conditions d'exploitation des zones à haute valeur naturelle

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 1152, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

M. Alain Fauconnier. Ma question porte sur les zones à haute valeur naturelle, ou HVN, concept développé au début des années quatre-vingt-dix par un groupe d’experts ayant constaté que certains systèmes agricoles avaient un impact favorable sur la biodiversité, notamment les exploitations utilisant des techniques de production extensives sans avoir recours à des intrants de synthèse.

Je constate que l’Union européenne tend à prendre en compte la richesse du lien entre agriculture et biodiversité, ce dont je me félicite.

Les zones à haute valeur naturelle répondent favorablement à l’un des trois critères retenus pour l’attribution de fonds dans le cadre du programme de développement rural hexagonal lancé en 2007 et dont le terme est prévu en 2013. En effet, selon le rapport du Forum européen pour la conservation de la nature et le pastoralisme du mois de mars 2009, « chaque État membre du Conseil de l’Europe [s’est] engagé en 2003 à identifier les zones à haute valeur naturelle à l’échéance 2006 et à mettre ainsi en œuvre des programmes de mesures adaptés en 2008. Si ces échéances sont d’ores et déjà dépassées dans la perspective du "halte à la perte de la biodiversité en 2010", les urgences demeurent ».

Nous assistons à un véritable déclin du nombre d’exploitations à haute valeur naturelle en France. Il est donc urgent de mettre en place des politiques pour maintenir l’équilibre fragile entre agriculture et biodiversité et pour prévenir l’intensification de l’exploitation des surfaces et l’abandon de terres agricoles à haute valeur naturelle.

Si rien n’est fait en ce sens, nos filières qualitatives de proximité disparaîtront à plus ou moins long terme. Une étude du cabinet Solagro, publiée récemment par le Centre commun de recherche de la Commission européenne, souligne qu’environ 25 % de la surface agricole utilisée en France se trouve en zone à haute valeur naturelle, soit 7 millions d’hectares.

Certes, c’est un chiffre important, mais, en 1970, la France comptait trois fois plus de zones à haute valeur naturelle ! Défavorisées sur le plan économique, ces dernières souffrent d’un différentiel d’environ 160 euros par hectare sur une moyenne 2007-2008. Cette somme ne pourrait-elle pas servir de base de calcul à de futurs soutiens, tels les « contrats spécifiques HVN » proposés par certains dans une contribution intitulée « Un nouveau pacte pour l’Europe ! » ?

La même étude nous apprend que, pour l’année 2006, les entreprises agricoles françaises situées en zone à haute valeur naturelle ont dégagé un revenu moins élevé de 8 % environ que celles qui se trouvaient dans d’autres zones. Cette situation s’explique par des rendements plus faibles et des systèmes de production différents. Il convient, là encore, de chercher des solutions par l’instauration d’une politique plus audacieuse qui, naturellement, tiendrait compte du réseau actuel Natura 2000.

Cela pourrait par exemple déboucher sur une labellisation, à l’échelon européen, des exploitations à haute valeur naturelle. En dynamisant ces zones, nous reconnaîtrons le savoir-faire de nos agriculteurs, nous valoriserons nos paysages et nous préserverons les filières de qualité.

Quelles solutions le Gouvernement compte-t-il apporter pour asseoir la durabilité économique et écologique des zones à haute valeur naturelle ? Comment compte-t-il mener une politique volontariste destinée à maintenir la biodiversité ? En vous interrogeant, madame la secrétaire d'État, je parle naturellement d’aujourd’hui et, plus encore, de demain – c’est-à-dire au-delà de l’échéance de 2013 –, après la réforme de la politique agricole commune.

À l’heure où s’achève un Salon de l’agriculture que les Français apprécient particulièrement, c’est le quart des exploitants français qui attendent une réponse.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Bruno Le Maire, retenu à l’Assemblée nationale.

Vous interrogez le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur les démarches mises en œuvre par le Gouvernement afin d’asseoir la durabilité économique et écologique des zones à haute valeur naturelle et de préserver la biodiversité, dont elles sont un facteur.

Vous le savez, l’Agence européenne de l’environnement propose trois critères pour définir ces zones : une large proportion d’espaces semi-naturels, prairies permanentes anciennes, pelouses, alpages... ; une mosaïque agricole à bas niveaux d’intrants avec une forte proportion d’éléments paysagers – haies, murets, arbres isolés... – ; la présence d’espèces rares ou bien une forte proportion de la population européenne ou mondiale de l’une de ces espèces.

La combinaison de ces critères doit caractériser une agriculture contribuant à un haut niveau de biodiversité.

Cependant, compte tenu de leur caractère très large, le Centre commun de recherche de la Commission européenne a confié à des organismes des États membres la mission de proposer des modalités de mise en œuvre plus précises.

Il en ressort que la surface des zones potentiellement concernées varie fortement : de 3 % à près de 28 % de la surface agricole utile en France, selon les indicateurs utilisés et le poids qui leur est donné. Il s’agit donc de trouver le bon équilibre pour ne pas exclure des zones à l’apport reconnu en matière de biodiversité.

Par ailleurs, et comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, l’agriculture à haute valeur naturelle correspond la plupart du temps à une agriculture extensive, souvent dans les zones les plus difficiles, où le revenu agricole est inférieur à la moyenne nationale. Ces zones difficiles font déjà l’objet d’une aide spécifique, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels. Près de 95 000 exploitations en bénéficient, pour un montant total avoisinant les 520 millions d'euros. Il importe donc de savoir comment et dans quelle mesure peut être mieux rémunérée cette agriculture à haute valeur naturelle, en articulation avec les dispositifs existants.

C’est pour lever ces difficultés que les services du ministère de l’agriculture ont engagé une étude visant à préciser les critères et indicateurs pertinents et, le cas échéant, à améliorer ou à élaborer des dispositifs d’aides adaptés. Ces travaux devraient aboutir prochainement et le ministre de l’agriculture vous en communiquera les conclusions.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, lorsque l’on entend le Président de la République déclarer que l’environnement, « ça commence à bien faire », vous comprendrez qu’il y a là matière à inquiétude !

Il y a urgence. Sur ce sujet, nous sommes en retard par rapport à d’autres pays. J’entends bien qu’il faut étudier les critères, etc., mais les statistiques cachent une réalité cruelle : un tiers des espaces à haute valeur naturelle ont disparu en trente ans – c’est énorme ! –, des exploitations ferment et des territoires souffrent.

Par conséquent, je souhaite très vivement que nous accélérions le mouvement !

permis de recherche du gaz de schiste

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 1181, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Simon Sutour. Cette question concerne les permis d’exploitation du gaz de schiste accordés par l’État, plus particulièrement dans le département du Gard. Elle a déjà été posée dans cet hémicycle et elle le sera inlassablement tant que ce problème ne sera pas réglé.

Peu avant son départ du ministère de l’écologie, M. Borloo a accordé pas moins de huit permis d’exploitation du gaz de schiste concernant une zone s’étendant de Narbonne à Montélimar. Or ces autorisations ont été attribuées dans la plus grande discrétion, puisque les populations et les élus de ces territoires n’en ont eu connaissance qu’au détour d’un article de presse sans que rien de précis leur fût communiqué quant à l’intérêt économique de ces opérations, mais aussi et surtout quant aux risques que celles-ci peuvent faire courir d’un point de vue environnemental.

En effet, l’exemple de l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis, en Pennsylvanie notamment, mérite toute notre attention, tant les conséquences semblent alarmantes – pollution irréversible des nappes phréatiques, paysages dévastés et, par voie de conséquence, inquiétudes bien légitimes sur l’état de santé des populations vivant sur ces territoires –, si bien que plusieurs états américains ont d’ores et déjà décrété un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste pour protéger les réserves d’eau potable et l’environnement.

De plus, si l’exploitation devait commencer, plusieurs articles du Grenelle de l’environnement ne seraient pas respectés, notamment sur le volet relatif aux énergies renouvelables.

Nous venons d’apprendre – est-ce un hasard ? – qu’une ordonnance portant modification du code minier a été prise en conseil des ministres, le 19 janvier dernier, pour faciliter ce type d’exploitation. Il faut le souligner, car il est extrêmement rare que ce code soit modifié. Le conseil général de mon département, le Gard, a adopté un vœu à l’unanimité – vos amis de l’UMP l’ont donc voté, madame la secrétaire d'État – soulignant que l’annonce de la suspension provisoire des travaux d’exploitation par le Gouvernement n’était pas suffisante et demandant l’arrêt immédiat de toute recherche et l’abandon des travaux.

Les Cévennes misent depuis plusieurs années sur le développement touristique. Prévoir l’exploitation du gaz de schiste dans une zone jouxtant le parc national des Cévennes est un total non-sens !

Il est quelque peu paradoxal de voir le Gouvernement soutenir à la fois la candidature des Grands Causses au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, ce dont nous nous félicitons, et les mesures que je viens de décrire.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d'État, je vous demande de m’indiquer quel est l’état d’avancement des recherches en France et si le Gouvernement entend revenir sur les autorisations d’exploitation de gaz de schiste décidées par M. Borloo.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet.

Concernant les gaz de roche mère, dits « gaz de schiste », trois permis de recherche ont été accordés par arrêtés du 1er mars 2010 sur une surface de 9 672 kilomètres carrés. Ils concernent les départements de l’Ardèche, de la Drôme, du Vaucluse, du Gard, de l’Hérault, de l’Aveyron et de la Lozère. Ils ont pour seul objectif d’acquérir une meilleure connaissance géologique du sous-sol et d’évaluer l’existence d’un gisement et son potentiel éventuel en tenant compte de la nécessité de respecter l’environnement.

Ces arrêtés ont tous fait l’objet d’une information publique,…

M. Simon Sutour. C’est totalement faux !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. … à la suite d’un processus administratif qui inclut une publication au Journal officiel de la République française ainsi qu’au Journal officiel de l’Union Européenne.

En Europe, notamment en France, l’évaluation de ce type de ressources n’en est qu’à ses débuts, sans certitude de succès.

Toutefois, compte tenu des préoccupations environnementales importantes que suscite ce sujet complexe, en accord avec le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, une mission d’inspection a été confiée au Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies et au Conseil général de l’environnement et du développement durable afin d’éclairer le Gouvernement sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des hydrocarbures de roche mère.

Cette mission examinera également la situation des huiles de schiste pour lesquelles des travaux d’exploration sont prévus dans les départements de l’Aisne, de la Marne et de Seine-et-Marne.

Un rapport d’étape sera remis le 15 avril et un rapport final le 31 mai. Tous deux seront rendus publics et les conclusions en seront tirées avant la fin du mois de juin 2011.

Éric Besson et Nathalie Kosciusko-Morizet ont rencontré les industriels détenteurs de permis de recherche de gaz ou d’huiles de schiste. Ils ont pu prendre connaissance de l’avancement des travaux d’exploration planifiés par les industriels et ont examiné la compatibilité de leurs calendriers avec les travaux de la mission.

Pour la recherche du gaz, il n’y aura, j’y insiste, aucun forage et aucune opération technique de terrain avant la remise du rapport final.

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement reconnaît qu’il y a un véritable problème puisque vous nous dites qu’il vient de mandater une mission pour étudier la question, laquelle rendra son rapport dans quelques mois.

Qu’il nous soit permis, en tant que membres de la représentation nationale, de nous interroger : n’aurait-il pas été plus normal et logique que la mission effectue ses travaux avant que les permis soient attribués ? Vous prétendez que tout s’est fait dans la plus grande transparence. Si un certain formalisme a pu être respecté, en tout cas – nous le disons ici, au Sénat, représentant des territoires et des communes – les élus locaux n’ont pas été consultés. Dans mon département, la nouvelle leur est, si j’ose dire, tombée dessus !

Nous avons d’autres motifs d’inquiétude. Comme je l’ai indiqué, une ordonnance a été prise en conseil des ministres, le 19 janvier dernier, sur la base de l’article 38 de la Constitution, en vue de la modification du code minier. Montesquieu nous a appris qu’il ne fallait toucher à la loi « que d’une main tremblante ». Je ferai la même remarque pour le code minier : pourquoi l’avoir modifié dans un tel contexte ? Nous aurons l’occasion de nous exprimer à ce sujet puisque le Parlement sera amené à ratifier cette ordonnance.

Par ailleurs, M. Claude Allègre lui-même, géochimiste, ancien ministre de la recherche, qui ne peut pas être soupçonné d’être un grand écologiste, a déclaré : « En l’état actuel, l’exploitation de gaz de schiste est sale. Je ne donnerai pas un avis favorable. »

Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous dire que la mobilisation va s’accentuer. Je vous l’ai indiqué, les élus du conseil général de mon département ont voté à l’unanimité – y compris donc les élus UMP – un vœu tendant à l’abrogation des décrets concernés. Il ne sert donc à rien de nous faire des réponses convenues séance après séance.

Vous qui êtes notamment chargée de la vie associative, sachez que des centaines, voire des milliers d’associations se mobilisent. Ce week-end, une manifestation a rassemblé plus de 20 000 personnes, pas très loin du Gard. Il y en aura d’autres demain, y compris dans le Gard. Vous aurez donc de plus en plus l’occasion, sur le terrain et dans cette assemblée, d’entendre le mot d’ordre qui a été lancé : « No gazaran ! »

simplification administrative

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 1193, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, je me permets d’insister une nouvelle fois sur la nécessaire et indispensable simplification administrative, qui, nous le constatons tous, ne progresse pas. On peut même dire, très objectivement, qu’elle s’enlise, qu’elle recule, car, comme vous le savez, « qui n’avance pas recule ».

Les gouvernements se succèdent et cherchent régulièrement à réformer l’État. Cela se voit bien dans l’évolution de l’architecture gouvernementale au cours des dernières décennies, certains ministères s’étant succédé avec des identifications différentes. Certes, les intentions sont louables, la simplification est souhaitée par tous, mais les résultats sont inexistants.

La révision générale des politiques publiques a-t-elle eu quelque efficacité ? En tout cas, la compression des effectifs n’a pas permis d’alléger ni de synthétiser les textes !

En effet, une partie de notre administration cherche trop souvent les parapluies, même en période de sécheresse : ceux-ci deviennent des obstacles à toutes solutions, y compris les plus légales. On veut trop se couvrir, laver plus blanc que blanc, alors, involontairement, on complique, on rallonge, et surtout on décourage. Le découragement est tel aujourd’hui qu’il touche le besoin de dire les choses, de les redire et de vous interpeller de nouveau sur cette question fondamentale.

Monsieur le secrétaire d’État, c’est mon troisième appel en six ans et il peut être partagé par la grande majorité des élus, de mes collègues notamment, quel que soit le côté de l’hémicycle où ils siègent. La situation actuelle, nous ne la comprenons pas. Je sais bien que personne ne peut créer des emplois ou fabriquer des euros à sa guise, mais, très franchement, on devrait être capable de simplifier.

Les décrets d’application dénaturent les lois. L’un n’est pas né que l’autre est déjà embryonnaire. Les circulaires rendent les textes souvent illisibles. Notre société perd ses valeurs, mais elle perd aussi cette force que lui donnerait la simplification administrative, synonyme de bon sens et de réalisme. Pour être efficaces et bien suivies, les directives doivent êtres claires ; or elles sont sources de contentieux inutiles, venant encombrer les juridictions administratives et judiciaires.

Les chemins de la simplification débouchent trop souvent sur des sentiers à débroussailler, où la densité des buissons – c’est un ancien agriculteur qui vous parle – est impénétrable. Alors, que fait-on ? On abandonne…

Certes, notre contexte économique est difficile, les solutions sont rares ; mais, dans le domaine administratif, n’y a-t-il pas aussi des efforts à entreprendre ? Et que dire de la réunionite aiguë, extrêmement contagieuse, qui va du sommet à la base ? Ce n’est pas très raisonnable de se réunir pour ne déboucher souvent sur rien : combien de fois sommes-nous sortis de la salle plus perplexes encore que lorsque nous y sommes entrés !

Reconnaissons aussi en toute objectivité que, nous, parlementaires, devons accomplir un effort en ce sens. Soyons certains que tous les Français, qui sont souvent déroutés, seraient unanimes à approuver de notre part un langage plus clair, plus vrai, donc plus efficace.

Monsieur le secrétaire d’État, mon temps de parole étant dépassé, je m’arrêterai là. Je tenais aujourd’hui, avec beaucoup de simplicité mais aussi avec une grande détermination, à vous donner ce message.

M. Denis Badré. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Georges Tron, secrétaire d’État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, chargé de la fonction publique. Monsieur Boyer, avant de vous répondre, comme il se doit, à partir d’éléments précis qui m’ont été communiqués par les services ministériels, permettez-moi d’apporter une touche personnelle pour vous dire que je suis particulièrement sensible à la question que vous posez.

J’ai été moi aussi parlementaire avant d’occuper les fonctions du moment. Nous sommes quelques-uns à avoir commis plusieurs rapports sur ce sujet précis et allant exactement dans le sens que vous avez indiqué : ce qui est simple se comprend ; par définition, à force d’ajouter des normes à des normes et des structures à des structures, on finit par rendre le fonctionnement d’ensemble de l’administration ésotérique et illisible aux yeux des Français.

Cela étant, je ne partage pas forcément le regard très critique que vous avez émis sur les dernières années. Il y a eu des progrès, et je vous détaillerai dans un instant ceux qui ont été faits dans le domaine de la norme.

Actuellement se met en place, avec des difficultés que je ne minimise pas, une réforme de l’administration déconcentrée de l’État ; elle vise à regrouper plusieurs directions dans une même organisation au niveau tant régional que départemental, pour placer l’usager au cœur de la politique qui est menée. Je viens d’effectuer un voyage de deux jours au Canada, où j’ai découvert des modèles de simplification extraordinaires qui ont cette particularité de toujours mettre l’usager au centre du dispositif tout en assurant un service rendu performant. Je n’ai pas le temps de vous en décliner les différents aspects dans le cadre de ma réponse ce matin, mais je vous en rendrai très volontiers compte si cela vous intéresse.

Monsieur le sénateur, puisque vous m’interrogez sur la nécessaire simplification administrative de notre société, je tiens à vous faire part des éléments de réponse suivants.

L’instabilité normative et la dégradation de la qualité de la norme sont des maux auxquels des réponses efficaces ont commencé à être apportées au cours des dernières années.

Les conditions d’élaboration de la norme ont connu d’importantes évolutions, que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 est venue amplifier. Les délais d’application des lois se sont considérablement améliorés durant la présente législature, et l’action du Gouvernement est tout aussi résolue en matière de simplification de la réglementation en vigueur.

Les progrès tangibles de la France ont été présentés par l’OCDE dans son rapport rendu public en 2010 et portant sur la gouvernance réglementaire. S’agissant en particulier du mode d’élaboration de nouvelles règles, l’organisation internationale constate que ces progrès sont avérés.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a conféré au Parlement de nouvelles prérogatives, qui lui permettent d’ores et déjà d’affirmer son contrôle sur la qualité des lois en cours d’élaboration. Depuis 2008, en effet, un nouvel équilibre a été défini entre l’activité législative du Parlement et ses fonctions de contrôle de l’activité gouvernementale.

Le Gouvernement a souhaité instituer l’obligation d’établir une étude d’impact préalable au dépôt de tout projet de loi au Parlement. Cette obligation a été inscrite dans la loi organique du 15 avril 2009.

Les études conduites par le Parlement, qui sont par ailleurs rendues publiques, constituent l’un des outils majeurs des politiques mises en œuvre pour améliorer la qualité de la norme et en réduire le volume.

Dans le même esprit, monsieur le sénateur, je tiens à souligner que l’étude des conséquences pour les collectivités de l’application d’une nouvelle norme – sujet particulièrement important, et je pèse mes mots – a sensiblement progressé. Il y a encore des progrès à faire, et c’est un maire qui vous parle.

La commission consultative d’évaluation des normes, instituée par la loi de finances rectificative du 25 décembre 2007, effectue à ce titre un remarquable travail d’examen de l’impact financier des mesures réglementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire et qui sont susceptibles de concerner les collectivités territoriales.

Selon la procédure fixée par une circulaire du Premier ministre datant du 29 février 2008, un double principe de transparence et d’obligation de résultat dirige désormais les travaux du Gouvernement dans l’application des lois.

Une action énergique est menée pour réduire la charge administrative que représente le « stock » des normes en vigueur.

Depuis 2003, le Gouvernement s’est engagé dans un vaste programme de simplification du droit, qui a abouti à l’adoption de deux lois de simplification.

Le chantier a été repris par le Parlement en 2007, ce qui a notamment donné lieu à l’adoption de la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, ainsi qu’à celle du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures.

Ces lois ont permis l’abrogation de plusieurs centaines de textes obsolètes ou devenus sans objet, allégeant ainsi significativement le volume de notre corpus législatif. Le travail de simplification se poursuit et associe toujours davantage les parlementaires.

Le Président de la République a ainsi récemment missionné le député Jean-Luc Warsmann, afin d’envisager les modalités d’une nouvelle vague de simplification du droit des entreprises. Le 17 janvier dernier, il a également demandé à votre collègue sénateur du Loiret Éric Doligé de formuler des propositions permettant de simplifier le droit applicable aux collectivités territoriales.

Monsieur Boyer, comme je l’ai dit en introduction, votre question est parfaitement pertinente. Le Gouvernement a d’ailleurs saisi l’occasion de l’examen au Parlement de la proposition de loi Warsmann pour présenter toute une série de mesures de simplification.

Je conclurai sur une nouvelle touche personnelle : plus on simplifie, plus on mesure encore mieux tout le chemin qui reste à parcourir. Au-delà de l’architecture gouvernementale, que vous avez évoquée, dans les fonctions qui sont les miennes aujourd’hui, c’est une mission que je considère comme essentielle. Je m’efforce de soumettre de façon précise au Président de la République et au Premier ministre de nouvelles mesures de simplification pour aller dans le sens de ce que vous souhaitez.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez apporté, avec votre classe et votre personnalité, une réponse qui nous rassure. Quel que soit le respect que l’on doit aux propos tenus par les plus hautes personnalités de l’État, je suis, toutefois, un peu pessimiste. En effet, depuis plusieurs années, nous entendons un langage analogue, à cette réserve près qu’il n’était peut-être pas aussi clair qu’aujourd’hui.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai oublié de mentionner, à l’appui de ma question, les décrets d’application, qui ne paraissent que des mois, voire des années, après le vote des lois. Franchement, monsieur le secrétaire d’État, quelle que soit notre bonne volonté, nous ne pouvons pas tout faire ! La situation est très difficile, j’en ai conscience. Mais il me semble que le Gouvernement peut faire certaines choses, par exemple réduire les délais de parution des décrets d’application.