M. François Baroin, ministre. C’est vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La nouvelle règle a été conçue pour imposer des contraintes supplémentaires aux gestionnaires de crédits, car les tentations sont multiples.

Ainsi, l’article 40 de ce projet de loi de finances rectificative pour 2010 met en place, dans le cadre de notre quote-part au financement du programme A400M, cher à M. Jacques Gautier, un dispositif que je qualifierai de « complexe » et d’« ambigu » pour financer des opérations qui, à vrai dire, relèveraient plus naturellement des crédits affectés à la mission « Défense ».

De la même façon, l’article 43 transfère à un compte d’affectation spéciale, c'est-à-dire hors champ de la norme de dépense, le financement des augmentations des parts de capital des banques internationales de développement.

Par l’article 33, on affecte directement à des organismes sociaux certaines recettes, afin de rembourser des dettes de l’État à l’égard des organismes de sécurité sociale. Ce procédé permet de ne pas faire transiter ces sommes par le budget général, ce qui évite à l’État de devoir se conformer à la norme de dépense.

Les dispositions de ce projet de loi de finances rectificative pour 2010 s’ajoutent à d’autres, de même nature, qui figurent dans la loi de finances pour 2011. Elles s’ajoutent aussi au mode de financement des investissements d’avenir, dont l’impact budgétaire a été entièrement pris en compte, il faut le reconnaître, en 2010, alors même que, dans les années à venir, il majorera de plusieurs milliards d’euros les dépenses des opérateurs de l’État, évitant ainsi aux différents ministères de devoir leur verser des subventions.

Lors de l’examen du dernier projet de décret d’avance, la commission des finances a tenu à exprimer son avis favorable, tout en vous faisant part solennellement, monsieur le ministre, de ses inquiétudes. C’est dans le même esprit qu’elle analyse aujourd'hui le projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Il existe dans ce texte de nombreux points de fuite budgétaires. Face à cette menace pour la maîtrise des finances publiques, il convient de se demander si les dispositifs de provision ou de précaution mis en place au cours de ces dernières années pour affronter des dépenses imprévues ne sont pas totalement dépassés ; c’est une question que nous nous permettons de poser, monsieur le ministre.

À notre sens, la nécessaire rénovation des outils de maîtrise des dépenses de l’État pendant l’exercice budgétaire constitue l’une des clefs de la réussite de la convergence budgétaire. En d’autres termes, nous sommes demandeurs d’un contrôle de gestion plus aigu encore dans l’exécution des crédits, au fur et à mesure de l’exercice budgétaire.

Face à l’importance de l’enjeu, l’heure n’est certainement plus, pour personne, au double langage consistant à proclamer la rigueur tout en évitant de la mettre en œuvre. L’heure est à la cohérence ! Et c’est bien ainsi que j’ai compris les propos tenus hier par le Premier ministre, François Fillon, devant la majorité parlementaire.

Engageons donc, mes chers collègues, sans complaisance, mais de manière constructive, l’examen de ce dernier texte financier de l’année, qui, comme toujours, est révélateur à la fois de nos ambiguïtés et de nos espoirs. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2010, en vue, d’une part, de soutenir certaines dispositions adoptées par nos collègues députés et, d’autre part, de vous proposer quelques amendements dans le domaine de la culture.

Je tiens, tout d’abord, à attirer votre attention sur les modalités d’application aux salles de cinéma de l’article 17 du projet de loi de finances rectificative pour 2010 relatif à la réforme de l’évaluation des valeurs locatives.

En effet, il serait souhaitable de prendre en considération les spécificités de ces locaux à caractère monovalent et à faible commercialité. Ce fut le cas d’ailleurs, je le rappelle, dans la loi relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques, adoptée en septembre dernier, qui rend obligatoire le recours aux usages en vigueur dans l’exploitation cinématographique pour l’évaluation des loyers.

Or, au 1er janvier 2012, le marché locatif des salles de cinéma n’aura pu encore bénéficier pleinement de ces nouvelles dispositions protectrices. Il conviendrait donc que les bases locatives retenues tiennent compte de la volonté du législateur d’encadrer les loyers des salles de cinéma.

Par ailleurs, notre commission soutient les articles adoptés par l’Assemblée nationale qui relèvent de son champ de compétences, et j’en citerai plusieurs.

Ainsi, l’article 12 ter aménage les conditions ouvrant droit au crédit d’impôt relatif à la production déléguée d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles en permettant la prise en compte des différents modes de rémunération des auteurs.

De ce fait, le choix du type de rémunération des auteurs par les producteurs ne sera plus orienté artificiellement. Je vous rappelle que, sur l’initiative de notre commission, le Sénat avait adopté cette mesure dans le collectif budgétaire de décembre 2009, mais, à l’époque, la commission mixte paritaire ne l’avait pas retenue dans ses conclusions. Nous nous réjouissons donc que nos collègues députés soient désormais convaincus du bien-fondé de cette mesure, et nous sommes persuadés que nous pourrons également rallier nos collègues les plus sceptiques de la commission des finances.

L’article 32 bis modifie le calcul de la taxe prévue à l’article 302 bis KA sur les régies publicitaires de télévision afin de prendre en compte la situation particulière des chaînes d’information.

Quant à l’article 35, il étend aux départements d’outre-mer le dispositif de soutien automatique à l’industrie cinématographique grâce à l’application de la taxe spéciale additionnelle à laquelle ils ne sont pas aujourd’hui assujettis. Cette imposition alimente le compte de soutien géré par le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée. Ainsi, les salles des DOM pourront désormais, elles aussi, bénéficier notamment des aides à la numérisation.

Enfin, l’article 44 met en cohérence le régime de reclassement des maîtres de conférences des établissements d’enseignement supérieur publics relevant du ministre chargé de l’agriculture avec celui qui est prévu pour les enseignants-chercheurs de l’enseignement supérieur.

Mes chers collègues, notre commission vous proposera d’adopter trois amendements.

Le premier vise à conforter l’attractivité du crédit d’impôt en faveur de la production internationale de films. Il s’agit d’une disposition purement technique, sans impact financier, d’aménagement de la procédure d’agrément des œuvres pour l’obtention du crédit d’impôt international.

Le deuxième amendement tend à relever le plafond du crédit d’impôt cinéma, en le portant de 1 million d’euros à 4 millions d’euros, à l’instar du crédit d’impôt international et des montants proposés dans d’autres pays européens. Il s’agit d’éviter la délocalisation de quelques productions françaises importantes, comme cela se produit malheureusement aujourd'hui.

Le troisième et dernier amendement a pour objet de simplifier le circuit de déclaration et de paiement de la taxe sur les spectacles d’art dramatique, lyrique et chorégraphique et de diminuer ainsi le coût de sa gestion. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les collectifs de fin d’année ont souvent l’apparence – je vais utiliser une image plus expressive que celles qui sont utilisées habituellement ! – d’un « camion-balai ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh bien oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est pratique. Parfois, on a besoin de petits camions !

Mme Marie-France Beaufils. En ramassant les dispositions législatives isolées, ils s’emplissent d’articles hétéroclites, avec pour seul fil conducteur l’incidence financière de ces derniers !

Cette année, c’est une impression à laquelle nous n’échappons pas avec ce texte qui, entre la version initiale et celle qui nous est soumise, est passé de quarante-trois à soixante-quatorze articles, sans compter ceux qui pourraient résulter de la discussion d’aujourd’hui !

Le premier constat est une légère amélioration du solde budgétaire global, puisque le déficit passe de 152 milliards d'euros à 149,7 milliards d'euros. Toutefois, cette amélioration du solde budgétaire global ne doit rien à la réalité de l’activité économique et des recettes qui peuvent en découler.

En effet, la croissance attendue au terme de l’année 2010 risque de rester inférieure à deux points, ce qui entraîne des conséquences, notamment, sur les recettes fiscales de la taxe sur la valeur ajoutée nette et de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers. L’élan de la consommation n’est pas assez fort pour porter très haut ces recettes.

Le seul pan de la fiscalité pour lequel la progression des recettes peut s’observer est celui de la fiscalité du patrimoine. On pourrait donc comprendre la subite attention du président de la République pour ce sujet.

Sans anticiper sur le débat que nous devrions avoir en 2011, constatons que les recettes de l’impôt de solidarité sur la fortune, dont le rendement est pourtant affecté par la réduction des niches fiscales, progressent de 253 millions d’euros selon les prévisions les plus optimistes. Quant aux droits de mutation, qu’ils soient à titre onéreux ou gratuit, ils progressent de près de 400 millions d’euros.

Le bon rendement de ces impositions montre clairement que les valeurs sûres de l’immobilier se portent fort bien et que la situation n’est pas plus mauvaise pour les placements mobiliers. La sortie de crise, si tant est qu’elle soit avérée, n’attendra pas 2011 pour quelques propriétaires immobiliers et contribuables !

La situation des comptes publics est également améliorée par la baisse des dépenses liées à l’application du droit fiscal. Comme les produits de la taxe sur la valeur ajoutée brute sont moins importants, il y a moins de TVA déductible à imputer. La même remarque vaut d’ailleurs pour l’impôt sur le revenu, dont le rendement a connu une inflexion à la baisse, dont on dit qu’elle serait due à la progression moindre des rémunérations des salariés. La modération salariale mise en œuvre par l’État, qui est imité par le patronat du secteur privé, et la mise en cause du pouvoir d’achat des retraités créent, en effet, toutes les conditions pour une stagnation du produit de l’impôt sur le revenu !

D’autres facteurs interviennent dans la réduction du déficit budgétaire observée dans cette loi de finances rectificative. Ainsi, on constate cette année une diminution de la contribution de la France au budget de l’Union européenne, qui est imputable autant à l’ajustement du prélèvement communautaire au montant des recettes de TVA qu’au remboursement de versements indus réalisés dans les années précédentes.

On constate aussi une réduction des prélèvements en direction des collectivités territoriales, avec une diminution qui est loin d’être faible du fonds de compensation de la taxe sur la valeur a joutée. Cela explique peut-être la facilité avec laquelle l’État a accepté en loi de finances initiale pour 2011 de retirer le FCTVA de l’enveloppe normée !

On peut imputer cette baisse non seulement à l’anticipation des versements intervenus dans le cadre du plan de relance, mais aussi à la contraction des dépenses d’équipement des collectivités territoriales observée dans le rapport présenté par le Comité des finances locales.

Bien évidemment, nous ne pouvons nous satisfaire d’une telle situation, car la baisse du prélèvement sur recettes qui en découle signifie une réduction de l’effort d’équipement des collectivités et de l’activité économique elle-même, singulièrement dans les domaines du bâtiment et des travaux publics.

Ces difficultés nouvelles proviennent aussi – faut-il le préciser ? – des limites de la participation de l’État à certains projets structurants répondant aux besoins collectifs.

N’est-on pas à la veille de confier aux seuls montages public-privé les travaux de construction et de rénovation des stades que notre pays proposera aux équipes qualifiées pour l’Euro 2016 de football ? N’engage-t-on pas l’avenir des projets de nouvelles lignes de TGV en renchérissant, via les partenariats public-privé, le coût des trajets, avec le risque d’une réduction de la progression du nombre d’usagers, ce qui est tout à fait contradictoire avec les conclusions du Grenelle de l’environnement ?

Il semble aussi que nous ne soyons qu’au début des difficultés pour d’autres chantiers d’équipements de transport collectif, par exemple la réalisation de la tangentielle Nord, qui doit, à terme, relier Sartrouville à Noisy-le-Sec. Finalement, le parcours sera plus court, puisqu’il ira d’Épinay-sur-Seine au Bourget !

Les articles dont nous débattrons et qui concernent la restructuration de la région capitale montrent ainsi que, en l’absence de consensus sur les objectifs visés, nous sommes aussi loin d’un consensus sur les financements mobilisés !

La maîtrise des dépenses publiques, pierre angulaire des politiques menées depuis 2002, trouve d’autres illustrations dans ce collectif budgétaire, notamment avec les annulations de crédits, désormais rituelles, et les ouvertures le plus souvent rendues inévitables par l’insuffisance d’évaluation de certaines dépenses dans la loi de finances initiale ou dans les lois de finances rectificatives d’ores et déjà votées. M. le rapporteur général vient d’en dire quelques mots.

Sur certaines dépenses d’action sociale – les aides personnelles au logement en sont un exemple parmi d’autres –, il demeure des cas typiques et récurrents de sous-évaluations qui appellent des révisions à la hausse et qui, sur le terrain, posent de véritables problèmes.

Au-delà de cette cuisine budgétaire, je ne peux manquer d’évoquer avec un intérêt particulier la participation de notre pays aux errements de la construction européenne.

Les auteurs du projet de loi nous indiquent, pour s’en féliciter, que la gestion active de la dette a permis de réduire de 2,2 milliards d’euros le coût de sa charge cette année. Chacun appréciera ce que représente cette économie au regard des 1 500 milliards d’euros de la dette publique... Rappelons que la raison profonde de cet allégement est la « qualité » de la dette publique française.

Du fait de l’aggravation des difficultés de la Grèce et de l’Irlande, sans parler de l’Italie, du Portugal ou de l’Espagne, la dette publique française est, plus encore qu’auparavant, un « bon produit », offrant sécurité et rentabilité à l’investisseur. De fait, France Trésor a pu adjuger certains lots de la dette publique à des conditions plus favorables que prévu, singulièrement sur les titres de court terme.

En conséquence, la part de la dette publique française contrôlée par les non-résidents s’est encore accrue : elle dépasse désormais les 70 % et met un peu plus nos politiques économiques sous la pression des desiderata des marchés financiers.

Tout étant lié, il faut mettre en regard, d’une part, les 2,2 milliards d’euros que nous avons retrouvés grâce à une gestion active de la dette et à la « qualité » des émissions et des adjudications, et, d’autre part, les 1 925 millions d’euros que notre pays ajoutera au concours apporté au plan grec. Ce dernier, qui vise surtout à sauver les banques de leurs créances douteuses, va de pair avec le plan d’austérité imposé par la Commission européenne.

À ce propos, je me permets d’apporter ici le soutien des parlementaires de mon groupe aux salariés, aux jeunes et aux retraités grecs, qui sont largement mobilisés en cette journée de grève générale dans leur pays.

Qui dit austérité dit ralentissement de l’activité ; nous ne pouvons que nous étonner de la contagion qui touche tous les gouvernements européens en la matière ! Les signes de ce ralentissement sont déjà perceptibles, et la baisse des investissements locaux en constitue la première illustration patente.

La logique d’austérité demeure très présente dans ce texte, comme elle le fut dans la loi de finances initiale pour 2011, que nous avons combattue. Nous ne partageons pas cette orientation. C’est pourquoi nous aurons avec ce collectif la même attitude qu’avec la loi de finances pour 2011 : il faudrait vraiment que notre examen le transforme profondément pour que nous le votions !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cet ultime texte budgétaire de l’année intervient dans un contexte européen inquiétant, comme M. le rapporteur général l’a souligné.

La crise des finances publiques met sous contrainte les États européens. L’Irlande, frappée en outre par une crise des finances privées, est obligée de faire appel au dispositif de stabilisation entériné par la loi de finances rectificative pour 2010 du 9 mars 2010.

Au demeurant, monsieur le ministre, la commission des finances attend toujours d’être informée des conditions de mise en œuvre de ce plan d’aide à l’Irlande. Serons-nous plus éclairés après le sommet européen qui se tiendra les 16 et 17 décembre prochains ? Permettez-moi de noter, de la manière la plus courtoise possible, que, depuis le 18 novembre dernier, Mme la ministre de l’économie a été peu présente au Sénat pendant la discussion budgétaire, ce qui est dommage.

À la suite d’une demande formulée en séance publique par le président et le rapporteur général de la commission des finances, qui avaient souhaité une information plus complète sur les conditions de mise en œuvre de cette aide à l’Irlande, Mme Lagarde a donné au Sénat une réponse très laconique. Nous devrons revenir sur cette question de façon approfondie, notamment en pour qui concerne la conditionnalité de l’aide. Je le souhaite, et c’est d’ailleurs le droit du Parlement.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avis partagé !

Mme Nicole Bricq. Je n’insisterai pas davantage sur ces aspects ; lors de l’examen de la loi de finances initiale, je m’étais exprimée, notamment, sur la fiscalité.

L’économie française se remet très lentement du choc de 2008. La production industrielle ne devrait retrouver son niveau d’avant la crise qu’en 2013. L’industrie a payé le prix fort, perdant de nombreux emplois qu’elle ne retrouvera pas.

Nos finances publiques accuseront cette année un déficit de 148,5 milliards d’euros, en légère baisse par rapport à celui qui était prévu par la dernière loi de finances rectificative, à savoir 152 milliards d’euros. Cependant, cette baisse est relative, car elle repose sur l’adoption de mesures discrétionnaires. En réalité, elle cache une révision à la baisse de la prévision initiale du produit des principales recettes.

En effet, la Caisse des dépôts et consignations fait l’objet de prélèvements supplémentaires à hauteur de 1 milliard d’euros, dont l’essentiel porte sur les fonds d’épargne, ce qui est une mauvaise manière de reconstituer les fonds propres mis à mal par le choc de 2008. S’y ajoute une révision à la hausse des dividendes versés par la Société de prise de participation de l’État.

Bref, ce surplus de recettes non fiscales cache une baisse du produit des recettes fiscales due principalement – je veux insister sur ce point – à un coût de dépenses fiscales plus élevé que prévu, grevant l’impôt sur le revenu. Le surcoût s’établit à 1,8 milliard d’euros, ce qui est énorme ! Les rentrées d’impôt sur les sociétés ne sont pas celles qui étaient espérées. Le produit de la TVA est revu à la baisse, mais il est vrai – M. le rapporteur général l’a souligné en commission – que cette baisse, et c’est un paradoxe, se trouve compensée par l’augmentation du produit des impositions sur le patrimoine.

Heureusement que nous avons les revenus du patrimoine pour compenser la diminution de la TVA ! Au moment où il est question de revoir la fiscalité du patrimoine, le Gouvernement ferait bien d’y regarder à deux fois.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces revenus ne peuvent pas servir à tout !

Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur général, vous avez dit lors de la réunion de la commission – je reprends votre terme – que les revenus du patrimoine étaient les seuls à être « dynamiques ».

Mme Nicole Bricq. Il faudra donc bien y réfléchir l’année prochaine.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Oh oui !

Mme Nicole Bricq. Les économies de 2,2 milliards d’euros réalisées sur la charge de la dette contribuent, elles aussi, à l’amélioration du solde. Toutefois, mes chers collègues, nous savons tous que cette situation ne durera pas : en 2013, la France devrait être le premier émetteur de dette en Europe, et tout le monde s’attend à une remontée des taux.

Les recettes de l’État ne sont donc pas protégées et surtout – je le souligne, car ce point n’a pas encore été évoqué – elles n’ont pas l’élasticité espérée. Je rappelle que la loi de programmation des finances publiques est fondée sur une croissance de 2 % – un chiffre exagérément optimiste, nous l’avons dit à plusieurs reprises – et que les recettes sont ajustées en fonction de cette hypothèse.

En 2010, malgré une croissance qui devrait se situer entre 1,6 % et 1,7 % en rythme annuel, le surcroît de recettes affiché dans la loi de finances initiale n’a pas été au rendez-vous. Tout cela signifie clairement que, dès 2011, la trajectoire budgétaire définie dans le document transmis à Bruxelles ne sera pas respectée.

Si nous, parlementaires, nous en apercevons, il en va de même pour les marchés financiers. Les analystes non seulement décortiquent les lois de finances initiales, mais ils sont très attentifs à leur exécution.

Évidemment, avec un système fiscal inchangé – je le qualifie volontiers de « passoire » –, grevé d’exonérations – je ne reviendrai pas sur la baisse de la TVA sur la restauration, qui représente une perte de recettes de 3 milliards d’euros – et de multiples niches dont, depuis une dizaine d’années, l’expansion va galopant, il ne faut pas s’étonner que les recettes, même avec un surcroît de croissance, soient beaucoup plus faibles que celles qui étaient inscrites dans la loi de finances initiale. Mais peut-être faut-il considérer que la loi de finances initiale n’était pas sincère… Les deux solutions sont possibles ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Les dépenses, quant à elles, ont été sous-évaluées. J’en veux pour preuve le décret d’avance que le Gouvernement a demandé au Parlement – je rappelle cet épisode, que nous avons tous dénoncé lors de l’examen de la loi de finances initiale – afin d’ouvrir des crédits de personnel, à hauteur de près d’un milliard d’euros, au bénéfice de huit ministères.

Il est nécessaire de « traduire » ce déblocage de crédits, pour que ceux qui écoutent nos débats, ou qui en liront le compte rendu, en comprennent la portée. Que signifie-t-il ? Tout simplement que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, annoncé à grands coups de clairon, ne suscitera pas l’économie espérée de 500 millions d’euros par an.

En effet, les fonctionnaires ne cessent plus de travailler avant l’heure, alors que les mesures de compensation négociées avec les organisations syndicales, de manière légitime d’ailleurs, lors de la réforme des retraites pèsent lourdement sur les comptes publics. Il faut par conséquent considérer que ces économies, que l’on évaluait à 500 millions d’euros, seront sans doute, tout au plus, de 100 millions d’euros. (M. le rapporteur général acquiesce.) Et nous les payons d’une diminution de la qualité du service public à l’échelon local aussi bien que national, sans compter qu’une telle surévaluation des économies réalisées nuit à la crédibilité de la trajectoire budgétaire triennale présentée à Bruxelles.

Enfin, et ce point nous concerne particulièrement en tant que sénateurs, les travaux de l’Assemblée nationale ont révélé que le coût de la suppression de la taxe professionnelle pourrait être deux fois supérieur à l’estimation réalisée par le Gouvernement.

Voilà qui relativise la déclaration récente de Mme Parisot, présidente du MEDEF, selon laquelle les prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises, tels qu’ils sont prévus par la loi de finances pour 2011, seraient « considérables ». Mme Parisot ne sait pas compter ! En effet, les nombreuses niches existant pour l’impôt sur les sociétés, la suppression de la taxe professionnelle, qui visait à apporter une bouffée d’air aux entreprises, et les exonérations qui, dès leur naissance, mitent la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée, comme la contribution foncière d’ailleurs – dans ce domaine, aucune réforme profonde n’a été en réalité menée –, relativisent considérablement les déclarations de la présidente du MEDEF.

En outre, le rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale a qualifié dans son rapport la suppression de la taxe professionnelle d’« allégement historique de la pression fiscale pesant sur les entreprises ». Cette réforme serait comparable à l’ensemble des diminutions de l’impôt sur les sociétés menées entre 2000 et 2009. Puisse Mme Parisot entendre mes propos, même si ma voix porte peu en dehors de cet hémicycle !

M. Nicolas About. Mais non ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Et si tel n’est pas le cas, répétez-les lui, monsieur le ministre.

Il est nécessaire de souligner que l’examen de trois lois de finances en l’espace de deux mois à peine prive le Parlement du temps d’examen et du recul nécessaires à une réelle appréciation comparative des prévisions et de l’exécution de certaines mesures. Lorsqu’il faut « jongler » entre loi de finances initiale et lois de finances rectificatives, comme cela a été le cas s’agissant de l’article 15 relatif au financement du Grand Paris, un tel travail devient difficile.

J’en viens à la loi de finances rectificative en elle-même. Celle-ci est traditionnellement un véhicule-balai. Nous avons droit ici, comme d’habitude, à de multiples dispositions, mais aussi à trois réformes d’importance qui auraient dû faire l’objet de projets de loi spécifiques.

Il s’agit de la réforme des sociétés de personnes, des nouvelles modalités du plan d’épargne logement et de la refonte des taxes d’urbanisme. Cette dernière réforme au moins, qui consiste à passer de six à deux taxes, ce qui entraînera des conséquences pour les collectivités territoriales, aurait mérité de faire l’objet d’un projet de loi spécifique, discuté par le Sénat. En effet, nous n’avons pas le temps de l’examiner de façon approfondie.

Je consacrerai les quelques minutes de temps de parole qui me restent à des développements relatifs aux collectivités territoriales.

Premièrement, j’évoquerai le financement du Grand Paris, tel qu’il est prévu à l’article 15 du projet de loi, qui est réservé pour la séance de demain matin par M. le rapporteur général. C’est bien compréhensible, d’ailleurs, tant le compromis auquel est parvenue la majorité lors de la commission mixte paritaire relative à la loi de finances pour 2011 est à mes yeux mauvais.