M. le président. L'amendement n° 85, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Première phrase

Remplacer les mots :

le procureur de la République peut autoriser

par les mots :

le juge des libertés et de la détention peut décider

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Si le présent projet de loi comporte une innovation, il s’agit de la présence de l’avocat lors des auditions et des confrontations. Toutefois, il est paradoxal que, une fois cette avancée – il faut bien la reconnaître – réalisée, le texte s’empresse de fixer un certain nombre de limites, de reculs, au nombre desquels figure la possibilité confiée à l’officier de police judiciaire et au procureur de la République de reporter la présence de l’avocat. Pour notre part, nous sommes opposés par principe à un tel report.

Cependant, si le futur droit commun doit comporter une dérogation, selon nous, celle-ci doit obéir à des règles particulières, respecter notamment celles de l’habeas corpus, et relever du juge des libertés et de la détention.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 117 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première et seconde phrases

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement, comme celui que vient de présenter M. Anziani, est en cohérence avec les positions que nous avons déjà soutenues relatives à la place que doivent occuper le juge des libertés et de la détention et le procureur de la République.

Sur le fond, reporter, à la demande du procureur de la République, la présence de l’avocat est un combat de retardement. Même si le Sénat puis l’Assemblée nationale acceptaient cette disposition, elle ne demeurerait pas longtemps, car elle irait à l’encontre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Nous considérons qu’il faut au moins que ce soit le juge des libertés et de la détention qui prenne une telle décision, d’une particulière gravité par rapport aux libertés individuelles.

Le présent projet de loi a pour objet premier d’assurer la présence de l’avocat lors de la garde à vue. Or sur demande du procureur de la République, cette présence pourrait être reportée pendant une durée de douze heures en raison de circonstances particulières, qui, fatalement, donneront lieu à interprétations, discussions et conflits. Je le répète, une telle mesure doit être à tout le moins entre les mains du juge des libertés et de la détention.

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5, première phrase

Après les mots :

celui-ci

insérer les mots :

, après autorisation du juge des libertés et de la détention,

II. - Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors que vous concédez une avancée en acceptant la présence de l’avocat, vous vous empressez de la contraindre en permettant de différer cette dernière. Une telle disposition est contraire à de nombreux avis émis par des instances non seulement européennes, mais aussi internes à notre pays.

Comme nous l’avons indiqué à de multiples reprises et comme le note très justement l’avis remis par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNDH, au Gouvernement le 6 janvier dernier, le texte aboutit à une confusion des rôles, alors même que la Cour européenne des droits de l’homme relève, dans son arrêt Medvedyev c. France, que « le magistrat doit présenter les garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public ». Selon la Cour européenne, l’autorité de poursuite ne peut donc pas être le juge devant lequel la personne privée de liberté est déférée pour juger de la légalité et de la nécessité de l’arrestation et de la privation de liberté.

Avec l’alinéa 5 de l’article 7 du projet de loi, le Gouvernement persiste en donnant le pouvoir au directeur de l’enquête de priver la personne placée en garde à vue d’un droit substantiel : celui d’être assistée d’un avocat dès le début de la procédure.

C’est pourquoi nous souhaitons que la mise en œuvre des dispositions dérogatoires à la présence de l’avocat soit au moins soumise au contrôle du juge des libertés et de la détention.

M. le président. L'amendement n° 166, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5, première phrase

Après les mots :

l'audition

insérer les mots :

ou la confrontation

et après les mots :

des auditions

insérer les mots :

ou des confrontations

II. - Alinéa 6

Après les mots :

d'audition

insérer les mots :

ou de confrontation

III. - Alinéa 8

Après les mots :

l'audition

insérer les mots :

ou la confrontation

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Il s’agit d’un amendement de coordination avec d’autres dispositions que nous avons examinées la semaine dernière.

Le texte initial du Gouvernement vise la présence de l’avocat lors des auditions. Considérant que ce qui se conçoit bien doit être énoncé clairement, nous estimons que si les auditions visent également les confrontations, il convient de prévoir ces dernières dans la future loi, afin d’éliminer toute ambiguïté, ce qui est le propre d’un bon texte.

M. le président. L'amendement n° 168, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer les mots :

de deux heures

par les mots :

d'une heure

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Il s'agit d’un amendement de pure coordination.

J’ai déjà eu l’honneur de défendre cette disposition devant le Sénat. J’espère qu’elle recevra aujourd'hui un accueil plus enthousiaste que la semaine dernière, le week-end étant passé depuis lors ! (Sourires. – M. le président de la commission des lois s’exclame.)

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 34 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 119 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 34.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je le répète, l’alinéa 6 de cet article introduit une exception au droit commun de la garde à vue en portant atteinte aux droits de la défense.

Monsieur le garde des sceaux, vous créez tellement d’exceptions au sein de ce droit commun que nous avons l’impression de traiter des régimes dérogatoires, qui existent par ailleurs.

Nous avons fait le constat que l’assistance effective de l’avocat ne serait pas assurée aux termes du projet de loi. Nous avons dénoncé le cantonnement de l’avocat dans un rôle de surveillant d’interrogatoire. Or, ici, on va même jusqu’à le priver de cette fonction !

En effet, cet alinéa donne au procureur de la République, à la demande de l’OPJ, l’officier de police judiciaire, le pouvoir d’empêcher l’avocat d’avoir accès aux procès-verbaux d’audition. Ainsi, le défenseur ne sera plus en mesure de contrôler le bon déroulement des auditions réalisées en son absence.

De plus, cet alinéa n’est pas clair. Retire-t-il par ailleurs à l’avocat le droit d’accéder au procès-verbal régi par l’article 10 du projet de loi ? Aux termes de cette dernière disposition, il est établi « un procès-verbal mentionnant […] les motifs justifiant le placement en garde à vue […]. La durée des auditions de la personne gardée à vue et des repos qui ont séparé ces auditions », ainsi que les fouilles intégrales éventuellement effectuées ou encore l’heure à laquelle la personne gardée à vue a pu s’alimenter.

Si cette interprétation était la bonne, la situation serait encore beaucoup plus grave, car l’avocat n’aurait aucun moyen de vérifier qu’aucune pression ou atteinte à la dignité n’a été exercée à l’encontre du gardé à vue.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 119 rectifié.

M. Jacques Mézard. Je le répète une fois de plus : nous avons malheureusement affaire ici à un texte qui, dans plusieurs de ses dispositions, est « défensif », non pas au sens où il accroîtrait les droits de la défense, hélas ! mais parce que l’on nous propose des solutions qui visent à gagner du temps.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pas du tout !

M. Jacques Mézard. Si, monsieur le garde des sceaux !

En effet, nous lisons à l’alinéa 6 que : « Le procureur de la République peut décider à la demande de l’officier de police judiciaire que, pendant la durée fixée par l’autorisation, l’avocat ne peut consulter les procès-verbaux d’audition de la personne gardée à vue. »

Mes chers collègues, on croit rêver ! En effet, compte tenu de la réalité des gardes à vue et du but affiché par ce projet de loi – respecter les décisions tant du Conseil constitutionnel que de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme –, que peut bien signifier une disposition permettant au procureur de la République d’empêcher, de fait, l’avocat de consulter les procès-verbaux de la personne qu’il est censé défendre ?

Pendant un certain nombre d’années, nous avons vécu sous un régime où la défense pouvait rencontrer la personne gardée en vue dans le cadre d’un entretien dit « de courtoisie ». (M. Roland Courteau s’esclaffe.)

Au demeurant, la courtoisie et la garde à vue ne faisaient pas toujours bon ménage, il suffit de lire certains récits relatifs à ces auditions pour s’en convaincre. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

À supposer même que ces « entretiens de courtoisie » aient existé, on voit mal comment un texte de cette nature peut permettre, aujourd'hui encore, au procureur de la République de décider – j’insiste sur ce terme –, à la demande de l’OPJ, que l’avocat ne pourra consulter les procès-verbaux d’audition de son propre client.

Ce n’est pas raisonnable ! Une fois encore, c’est la démonstration que l’on s’arc-boute sur des positions d’un autre temps, qui, de toute façon, aujourd'hui ou demain, seront balayées.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 86 est présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 120 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

procureur de la République

par les mots :

juge des libertés et de la détention

La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 86.

M. Alain Anziani. Franchement, chers collègues de la majorité, il faut tout de même veiller à ne pas tomber dans le ridicule. Je comprends que vous vouliez borner et border le rôle de l’avocat. Toutefois, au travers de cette disposition, vous allez empêcher le défenseur de lire le compte rendu des propos qu’a pu tenir son client.

On voit bien l’absurdité du système : le gardé à vue a fait certaines déclarations au cours de son audition, mais l’avocat n’a pu être présent. Or on empêche ce dernier de lire le procès-verbal.

Il faut tenir compte de la réalité, comme vient de le rappeler mon confrère Mézard. Or comment les choses se passeront-elles concrètement ? À l’évidence, dans la proximité créée au commissariat ou à la gendarmerie, un échange informel se produira à un moment ou à un autre entre le client et son avocat, et le premier racontera au second ce qu’il a déclaré pendant son audition.

Ainsi, le client aura le droit de relater ses propos à son avocat, mais celui-ci ne sera pas autorisé à lire les procès-verbaux de l’audition. Ici, nous ne sommes vraiment pas loin du ridicule.

M. Roland Courteau. Exactement ! C’est bien le mot.

M. Jean-Pierre Michel. Le ridicule ne tue pas.

M. Pierre-Yves Collombat. Jusqu’à présent !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 120 rectifié.

M. Jacques Mézard. Il s'agit d’un amendement de repli.

Nous venons d’exposer pourquoi le texte ne pouvait nous satisfaire et n’était pas cohérent avec l’objectif même du projet de loi. J’en appelle d'ailleurs à la sagesse non pas seulement de la Haute Assemblée, mais également de M. le garde des sceaux. Je le connais bien et je suis sûr que, très sagement, il acceptera les modifications qui sont ici proposées. (Sourires.)

À supposer que, dans certains cas, qui ne peuvent être que très peu nombreux, il existe une véritable raison pour empêcher l’avocat d’avoir accès au procès-verbal de l’audition de son propre client, une telle mesure, qui est manifestement, nous le savons tous, attentatoire aux droits de la défense, ne devrait relever que de la seule décision du juge des libertés et de la détention, le JLD.

Je rappelle une fois de plus que le procureur est partie poursuivante !

Si une partie vient interdire à une autre d’avoir accès aux pièces du dossier, c’est comme si, au cours d’une partie de cartes – et le cas de figure dont il s'agit ici est malheureusement beaucoup plus grave –, on privait de son jeu l’un des partenaires.

Ce n’est pas raisonnable. Une fois encore, c’est le signe que l’on s’arc-boute sur des positions qui sont strictement intenables, aussi bien sur la forme que sur le fond.

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. L’alinéa 7 de cet article prévoit que : « Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, la présence de l’avocat […] peut […] être différée, au-delà de la douzième heure, jusqu’à la vingt-quatrième heure, par décision écrite et motivée du juge des libertés et de la détention […]. »

Pour ma part, je rappellerai que la Cour européenne des droits de l’homme, comme d’autres juridictions d'ailleurs, a constamment affirmé le principe selon lequel les exceptions doivent toujours être motivées par les nécessités de l’enquête.

Si l’enquête révèle tel ou tel point qui rend nécessaire une plus grande vigilance, on peut comprendre qu’il y ait une exception, mais tel n’est pas le cas ici : nous sommes en présence d’une exception à une exception, qui est tirée uniquement de la durée de la peine, donc de la nature de l’infraction.

Or la Cour européenne des droits de l’homme exige que les procédures pénales spécifiques soient créées non pas selon la nature des infractions, naturellement, mais selon les nécessités de l’enquête.

M. le président. L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. Fouché, Doligé et Trillard, Mme Bout et MM. Cléach et Doublet, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à Mme Brigitte Bout.

Mme Brigitte Bout. L'abaissement de cinq ans à trois ans du quantum de peine requis afin de pouvoir différer la présence de l'avocat lors des auditions au-delà de la douzième heure permettra de répondre de manière plus satisfaisante aux besoins de l'enquête, en élargissant la catégorie d'actes qui peuvent justifier, au regard de leur gravité, cette nécessité de suspension temporaire des droits de la défense.

M. le président. L'amendement n° 118 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer le chiffre :

cinq

par le chiffre :

sept

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Aux termes du projet de loi, la présence de l’avocat aux auditions du client pourrait être repoussée jusqu’à la vingt-quatrième heure de la garde à vue par une décision écrite et motivée du JLD si la peine encourue est de cinq ans d’emprisonnement et plus. Nous proposons de fixer le quantum à sept ans.

En effet, une fois encore, il s'agit d’une restriction considérable qui est apportée aux droits de la défense. On peut accepter une telle procédure quand des raisons impérieuses l’exigent, quand apparaissent des éléments qui seraient de nature à influencer l’enquête. Toutefois, elle ne doit être réservée, selon nous, qu’aux infractions les plus graves, à supposer d'ailleurs que son principe puisse être admis.

C'est pourquoi nous proposons de relever de cinq à sept ans le quantum des peines visées. Ce seuil est significatif dans notre droit pénal, puisqu’il est celui à partir duquel peuvent s’appliquer, depuis le vote de la LOPPSI 2, les mesures de sûreté. S’il était retenu, il y aurait donc une cohérence entre le code pénal et le code de procédure pénale, puisque tel est l’objectif que nous visons, mais dont, hélas ! nous nous éloignons au fil des textes.

De surcroît, ce seuil serait plus conforme au principe de proportionnalité posé par le Conseil constitutionnel.

M. le président. L'amendement n° 89, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. L’alinéa 8 du présent article prévoit que, en cas de difficulté, lors d’une audition, l'OPJ informe le procureur de la République, qui peut en aviser le bâtonnier aux fins de désignation d'un nouvel avocat.

Cette disposition est superfétatoire, nous semble-t-il. En effet, des règles existent d'ores et déjà dans un tel cas de figure. Dès lors qu’une difficulté apparaît lors d’une audience, nous savons quelle est la procédure qui s’applique, et c’est le bâtonnier qui, in fine, intervient.

Nous proposons que cette procédure de droit commun s’applique également aux auditions lors de la garde à vue.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 121 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après les mots :

le procureur de la République qui informe,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

s’il y a lieu, le bâtonnier. Ce dernier statue conformément aux règles déontologiques qui régissent la profession.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. L’alinéa 8 de cet article dispose : « L’audition est menée sous la direction de l’officier ou de l’agent de police judiciaire qui peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s’il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d’un autre avocat. »

Nous proposons de modifier la rédaction de la fin de cet alinéa, en prévoyant que le procureur de la République avise « s’il y a lieu, le bâtonnier. Ce dernier statue conformément aux règles déontologiques qui régissent la profession. »

En effet, avec la rédaction actuelle de l’alinéa, la partie poursuivante peut dire à son contradicteur : « Vous ne me convenez pas, donc vous dégagez – le mot est à la mode, mes chers collègues ! – et on vous remplace ». Or si le procureur peut effectivement transmettre au bâtonnier toutes les informations utiles, il ne lui appartient pas, selon nous, d’apprécier si un autre avocat doit être désigné.

Tout d'abord, il revient fondamentalement à la partie qui se trouve en garde à vue de choisir son défenseur.

Ensuite, il existe une tradition en la matière : seul le bâtonnier de chaque ordre est habilité à apprécier s’il y a eu violation des règles de déontologie de la profession, pour prendre, le cas échéant, les mesures qui s’imposent.

Tel est le sens de cet amendement, qui vise à ôter au procureur de la République la compétence de solliciter la désignation d’un autre avocat.

Mes chers collègues, on ne perturbe pas un jeu équilibré ! La partie poursuivante possède un certain nombre de droits. Elle ne doit pas avoir celui de choisir, selon le déroulement de la garde à vue, l’avocat dont elle demandera le dessaisissement, parce qu’il est trop compétent, trop combattif ou pour toute autre raison.

En outre, cette disposition révèle une suspicion tout à fait désagréable envers le barreau, me semble-t-il.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Tout d’abord, concernant l’amendement n° 9 rectifié bis, si cet amendement était adopté, il marquerait un retrait par rapport au droit en vigueur. En effet, aujourd'hui, la personne gardée à vue peut s’entretenir avec un avocat pendant une durée maximale de trente minutes. Dans mon esprit et dans celui des membres de la commission, reporter la présence de l’avocat à la douzième heure de la garde à vue représenterait un recul. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement no 85 – mon avis vaudra également pour les amendements nos 117 rectifié et 33 – prévoit que l’autorisation de report de l’intervention de l’avocat relève du juge des libertés et de la détention en lieu et place du procureur de la République. Je me suis déjà expliqué à plusieurs reprises tant au cours de nos débats la semaine dernière qu’en commission sur les raisons pour lesquelles nous souhaitons maintenir l’intervention du procureur de la République à ce stade de la garde à vue. J’émets donc un avis défavorable. J’ajoute que l’amendement n° 174 rectifié que j’ai exposé voilà quelques instants et qui, je l’espère, sera adopté, vise à réécrire les alinéas 5 à 7 de l’article 7 et donne, à mon avis, des garanties supplémentaires à la personne gardée à vue.

J’en viens à l’amendement n° 166. Les deux premières parties de cet amendement, c'est-à-dire les paragraphes I et II visant respectivement l’alinéa 5 et l’alinéa 6 du texte, me paraissent satisfaites. En revanche, j’émets un avis favorable sur le paragraphe III tendant à insérer, à l’alinéa 8, les mots « ou la confrontation » après le mot « audition ».

S’agissant de l’amendement n° 168, lorsque vous l’avez exposé, monsieur le garde des sceaux, vous pressentiez déjà l’avis défavorable de la commission, qui, j’espère, sera suivie par le Sénat.

Vous avez dit que c’était un amendement de coordination. Or, pour notre part, nous ne souhaitons pas réduire de deux heures à une heure le délai pendant lequel les services de police ne peuvent commencer le premier interrogatoire de la personne gardée à vue sans la présence d’un avocat. Nous voulons laisser deux heures à l’avocat pour arriver sur le lieu de la garde à vue. Sans revenir sur l’ensemble des explications que nous avons développées, je rappelle simplement que l’une de nos motivations est que nous entendons maintenir des brigades de gendarmerie de plein exercice sur tout le territoire national, y compris lorsqu’elles sont situées à plus d’une heure de route du siège du tribunal de grande instance.

Les amendements identiques nos 34 et 119 rectifié tendent à autoriser l’accès de l’avocat au procès-verbal d’audition pendant la durée où la présence de ce dernier a été différée. La commission estime que, par cohérence, la consultation des procès-verbaux doit être également différée. L’avis est donc défavorable.

Il est également défavorable sur les amendements identiques nos 86 et 120 rectifié, qui visent à substituer le juge des libertés et de la détention au procureur de la République s’agissant de la décision de priver l’avocat de sa possibilité de consulter les procès-verbaux d’audition. J’ai déjà expliqué à plusieurs reprises les raisons de la position de la commission à cet égard.

Sur l’amendement n° 88, qui a pour objet de supprimer la possibilité pour le procureur de la République de différer la présence de l’avocat jusqu’à la vingt-quatrième heure lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, j’émets un avis défavorable.

Quant aux auteurs de l’amendement n° 101 rectifié, ils souhaitent ramener de cinq ans à trois ans le quantum de peine requis pour différer la présence de l’avocat de la douzième à la vingt-quatrième heure. En l’occurrence, ce serait rompre un équilibre que la commission a souhaité établir et ouvrir la porte à beaucoup trop de cas dans le cadre d’une procédure que nous voulons exceptionnelle. L’avis de la commission est donc défavorable.

De même, il est défavorable sur l’amendement n° 118 rectifié qui, à l’inverse, vise à restreindre davantage le droit de report de l’intervention de l’avocat. Le seuil retenant les infractions punies de cinq ans d’emprisonnement nous paraît correct pour autoriser ce report.

L’amendement n° 89 vise à supprimer l’alinéa 8 relatif à la discipline des auditions. C’est une disposition que nous avons introduite dans un souci d’apaisement. Au cas où vous auriez été convaincu par la rédaction que nous avons retenue, je vous serais reconnaissant de retirer votre amendement et c’est avec plaisir que je vous entendrai le faire. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement n° 121 rectifié soulève un vrai problème. Vos interrogations, que je comprends bien, monsieur Mézard, s’inspirent certainement d’une expérience professionnelle. Il s’agit de laisser au bâtonnier le soin d’apprécier s’il faut ou non un autre conseil.

Il est vrai que cette thèse peut se défendre dans la mesure où c’est le gardé à vue qui apprécie s’il veut ou non un conseil et, dans l’affirmative, le choisit lui-même.

D’un autre côté, monsieur Mézard, nous ne sommes pas au début de la procédure. Au moment où, selon le texte, le bâtonnier est saisi par le procureur de la République, un avocat a déjà été désigné. Cela signifie donc bien que le gardé à vue souhaitait être assisté par un avocat.

C’est parce que l’avocat désigné a un comportement qui ne permet pas de mener la garde à vue dans des conditions satisfaisantes que le procureur peut décider de s’en remettre au bâtonnier pour que celui-ci désigne un autre avocat. Dans ces circonstances, il me paraît nécessaire que le gardé à vue, qui n’est pas forcément responsable de l’attitude de son avocat, puisse bénéficier de la présence d’un autre avocat. Il est normal que le bâtonnier désigne ce dernier, dans le respect des règles déontologiques propres à la profession. À l’évidence, il ne désignera pas n’importe quel avocat. L’essentiel est qu’il le fasse, et ce sera une bonne chose.