nous pose problème, c’est bien évidemment la source de son financement. Il est fait appel à une ligne budgétaire relative aux heures supplémentaires.

Lors de la réforme des lycées, on nous a expliqué que le choix avait été fait de recourir aux heures supplémentaires, absolument nécessaires pour la mise en place de cette réforme ambitieuse, plutôt que de l’appuyer sur de nouveaux postes.

On le voit donc bien, il n’est pas question de création de postes.

Même si nous reconnaissons l’intérêt d’équiper les écoles rurales, cette façon de déshabiller Pierre pour habiller Paul ne peut nous satisfaire. Nous ne pouvons « opposer », si je puis dire, l’égalité des territoires ruraux et l’ambition légitime de réussite du grand projet de réforme des lycées.

Telle est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Sur le principe, on ne peut qu’être favorable à la proposition d’abonder les crédits en faveur du prolongement du dispositif des écoles numériques rurales, qui a été engagé dans le cadre du plan de relance.

Lancée sur l’initiative du ministère en 2009, ce dispositif a suscité beaucoup d’intérêt, puisque 7 000 communes de moins de 2 000 habitants en ont bénéficié.

Cet intérêt s’explique par le fait que les écoles françaises disposent d’un ordinateur seulement pour douze élèves et ont moins de 30 000 tableaux interactifs.

Ces chiffres nous situent très en deçà par rapport à la plupart des pays voisins.

Point plus préoccupant, il existe une grande disparité d’équipement entre les territoires, ce qu’avait d’ailleurs mis en lumière un rapport de la Cour des comptes en décembre 2008.

Force est de constater, de ce point de vue, une absence de politique et d’ambition à l’échelon national. Ce sont les collectivités territoriales qui financent les ordinateurs, les logiciels, les connexions au réseau. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce plan avait reçu une grande écoute et avait recueilli un tel succès.

Monsieur le ministre, à l’occasion du Salon européen de l’éducation, vous avez annoncé un plan pour le numérique à l’école. Celui-ci déclencherait, notamment, la mise en œuvre de chèques ressources numériques pour les établissements, permettant à ces derniers d’acquérir des ressources numériques pédagogiques. Qui financera ces chèques ?

Vous venez d’indiquer que vous aviez eu l’engagement de pouvoir créer des coopérations avec des associations d’élus, notamment avec l’Association des maires de France, l’AMF. Là encore, je m’interroge. Chacun, dans cette enceinte, connaît l’état des ressources des collectivités territoriales : demandera-t-on encore à ces dernières des efforts supplémentaires sans leur donner l’assurance d’une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire ?

Il serait donc utile de réfléchir à la création d’un budget pérenne destiné à équiper les écoles et à développer l’usage du numérique. Il convient de se donner les moyens d’une véritable ambition.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Je voterai cet amendement.

Chacun a rappelé l’enjeu que représentait le plan ENR et l’engouement qu’a suscité son lancement.

Si l’on interrogeait les responsables des communes qui en ont bénéficié, il se révélerait que seul un petit nombre d’entre eux saurait que le financement émanait du grand emprunt. En ne poursuivant pas cet élan, le sentiment d’injustice serait grand.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Si l’on faisait un moratoire des giratoires, on financerait tout ! (Sourires.)

M. Charles Revet. J’entends bien que les équipements relèvent de la responsabilité des communes, mais dès lors que l’opération a été lancée, qu’elle est un succès et qu’elle répond à des besoins, il faut la poursuivre. C’est l’objet du dispositif proposé.

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, pour explication de vote.

M. Pierre Martin. Je peux témoigner que, dans les écoles qui sont équipées, les enfants sont très intéressés et, surtout, on constate une motivation nouvelle de la part des enseignants, ce qui est un élément important.

Par ailleurs, le financement fait l’objet d’un partenariat. Aux crédits de l’État viennent souvent s’ajouter ceux du département, afin que la commune n’ait pas trop à débourser, étant entendu qu’il s’agit de petites communes rurales. Il faut encourager ce partenariat.

C’est pourquoi je voterai l’amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris si je vous dis que m’inscris tout à fait dans la même logique que mes collègues.

Étant maire d’une petite commune rurale, je constate à l’évidence cet engouement, mais aussi un sentiment d’injustice chez les communes qui ne sont pas équipées.

Au nom du principe d’égalité d’accès aux nouvelles technologies, j’appelle de tous mes vœux au vote de cet amendement.

J’irai même au-delà, mais peut-être est-ce présomptueux de ma part, monsieur le ministre : il serait sans doute nécessaire que ce budget soit reconduit non seulement l’année prochaine, mais également les trois ou quatre années suivantes, afin de permettre d’équiper le plus grand nombre de communes rurales.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous avez dit, à juste titre, que les lois de décentralisation ont donné des compétences aux collectivités territoriales.

Néanmoins, à mon sens, le rôle de l’État est d’amorcer un certain nombre d’initiatives, comme celle dont nous débattons.

Il l’a fait en ce qui concerne 2010. Il faut poursuivre l’effort en 2011 et profiter de cet exercice pour contractualiser avec les communes.

Mais il serait risqué d’interrompre cette initiative dès 2011.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Telle est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Comme mes collègues, je soutiens cet amendement, au nom du groupe Union centriste.

Monsieur le ministre, le succès de l’opération a été grand. Les premières communes mobilisées ont eu accès immédiatement au financement. Mais, très peu de temps après, les communes voisines inscrites dans la même dynamique ont appris qu’il n’y avait plus de financement disponible.

Il conviendrait, pour le moins, que le financement des dossiers déposés soit mené à bien, par souci d’équité.

On peut jouer, bien sûr, sur les compétences des uns et des autres, mais les efforts accomplis par les collectivités territoriales vont bien au-delà de leurs strictes obligations, en matière d’investissements, en termes d’intervenants dans les domaines sportif, culturel, notamment par des financements exceptionnels à caractère pédagogique.

Tout cela ne relève pas forcément de la compétence première des collectivités territoriales. Mais, pour ces dernières, la frontière peut être dépassée quand il s’agit de l’intérêt de l’enfant et de la mise en œuvre de pratiques indispensables.

Le numérique en fait partie et, je le redis, il me paraît très important de prendre en compte cette dimension. Ne l’oublions pas, selon un classement de la Commission européenne, nous sommes le vingt-quatrième pays sur vingt-sept dans le domaine de l’équipement numérique. Tout le monde doit y mettre un peu du sien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À l’évidence, je suis séduit par l’amendement présenté par le président de la commission de la culture, M. Legendre, mais le gage proposé me paraît incertain.

Monsieur le ministre, nous avons eu à nous prononcer sur un décret d’avances faisant apparaître une insuffisance de crédits de 370 millions d’euros pour rémunérer vos collaborateurs, et ce pour l’année 2010.

Par conséquent, j’émets l’hypothèse que les marges de manœuvre pour 2011 ne doivent pas être considérables.

Je ne suis donc pas sûr que le gage proposé permette de financer cet équipement numérique, dont je ne sous-estime cependant pas l’intérêt.

Par ailleurs, le recours à l’emprunt national pour les investissements d’avenir ne doit pas être une façon de compenser des insuffisances budgétaires. Il n’a été conçu que pour des investissements d’une autre nature.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À titre personnel, je suis donc extrêmement réservé sur le crédit de ce gage, monsieur le président Legendre.

J’ai le sentiment que les crédits de personnels sont juste à niveau, et pas plus. Aussi, prélever 20 millions d'euros, c’est prendre le risque de ne pas disposer des crédits suffisants en fin d’année 2011 pour rémunérer les collaborateurs de M. le ministre de l’éducation nationale.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Je suis l’élu d’un département proche du vôtre, monsieur le ministre, et qui a apprécié la mise en place des écoles numériques rurales.

Pour autant, je tiens à rappeler que les circonstances sont tout à fait exceptionnelles. Le Gouvernement, réagissant avec raison à la crise économique de l’automne 2008, a lancé un plan de relance en 2009.

Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans cette logique.

J’ai des responsabilités politiques : je préside un groupe auquel beaucoup de mes collègues appartiennent. Ils ont applaudi debout le Premier ministre rappelant le devoir de rétablir les finances publiques.

Mes chers collègues, comme l’a souligné le président de la commission des finances, nous voyons bien que ce gage s’impute sur un budget dont nous ne sommes absolument pas certains qu’il permette de financer toutes les dépenses qui sont au cœur de la responsabilité de l’État, c'est-à-dire de payer les enseignants pour développer une politique de personnalisation de l’enseignement et de réussite individuelle de chacun des élèves.

C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues – mais je n’en voudrais à personne de ne pas me suivre ! –, par cohérence avec la logique de la commission des finances et la lutte pour réduire le déficit public et devant l’incertitude du gage, à surseoir à ce statut.

Cela me paraît d’autant plus raisonnable qu’un tel précédent en ouvrirait la voie à d’autres demandes similaires. Je ne vois absolument pas pourquoi nous n’aurions pas, demain, des demandes reconventionnelles, récurrentes ou complémentaires de collectivités locales dans ce domaine des équipements.

Je vous mets donc en garde, mes chers collègues. Nous voulons le bien des écoles, des enfants, des enseignants et, à cet égard, je partage totalement votre sentiment, monsieur Martin. Toutefois, nous devons tenir compte d’une logique de répartition des responsabilités. Les collectivités locales ont leur budget, laissons-les l’assumer.

Un moratoire des giratoires permettrait peut-être d’apporter une réponse à un besoin plus immédiat, celui de la réussite de nos jeunes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-148.

Mme Françoise Laborde. Le groupe RDSE s’abstient.

Mme Françoise Cartron. Le groupe socialiste également !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le groupe CRC-SPG de même !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-147, présenté par M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2 

Vie de l’élèveDont Titre 2 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2 

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

Soutien de la politique de l’éducation nationaleDont Titre 2 

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

Enseignement technique agricoleDont Titre 2 

TOTAL

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, je partage votre volonté de voir l’éducation nationale, premier employeur de France, effectuer « des gains d’efficacité », pour reprendre vos termes Cela fait quinze ans que je répète chaque année à cette tribune, lors des débats budgétaires, que l’inflation des moyens n’est pas la solution et que tant le secteur public que le secteur privé doivent participer aux efforts de productivité, proportionnellement, bien sûr, à leur importance respective.

L’amendement que je vous soumets ne traduit en aucune façon une vision idéologique de l’éducation nationale. Pour ma part, je n’oppose pas l’enseignement privé à l’enseignement public. L’enseignement privé fait partie intégrante de notre système éducatif. La liberté d’enseignement, principe auquel je suis attaché, est inscrite dans la Constitution. J’ai l’habitude des débats budgétaires, je sais que les lobbies œuvrent à cette occasion, mais cet amendement ne m’a pas non plus été dicté par l’un d’entre eux.

Je suis aujourd'hui intimement convaincu que la situation dans laquelle se trouve l’enseignement privé aura des conséquences dramatiques : elle entraînera des fermetures de classes, puis d’établissements. Ce sont souvent des établissements de proximité, situés dans des zones rurales, qui seront obligés de fermer, faute de moyens.

J’ajoute que l’effort que vous exigez de l’enseignement privé, monsieur le ministre, me paraît disproportionné par rapport à celui qui est demandé à l’enseignement public : 16 000 postes seront supprimés dans l’ensemble du système éducatif, dont 1 633 dans l’enseignement privé, soit beaucoup plus qu’au cours de l’exercice passé. Sur ces 16 000 suppressions, 5 600 correspondent à des régularisations de surnombres. Il s’agit donc de réductions non pas effectives, mais purement comptables.

Par ailleurs, vous l’avez dit vous-même, les conditions ne sont pas les mêmes dans l’enseignement privé et dans l’enseignement public. L’enseignement privé n’a pas de titulaires de zone de remplacement, ou TZR, ni d’enseignants en surnombre.

Il me semble donc souhaitable, et même nécessaire, de transférer 4 millions d’euros du programme Soutien de la politique de l’éducation nationale vers le programme Enseignement privé du premier et du second degrés. Il n’est évidemment pas question, pour reprendre les propos de Mme Blondin, de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Cette somme n’est pas prise sur les crédits de l’enseignement public.

À l’évidence, je suis guidé par le désir de maintenir l’équité entre les deux systèmes, mais j’ai surtout l’intime conviction, née de nos rencontres avec un certain nombre d’acteurs tant du public que du privé, que si nous ne transférons pas ces crédits, correspondant à 100 équivalents temps plein travaillé, les établissements privés seront dans des situations catastrophiques. Je ne souhaite pas que nous en arrivions là, monsieur le ministre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. J’ai eu l’occasion tout à l’heure de rappeler la règle qu’applique le Gouvernement en matière de répartition des crédits entre l’enseignement public et l’enseignement privé.

Cette règle, qui existe depuis vingt-cinq ans, a été appliquée par tous mes prédécesseurs. J’ai tenu à l’appliquer à mon tour.

Certains d’entre vous ont souhaité la remettre en question. Alors que, pendant des années, elle a été plutôt favorable à l’enseignement privé, aujourd’hui, il semblerait qu’elle lui soit défavorable. Mais c’est le principe de la règle : elle s’applique jusqu’à ce qu’elle soit rediscutée et renégociée.

La règle de répartition est simple : 20 % des effectifs égalent 20 % des crédits et des moyens. Son application comptable aboutirait à la suppression de 3 200 postes dans l’enseignement privé.

Cependant, j’ai entendu les arguments des responsables de l’enseignement privé, que vous avez très justement fait valoir, monsieur le rapporteur spécial.

L’enseignement privé a des spécificités. Certains postes n’existent pas dans l’enseignement privé, en particulier les enseignants en surnombre, les titulaires remplaçants, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED.

C’est pourquoi les suppressions de postes ont été recalculées en déduisant ces postes qui n’existent pas dans le privé. Nous sommes ainsi arrivés au nombre de 1 633 non-renouvellements de personnels de l’éducation nationale pour l’exercice 2011. Je n’ai pas le sentiment, monsieur le rapporteur pour avis, qu’il s’agit là d’un effort disproportionné.

Permettez-moi d’apporter une précision sur l’évolution des suppressions de postes par rapport à l’année dernière.

Si moins de postes ont été supprimés dans l’enseignement privé l’année dernière, c’est parce que nous avions alors choisi, vous vous en souvenez, de supprimer les postes de professeurs stagiaires dans le cadre de la mastérisation. Nous ne pouvions supprimer plus de postes de professeurs stagiaires dans le secteur privé qu’il n’en existait.

Aujourd'hui, nous supprimons 1 633 postes, soit un peu plus que l’année dernière, mais cela ne correspond pas à une répartition différente des suppressions.

Par ailleurs, j’entends dire ici ou là que les élèves seraient plus nombreux dans l’enseignement privé. Or l’évolution du nombre d’élèves est exactement la même dans le public et dans le privé, soit une hausse de 0,3 % en cette rentrée dans chacun des deux secteurs. Ce critère n’interfère donc pas dans la répartition des crédits.

Enfin, monsieur le rapporteur pour avis, vous évoquez les 5 600 enseignants qui n’étaient pas devant élèves dans l’enseignement public. Certes, ils n’étaient pas devant élèves, mais il s’agissait bien d’enseignants en chair et en os, qu’il a fallu rémunérer. La situation de ces enseignants résulte de l’écart entre le nombre postes ouverts aux concours de recrutement et le nombre de départs en retraite. Elle est la conséquence de prévisions erronées et de mauvais ajustements. Ces 5 600 postes vont être résorbés.

En tout état de cause, les professeurs qui n’étaient pas devant élèves n’ont pas été pris en compte dans le calcul des suppressions de postes, par souci d’équité entre l’enseignement privé et l’enseignement public, comme vous le souhaitiez.

Pour toutes ces raisons, j’invite le Sénat à ne pas adopter cet amendement. Je considère que l’enseignement privé et l’enseignement public ont fait l’objet d’un traitement équitable dans le cadre de la préparation de ce projet de budget.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-147 est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président, je le maintiens.

Je le répète, plus que le souci de préserver l’équité entre le secteur public et le secteur privé, j’ai l’intime conviction que les établissements privés, et surtout les familles, vont connaître des situations difficiles.

D’autres que moi partagent ce point de vue, notamment – il m’a autorisé à le dire – M. le président du Sénat, avec qui je me suis entretenu de cette question et qui soutient l’initiative de la commission de la culture.