M. le président. L’amendement n° 166, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 166. En revanche, comme M. le président de la commission des lois vient de l’indiquer, elle sera favorable à l’amendement n° 369.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission et émet un avis défavorable sur l’amendement n° 166.

Pour en revenir à ce M. Mermaz a évoqué voilà quelques instants, j’indique que la remarque des auteurs de l’amendement n° 369 sur l’alinéa 3 de l’article 26 est effectivement pertinente. Nous évoluerons donc dans le même sens que la commission lors de l’examen de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 166.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 369, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Par coordination avec la suppression de l’article 17 ter, il convient également de supprimer l’alinéa 3 de l’article 26.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 167 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 370 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 3 et 4

Rédiger ainsi ces alinéas :

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« 12° L’étranger ressortissant d’un pays tiers qui est membre, tel que défini à l’article L. 121-3, de la famille d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse. »

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 167.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement a un objet similaire à l’amendement qui vient d’être présenté par notre collègue Richard Yung.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 370.

M. Richard Yung. Cet amendement diffère de l’amendement n° 369 dans la mesure où nous y proposons un ajout à l’article 26, dont le dernier alinéa tend à restreindre l’interdiction d’expulser les membres de la famille d’un ressortissant communautaire issus de pays tiers aux personnes bénéficiant d’un droit de séjour permanent. Nous avons débattu du sujet tout à l’heure, et M. le ministre s’est exprimé.

Pour une fois – je pense que mes propos feront plaisir à M. le ministre –, on ne peut pas accuser le Gouvernement de ne pas transposer correctement la directive Libre circulation. En effet, le texte qui nous est proposé reprend les termes de l’article 28 de cette directive.

En revanche, nous avons le droit de penser que le Gouvernement profite de la transposition de la directive pour rogner les droits des membres des familles des ressortissants communautaires. D’ailleurs, cela correspond à sa ligne politique générale.

Concrètement, aux termes du dernier alinéa de l’article L. 511–4 du CESEDA, que l’article 26 du projet de loi supprime, l’étranger ressortissant d’un pays tiers qui est membre de la famille d’un ressortissant communautaire ne peut pas faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière même s’il ne peut pas justifier d’une entrée régulière en France. Cette disposition garantit à de nombreux couples mixtes de pouvoir vivre en famille sans être inquiétés. Sa suppression nous semble donc contraire au droit de vivre en famille. C’est la raison pour laquelle nous proposons de la maintenir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 369, pour des raisons que j’ai déjà exposées et sur lesquelles il me semble inutile de revenir.

En revanche, l’avis est défavorable sur les amendements identiques nos 167 et 370, qui tendent à réintroduire à l’article 26 la protection contre l’éloignement dont bénéficient les membres de la famille d’un citoyen de l’Union européenne.

Les personnes concernées relèvent désormais non plus de procédures d’éloignement de droit commun prévues à l’article L. 511-1 du CESEDA et visées à l’article 23 du présent projet de loi, mais de procédures spécifiques, inscrites à l’article 25. Dès lors, elles seront toujours protégées contre l’éloignement si elles bénéficient d’une telle protection aujourd’hui. En effet, l’article 25 ne prévoit pas, dans un tel cas, qu’elles puissent faire l’objet d’une OQTF.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je ne reviens pas sur les explications qui ont été apportées à propos de l’amendement n° 369 ; le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Par ailleurs, comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, le régime applicable aux membres de la famille d’un ressortissant européen est plus favorable que le droit commun. Le Gouvernement partage donc la position de la commission et émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 167 et 370.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 369.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 369, il conviendrait de rectifier les amendements identiques nos 167 et 370 pour y supprimer la référence à l’alinéa 3 de l'article 26. (Assentiment.)

Il s’agit donc des amendements identiques nos 167 rectifié et 370 rectifié.

L’amendement n° 167 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 370 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« 12° L’étranger ressortissant d’un pays tiers qui est membre, tel que défini à l’article L. 121-3, de la famille d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse. »

Je les mets aux voix.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 128 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« ...°L’étranger qui se présente dans un commissariat ou une gendarmerie pour déposer plainte pour des faits de violences. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise simplement à garantir que les étrangers ayant déposé une plainte dans un commissariat pour des faits de violence commis à leur encontre ne pourront faire l’objet d’aucune mesure de reconduite à la frontière.

Comme nous l’avons déjà indiqué, a priori, toute personne peut porter plainte. Mais, à nos yeux, les étrangers qui déposent une plainte risquent d’être arrêtés à cette occasion. D’ailleurs, cela s’est déjà produit ; plusieurs exemples précis en témoignent.

C’est la raison pour laquelle il nous paraît nécessaire d’intégrer les étrangers se présentant dans un commissariat ou une gendarmerie pour déposer plainte parmi la liste des personnes concernées par les exemptions prévues à l’article L. 511-4 du CESEDA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Aux termes de cet amendement, aucune mesure d’éloignement ne pourrait être prise à l’encontre d’un étranger qui se présenterait dans un commissariat pour déposer plainte pour des faits de violence.

Quelle que puisse être la légitimité de son objet, un tel amendement ne peut pas être adopté en l’état. En effet, il tend à compléter une liste de situations qui ont un caractère de permanence par une circonstance ponctuelle : le fait de se présenter dans un commissariat pour déposer plainte. Or cette circonstance ponctuelle ne peut pas entraîner à elle seule l’impossibilité générale de prononcer une mesure d’éloignement.

Afin que l’intention des auteurs de l’amendement soit satisfaite, il est plutôt nécessaire de prévoir qu’aucune interpellation ou autre mesure de contrainte, par exemple une garde à vue, ne peut être mise en œuvre dans de telles circonstances. Mais cela relève davantage d’une circulaire ministérielle.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Tout d’abord, je souhaite apporter une précision à M. Sueur. Il ne faut pas se tromper à propos de ce que j’ai dit tout à l’heure sur Pierre Bérégovoy. Je n’ai aucunement mis en cause son intégrité ni son engagement. J’ai simplement mentionné une phrase extraite du livre de Charles Villeneuve Les liaisons dangereuses de Pierre Bérégovoy : Enquête sur la mort d’un Premier ministre. Il s’agissait simplement d’une citation ; n’y voyez aucune autre connotation.

Les auteurs de l’amendement n° 128 rectifié veulent empêcher qu’un étranger déposant plainte pour des faits de violence commis à son encontre puisse faire l’objet d’une mesure d’éloignement ou de reconduite à la frontière.

Si je comprends bien l’idée qui sous-tend une telle proposition, j’en vois également les possibles effets pervers. L’adoption d’un tel dispositif aurait pour conséquence immédiate d’inciter la totalité des étrangers en situation irrégulière présents sur notre territoire à porter plainte pour obtenir une forme d’« immunité ».

En d’autres termes, le principe suggéré est sans doute sympathique, mais sa mise en application aboutirait à des situations totalement surréalistes !

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, nous avons bien compris votre réticence.

Néanmoins, et je suppose que vous en serez d’accord, il n’est pas admissible qu’un étranger victime de faits de violences réelles, voire extrêmement graves, ne puisse pas porter plainte de peur d’être immédiatement interpellé et reconduit à la frontière.

Dès lors, que nous proposez-vous concrètement ? Nous connaissons d’expérience les problèmes qui se posent dans les commissariats.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Là encore, il n’y a aucune ambiguïté.

L’article 15-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé : « La police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l’unité de police judiciaire territorialement compétent. » En clair, la plainte sera traitée. En revanche, cela ne donne évidemment pas droit à une forme d’« immunité » contre toute mesure d’éloignement.

Le dispositif que vous suggérez aurait des effets totalement pervers. Il est inapplicable.

En réalité, je me demande si vous ne songez pas à une affaire ayant quelque peu défrayé la chronique et pour laquelle M. Sueur, qui était très engagé sur le dossier, m’avait sollicité. La décision prise à l’époque par le Président de la République ne saurait faire jurisprudence aujourd’hui. En effet, avec le recul, nous avons constaté qu’il y avait en l’occurrence beaucoup d’ambiguïtés. Nous avons été un certain nombre à nous émouvoir d’une situation qui ne correspondait peut-être pas à la réalité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je souhaite simplement apporter une précision.

Une jeune fille s’était présentée à une gendarmerie après avoir été l’objet de violences évidentes. La préfecture prit alors la décision de la renvoyer au Maroc dans les plus brefs délais, les gendarmes ayant constaté qu’elle ne se trouvait pas en situation régulière. Ce sont les seuls faits pertinents ici.

J’ai donc plaidé avec d’autres – et je tiens à souligner que vous-même m’avez écouté – que la République française ne pouvait pas apporter pour seule réponse à une femme victime de violences venant déposer une plainte à la gendarmerie de la renvoyer dans le tout prochain avion.

Le Président de la République en a tenu compte et il a pris une décision qui m’a paru juste et que je continue à saluer comme telle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 128 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 26, modifié.

(L’article 26 est adopté.)

Article 26 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 28 (Texte non modifié par la commission)

Article 27

(Non modifié)

L’intitulé du chapitre III du titre Ier du livre V du même code est ainsi rédigé : « Exécution des obligations de quitter le territoire français et des interdictions de retour sur le territoire français ».

M. le président. L’amendement n° 168, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 168.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 27.

(L’article 27 est adopté.)

Article 27 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 29 (Texte non modifié par la commission)

Article 28

(Non modifié)

L’article L. 513-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 513-1. – I. – L’obligation de quitter sans délai le territoire français, qui n’a pas été contestée devant le président du tribunal administratif dans le délai prévu au II de l’article L. 512-1 ou qui n’a pas fait l’objet d’une annulation, peut être exécutée d’office.

« L’obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire, qui n’a pas été contestée devant le tribunal administratif dans le délai prévu au I de l’article L. 512-1 ou qui n’a pas fait l’objet d’une annulation, peut être exécutée d’office à l’expiration du délai de départ volontaire.

« II. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 512-3, l’étranger faisant l’objet d’une interdiction de retour sur le territoire français peut être d’office reconduit à la frontière. »

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l’article.

M. Louis Mermaz. Cet article a trait aux conditions de l’exécution d’office de l’obligation de quitter le territoire français et des interdictions de retour.

L’article L. 513-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, visé par l’article 28 du projet de loi, concerne dans sa rédaction actuelle l’exécution d’office des « arrêtés de reconduite à la frontière », formulation supprimée par le présent texte et remplacée, comme on le sait, par une autre.

L’article 28 réécrit donc cet article L. 513-1 afin de tenir compte de l’unification de la procédure d’obligation de quitter le territoire prévue par l’article 23, article contre lequel la gauche s’est prononcée.

Nous l’avons vu, l’obligation de quitter le territoire français devient l’instrument principal de l’éloignement – certains ne souhaitent pas que l’on emploie le terme de « bannissement » – et peut s’accompagner de plusieurs mesures connexes, avec ou sans délai de départ volontaire, avec ou sans placement en rétention, avec ou sans interdiction de retour. Ces mesures viennent compliquer, une fois de plus, le contentieux de l’éloignement et l’exercice de leurs droits par les étrangers. Nous sommes ainsi aujourd’hui face à une extraordinaire usine à gaz !

Le I du nouvel article L. 513-1 du CESEDA concerne les obligations de quitter le territoire, qu’elles soient ou non assorties d’un délai de départ volontaire. Dans l’un et l’autre cas, des recours existent, bien entendu ; mais, après examen, peut-on encore parler véritablement de recours en ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français sans délai, disposition dont nous demandons la suppression ?

En effet, l’obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire est immédiatement exécutoire si elle n’a pas fait l’objet d’une annulation ou d’un recours devant le président du tribunal administratif dans le délai de quarante-huit heures – délai difficile à tenir pour un primo-arrivant, c’est-à-dire pour une personne ne connaissant pas bien la législation en vigueur – au lieu de trente jours – délai préférable – dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire. Or, dans un laps de temps aussi court, l’étranger pourra être amené à contester pas moins de six décisions administratives, en plus de la contestation de l’obligation de quitter le territoire français elle-même : la décision relative au séjour, le refus du délai de départ volontaire, l’interdiction de retour sur le territoire français, le placement en rétention, le choix du pays de destination.

Dans ces conditions, je le répète, peut-on parler de recours effectif ? L’étranger concerné devra-t-il être au moins agrégé de droit ?

Non seulement cette disposition concernera beaucoup d’étrangers, puisque le nombre de cas où l’administration aura la possibilité de prononcer un refus de délai de départ a été augmenté, mais elle laissera, dans certaines situations, un large pouvoir discrétionnaire d’appréciation à l’administration. Je pense au risque de fuite, qui sera présumé tout simplement si l’étranger ne dispose pas de documents de voyage ou d’une pièce d’identité en cours de validité.

Pour mon groupe, au regard de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la Convention de Genève de 1951 sur le droit d’asile, le délai consenti par l’article 28 pour l’examen de la situation personnelle d’un étranger, qui risque, aux termes de dispositions qu’au demeurant nous désapprouvons expressément, un éloignement, un élargissement, un bannissement de l’Europe pendant deux à cinq ans, ne peut pas être aussi court.

Il serait temps, mes chers collègues, de réapprendre à ouvrir les portes et les fenêtres de la maison France au lieu de les fermer. Il serait temps de cesser de nous replier sur nous-mêmes avec, pour seul mot d’ordre, la France aux Français et les Français avec les Français !

Au moment où beaucoup d’étrangers vont être soumis à des obligations de quitter le territoire français sans espoir de retour avant longtemps, les membres du Gouvernement, depuis ce matin, encourent une interdiction de quitter le pays sans autorisation préalable ! Bonaparte, dont vous vous inspirez parfois mais en faisant preuve de moins de panache, n’a-t-il pas un jour déclaré de manière singulièrement prémonitoire : « mon gouvernement n’est pas une plaisanterie » ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 69 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L’amendement n° 169 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 69 rectifié.

M. Jacques Mézard. M. Mermaz vient de le rappeler brillamment, les dispositions de l’article 28, dont nous demandons la suppression, sont le prolongement des articles 23, 24 et 25 contre lesquels nous nous sommes déjà exprimés.

Nous sommes tout autant opposés à la possibilité offerte à l’alinéa 2 de l’article 28 de prononcer une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, car cela va une nouvelle fois à l’encontre de la directive Retour.

Je suis d’accord avec M. Mermaz. Il suffit d’ailleurs de se reporter aux pages 135 et 136 du rapport de la commission des lois pour se convaincre que des étrangers n’ayant pas fait de droit, qui plus est à un niveau assez élevé, ou n’étant pas constamment assistés de personnes connaissant parfaitement le droit se trouveront perdus parmi cette accumulation de délais différents et de situations compliquées. Ces personnes, souvent en grande difficulté, ont plus besoin d’être assistées que d’être expulsées !

M. Roland Courteau. C’est sûr !

M. Jacques Mézard. Je vous cite le rapport : « [Le texte] prévoit un délai de recours de quarante-huit heures contre une OQTF sans délai de départ volontaire, le jugement étant alors rendu dans les trois mois ou dans les soixante-douze heures en cas de rétention ou d’assignation à résidence ».

Il y est précisé : « [L’OQTF] assortie d’un délai de départ volontaire est exécutoire à l’issue de ce délai – trente jours dans le droit en vigueur […] –, si elle n’a pas été contestée devant le juge administratif dans ce délai, ou bien, lorsque l’OQTF a été contestée, si elle n’a pas été annulée dans le délai de jugement de trois mois – soit, le cas échéant, dans les soixante-douze heures de la notification de la rétention ou de l’assignation à résidence lorsqu’une telle décision a été prise. »

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un maquis !

M. Jacques Mézard. Cette accumulation de délais et de droits différents a manifestement pour objet de rendre la défense des étrangers la plus difficile possible.

M. Roland Courteau. Évidemment !

M. Jacques Mézard. Or le droit, pour trouver une application juste et équitable, doit être clair. C’est une raison de plus pour soutenir la suppression de l’article 28.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 169.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Alors que les instances communautaires critiquent l’absence d’intégration dans le droit national de garanties procédurales pour les étrangers et que l’article 31 du projet de loi prévoit la possibilité de retarder la notification des droits, nous ne pouvons que craindre la portée de l’article 28.

Dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, l’étranger ne dispose que de quarante-huit heures pour contester la mesure d’éloignement, alors que ce délai est de trente jours dans le cas d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire.

Compte tenu de la complexité de la procédure et de la brièveté des délais de recours, la plupart des étrangers n’auront matériellement pas le temps de déposer un recours dans les délais impartis. Or cet article prévoit que la décision non contestée pourra être exécutée d’office.

Ce montage participe de votre volonté d’expulser toujours plus et toujours plus vite alors que la directive prévoit que les États membres doivent veiller au respect d’une procédure équitable et transparente. L’article 28 contrevient à cette disposition. C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 28 effectue une simple coordination avec l’article 23.

M. Jean-Jacques Mirassou. Drôle de coordination !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois est donc défavorable à ces deux amendements identiques de suppression.

Nous aurons un débat à l’article 34 au sujet des procédures, ce qui nous permettra de revenir sur certaines questions qui ont été soulevées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je ferai deux remarques de fond et j’apporterai une précision de forme.

D’abord, monsieur Mermaz, le délai de quarante-huit heures existe déjà pour l’arrêté de reconduite à la frontière. Il ne s’agit donc pas d’une disposition nouvelle.

Ensuite, des associations d’aide juridique aux étrangers œuvrent, comme vous le savez, dans les centres de rétention administrative, grâce au financement de l’État, lequel, chaque année, leur consacre plus de 6 millions d’euros. Nous ne laissons donc pas les étrangers totalement démunis. Ces 6 millions d’euros sont consacrés, notamment, à la CIMADE – organisme qui, a priori, n’encourage pas spontanément l’action du Gouvernement, mais avec lequel nous travaillons –, et à l’Ordre de Malte.

Monsieur Mermaz, je vous le dis très simplement : j’ai trouvé votre intervention particulièrement vindicative, pour ne pas dire agressive. Je croyais naïvement que l’âge et l’expérience incitaient à plus d’ouverture et de tolérance, ce en quoi, visiblement, pour votre cas précis, je me trompais ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)