M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, cher Patrice Gélard, chers collègues, si les trois textes dont nous commençons cet après-midi l’examen se rejoignent dans leur dimension électorale, l’objet de notre discussion n’en sera pas moins double.

Premièrement, il s’agit, comme cela a été rappelé, d’adapter le code électoral à l’entrée en vigueur, à compter du prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale, de la disposition issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui prévoit que nos compatriotes établis hors de France fassent désormais l’objet d’une représentation spécifique à l’Assemblée nationale.

M. Robert del Picchia. C’est une bonne chose !

M. Jean-Patrick Courtois. Tout à fait, mon cher collègue !

C’est l’objet de l’ordonnance du 29 juillet 2009 qu’il nous est proposé de ratifier. C’était également l’objet initial du projet de loi organique relatif à l’élection des députés.

La présence au sein de l’Assemblée nationale de députés représentant les Français établis hors de France a, en effet, été décidée voici maintenant plus de deux ans par le constituant, et ne fait ainsi plus débat.

Les questions connexes les plus essentielles, à savoir le nombre de ces députés et le mode de scrutin qui présidera à leur élection, ont également déjà été tranchées, notamment par la loi du 13 janvier 2009.

Le législateur a donc retenu le principe d’une élection au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, et le monde s’est ainsi vu découper en onze nouvelles circonscriptions législatives.

Sur ce sujet important pour nos compatriotes établis hors de France, je laisserai le soin à mes collègues les représentant d’évoquer devant vous leur point de vue.

J’en viens au second objet de cette discussion, qui aura sans doute, plus que le premier, attiré l’attention médiatique, à savoir l’entreprise de simplification et d’actualisation de certaines dispositions organiques du code électoral, devenue, sur l’initiative de nos collègues députés, l’occasion de renforcer la transparence financière de la vie politique, sur la base tant des conclusions du rapport de Pierre Mazeaud que des préconisations de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

Les dispositions du projet de loi organique que vous nous proposez d’adopter et de la proposition de loi de nos collègues députés visent un double objectif. Il s’agit, d’une part, de répondre à certains dysfonctionnements observés et, d’autre part, de renforcer les moyens juridiques propres à satisfaire l’exigence de transparence financière devant entourer la vie politique.

Il importe que le politique prenne toute la mesure de l’obligation d’exemplarité dans laquelle il se doit d’inscrire son action. C’est pourquoi les textes que nous examinons aujourd’hui sont importants, voire essentiels, pour le bon fonctionnement de notre démocratie, et pour la sérénité de la relation entre les représentants et les représentés. Nous avons là une occasion idéale pour faire évoluer les choses de manière sereine, sans la pression d’un scandale qui secouerait l’opinion et nous obligerait à agir dans l’urgence.

Je tiens, à cet instant, à saluer le travail minutieux de notre collègue Patrice Gélard, qui a proposé à la commission des améliorations concernant avant tout le Sénat.

Quoi que nous fassions, nous serons critiqués, mais autant l’être sur la base d’éléments concrets, sur lesquels nous pourrons nous justifier et argumenter. En ce qui concerne certains sujets, rien n’est pire que le silence, qui laisse place à tous les fantasmes et à toutes les extrapolations. Nous avons tous à gagner à la transparence.

Ces textes nous offrent l’occasion d’engager quelques réformes que nous serons tôt ou tard amenés à accomplir. Je pense, en particulier, à la question de l’automaticité de la sanction en cas d’irrégularité des comptes de campagne. Aujourd’hui, en raison de cette automaticité, un parlementaire peut être déclaré inéligible pour une erreur portant sur quelques euros. Le droit actuel conduit donc à punir durement des candidats qui n’ont commis que des infractions mineures et non intentionnelles à la législation. Le Conseil constitutionnel a déjà souligné ce problème. Ce texte apporte la solution, en confiant un pouvoir d’appréciation au juge. Nous saluons ce progrès notable.

Cependant, comme l’a exposé M. le rapporteur, nous ne pouvons souscrire au dispositif envisagé par l’Assemblée nationale, lequel exige que la bonne foi des parlementaires soit à prouver. Selon moi, la bonne foi doit se présumer et c’est au juge de prouver que le candidat était de mauvaise foi. Revenons aux principes généraux du droit, qui présument cette bonne foi.

La question de l’inéligibilité est double.

Elle peut être fonctionnelle, concernant l’exercice de fonctions de directions dans les services de l’État et dans les collectivités territoriales. Elle peut être, par ailleurs, étroitement connectée à celle des pouvoirs du juge des comptes puisque seul le rejet du compte de campagne par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques peut conduire le juge électoral à prononcer l’inéligibilité du candidat en cause.

Le manquement aux obligations législatives imposées aux sénateurs et députés est actuellement sanctionné par une inéligibilité d’un an, qui se traduit par la déchéance du mandat.

Il semble donc opportun de prévoir la modulation de la durée de la sanction en fonction de la gravité des fautes commises dans une limite de trois ans afin de laisser au juge un pouvoir d’appréciation intéressant.

Enfin, nombreux sont ceux qui attendent que nous abordions la question des cumuls, qu’il s’agisse du cumul des mandats ou celui des fonctions et activités.

M. Jean-Patrick Courtois. Nous avons suffisamment parlé du cumul des mandats.

En l’état actuel du droit, à défaut de choix, le député qui acquiert un mandat le plaçant en situation d’incompatibilité perd le mandat acquis le plus récemment. Il est proposé de prévoir une perte du mandat acquis à la date la plus ancienne, à l’instar des règles applicables en cas de cumul de mandats locaux.

S’agissant des incompatibilités « mandat-mandat », qui concernent les députés et les sénateurs nommés au Gouvernement, la proposition initiale de la commission était de limiter le délai d’option et le délai de viduité de trente à quinze jours. Nous y avons longuement réfléchi, et j’avoue que la proposition du Gouvernement de conserver le délai actuel de trente jours, à compter de l’élection ou, en cas de contentieux, à compter de la notification de la décision définitive, semble plus satisfaisante.

En effet, l’élection peut être acquise dès le premier tour de scrutin alors même que l’élection des instances exécutives des collectivités locales, dont peut dépendre l’option exercée par la personne titulaire de plus de deux mandats, n’intervient en général que le vendredi suivant le second tour. Par ailleurs, la suspension, en cas de recours contentieux, de l’obligation à laquelle est tenu l’intéressé de renoncer à l’un de ses mandats ne peut être effective que si celui-ci a bien eu connaissance de ce recours, lequel est lui-même soumis à un délai.

Le délai de trente jours semble donc être plus pertinent pour le bon fonctionnement de nos institutions.

M. Jean-Patrick Courtois. Un sujet mérite d’être évoqué à cette tribune, dans un esprit permanent de transparence : la déclaration du patrimoine des élus. Nous devons un minimum de comptes à nos électeurs. Ils doivent, notamment, savoir quels sont nos liens, nos appartenances et nos intérêts. Cela leur permet d’évaluer notre action politique, nos votes et de choisir en connaissance de cause le bulletin qu’ils glisseront dans l’urne.

Pour autant, il nous faut trouver des solutions qui permettent à chacun de ne pas mettre l’ensemble de son patrimoine et de ses revenus sur la place publique. Les hommes et les femmes politiques sont des personnages publics qui ont néanmoins une vie privée à préserver.

Par ailleurs, et nous pouvons en être fiers, nous avons souhaité renforcer la transparence du financement de nos campagnes électorales, en dotant, à compter de 2014, les candidats aux sénatoriales d’un compte de campagne.

Enfin, l’Assemblée nationale a abaissé à dix-huit ans l’âge d’éligibilité au mandat de député. Mes chers collègues, il semble pertinent que nous abaissions l’âge d’éligibilité au mandat de sénateur, en gardant à l’esprit que la spécificité de notre mode d’élection impose implicitement une expérience locale préalable.

Mes chers collègues, nous devons tous des comptes à nos électeurs. Nous leur devons aussi de respecter scrupuleusement l’intérêt général. Nous ne pouvons concevoir notre mandat autrement. Nous souhaitons, tout autant que vous, des élus exemplaires. C’est pourquoi, monsieur le ministre, le groupe UMP votera l’ensemble de ce paquet électoral avec confiance et conviction. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Monsieur le ministre, je suis très heureux de votre présence parmi nous aujourd'hui, car vous vous intéressez aux Français de l’étranger et vous avez toujours été, dans cette assemblée, un de nos soutiens. Nous vous en remercions.

Si nous avons beaucoup parlé des Français de l’étranger jusqu’à présent, aucun de leurs représentants ne s’était exprimé. Je suis donc heureux de pouvoir prendre la parole à ce titre pour évoquer un texte très attendu tant par nos compatriotes que par les administrations chargées de l’organisation des élections.

M. Robert del Picchia. Eh oui, ma chère collègue !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la révision constitutionnelle a permis, Jean-Patrick Courtois l’a rappelé, une « révolution » pour la citoyenneté à l’étranger.

En effet, les Français de l’étranger ne pouvaient pas voter pour l’élection des députés, mais ils pouvaient voter pour l’élection du Président de la République. Qui peut le plus peut le moins ! Notre assemblée est très attachée à la défense du bicaméralisme, mais il faut bien convenir que notre droit comportait une lacune concernant la représentation des Français de l’étranger. En permettant aux Français établis dans le monde d’être représentés tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, le Congrès a mis fin à une curiosité handicapante, si vous me permettez l’expression !

On pourrait croire qu’il s’agit d’un symbole, mais il n’en est rien, car la représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale pose une double affirmation : l’appartenance des Français de l’étranger à la communauté nationale et le besoin, pour la France, d’une présence à l’étranger, forte, mobile et attachée à son pays d’origine.

Notre action parlementaire et législative ne sera plus bancale, uniquement appuyée sur le Sénat. Notre voix pourra enfin répondre à celles, souvent déformées, non pas par malveillance mais par ignorance, qui nous caricaturent en nous réduisant à une caste d’exilés fiscaux.

Mme Nathalie Goulet. Il y en a aussi !

M. Robert del Picchia. Le récent exemple d’un projet d’imposition sur le revenu des Français de l’étranger en est une parfaite illustration. Ce projet à visées électoralistes, lancé contre le bon sens, la raison et la réalité, cible la seule catégorie de citoyens non représentés sur les bancs du Palais Bourbon…

M. Jean Arthuis. Mais qui votent l’impôt !

M. Richard Yung. Ils le paient cet impôt ! Environ quatre cents millions d’euros, c’est plus que n’en paie l’Orne !

M. Robert del Picchia. Dès 2012, les Français de l’étranger pourront enfin faire entendre leur voix lors des débats à l’Assemblée nationale : le texte que nous examinons aujourd’hui le permettra. La ratification de cette ordonnance et l’adoption du projet de loi organique rendront effectif le droit de vote aux élections législatives des oubliés du suffrage universel que nous étions.

Mes chers collègues, nous devons être attentifs et faire preuve d’ouverture d’esprit quant aux modalités de participation dessinées par ce « paquet électoral », car il s’agit d’un scrutin inédit, aux difficultés multiples, qui nous ont déjà été rappelées par M. le rapporteur et par les différents orateurs. L’étendue des circonscriptions, l’éloignement des bureaux de vote sont autant d’obstacles à la participation. (Mme Goulet manifeste son incrédulité).

La distance est la première difficulté rencontrée. Par voie de conséquence, le temps devient une deuxième difficulté. Ces deux éléments doivent nous amener à relativiser le cadre législatif, c’est-à-dire à l’adapter en fonction des réalités du terrain. C’est pourquoi le projet de loi organique prévoit différentes modalités de vote à distance, en plus du vote par procuration, très largement ouvert pour cette élection. C’est aussi pourquoi le calendrier électoral n’est pas le même que dans les départements de métropole : à l’étranger, nous avons besoin de temps pour compenser les distances.

J’ai eu l’honneur de présenter différents amendements à la commission des lois de notre assemblée. Je remercie très sincèrement son éminent rapporteur, Patrice Gélard, d’en avoir repris deux.

Le premier amendement prévoit que la date limite de dépôt de candidature est fixée à un mois avant le premier tour de scrutin, contre trois semaines pour l’instant. Il faut bien comprendre que l’envoi du matériel électoral par une commission basée à Paris va prendre du temps, autant de temps dont les électeurs ne disposeront pas pour envoyer leur bulletin de vote par correspondance avant le premier tour.

Le deuxième amendement prévoit une harmonisation du régime des procurations. Pour l’instant, les mandataires peuvent n’en recevoir que deux pour l’élection présidentielle, contre trois pour les élections législatives. Ces dernières procurations étant valables pour une période et non pour un scrutin, le risque de confusion est bien trop grand. Apparemment, mes arguments ont convaincu : je m’en félicite et en remercie une nouvelle fois M. le rapporteur.

Je regrette cependant de ne pas avoir emporté la conviction de la commission sur un point qui me semblait pourtant tout aussi essentiel : le délai insuffisant de deux semaines entre les deux tours.

Certes, on m’a objecté que le délai était le même pour l’élection présidentielle. Or, pour cette élection, deux semaines suffisent pour informer par voie postale les électeurs du nom des deux candidats restant en lice. Mais, pour les élections législatives, les électeurs ont besoin de temps pour répondre et envoyer leur bulletin de vote…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Internet, ça existe !

M. Robert del Picchia. Il faudrait donc allonger ce délai d’une semaine. Tout le monde en est bien convaincu, puisque c’est pour cette raison que mon amendement tendant à avancer à un mois le dépôt des candidatures a été adopté. Or la commission électorale, qui n’avait pas le temps, avant le premier tour, malgré un délai de trois semaines, d’envoyer le matériel électoral suffisamment tôt pour que les électeurs puissent voter en nombre, n’aura a fortiori pas plus le temps de faire le même travail en deux semaines ! Nous trouverons peut-être une solution, mais je crains les recours et, surtout, leur succès, qui risque de créer des difficultés après les élections législatives.

C’est donc avec une satisfaction relative, puisque ce dernier amendement n’a pas été retenu, que je prends part à ce débat. Je tiens cependant à remercier le conseiller pour la législation électorale du Premier ministre, M. Hervé Fabre-Aubrespy, présent dans cet hémicycle, de son intérêt bienveillant et de sa collaboration. Je remercie également le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, et son rapporteur, Patrice Gélard, qui m’ont prouvé leur soutien et ont toute ma reconnaissance.

Je vous remercie enfin tous, mes chers collègues, de voter ces textes et ces amendements. Je sais que vous n’avez pas tous été d’accord avec moi pour créer des sièges de députés représentant les Français établis hors de France. Puisque notre parlement est bicaméral, il me paraît bon d’en tenir compte. Quoi qu’il en soit, les Français de l’étranger vous en seront reconnaissants, et moi aussi ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous le savez, nos concitoyens sont plus que jamais en attente d’élus exemplaires et irréprochables, et l’actualité de ces dernières semaines ne fait que renforcer cette attente.

De toute évidence, nos concitoyens ont le sentiment que tel n’est pas le cas puisque, selon un sondage paru en juillet 2010, 64 % des Français jugent les hommes politiques corrompus ; ils étaient 46 % en 1990 et 38 % en 1977. Ces chiffres terribles qui, heureusement, ne correspondent nullement à la réalité sont à rapprocher d’une récente étude du Centre de recherches politiques de Sciences-Po, le CEVIPOF, montrant que 62 % des Français éprouvent de la « méfiance » ou du « dégoût » pour la politique.

Face à cette situation qui, de toute évidence, menace notre démocratie et favorise les partis extrémistes, nous avons le devoir d’agir. Agir, c’est-à-dire : fixer des règles strictes, ce qui ne signifie pas nécessairement excessives ou démagogiques ; renforcer la transparence, ce qui n’implique pas le « voyeurisme » ; améliorer le contrôle, ce qui nécessite des sanctions justes et proportionnées.

De toute évidence, les dispositions contenues dans ce « paquet électoral », c’est-à-dire dans les trois textes que nous examinons, vont dans la bonne direction et le groupe de l’Union centriste, tout en souhaitant améliorer encore les dispositifs proposés, soutient ces projets et ces initiatives.

Nous tenons, à cet égard, à saluer le travail de fond mené tant par le groupe de travail présidé par Pierre Mazeaud et créé sur l’initiative du président de l’Assemblée nationale que par le groupe de travail mis en place par notre commission des lois, dans lequel l’Union centriste était représentée par notre collègue Yves Détraigne. Ce deuxième groupe de travail a présenté quarante recommandations pour l’évolution de la législation sur les campagnes électorales. Trop souvent, nous regrettons de légiférer de manière hâtive : je tiens à souligner ici la qualité du travail mené en amont.

Ainsi, le groupe de l’Union centriste se félicite que les textes proposés permettent de renforcer le rôle de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Cette commission, créée en 1988, ne dispose pas aujourd’hui des moyens de réagir face à des déclarations de patrimoine manifestement erronées ou fantaisistes, puisqu’elle ne peut agir qu’en cas d’absence de déclaration.

La proposition de loi crée donc une incrimination spécifique, lorsque la déclaration est volontairement et significativement mensongère. Cette incrimination, voulue par la commission des lois de l’Assemblée nationale, a été remise en question lors des débats en séance par un amendement du président du groupe UMP, qui souhaitait la supprimer purement et simplement. Face au tollé soulevé par cette initiative au sein même de la majorité, cette incrimination a survécu, mais, au terme de débats houleux, la peine d’emprisonnement de deux ans initialement prévue a disparu, malgré le vote contraire des députés du Nouveau Centre et de l’opposition.

Sur ma proposition et celle d’Yves Détraigne, le groupe de l’Union centriste a déposé un amendement tendant à rétablir cette peine d’emprisonnement. Nous ne croyons pas que les parlementaires puissent être dispensés d’une telle sanction quand elle justifiée. Si nous n’agissions pas en ce sens, nous donnerions le sentiment que les parlementaires veulent bénéficier de privilèges, ce qui ne serait ni acceptable ni accepté.

De même, nous souhaitons que la Commission pour la transparence financière de la vie politique puisse obtenir la communication d’informations relatives au patrimoine des proches de l’assujetti. Cette demande émane de la commission elle-même, soucieuse d’exercer un contrôle plus efficace ; une telle mesure nous semble justifiée, car elle devrait permettre à la commission de s’assurer de la réalité de la probité de l’assujetti.

Dans le même souci de justice et de transparence, nous sommes favorables au fait que les sénateurs aient, à l’avenir, à souscrire un compte de campagne. Je sais qu’un certain nombre d’entre nous, sur l’ensemble de ces travées, ne le souhaitent pas. Je comprends que l’on préfère être dispensé d’une contrainte, quelle qu’elle soit, mais je ne vois vraiment pas au nom de quoi les sénateurs seraient les seuls élus à ne pas supporter cette obligation qui, je le rappelle, s’impose aux députés, aux conseillers régionaux, aux conseillers généraux et aux maires des communes de plus de 9 000 habitants. Là encore, nous risquerions de renforcer un insupportable sentiment de privilège injustifié.

Si les sanctions sont nécessaires, elles doivent cependant être justes et proportionnées. Je voudrais à cet égard saluer tout particulièrement le travail de notre commission des lois qui a supprimé l’inéligibilité automatique, dès lors qu’un candidat a commis une infraction mineure ou non intentionnelle dans l’établissement de ses comptes de campagne. Nous savons tous que des élus ont été injustement déclarés inéligibles ; ces précédents avaient d’ailleurs motivé la création du groupe de travail de l’Assemblée nationale. La proposition de loi réserve donc cette lourde sanction aux cas où la mauvaise foi, c’est-à-dire l’intention frauduleuse, est établie.

En contrepartie, la durée de l’inéligibilité, initialement d’un an, est portée à trois ans : cette disposition sage, juste et équilibrée renforce la liberté d’appréciation – et donc le rôle – du Conseil constitutionnel.

Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : pour positifs que soient ces textes, ils ne suffiront pas à répondre aux attentes de nos concitoyens. Je vous rappelle qu’une quinzaine de textes relatifs à la transparence financière de la vie politique ont déjà été adoptés au cours des vingt dernières années. Je suis convaincu que nous devons aller plus loin et qu’il faut le faire rapidement, car notre pays traverse aujourd’hui une véritable crise de confiance, caractérisée par une fracture entre les élus et les citoyens qui met gravement en péril notre démocratie.

Nous attendons donc du Gouvernement qu’il donne rapidement suite aux propositions remises le 26 janvier 2011 au Président de la République par la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État. Monsieur le ministre, vous avez brièvement évoqué ce rapport, j’espère que vous pourrez nous donner davantage de précisions, notamment sur le calendrier que le Gouvernement entend adopter pour engager cette réforme d’une extrême importance. Pour ma part, je pense qu’il faudra adopter rapidement des règles de déontologie strictes, applicables à tous les élus.

Nous souscrivons pleinement aux propos du Président de la République : « Il ne suffit pas que la République soit irréprochable. Il faut encore qu’elle ne puisse même être suspectée de ne pas l’être ». Nous sommes convaincus cependant que les déclarations, les rapports et même les remaniements ministériels ne suffiront pas à rétablir la confiance des Français dans leur classe politique.

La « République irréprochable » promise en 2007 est attendue depuis trop longtemps. Nous devons la mettre en place très rapidement. Il ne nous reste que quelques mois pour agir, si nous ne voulons pas que les partis démocratiques, dans leur ensemble, soient sévèrement sanctionnés dans un peu plus d’un an. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà des dispositions qui reprennent les préconisations de certains rapports et ne posent pas véritablement de problème ou des dispositions concernant l’élection des députés représentant les Français résidant hors de France, que mes collègues aborderont tout de suite après moi, ces trois textes posent en fait une question importante qui trouve un écho certain dans l’opinion publique, relayé par les médias : les parlementaires sont-ils, oui ou non, des citoyens comme les autres ?

À entendre certains d’entre vous, chers collègues de la majorité, tel ne serait pas le cas. Pourtant, nous devons être soumis aux mêmes règles que les autres Français !

Une deuxième question, que j’évoquerai ensuite, est sous-jacente à ces textes : les sénateurs sont-ils des êtres à part au sein du Parlement ?

Mon collègue Alain Anziani a exposé longuement la position de notre groupe sur le premier point. Lorsqu’un parlementaire présente des documents inexacts sciemment, et donc de mauvaise foi, afin de cacher la vérité, cela s’appelle, tout simplement, un faux en écriture. Or ce dernier est puni par le code pénal.

Je sais bien – M. le rapporteur l’a souligné en commission – que le projet de loi relatif à l’élection des députés institue une nouvelle incrimination spécifique, destinée peut-être à clarifier la jurisprudence de la Cour de cassation, qui à mon avis est erronée, car une sanction aurait déjà été possible sur le chef du faux.

Toutefois, pourquoi prévoir des sanctions différentes ? Nous estimons qu’elles doivent être identiques pour tout le monde, avec la même peine d’emprisonnement ; nous déposerons d'ailleurs des amendements en ce sens, et le sort qui leur sera réservé conditionnera très largement notre vote sur ces textes.

Cette peine de prison ne serait vraisemblablement pas prononcée de façon ferme, mais elle montrerait que le parlementaire commettant un faux est jugé de la même manière que, par exemple, un chef d’entreprise – puisque vous vous référez souvent à ce modèle, chers collègues de la majorité ! –, qui déposerait de faux bilans ou ferait de fausses déclarations.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas pareil !

M. Jean-Pierre Michel. Si, monsieur le président de la commission. C’est exactement la même chose.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !

M. Jean-Pierre Michel. Si ces textes concernent surtout l’Assemblée nationale, un certain nombre de leurs dispositions renvoient au Sénat.

Au cours des travaux en commission, nous avons examiné plus particulièrement les aspects qui concernent notre assemblée. Nous sommes d'accord avec certaines de ces dispositions, qui permettent des avancées, comme l’obligation qui nous sera faite désormais de présenter un compte de campagne pour les élections sénatoriales.

Néanmoins, ce point suscite de ma part une affirmation et une question.

Premièrement, et j’y insiste ici, à quelques mois d’un renouvellement du Sénat, la loi interdit formellement à un élu de se servir des facilités que lui donne un mandat pour en briguer un autre.

Mme Nathalie Goulet. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Michel. Or, au sein de notre assemblée, de nombreux élus bénéficient des moyens matériels liés aux fonctions exécutives territoriales qu’ils cumulent avec leur mandat parlementaire. Il faut donc les avertir que la loi doit s’appliquer et qu’elle est de nature pénale.

Deuxièmement, comme l’a souligné également mon collègue Alain Anziani, se pose le problème de la réserve parlementaire. En la matière, je crois que nous devons arriver à une parfaite transparence, qui assure une véritable égalité entre nous. Même si nous pouvons accepter que ceux d’entre nous qui exercent des fonctions importantes bénéficient d’un « petit plus », la règle générale de la transparence doit être rappelée, me semble-t-il.

Par ailleurs, l’abaissement à 24 ans de l’âge d’éligibilité aux fonctions sénatoriales me semble un compromis acceptable qui, à mon avis, comme tous les compris, sera provisoire. En effet, l’âge de 18 ans est tout de même celui qui conditionne l’éligibilité à toutes les autres élections, y compris la présidentielle.

Il faut sans doute plus de sagesse et d’expérience pour être sénateur que Président de la République… Nous avons peut-être aujourd’hui une illustration in concreto de ce principe ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)