M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Madame la ministre, je tiens à vous remercier chaleureusement d’avoir réservé à Mayotte votre premier déplacement outre-mer au lendemain de votre reconduction dans vos fonctions.

S’agissant du projet de budget 2011 de l’outre-mer, je note tout d’abord que c’est un budget contraint, qui participe à l’effort national de réduction des déficits publics voulu par le Président de la République.

Les crédits spécifiques de la mission « Outre-mer » obéissent aux mêmes règles d’évolution. Ils s’élèvent à 2,15 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 1,97 milliard d’euros en crédits de paiement, contre respectivement 2,6 milliards d’euros et 1,99 milliard d’euros en 2010.

Toutefois, les projections 2011-2013 des crédits de la mission indiquent une légère tendance à la hausse.

Au sein de ces crédits, la part de Mayotte progresse de 4,2 % en autorisations d’engagement, avec 607,48 millions d’euros en 2011, contre 582,75 millions d’euros en 2010, mais diminue en crédits de paiement, avec 574,64 millions d’euros en 2011, contre 576,10 millions d’euros en 2010.

Ce budget appelle quatre remarques.

Premièrement, 44 % des crédits sont consacrés à l’enseignement scolaire, avec une enveloppe de 252,43 millions d’euros en crédits de paiement ; cette mission est portée par deux mesures fortes.

Il s’agit, d’une part, du doublement des crédits affectés aux constructions scolaires du premier degré, soit 10 millions d’euros issus de la dotation scolaire et du fonds d’aide à l’équipement communal et visant à résorber le déficit antérieur en nombre de salles de classes et à absorber la poussée démographique. Cependant, cette enveloppe est insuffisante si l’on ajoute la nécessité de rénover les écoles en vue de leur rétrocession aux communes en 2013.

Il s’agit, d'autre part, d’un nouvel engagement de l’État, essentiel pour acter la poursuite du financement des constructions et rénovations des collèges et des lycées en vue d’accompagner les évolutions démographiques et de préparer les transferts de compétences.

Deuxièmement, il est à noter le maintien des dotations spécifiques des communes jusqu’en 2011 pour certaines et jusqu’en 2013 pour d’autres, afin de garantir leurs ressources et de préparer l’arrivée de la fiscalité locale de droit commun en 2014. Pour gagner du temps, je ne mentionnerai pas les montants des dotations prévues, tout le monde les connaît.

Je saisis cette occasion pour saluer l’envoi prochain à Mayotte d’une mission chargée d’examiner les difficultés financières de nos collectivités locales, ce qui rejoint le souhait exprimé lors de notre séminaire parlementaire du 26 novembre dernier.

Troisièmement, il faut souligner la montée en puissance des crédits du fonds de développement économique, social et culturel, doté, en 2011, de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 2,6 millions d’euros en crédits de paiement, contre 600 000 euros en 2010. Vous le savez, 70 % des crédits du fonds seront affectés au secteur public, et 30 % au secteur privé. Précision importante, ces crédits seront disponibles dès l’installation du département.

En revanche, le montant du fonds exceptionnel d’investissement outre-mer chute de 40 millions en 2010 à 10 millions d’euros en 2011. Les crédits alloués à ce fonds viennent en complément de ceux qui sont déjà affectés au contrat de projet État-Mayotte 2008-2013, lesquels connaissent une hausse de 8,2 % en 2011. À ce propos, une question se pose : où en est la piste longue, après la mise en concession de l’aérogare, l’arrivée récente de la TNT, la télévision numérique terrestre, et prochainement du haut débit en 2011 ?

Madame la ministre, si les crédits inscrits dans ce fonds devaient se révéler insuffisants au regard des besoins nouveaux créés par la départementalisation, il sera toujours possible, je l’espère, d’abonder ces crédits puisque votre plan budgétaire court de 2011 à 2013 et que ce fonds s’étend sur trois ans.

Quatrièmement, la revalorisation de l’allocation des personnes âgées sans retraite interviendra avec effet rétroactif à compter du 1er avril 2010, sous réserve de la parution du décret correspondant, tandis que la revalorisation des allocations pour adultes handicapés et pour élèves handicapés interviendra, dans les mêmes conditions, à compter du 1er janvier 2010.

Je souhaite maintenant aborder rapidement un certain nombre d’autres points.

Comme vous le savez, madame la ministre, l’aquaculture est une filière prometteuse, qui concourt au développement endogène à Mayotte ; c’est pourquoi il est urgent de la soutenir grâce en particulier à une parution rapide du décret relatif à l’aide au fret, prévue par la LODEOM.

Par ailleurs, madame la ministre, pourriez-vous préciser l’état d’avancement du projet de création d’un établissement public foncier arrêté par le CIOM ?

En outre, je salue la création récente de l’Observatoire des mineurs isolés, à la suite des propositions de notre excellente collègue Isabelle Debré, en espérant que l’on pourra ainsi mieux encadrer ces enfants, notamment en matière d’obligation scolaire.

Après la mise en place de la carte vitale, ce qui bloque aujourd’hui c’est l’absence d’une CMU et d’une CMU complémentaire, indispensables, me semble-t-il, pour envisager une mise en vigueur éventuelle de l’aide médicale d’État, l’AME. Sur ces points, pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer les intentions du Gouvernement, dans la lignée de la mission qui séjournera à Mayotte du 6 au 10 décembre prochain ?

Enfin, il est encourageant de noter que le Sénat prolonge, jusqu’au 30 juin 2011, la défiscalisation des projets d’installation de panneaux photovoltaïques en outre-mer dont la puissance est inférieure à 20 kilovoltampères.

Madame la ministre, sous le bénéfice de ces quelques observations, je voterai bien sûr votre projet de budget pour 2011. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Adrien Giraud applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Lise.

M. Claude Lise. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si je devais m’en tenir à un exercice de comparaison des crédits de la mission « Outre-mer » votée en 2010 et de ceux qui sont prévus pour 2011, je pourrais me contenter de dire que, dans le contexte budgétaire actuel, vous avez su, madame la ministre, obtenir un arbitrage assez favorable. En effet, votre budget ne baisse que de 2,3 % en crédits de paiement. Je mesure bien les difficultés que vous avez dû surmonter pour arriver à ce résultat.

Mais, vous le savez bien, ce n’est pas ce qu’attendent de moi ceux que je représente au sein de cette Haute Assemblée. Car, à l’évidence, ils souhaitent que je saisisse l’occasion qui m’est donnée d’appeler, une fois encore, l’attention du Gouvernement et du Sénat sur une situation qui, vous le savez aussi, est plus que préoccupante.

La Martinique, en effet, va très mal ! Elle s’enfonce dans une récession de plus en plus inquiétante, qui dépasse déjà les 7 %.

Pratiquement tous les secteurs d’activité sont touchés, avec évidemment pour conséquence une détérioration continue du marché de l’emploi. Le nombre de demandeurs d’emploi a ainsi progressé de 4,1 % en un an, portant le taux de chômage à plus de 25 % ! Un pourcentage qui, s’agissant des jeunes de moins de 25 ans, dépasse 61 % !

Parmi les secteurs les plus affectés se trouve celui du bâtiment et travaux publics, qui connaît cette année une nouvelle réduction de son chiffre d’affaires, après une baisse de 30 % en 2009, la baisse d’activité se faisant surtout ressentir dans le secteur du logement privé.

Le tourisme est aussi confronté à de très grandes difficultés. Il accuse une baisse de plus de 8 % du tourisme de séjour et de 20 % du tourisme de croisière.

Dans ces conditions, la situation sociale ne peut que continuer à se dégrader : un nombre croissant de Martiniquais subit les conséquences du chômage et de l’emploi précaire, le nombre d’allocataires du RMI est reparti à la hausse, un cinquième de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté et, enfin, la situation des retraités se détériore de plus en plus.

Les collectivités territoriales font évidemment le maximum pour jouer le rôle d’amortisseur social. Dans le même temps, elles s’efforcent de soutenir les secteurs économiques en crise, mais elles connaissent presque toutes de grandes difficultés financières. C’est notamment le cas, bien sûr, du département, qui doit faire face à une véritable explosion de la demande sociale alors même qu’il voit geler des dotations déjà insuffisantes et croître une dette de l’État qui atteint plus de 71 millions d’euros.

Aussi, on comprend le sentiment de déception qu’éprouvent les Martiniquais face à la présente loi de finances. Ils estiment, à bon droit, qu’en matière d’économies budgétaires les départements d’outre-mer ont, de façon anticipée, très largement apporté leur contribution.

En effet, la LODEOM, votée en mai 2009, comportait déjà des mesures de restriction en matière de défiscalisation et d’exonération de charges sociales pour les entreprises. Qui plus est, certains dispositifs importants de cette loi ne sont toujours pas applicables ou susceptibles d’être concrètement mis en œuvre, alors même qu’ils ont été présentés comme particulièrement prometteurs. C’est le cas des zones franches d’activité, de l’aide au fret, de l’aide à la rénovation hôtelière et, surtout, du nouvel outil de défiscalisation dans le logement social.

Les économies ainsi réalisées par l’État peuvent être évaluées à près de 900 millions d’euros. On aurait dû en tenir compte dans l’application de la politique actuelle de rigueur.

En effet, ces économies ont été opérées sur des dispositifs trouvant, pour la plupart, leur justification dans la nécessité d’apporter des réponses adaptées à un mal-développement structurel. C’est ce dernier que l’on s’empresse de perdre de vue dès qu’il s’agit de passer des grands effets d’annonce à l’action effective, tout comme on oublie alors les accents lyriques sur ce qu’apportent les outre-mer à la France et à l’Europe pour se livrer aux plus froids raisonnements comptables.

Et ce sont ces raisonnements comptables qui prévalent actuellement dans le cadre d’une politique marquée par une réduction de l’effort global pour l’outre-mer, de près de 1 % en autorisations d’engagement après une baisse de 4,2 % en 2010, et par des coups portés à la défiscalisation. Je regrette évidemment que le Gouvernement soit resté sourd aux propositions d’amendements tendant à sauver un secteur innovant comme celui du photovoltaïque.

Madame la ministre, vous l’avez compris, la déception que je suis obligé d’exprimer ne concerne pas essentiellement votre budget. Je tiens, malgré tout, à m’interroger sur le niveau des crédits inscrits sur la LBU. Je connais le discours sur leur sous-consommation. Je veux cependant attirer votre attention sur le fait que cette année, en Martinique, le CDH du 16 novembre a mis en évidence que 99 % des crédits de paiement délégués étaient déjà consommés et qu’il existait, compte tenu des programmes locatifs sociaux pouvant encore être lancés, un besoin complémentaire en autorisations d’engagement de 10,7 millions d’euros pour 2010.

En réalité, c’est donc l’ensemble de la politique actuellement menée qui s’avère particulièrement décevante face aux enjeux réels du développement des départements d’outre-mer. Elle l’est, évidemment, à la mesure des espoirs suscités par de trop fréquents et bruyants effets d’annonce.

Madame la ministre, ce qu’il faut, c’est une courageuse remise en cause de cette politique. Cela pourrait commencer par une réelle attention portée aux différents amendements qu’il nous a été possible de déposer aujourd’hui.

Ensuite par la mise en œuvre rapide, et sans inutile contrainte procédurale, de tous les dispositifs de la LODEOM et de toutes les mesures du Comité interministériel de l’outre-mer.

Enfin, par l’inscription de crédits supplémentaires, dans le cadre d’un collectif budgétaire, de façon à dynamiser la politique du logement social et à redonner aux collectivités territoriales asphyxiées les moyens de faire face à leurs responsabilités et à celles que l’État les incite à assumer à sa place.

En ce qui concerne la Martinique, vous le comprendrez, madame la ministre, j’ajoute, pour terminer, le souhait que, conformément aux engagements du Président de la République, la collectivité unique sur laquelle les électeurs ont été consultés il y a dix mois fasse l’objet d’un débat au Parlement le plus rapidement possible.

Dans une situation aussi alarmante que celle que connaît la Martinique, on comprendrait difficilement que l’on tarde trop à doter ses élus d’un instrument de nature à accroître l’efficacité des politiques locales de développement.

Un développement qu’il devient urgent de concevoir et de promouvoir à la hauteur de l’engagement des forces vives de la Martinique et des attentes d’une jeunesse impatiente de participer à la construction de son avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas facile d’être ministre de l’outre-mer en période de crise. Ce n’est pas facile non plus de diriger ou d’appartenir à la majorité, à l’opposition, mais il faut prendre ses responsabilités ! Je vais, en quelques mots, vous dire ce que je pense.

Je considère que l’effort de l’État à l’égard de l’outre-mer n’a pas fait défaut et les chiffres que nos rapporteurs de la commission des finances ont signalés tant en crédits budgétaires qu’en effort sur la défiscalisation, qui représente pas moins de 3,4 milliards d’euros, montrent que la solidarité nationale continue à jouer en cette période difficile.

Mais connaissez-vous des régions où il n’y a pas de problème ? Connaissez-vous des régions où il n’y a pas de chômage ? même si la situation est plus grave chez nous. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut poser le décor de notre action pour les mois à venir.

Madame la ministre, ce n’est pas tant au niveau des crédits que sur la mise en œuvre des politiques qu’il faut agir. Le CIOM de l’année dernière a fait naître une grande espérance outre-mer et lorsque nous circulons sur le terrain, nous constatons que tous les efforts faits – je prends l’exemple de la LODEOM – à travers l’amendement « bagasse » et celui sur l’impôt foncier, avec la réorientation des crédits budgétaires et la défiscalisation sur le logement social, ont suscité un grand espoir et sauvé des pans entiers de l’économie locale.

Mais – je le dis parce que je soutiens totalement la majorité, le Président de la République et le Gouvernement – je suis désolé de constater sur le terrain que les efforts que nous faisons ne sont pas bien ressentis par la population. La faute à qui ?

D’abord, les populations de métropole, d’Europe, du monde et des outre-mer sont inquiètes. Les crises se succèdent avec une fréquence rapprochée. C’est vrai ici, c’est vrai chez nous ! Mais, noyées dans l’océan, ces crises font plus mal en outre-mer. L’inquiétude y est plus grande et le vécu est donc ressenti différemment.

À cette condition réelle s’ajoute une seconde raison. Madame la ministre, si vous avez fait personnellement des efforts considérables pour mettre en œuvre la LODEOM, je sais, en tant que parlementaire de longue date, que le ministère de l’outre-mer n’est pas toujours soutenu par les autres ministères comme il devrait l’être !

M. Jean-Jacques Hyest. Effectivement !

M. Jean-Paul Virapoullé. C’est vrai, et je suis là pour le dire !

Il faut que le Gouvernement soit plus solidaire de notre ministre de l’outre-mer. Pourquoi attendre un an pour que les décrets d’application soient publiés ? Pourquoi prendre des circulaires ou des décrets qui ont retardé ou quelque peu dénaturé notre politique de logement social ? Pourquoi nous dire ici même qu’il fallait un groupement d’intérêt public pour l’ensemble de l’outre-mer et aujourd’hui s’apercevoir qu’il en faut un à La Réunion et un autre dans les Antilles !

M. Jean-Jacques Hyest. Ah, ça, on l’avait dit !

M. Jean-Paul Virapoullé. Effectivement, on l’avait dit en commission des lois ! C’est retarder la reprise en main des terres en indivis qui auraient permis au logement de se développer.

Je suis intimement convaincu qu’il faut commencer par procéder à un rééquilibrage entre la décentralisation et la déconcentration. Les préfets d’outre-mer n’ont pas assez de pouvoir.

Tout récemment encore, alors qu’il organisait une réunion de lutte contre l’illettrisme, le sous-préfet délégué à la cohésion sociale a invité le recteur. Ce dernier lui a répondu qu’il ne viendrait pas dans la mesure où il ne dépend pas du préfet. Le sous-préfet ne va tout de même pas envoyer les gendarmes chercher le recteur ! (Sourires.)

M. Christian Cointat. Il aurait dû ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Paul Virapoullé. Nous proposerons prochainement un amendement sur ce sujet.

Cet exemple est réel. Je ne raconte pas d’histoires. Je suis là pour vous dire comment les choses se passent et je suis totalement libre ! Je proposerai, bientôt, sous une forme à déterminer avec le président de la commission des lois, qu’outre-mer les recteurs dépendent des préfets. (M. Claude Lise rit.)

Au CIOM, nous avions décidé, compte tenu de la décentralisation, de renforcer le pouvoir des préfets. Cela n’a pas été fait !

Nous avions également prévu de rapidement mettre en place une politique de la pêche. Nous représentons, dans l’océan Indien, sept fois la Méditerranée. Si ce territoire était chinois ou japonais, il serait la première richesse de la Chine ou du Japon ! Mais nous, nous tournons le dos à la mer ! Cela ne peut pas continuer ainsi. Et je ne parle pas de la Polynésie dont la surface maritime équivaut à celle de l’Europe.

J’appelle aujourd’hui à faire acte de solidarité avec notre ministre et je demande l’organisation d’un deuxième CIOM. Pour cela, je souhaite m’adresser au chef de l’État, que nous soutenons et dans sa politique de gouvernance européenne et dans sa volonté de remettre de l’ordre dans le désordre monétaire, financier et économique international durant sa présidence du G20 : Monsieur le Président, puisque vous avez eu la volonté de faire un CIOM pour clarifier les relations entre la métropole et les outre-mer, faites un bilan d’évaluation au bout d’un an pour que nous puissions y voir clair. Nous verrons ainsi là où ça avance et là où ça bloque.

Aujourd’hui, je soutiens bien sûr le budget de l’outre-mer, qui, en cette période de crise, a été l’un de ceux qui a le moins diminué.

Madame la ministre, je m’adresse à vos collègues du Gouvernement : soyez solidaires de notre ministre de l’outre-mer ! Ne considérez pas son département ministériel comme un ministère de seconde zone ! Donnez-lui un coup de main pour que les décrets soient publiés dans les délais et que les politiques du logement, de la pêche, de la solidarité et de la lutte contre l’illettrisme se mettent en place ! Aidez-le pour que la politique de mise en œuvre des traités européens et de l’article 349 du traité de Lisbonne, qui prévoit des spécificités dans le domaine des échanges commerciaux internationaux et des accords de partenariat économique, ou APE, se mette enfin en place par un règlement, que nous aurons le temps d’élaborer ensemble, madame la ministre !

Je vous soutiens, madame la ministre, et voterai ce budget, tout en mettant des bémols là où il faut. Il est de la responsabilité gouvernementale et il revient au chef de l’État et à la majorité qui le soutient de faire collectivement un effort non pas au niveau budgétaire, mais au niveau de la conception – mieux vaut prévenir que guérir ! – et de la mise en œuvre, en fluidifiant et simplifiant les procédures et les textes afin que les dispositions adoptées par le Parlement ne soient pas dénaturées et que la population ait un ressenti à la hauteur de nos engagements. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme le rapporteur pour avis ainsi que MM. Denis Detcheverry et Adrien Giraud applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Madame la ministre, le projet de budget que vous nous soumettez aujourd’hui s’inscrit dans le contexte de crise internationale qui frappe durement l’ensemble de la France.

À cette même tribune, j’ai eu l’occasion d’affirmer que l’outre-mer était prêt à apporter sa contribution à l’effort de la nation. Mais je ne peux que regretter que la période critique que nous traversons conduise le Gouvernement à proposer un budget d’austérité, exigeant des territoires d’outre-mer qu’ils participent plus que tous les autres à la nécessaire maîtrise des déficits publics.

Une fois encore, cette démarche traduit une certaine vision souvent stigmatisante de l’outre-mer, et il est indéniable que votre projet de budget n’est pas à la hauteur des enjeux des populations ultramarines.

Le sujet d’inquiétude le plus important est sans nul doute l’assèchement, à hauteur de 330 millions d’euros environ, des investissements outre-mer, qui résulte du nouveau coup de rabot de 10 % des dépenses fiscales et de la suppression brutale de la défiscalisation dans le secteur du photovoltaïque.

Au surplus, il s’agit de la quatrième modification en deux ans du régime de défiscalisation, alors même que les investisseurs ont avant tout besoin de stabilité juridique et fiscale, comme le rappelait judicieusement, en 2006, M. Nicolas Sarkozy.

Au final, nous subissons un coup de rabot global, qui est en totale contradiction avec la LODEOM, puisque toutes les activités considérées comme « prioritaires », à savoir l’agroalimentaire, le tourisme ou encore les énergies renouvelables, sont touchées.

En outre, madame la ministre, votre projet de budget reflète une baisse sensible des crédits destinés aux outre-mer, qui est deux fois plus importante que pour les autres dépenses de l’État, lesquelles diminuent en pratique de 1,5 %, contre 2,3 % pour l’outre-mer.

Cette baisse affecte en particulier, comme on pouvait le craindre lors de la discussion de la LODEOM, les crédits de paiement en faveur du logement social, qui diminuent de 31 %, soit 34 millions d’euros.

Ce projet de budget consacre donc la LBU comme la nouvelle variable d’ajustement de la mission « Outre-mer », laissant craindre, à terme, le financement du logement social par la seule défiscalisation. Nous comptons sur votre vigilance, madame la ministre, pour réaffirmer la sanctuarisation de la LBU.

Dans ces conditions, votre objectif affiché de construire 5 700 logements semble irréaliste, poussant les socioprofessionnels à affirmer que ce sont moins de 5 000 logements sociaux qui seront mis en chantier outre-mer, alors que, pour la seule Guadeloupe, 20 000 dossiers sont en attente.

Madame la ministre, dans ce projet de budget, vous affichez également la volonté de donner la priorité à l’activité et à l’emploi. Je rejoins naturellement votre ambition, mais je regrette tout de même qu’elle ne trouve pas de traduction budgétaire convaincante ; en témoignent les crédits dédiés à la compensation des exonérations de charges sociales qui sont en baisse de 34 millions d’euros.

Je me réjouis également de la montée en puissance du plan « SMA 6000 », mais je déplore que l’annonce de ce plan censé doubler en trois ans la capacité de formation se traduise par une diminution de la durée de formation de chaque jeune.

Dans le même ordre d’idées, je ne puis que regretter que les crédits du dispositif passeport-mobilité formation professionnelle diminuent de près de 3 millions d’euros.

Tout cela, vous en conviendrez avec moi, madame la ministre, n’est pas de nature à dissiper les peurs de la jeunesse, une volonté pourtant affichée par le Premier ministre dans son récent discours de politique générale.

Je veux parler de cette jeunesse qui espère l’élaboration d’un véritable plan d’urgence pour l’emploi et la formation des jeunes, abondé notamment par la mobilisation d’une partie des indécents bénéfices réalisés par les compagnies pétrolières aux Antilles.

Sur tous ces points, madame la ministre, la jeunesse de l’outre-mer attend des réponses concrètes et des engagements tenus.

Des réponses concrètes, c’est également ce qu’attendent les collectivités d’outre-mer. Or, sur ce point, à l’instar des crédits consacrés à l’investissement des collectivités locales, qui diminuent de 20 millions d’euros pour les contrats de plan État-région, les actions du Gouvernement sont en net recul.

J’en veux pour preuve les 3,3 millions d’euros prévus, comme en 2010, pour le plan Séisme aux Antilles, mais qui sont largement en dessous des besoins de reconstruction, s’agissant notamment d’établissements scolaires.

J’en veux également pour preuve les 93 millions d’euros qui restent, depuis 2004, à la charge du conseil général de la Guadeloupe, du fait de l’insuffisante compensation des dépenses de RMI, ce qui m’amène à vous interroger sur la révision des bases du calcul des dotations affectées dans la perspective de l’entrée en vigueur du RSA en janvier prochain.

J’en veux, enfin, pour preuve la diminution de 30 millions d’euros du Fonds exceptionnel d’investissement, dont 3 millions d’euros seulement seront consacrés, au titre des crédits de paiement, à de nouveaux chantiers.

Avant de conclure, je souhaite attirer tout particulièrement votre attention, madame la ministre, sur deux sujets brûlants d’actualité.

Le premier, ce sont les projets susceptibles de relancer la commande publique, des projets tant demandés en Guadeloupe, mais qui ne démarrent pas, faute de mobilisation des crédits de l’État. Je veux parler de la reconstruction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre–Abymes et de la construction des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes prévus au PRIAC, le programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie.

Je sollicite, en conséquence, madame la ministre, une prompte intervention de votre part auprès du ministère des affaires sociales pour faire en sorte que ces crédits soient débloqués dans des délais très brefs.

Le second sujet d’importance concerne le projet de décret prévoyant d’imposer au conseil général de réguler la délivrance des licences de débit de tabac en les limitant à 550 au maximum pour la Guadeloupe.

Une telle mesure induirait des conséquences dramatiques pour ce secteur d’activité en termes d’emplois et ne serait pas non plus sans incidence sur le fonctionnement des services de la collectivité.

Nous voulons améliorer la santé publique et sommes disposés à soutenir Mme Payet en ce sens. Mais, dans l’attente d’une étude de fond, afin de mieux cerner les enjeux de la filière, nous vous demandons, madame la ministre, de surseoir aujourd'hui à l’application de ce décret.

Vous l’aurez, je l’espère, compris, madame la ministre, face à tous ces enjeux, nous n’attendons pas simplement que vous nous écoutiez ; nous attendons des réponses aux préoccupations concrètes de la population de la Guadeloupe et que vous teniez vos engagements.

À défaut, notre sens des responsabilités, plus fort que la sincère considération que nous vous portons, nous obligera à voter contre un tel budget d’austérité, déconnecté des enjeux de notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Patrice Gélard applaudit également.)