M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Yves Daudigny. … et de l’efficacité. Malheureusement, si l’on en croit M. le rapporteur, elles iraient « toutes dans le sens d’une déresponsabilisation des départements dans la gestion des allocations ». Pardon de vous contredire une nouvelle fois, monsieur Guené, mais vous semblez méconnaître là le fonctionnement réel de nos collectivités. Les élus qui dirigent les départements de France ne sont pas des irresponsables !

Pourquoi estimez-vous de la sorte que ces derniers ne sont pas capables de gérer avec le même sérieux l’argent des contribuables locaux et celui des contribuables nationaux ?

M. Jacky Le Menn. Très bien !

M. Yves Daudigny. Les conseillers généraux ne sont pas des enfants !

M. Jacky Le Menn. Effectivement !

M. Yves Daudigny. Ils pilotent l’action sociale locale depuis maintenant près de trente ans, et ils ont désormais toute la légitimité pour le faire. (M. Yvon Collin opine.)

M. Yves Daudigny. J’ajoute deux éléments.

Premièrement, si la Conférence sur les déficits publics, initiée par le Gouvernement, a eu un mérite, c’est précisément de montrer que les collectivités ne sont pas responsables du déficit public et que, en matière de gestion, elles n’ont pas de leçons à recevoir.

M. Yves Daudigny. Deuxièmement, notre responsabilité est bien là. En effet, la couverture qui est demandée, outre qu’elle prend en compte ce que les départements finançaient déjà, ne concerne surtout que le montant stricto sensu des allocations. En aucune manière cette proposition de loi ne vise à financer la mise en œuvre par les départements de la distribution de ces allocations, qu’il s’agisse des personnels dédiés ou des moyens administratifs consentis.

M. le rapporteur avance également dans son rapport que, d’une manière générale, « la réforme proposée […] remettrait en cause le principe même de la décentralisation du RMI et de la gestion décentralisée de la PCH ».

Mes chers collègues, je vous le dis tout net, pourquoi en lisant cette phrase avons-nous la désagréable sensation que le terme « décentralisation » est ici employé comme synonyme de « désengagement » ? Transférer des compétences, de quelque nature que ce soit, à des échelons infra-étatiques pour en améliorer la gestion ne signifie pas automatiquement une réduction drastique des coûts pour l’État de la politique en question. Pour le cas d’espèce, le coût de l’allocation décidée au niveau national devrait incomber intégralement à l’État. Si ce dernier avait encore la gestion du RSA, il serait d’ailleurs bien obligé de verser les sommes nécessaires aux bénéficiaires.

Cette vision de la décentralisation ne saurait être la nôtre. D’ailleurs, c’est bien dans le véritable savoir-faire qu’elles possèdent en matière de proximité qu’il faut chercher l’apport fondamental des collectivités. Cette gestion efficace, au plus près des besoins de nos concitoyens, est bien entendu source d’économies, et permet ainsi une utilisation équilibrée de la dépense publique. Je suis d’ailleurs certain que, dans la suite du débat, mes collègues ne manqueront pas de décrire le dynamisme des politiques mises en œuvre par les collectivités territoriales.

Vous l’aurez bien compris, mes chers collègues, cette proposition de loi, et cela a déjà été dit, a donc un coût : celui de la mise en œuvre d’une solidarité nationale juste, efficace et pérenne.

Selon M. le rapporteur, « le coût pour l’État de l’adoption de ces propositions de loi aurait été de l’ordre de 3,34 milliards d’euros en 2009 [...], ce qui n’apparaît pas réaliste dans le contexte actuel des finances publiques » – vous nous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission des finances.

Il semble en revanche réaliste que le Gouvernement compte sur les départements pour assumer cette solidarité nationale. Il semble juste, pour le Gouvernement, d’accorder depuis 2007 plusieurs milliards d’euros d’exonérations fiscales à certains secteurs économiques ou à certaines franges de la population. C’est un choix politique qu’il convient de faire aujourd’hui en faveur de l’égalité, de la justice sociale, de notre pacte social républicain.

Je souhaite que, dans la suite de la discussion générale, mes collègues évoquent plus en détail cette question des ressources à mobiliser pour financer cette proposition de loi. Je compte sur eux pour faire preuve d’imagination, de réalisme, d’équité, de solidarité, et je sais qu’ils ne manquent pas d’idées, quelles que soient d’ailleurs les travées de cet hémicycle sur lesquelles ils siègent.

M. le rapporteur justifie enfin son opposition à cette proposition de loi par « la nécessité de ne pas court-circuiter les travaux en cours », notamment l’ouverture du chantier de la dépendance annoncé par le Président de la République.

Il convient de souligner deux points.

Premièrement, le déséquilibre du financement de ces trois allocations, reconnaissons-le, ne date pas d’aujourd’hui et du gouvernement actuel. En effet, dès la mise en œuvre de l’APA ou du RMI-RSA, des écarts entre les recettes et les dépenses ont été identifiés.

Deuxièmement, la « réforme » de la dépendance, déjà promise de nombreuses fois ces dernières années, n’abordera qu’une seule question, certes essentielle, celle des personnes âgées en perte d’autonomie.

Il est donc de ma responsabilité de dire que nous ne pouvons pas attendre le 1er janvier 2012…

M. Yves Daudigny. … pour que ne soit traité – de quelle manière ? Cela reste à déterminer – qu’une seule des trois allocations visées par cette proposition de loi.

Enfin, et surtout, la prééminence d’un débat – maintes fois annoncé et reporté – sur la prise en charge de personnes dépendantes, âgées et/ou handicapées n’exclut en rien que soit acté dès aujourd’hui par ce texte le principe de la compensation intégrale des allocations individuelles de solidarité par l’État.

Pour conclure, je voudrais vous dire, mes chers collègues, combien il faut aborder le problème du financement de ces allocations comme une question spécifique aux départements.

En effet, il n’existe aucun autre exemple répondant aux mêmes caractéristiques. Contrairement à la fausse comparaison qui est faite avec les transferts de compétences qui ont eu lieu lors de la mise en œuvre des premières lois de décentralisation, le financement des allocations individuelles de solidarité est d’une autre nature.

Tout en étant financées par le département, c’est toujours le Parlement qui en fixe le montant et les conditions d’attribution, qu’il s’agisse de l’APA, de la PCH et du RSA socle.

Ainsi, dans le même temps où ces responsabilités sont assumées par les départements, les lois fixent étroitement le cadre et les conditions dans lesquels les collectivités doivent les exercer.

Comparons avec une autre compétence transférée, les collèges : c’est le département seul qui fixe le rythme et le montant des investissements qu’il décide de faire dans les établissements et c’est l’assemblée départementale, seule, qui est redevable devant les concitoyens de ses choix d’investissement dans ces établissements.

Une seconde nuance – et elle est de taille ! – réside dans l’énormité des masses financières concernées par les décalages et leur accroissement qui sera de plus en plus important.

Dès lors, comment aborder aujourd’hui cette question ?

Il convient tout d’abord de ne pas l’enfermer dans le problème des seules ressources, mais d’interroger également son rapport au budget de l’État et aux questions qui y sont liées, à savoir, notamment, l’impôt et la CSG.

Il convient ensuite de la poser au regard du bilan que nous devons faire du pacte républicain de solidarité et du contrat social issu du programme du Conseil national de la Résistance, car les réponses durables que nous devons apporter en matière d’allocations individuelles de solidarité se posent dans les mêmes termes que celles que nous devons construire dans les domaines de la santé, des retraites et de la famille…

Le temps est venu aujourd’hui de reconstruire ensemble, à la fois en France et sur le continent européen, un nouveau contrat social, ferment d’un « vivre ensemble » conforté et durablement fraternel.

Le sort des allocations individuelles de solidarité participe de ce débat, et non d’une préoccupation comptable.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, en dépit des réserves formulées par la commission et le Gouvernement, d’adopter ce texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Guené, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui trois propositions de loi identiques relatives à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements. Les trois allocations visées sont le revenu de solidarité active, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap.

Ces propositions de loi, qui ont été examinées par la commission des finances le 30 novembre dernier, en même temps que les articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances, que nous avons voté avant-hier, émanent du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et de douze de nos collègues du groupe RDSE.

Par ces propositions de loi, leurs auteurs ont voulu mettre l’accent – à juste titre, me semble-t-il, même si Jean Arthuis a montré que ces difficultés pouvaient être relativisées au vu des dernières évolutions – sur des difficultés financières que rencontrent les départements dans leur ensemble, et qui résultent, notamment, des charges qui pèsent sur eux au titre des trois allocations visées par les propositions de loi.

Je sais que le droit, parfois, vous dérange, chers collègues de l’opposition, mais je voudrais tout d’abord rappeler les règles qui encadrent les compensations versées au titre de ces trois allocations, en commençant par le RMI et le RSA.

Le transfert du RMI aux départements, en 2004, a bien été qualifié, au regard de l’article 72-2 de la Constitution, de transfert de compétences. Il en résulte que l’État a eu l’obligation de transférer aux départements des ressources équivalant à celles qu’il consacrait à cette compétence avant son transfert. Cela a été fait par l’attribution de fractions de taxe intérieure sur les produits pétroliers. Cette obligation a même été dépassée, puisque, sur l’initiative de notre commission des finances, l’État verse aux départements 500 millions d’euros supplémentaires par an au titre du Fonds de mobilisation départemental pour l’insertion.

La généralisation du RSA a, en 2009, été qualifiée de simple extension de compétences des départements, et non de transfert. L’État n’a donc pour obligation constitutionnelle que de transférer des ressources permettant de préserver le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Il a toutefois fait le choix de procéder à une compensation similaire à celle du RMI, par versement d’une fraction de TIPP, qui sera figée sur le montant des dépenses engagées par les départements au titre du RSA en 2010.

En 2009, le montant de la compensation versée par l’État au titre du RSA s’est élevé au total à 5,76 milliards d’euros. Le montant à la charge des départements ayant été de 6,47 milliards d’euros, le montant non compensé par l’État s’est donc établi à 708,6 millions d’euros, soit un taux de couverture de 89 %.

Les financements de l’APA et de la PCH obéissent à une logique différente.

Les créations de l’APA, en 2002, et de la PCH, en 2006, n’ont, pas plus que la généralisation du RSA, constitué des transferts de compétences. Seul l’objectif constitutionnel de préservation du principe de libre administration s’applique donc.

Aucun dispositif de compensation des charges par transfert de fiscalité n’a été mis en place. C’est la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, qui participe au financement de ces dispositifs, qui sont à la charge des départements.

La section II du budget de la CNSA retrace en recettes des contributions sociales qui sont affectées à la participation au titre de l’APA. Le montant de la contribution de la CNSA n’est donc pas corrélé au coût de l’APA. Il évolue en fonction du produit des contributions.

En 2009, la CNSA a contribué à hauteur de 1,55 milliard d’euros au financement de l’APA, pour un coût global de 5,03 milliards d’euros pour les départements, soit un reste à charge de 3,48 milliards d’euros correspondant à un taux de couverture de seulement 30,8 %. Ce taux de couverture est en diminution linéaire depuis 2002, où il s’élevait, rappelons-le, à 43 %.

La section III du budget de la CNSA retrace, pour sa part, les dépenses affectées à sa participation au titre de la PCH. Dans ce cas non plus, le montant de la contribution de la CNSA n’est pas corrélé au coût de la PCH pour les départements.

En 2009, la contribution de la CNSA au titre de la PCH s’est élevée à 509,7 millions d’euros, à comparer à un coût global pour les départements de 843,3 millions d’euros, soit un montant non compensé de 333,6 millions d’euros et un taux de couverture de 60,4 %. Je signale que, du fait que le montant global de la participation de la CNSA au financement de la PCH est sans lien avec le coût de la PCH, le taux de couverture a été, les deux premières années de création de la PCH, supérieur à 100 %. Il l’est encore d’ailleurs pour certains départements.

M. Jacky Le Menn. Ils sont rares !

M. Charles Guené, rapporteur. Ces trois propositions de loi visent donc principalement, en réalité, – convenons-en ensemble – à réformer le financement de la dépendance.

Si on fait le bilan du reste à charge pour les départements au titre des trois allocations versées, on obtient un montant global de 4,52 milliards d’euros pour 2009. L’APA représente à elle seule 77 % de ce coût puisqu’elle atteint 3,48 milliards d’euros en coût net de la participation de la CNSA pour les départements.

S’ajoute à ce constat le fait qu’en dynamique c’est également l’APA qui pèsera, à moyen et long termes, sur les budgets départementaux. En effet, le coût du RSA varie avec la conjoncture économique. Il diminue nettement lors des phases de reprise de croissance avec la contraction nette du nombre de ses bénéficiaires. Ainsi, on a constaté une baisse de 12 % entre 2005 et 2008.

Le coût de la PCH, quant à lui, a fortement augmenté ces dernières années, mais cette hausse correspond principalement à la montée en charge d’un dispositif relativement nouveau. Il n’y a pas de raison qu’à moyen terme le coût de la PCH, qui profite aux populations handicapées, ne se stabilise pas.

La situation est tout autre pour l’APA. En effet, comme l’a notamment relevé le rapport de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, présidée par notre collègue Philippe Marini, le coût de la prise en charge de la dépendance augmentera nécessairement avec le doublement, d’ici à 2050, de la proportion des personnes âgées de plus de 75 ans dans l’ensemble de la population française. Si le coût de l’APA est aujourd’hui le plus élevé pour les finances départementales, c’est aussi celui qui devrait augmenter le plus.

Or, ce coût s’inscrit dans un contexte financier difficile pour les départements.

Comme l’a relevé le rapport sur les finances départementales rédigé par Pierre Jamet, les départements ont connu ces dix dernières années un « effet de ciseaux » entre la progression de leurs recettes et de leurs dépenses de fonctionnement.

M. Didier Guillaume. Ce n’est plus un effet de ciseaux, c’est un garrot !

M. Charles Guené, rapporteur. Les dépenses ont en effet globalement augmenté, par an, de 2 % de plus que les ressources.

Ce contexte s’est aggravé avec la crise économique récente, qui a produit un triple effet : le nombre de bénéficiaires du RSA a fortement augmenté, 16 % entre juin 2008 et juin 2010 ; les contributions de la CNSA se sont réduites du fait de la diminution du produit des cotisations sociales affectées aux départements ; enfin, les recettes des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, des départements se sont effondrées, de 33 % entre 2007 et 2009, alors que les DMTO représentent environ 20 % des recettes fiscales des départements. Ces propos méritent d’être nuancés comme nous l’avons évoqué au départ avec le président Arthuis, mais ce sont néanmoins des réalités.

Quelle est, dans ce contexte, la solution préconisée par les propositions de loi ?

Pour le RSA et la PCH, les propositions de loi préconisent une solution simple : l’État prendrait à sa charge l’intégralité du coût de ces prestations supporté par les départements.

M. Claude Haut. C’est normal, c’est la solidarité nationale !

M. Charles Guené, rapporteur. Chaque année, au vu des comptes administratifs, l’État compenserait à l’euro près le reste à charge des départements.

Le coût de cette solution pour l’État aurait été en 2009 de 708 millions d’euros au titre du RSA et de 333 millions d’euros au titre de la PCH.

Pour l’APA, la solution est un peu différente. En effet, les propositions de loi maintiennent à la charge des départements un « ticket modérateur » de 10 %. L’État ne compenserait donc que 90 % des dépenses d’APA des départements.

M. Didier Guillaume. On prendrait quand même ! (Sourires.)

M. Charles Guené, rapporteur. En outre, cette compensation ne porterait pas sur le montant de la prestation spécifique dépendance, la PSD, que l’APA remplace progressivement.

Par conséquent, le coût de cette solution pour l’État peut être évalué à 2,3 milliards d’euros pour 2009 au titre de l’APA.

Au final, les propositions de loi visent à transférer des départements à l’État une charge correspondant à 3,34 milliards d’euros, sans modifier les dispositifs du RSA, de l’APA ou de la PCH (M. Gérard Miquel s’exclame.) et, surtout, sans proposer la création de nouvelles recettes. C’est ce point qui constitue pour moi la principale lacune des propositions de loi que nous examinons aujourd’hui.

Je ne peux préconiser leur adoption, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, comme nous l’avons vu, elles visent principalement à modifier la prise en charge financière de la dépendance. Or, il ne vous a pas échappé que le Président de la République a annoncé, le 16 novembre dernier, un débat national sur ce sujet qui doit se tenir dans le courant de l’année 2011. Ce débat sera suivi d’une réforme législative, qui devrait être intégrée au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Il serait particulièrement malvenu, au moment où certains se sont émus du manque de concertation préalable à la réforme des retraites, de « court-circuiter » le débat qui nous est proposé. Je signale, par ailleurs, que le Sénat a contribué et va continuer de contribuer à ce débat avec la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque.

Par ailleurs, la solution proposée n’est pas satisfaisante pour trois raisons de fond.

Premièrement, la compensation à l’euro près des dépenses de RSA et de PCH conduirait à déresponsabiliser totalement les départements dans la mise en œuvre de ces politiques. Or, un des avantages majeurs de leur gestion décentralisée est qu’elles sont mieux gérées que si la CNAF le faisait au niveau national, puisque c’est l’intérêt financier du département de le faire de manière fine. Certes, le département ne décide pas du montant du RSA ni des critères d’attribution.

M. Jean-Michel Baylet. C’est cela qui ne va pas !

M. Charles Guené, rapporteur. Il est toutefois responsable de la gestion du fichier des allocataires, de sa mise à jour, des radiations, et il résulte de cette gestion des économies substantielles – le premier vice-président de conseil général que je suis en convient tout à fait, monsieur Daudigny.

Deuxièmement, le « ticket modérateur » de 10 % proposé pour l’APA paraît relativement faible au regard de la répartition actuelle de cette charge. Un débat doit avoir lieu sur cette question.

Troisièmement, enfin, le coût pour l’État de la solution proposée, qui aurait été, je le rappelle, de 3,34 milliards d’euros en 2009 si elle avait été mise en œuvre, est excessif et irréaliste dans le contexte actuel des finances de l’État. (M. Claude Haut s’exclame.) Je rappelle que le déficit budgétaire de l’État pour l’année 2011 sera de 92 milliards d’euros, après un déficit de 152 milliards d’euros en 2010.

Je relève pour conclure que la solution proposée par les trois textes que nous examinons aujourd’hui reviendrait peu ou prou à remettre en cause le principe même de la décentralisation de ces allocations. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) En effet, quel serait l’intérêt de faire gérer par nos collectivités territoriales des compétences dont le coût leur serait, quoi qu’il arrive, intégralement compensé par l’État ?

M. Yves Daudigny. Cela n’a rien à voir !

M. Charles Guené, rapporteur. Pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, je ne suis donc pas favorable à ces trois propositions de loi.

M. Jean-Michel Baylet. Quelle surprise !

M. Charles Guené, rapporteur. La commission des finances a toutefois décidé de ne pas élaborer de texte propre et de discuter ici, en séance publique, sur la rédaction de nos collègues. Elle souhaite donc le rejet de chacun des articles qui composent ces propositions de loi et de l’ensemble des textes. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. Yvon Collin. C’est dommage !

M. Jean-Pierre Fourcade. Très bon rapport !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse d’avoir l’occasion, à la faveur de l’examen de ces propositions de loi, de répondre, devant la Haute Assemblée, aux débats qui traversent depuis plusieurs mois en effet – cela a été dit – les départements de France.

Les auteurs de ces propositions de loi ont voulu mettre l’accent sur les difficultés financières qu’ils rencontrent, du fait notamment des charges qui pèsent sur eux au titre des trois dispositifs de solidarité visés par les propositions de loi : le revenu de solidarité active, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap.

Si le constat de ces difficultés est bien évidemment partagé, la solution apportée par ces propositions de loi nous est apparue quelque peu inadaptée…

M. Didier Guillaume. Alors, apportez-en une autre !

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. … à la nature des questions que, par ailleurs, posent ces propositions de loi, questions soulevées, en effet, par l’Assemblée des départements de France.

Tout d’abord, le Gouvernement est conscient des difficultés non seulement conjoncturelles, mais aussi structurelles rencontrées par les départements.

Les difficultés des départements s’expliquent d’abord par des facteurs structurels.

Le rythme de progression des dépenses sociales obéit à des tendances en partie structurelles : elles sont tantôt négatives, comme l’apparition de nouvelles formes de précarité ou la dégradation du marché du travail en raison de la crise ; elles sont tantôt positives – il faut s’en réjouir collectivement – comme le vieillissement de notre population avec l’allongement de la durée de la vie et les phénomènes l’accompagnant, qui sont souvent heureux.

Ces évolutions ne touchent pas seulement notre pays, l’ensemble des démocraties occidentales, notamment européennes, y sont confrontées, mais il est clair que l’impact en France est particulièrement fort. Ainsi, s’agissant du vieillissement de la population, on s’attend à compter 1,4 million de personnes âgées en perte d’autonomie dès 2040 ; c’est beaucoup.

Nous sommes donc face à un enjeu de société. Face à ce défi social mais aussi financier, l’État a engagé des réformes importantes, pour toujours mieux répondre aux besoins croissants des personnes en perte d’autonomie et de leurs familles par l’instauration d’aides financières spécifiques.

La loi du 20 juillet 2001 a ainsi créé l’allocation personnalisée d’autonomie, celle du 11 février 2005 en faveur des personnes handicapées, cher Paul Blanc, a notamment instauré la prestation de compensation du handicap. Par ailleurs, le revenu de solidarité active, créé par la loi du 1er décembre 2008, a pris la suite du revenu minimum d’insertion et de l’allocation de parent isolé, par le RSA « socle » majoré à partir du 1er juin 2009, après une phase d’expérimentation menée grâce à des départements volontaires pour en tester la pertinence.

Au total, en 2009, les dépenses d’aide sociale prises en charge par les départements ont représenté 12,4 milliards d’euros au titre de l’APA, de la PCH et du RSA.

Mais avec la crise, l’augmentation de ces dépenses sociales s’est amplifiée, alors que les recettes des départements se sont contractées, créant un « effet de ciseaux » particulièrement marqué, cela a été dit.

Cet écart entre l’évolution des recettes et des dépenses s’est accentué depuis le second semestre de l’année 2008 en raison de trois facteurs résultant directement de la crise économique : le nombre de bénéficiaires du RSA a fortement augmenté – 1,14 million de bénéficiaires du RMI en juin 2008 contre 1,33 million d’allocataires du RSA « socle » en juin 2010, soit une progression de 16 % en deux ans – ; les recettes de cotisations sociales perçues par la CNSA ont diminué du fait du ralentissement de l’activité économique ; enfin, la contraction des recettes a particulièrement touché la fiscalité indirecte avec une chute des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, due au retournement du marché immobilier pendant la crise.

Je note cependant que cette tendance s’est depuis inversée puisque, à la fin du mois de novembre 2010, les DMTO avaient progressé de 36 % par rapport à leur niveau de novembre 2009. Fin novembre 2010, ils s’établissaient à un peu plus de 5,9 milliards d’euros, soit près de 700 millions d’euros de plus que sur l’ensemble de l’année 2009, année pour laquelle ils s’étaient élevés à 5,2 milliards d’euros.

Enfin, j’ajoute que – et c’est un aspect extrêmement important ! – l’ampleur de cet effet de ciseaux n’a pas été le même d’un département à l’autre. C’est un fait incontestable ; les pratiques locales sont diverses, les héritages de la gestion passée et les réalités démographiques, sociales et économiques sont propres à chaque département. La France des territoires est faite de réalités multiples. Les pratiques locales y sont donc variées et souvent hétérogènes.

Le rapport du groupe de travail présidé par Gilles Carrez et Michel Thénault et celui de Pierre Jamet ont démontré, à l’évidence, cette diversité. Aussi, je suis bien consciente de la situation difficile dans laquelle se trouvent un certain nombre de départements, et c’est précisément pour cette raison que je puis affirmer que les réponses apportées dans ces propositions de lois ne sont pas adaptées à la nature du problème qui nous est posé.

Pour la clarté des débats, je souhaite rappeler, au préalable, ce que recouvre réellement la participation de l’État aux charges engendrées par ces dispositifs de solidarité.

S’agissant du RSA, l’État a fait le choix de procéder à une compensation similaire à celle du RMI, par le versement d’une fraction de TIPP qui est figée sur le montant des dépenses engagées par les départements en 2010. J’indique, au passage, que, pour le RMI, l’État avait été au-delà de ses obligations légales avec le Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion, le FMDI, qui voit son existence confortée à hauteur de 500 millions d’euros par an pour la période 2011-2013.

La contribution nationale au financement de l’APA est, quant à elle, opérée via la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Deux ressources fiscales ont été créées et viennent alimenter le budget de la CNSA : la contribution de solidarité pour l’autonomie, la CSA, et la contribution additionnelle de 0,3 % au prélèvement social de 2 % assis sur les revenus du patrimoine et les revenus de placement, qui s’ajoutent à la fraction de 0,1 % de la CSG.

Mais, à la différence de la compensation du RMI et du RSA, le montant annuel du concours de la CNSA n’est pas corrélé à la charge réelle de l’APA pour les départements. Le taux de couverture n’est donc déterminé, chaque année, qu’une fois le budget de la CNSA exécuté.

Ainsi, de manière plus générale, je veux préciser, car cela me semble important, que la dépense publique au titre de la dépendance excède le seul financement de l’APA par les départements ; on l’évalue aujourd'hui à quelque 22 milliards d’euros, soit un peu plus de 1 % du PIB.

Enfin, s’agissant de la prestation de compensation du handicap, une contribution de la CNSA participe, à l’instar de l’APA, à son financement.

S’agissant du « reste à charge » des départements, soyons clairs : les auteurs de ces propositions de loi ont opté pour une présentation relativement imprécise, qui s’avère, hélas ! tronquée.

Quand on compare les dépenses exposées par les départements au titre du RMI-RSA, de l’APA et de la PCH aux compensations correspondantes versées par l’État via la TIPP, le FMDI et les concours de la CNSA, on observe un « reste à charge » qui croît régulièrement du fait de l’effet de ciseaux que j’ai évoqué précédemment. Les auteurs des propositions de loi estiment que ce reste à charge s’est élevé à 3,8 milliards d’euros en 2008, pour un taux de couverture de 66,6 %, à 4,5 milliards d’euros en 2009, pour un taux de couverture à 63,26 %, et sera aux alentours de 5,4 milliards d’euros en 2010, pour un taux de couverture à 60,25 %.

Si la progression est incontestable, les chiffres avancés ne sont pas exacts.

En effet, cette présentation omet, alors qu’ils sont tout à fait impactant – les produits résultant des compensations transférées aux départements depuis 1984 au titre des prestations légales d’aide sociale versées aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées, la PSD intégrée à l’APA et l’ACTP, l’allocation compensatrice pour tierce personne, intégrée à la PCH. Les « quotes-parts » de DMTO transférées en compensation de la prise en charge des personnes dépendantes se sont élevées, en 2009, à 1,4 milliard d’euros. La différence n’était donc plus, en 2009, que de 3,55 milliards d’euros, soit un taux de couverture bien supérieur à celui que vous avez annoncé, puisqu’il est de 71 %.

Toutefois, le Gouvernement est conscient que le problème structurel demeure. Ces propositions de loi prévoient cependant un mécanisme de compensation qui ne semble pas adapté à la nature des problèmes rencontrés et qui, par ailleurs, va largement au-delà des obligations constitutionnelles de l’État, un point sur lequel je reviendrai dans un instant.

À première vue, ces propositions de lois paraissent simples, voire, à certains égards, séduisantes. Pour le RSA et la PCH, l’État prendrait, ni plus ni moins, à sa charge l’intégralité du coût de ces prestations supportées par les départements.

Pour l’APA, le mécanisme proposé s’avère particulièrement complexe, pour ne pas dire résistant à l’intelligibilité générale du système. Il distingue le calcul de la compensation des charges liées à l’APA à domicile et à l’APA en établissement, auxquelles est appliquée une franchise de 10 % ainsi que, pour l’APA à domicile, une minoration correspondant au montant actualisé de la compensation versée, en 2001, au titre de l’ancienne prestation spécifique dépendance, la PSD.

Au-delà de la complexité du système proposé, j’y vois un danger pour les départements, car ces propositions les déresponsabiliseraient en quelque sorte…