Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 158 rectifié, 159 rectifié et 25 rectifié. Si j’ai regroupé ces amendements, c’est parce que, selon la logique qui prévaut, c’est le constat d’une infertilité médicalement constatée qui reste la condition d’accès à l’AMP. Or ces trois amendements visent, d’une certaine façon, à modifier la frontière entre ce qui relève, d’une part, du domaine médical et, d’autre part, du domaine sociétal.

Le Gouvernement n’est pas prêt à suivre les auteurs des amendements sur cette voie. J’entends bien l’argumentation, j’entends bien la logique, mais ce n’est pas la nôtre.

Madame Payet, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 140 rectifié. Nous avons souhaité supprimer toute référence à une demande parentale, parce que l’AMP est bien une réponse médicale à un problème médical.

Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 6 rectifié ter, 141 rectifié et 122 rectifié, car ils visent à rétablir la proposition initiale du Gouvernement.

En revanche, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 7 rectifié ter et 26.

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je soutiens évidemment ces amendements, en particulier l’amendement n° 25 rectifié, que j’ai cosigné, car il va dans le sens de l’évolution des réalités sociales et sociétales.

L’aide médicale à la procréation devrait permettre à des personnes à l’origine d’un projet parental d’être aidées, que le couple soit ou non composé de personnes de sexe différent.

L’infertilité médicale ne devrait pas, en effet, être la seule donnée prise en compte dans l’accès à l’aide médicale à la procréation et ces techniques devraient également être accessibles aux couples souffrant d’infertilité « sociale ».

En effet, chaque année de nombreux couples de femmes se rendent en Belgique, aux Pays-Bas ou en Espagne, où elles ont recours à des techniques d’insémination inaccessibles en France aux couples composés de personnes de même sexe.

La méthode est à ce point devenue populaire que, en Belgique, les cliniques de fertilité ont dû mettre en place différents dispositifs réservés aux couples de femmes françaises. Le corps médical belge exerçant dans ces cliniques en appelle fréquemment au législateur français afin qu’il intervienne dans ce domaine !

S’il était adopté, cet amendement permettrait d’éviter à ces couples de se rendre en Belgique ou aux Pays-Bas pour concevoir ce que l’on appelle des « bébés Thalys », expression malheureuse née des insuffisances du droit français, lequel ne permet pas à ces femmes d’avoir recours en France à l’aide médicale à la procréation.

Cet amendement vise en fait à combler le décalage qui existe aujourd'hui entre le droit français et la réalité. En outre, il va dans le sens souhaité par Mme Valérie Pécresse, qui, dans un rapport d’information sur la famille et les droits des enfants publié le 22 janvier 2006, considère qu’il faut de plus en plus prendre en compte les nouvelles formes de familles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Mme Raymonde Le Texier. Mon explication de vote portera en particulier sur l’amendement n° 26, qui tend à supprimer notamment l’alinéa 6 de l’article 20.

La précédente loi relative à la bioéthique prévoyait qu’un couple, s’il n’était ni marié ni pacsé, devait justifier de deux ans de vie commune avant d’entamer une procédure de procréation médicale assistée. Aujourd’hui, il lui est demandé « d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité ».

Cette formulation ne devrait pas simplifier la vie des couples entreprenant le parcours du combattant que constitue la procréation médicalement assistée.

Le plus souvent, il est demandé aux couples vivant en union libre de fournir un certificat de vie commune afin de satisfaire à l’obligation posée par la loi.

Le problème est que, depuis la parution, en 2000, du décret de simplification administrative, les mairies ne sont plus obligées de délivrer ce type de certificat. Une déclaration sur l’honneur, contresignée par deux témoins, est suffisante pour entamer une démarche de procréation médicale assistée. Si le centre de PMA se montre exigeant, il faut alors faire authentifier les signatures, et non le contenu du document, en mairie.

Cela représente beaucoup de dérangement pour un papier dont la valeur juridique est nulle !

Alors, que révèle une telle exigence ? A-t-on peur de ces couples qui n’ont besoin d’aucune formalité pour se constituer et même pour durer, ce que la société accepte sans trop de problème ? Certains représentants de la Nation mèneraient-ils un combat d’arrière-garde pour discréditer ce mode d’union ?

Certains de nos collègues continuent de préférer au PACS le mariage pour autoriser l’accès à la PMA, mais je rappelle que – n’y voyez aucune provocation de ma part, j’ai le même conjoint depuis cinquante et un ans ! (Sourires), en région parisienne, un mariage sur deux se termine, plus ou moins rapidement, par un divorce. En province, c’est le cas de deux mariages sur trois. Peut-être faudrait-il donc revoir un peu nos critères !

La loi n’a pas vocation à sonder les reins et les cœurs. Hors mariage ou PACS, un couple n’en est pas moins légitime. Il ne devrait donc pas avoir à supporter de telles tracasseries, inutilement inquisitrices et maladroitement moralisatrices.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon intervention portera sur les amendements nos 158 rectifié, 159 rectifié et 25 rectifié.

Je voterai ces amendements, même si, il faut en être conscient, ils ne suffiront pas à régler la question de l’homoparentalité. Je rappelle que, à l’heure actuelle, l’adoption par des couples homosexuels n’est pas possible.

J’ai personnellement déposé, avec plusieurs membres du groupe CRC-SPG, une proposition de loi visant à autoriser l’adoption par un couple homosexuel, même si je doute fort qu’il y ait au Sénat une majorité pour la voter.

Une réflexion sur l’homoparentalité me semble nécessaire. Certains d’entre nous l’ont déjà entamé, en prenant en compte les expériences menées de longue date. Le dépôt de ces amendements est donc logique, mais je tiens à attirer l’attention sur le fait qu’il ne peut y avoir deux poids deux mesures. Il faut une certaine logique. Je suis donc favorable à l’adoption pour les couples composés de personnes du même sexe.

L’article 20 prévoit que, à défaut d’être marié ou pacsé, un couple doit apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité.

Pour ma part, je trouve qu’instaurer un délai n’est pas particulièrement productif. Un couple peut en effet se séparer peu après avoir dépassé le délai de deux ans. Par ailleurs, il peut être difficile d’apporter la preuve que l’on est un couple stable. Enfin, je trouve qu’une telle procédure est un peu inquisitrice.

Cela étant dit, je suis favorable à une certaine harmonisation avec la procédure d’adoption. Dans ce cas également, un couple doit apporter la preuve qu’il est stable.

À ceux qui refusent aux couples pacsés l’accès à la PMA ou à d’autres dispositifs, – en fait, ils refusent le PACS, il faut être clair ! –, je précise que, en cas de séparation, que le couple soit marié, pacsé ou qu’il vive en union libre, la garde des enfants se règle de la même façon. Dire le contraire est hypocrite. En outre, le mariage n’est pas une garantie de non-séparation. Il ne faut donc pas particulièrement s’inquiéter, comme le faisait M. Retailleau, du sort des enfants parce que les parents ne se sont pas passés à la mairie ou à l’église !

Mme la présidente. La parole est à Mme Roselle Cros, pour explication de vote.

Mme Roselle Cros. Je voterai l’amendement n° 122 rectifié, car il me paraît être un amendement d’équilibre. C’est celui qui garantit le mieux l’accueil dans un milieu stable, au sein d’un couple ayant eu un certain temps pour se construire – même si, je le sais, deux ans, c’est peu –, car la petite enfance a besoin d’une certaine stabilité. Par ailleurs, le dispositif proposé tient compte des évolutions et des demandes de la société, le PACS étant, il est vrai, devenu la solution pour de nombreux couples.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Je ne suis pas membre de la commission des affaires sociales et j’ai donc une connaissance du texte peut-être moins approfondie que d’autres.

Monsieur le rapporteur, l’alinéa 6 de l’article 20 ouvre la PMA aux couples « mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité ». Vous visez donc également les concubins.

Les amendements de M. Godefroy et de M. Collin sont très sympathiques, mais je rappelle tout de même que l’article 515-5 du code civil prévoit que, dans le PACS, l’on ne peut faire de distinction entre les couples, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels. Dès l’instant qu’ils sont pacsés, tous les couples ont les mêmes droits. À cet égard, je vous renvoie aux travaux préparatoires de la loi relative au pacte civil de solidarité. Il ne faut donc pas faire de distinction.

D’ailleurs, lorsque nous avons récemment examiné ici la proposition de loi autorisant l’adoption par les partenaires liés par un pacte civil de solidarité que j’ai déposée, Mme Des Esgaulx, dont je regrette l’absence cet après-midi,…

Mme Marie-Thérèse Hermange. Elle avait des obligations !

M. Jean-Pierre Michel. … l’avait bien compris : autoriser l’adoption par les couples pacsés, c’était la permettre aux couples pacsés hétérosexuels, qui sont les plus nombreux aujourd’hui, mais également aux couples pacsés homosexuels.

D’un point de vue légal, il est donc faux de prétendre que les couples pacsés homosexuels ne pourraient pas avoir accès à la PMA.

Je le répète : il ne peut y avoir aucune discrimination entre les couples pacsés, quel que soit le sexe des membres du couple, comme le prévoit l’article 515-5 du code civil et comme le montrent les travaux préparatoires de la loi relative au PACS, auxquels je vous renvoie.

Je n’étais malheureusement pas présent lors des travaux de la commission des lois, mais je m’étonne que l’on ait pu naviguer à vue sur ce terrain.

Pour moi, le texte du rapporteur est clair : peuvent avoir accès à la PMA les couples mariés, tous les couples pacsés, quel que soit le sexe des membres du couple, ainsi que les couples vivant en union libre ou en concubinage et en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Monsieur Michel, l’article 20 prévoit en effet que peuvent accéder à la PMA les couples « mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité. » Mais ses dispositions complètent en fait l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, qui prévoit, lui, que la PMA concerne « l’homme et la femme formant le couple » - « l’homme et la femme », monsieur Michel, là est le problème.

Mais je m’exprimerai à titre personnel au moment du vote.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Il est précisé dans ce même article que la finalité de l’AMP est thérapeutique. Dès lors, il n’est possible d’y avoir recours qu’en cas d’infertilité. Or tel n’est pas le cas dans la situation que vous évoquez, monsieur Michel.

Certes, on peut modifier la finalité de l’AMP et décider qu’elle est possible pour convenance personnelle. Dès lors, tout est ouvert. Le problème est que, aujourd'hui, la finalité de l’AMP est thérapeutique.

M. Jean-Pierre Michel. Nous saisirons donc très prochainement le Conseil constitutionnel de cette contradiction entre le code de la santé publique et le code civil, au titre d’une question prioritaire de constitutionnalité ! (Mme Marie-Thérèse Hermange s’exclame.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 158 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 159 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote sur l’amendement n° 25 rectifié.

M. Alain Milon. Après avoir rappelé que la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 25 rectifié, j’indique que, en raison de mes convictions personnelles, je voterai cet amendement, car le dispositif qu’il vise à introduire semble être le plus complet, le plus exact et le plus conforme à la réalité de la société française.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 6 rectifié ter et 140 rectifié, les amendements identiques nos  7 rectifié ter et 26, ainsi que les amendements nos 141 rectifié et 122 rectifié n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)

Article 20
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 20 ter (Nouveau)

Article 20 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. L’article 20 bis a été supprimé par la commission.

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 47 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

L'amendement n° 73 est présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, M. Yung, Mmes M. André, Boumediene-Thiery et Bourzai, MM. Mazuir, Andreoni, Berthou, Cazeau, Frécon, Frimat, Madec, Marc et Signé, Mme Laurent-Perrigot et M. Courteau.

L'amendement n° 115 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - La seconde phrase du dernier alinéa de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique est remplacée par trois alinéas ainsi rédigés :

« Font obstacle à l'insémination ou au transfert des embryons le dépôt d'une requête en divorce ou en séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du consentement par l'homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l'assistance médicale à la procréation.

« Fait obstacle à l'insémination le décès d'un des membres du couple.

« Le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l'homme dès lors que celui-ci a donné par écrit son consentement à la poursuite de l'assistance médicale à la procréation dans l'éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu'il s'engage dans le processus ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu'au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l'Agence de la biomédecine. La naissance d'un ou de plusieurs enfants à la suite d'un même transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert. La femme doit bénéficier dans ce cadre d'un accompagnement personnalisé. Elle peut à tout moment renoncer au transfert. Son mariage ou son remariage fait obstacle à la réalisation de ce transfert d'embryons. »

II. - L'article L. 2141-11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une information adaptée est remise à l'intéressé, au titulaire de l'autorité parentale ou au tuteur sur les conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation, en particulier sur le fait que le décès d'un des membres du couple fait obstacle à l'insémination. »

III. - Le titre VII du livre Ier du code civil est ainsi modifié :

1° La section 3 du chapitre Ier est ainsi modifiée :

a) À la première phrase du troisième alinéa de l'article 311-20, après le mot : « décès, », sont insérés les mots : « hormis dans le cas mentionné à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, » ;

b) Il est ajouté un article 311-20-1 ainsi rédigé :

« Art. 311-20-1. - Le consentement écrit donné par un homme à la poursuite éventuelle par sa concubine, postérieurement au décès de celui-ci, de leur projet parental vaut reconnaissance de l'enfant né du transfert des embryons du couple si ceux-ci ont été conçus et transférés dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation réalisée dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique.

« Le consentement ainsi donné interdit toute action en contestation de filiation ou en réclamation d'état, à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de la procréation médicalement assistée ou que le consentement a été révoqué. » ;

2° Après l'article 314, il est inséré un article 314-1 ainsi rédigé :

« Art. 314-1. - Si l'enfant est inscrit sans l'indication du nom du mari et n'a pas de possession d'état à l'égard de ce dernier, la présomption de paternité n'est toutefois pas écartée lorsqu'il est établi que le décès du mari est intervenu postérieurement à un processus d'assistance médicale à la procréation ayant donné lieu à la conception d'embryons pendant la durée du mariage, que l'intéressé a donné par écrit son consentement à une gestation intervenant après son décès et que la mère a bénéficié postérieurement à celui-ci d'un transfert des embryons dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique. »

IV. - Le titre Ier du livre III du même code est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier est complété par des articles 724-2 à 724-5 ainsi rédigés :

« Art. 724-2. - Par dérogation à l'article 725, l'enfant né à la suite d'un transfert d'embryons réalisé après le décès du père dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique est appelé à la succession du défunt qui a donné par écrit de son vivant son consentement à la mise en œuvre d'un tel processus d'assistance médicale à la procréation.

« Art. 724-3. - Le président du tribunal de grande instance peut, à la requête de tout intéressé, compte tenu de la consistance du patrimoine et de la nature des actes à accomplir, confier à un administrateur la gestion de la succession du défunt lorsque celui-ci a donné le consentement mentionné à l'article 724-2 et qu'il subsiste des embryons conçus de son vivant dans le cadre d'un projet parental.

« L'administrateur exerce sa mission pendant les dix-huit mois qui font suite au décès. Il est mis fin à tout moment à la mission de l'administrateur dans les cas suivants :

« - lorsque la femme renonce à la poursuite du processus d'assistance médicale à la procréation dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique ;

« - dès lors qu'est constatée une naissance résultant du transfert d'embryons mentionné à l'article 724-2 du présent code ou une grossesse résultant de la dernière tentative possible d'un tel transfert ;

« - ou lorsqu'est constaté l'échec de la dernière tentative possible de transfert d'embryons dans les conditions prévues à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique.

« Art. 724-4. - L'administrateur est tenu de faire inventaire dans les formes prescrites pour l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net.

« Art. 724-5. - L'administrateur accomplit tous les actes de conservation et d'administration de la succession et exerce les pouvoirs de représentation prévus au premier alinéa de l'article 1873-6. Toutefois, aucun acte de disposition ne pourra intervenir durant sa mission, à l'exception de ceux qui sont effectués pour les besoins d'une exploitation normale des biens indivis ou pour la conservation de choses sujettes à dépérissement et de ceux qui sont autorisés par le juge des tutelles, aux prix et stipulations qu'il détermine.

« L'administrateur exerce ses pouvoirs alors même qu'existe un mineur ou un majeur faisant l'objet d'une mesure de protection légale parmi les héritiers ou successeurs. Les décisions qui excèdent les pouvoirs de l'administrateur donnent lieu à l'application des règles de protection prévues en faveur du mineur ou du majeur protégé. » ;

2° L'article 815 est ainsi modifié :

a) À la fin, les mots : « ou convention » sont remplacés par les mots : «, convention ou par l'effet de la loi » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L'indivision est maintenue de plein droit lorsque le défunt a donné par écrit son consentement à la poursuite du processus d'assistance médicale à la procréation après son décès, prévu à l'article L. 2141-2 du code de la santé publique, et lorsqu'il subsiste des embryons dont la conception avait été décidée par le couple dans le cadre d'un projet parental. Ce sursis prend fin dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 724-3 du présent code. »

La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 47 rectifié.

M. Yvon Collin. Cet amendement prévoit tout simplement de rétablir l’article 20 bis tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale et qui autorisait le transfert post mortem d’embryons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l’amendement n° 73.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les signataires de l’amendement et moi-même souhaitons en effet rétablir l’article 20 ter, qui permet le transfert d’embryons après la mort du père. Ceux qui sont hostiles à un tel transfert n’ont d’autre argument – mais est-ce bien un argument ? - que l’enfant orphelin dont ils brandissent le spectre.

L’obstacle majeur à une pratique qui serait au demeurant rarissime et exceptionnelle viendrait donc de l’idée que l’on ferait ainsi naître volontairement un enfant orphelin.

Avant d’aborder le cœur de notre amendement, je voudrais tout de même procéder à quelques rappels.

Mes chers collègues, depuis que l’espèce humaine existe, il est toujours né beaucoup d’enfants orphelins de mère, et il en naît toujours beaucoup là où la mortalité en couches continue de faire des ravages chez les femmes. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Je constate que, depuis des millénaires, la perspective de voir un enfant naître orphelin de mère n’a jamais empêché les sociétés de croître et les humains de procréer.

Mais, dans le tréfonds de notre mémoire d’espèce, être orphelin de mère serait peut-être moins grave qu’être orphelin de père…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les orphelins de guerre ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. En tout cas, nos sociétés ne barguignent pas quand il s’agit de transformer des fils et des filles en orphelins de père. Bien des enfants nés au début du siècle dernier en France et en Allemagne auraient préféré garder leur père, mais la société, qui a envoyé dans l’enfer des tranchés ou des camps des millions de pères de famille, n’a guère eu de scrupules à les en priver.

Face à ces réalités historiques, mais aussi sociologiques, sachant au surplus qu’avoir père et mère n’est pas la garantie d’une enfance heureuse, comme en témoignent les romans de Jules Vallès, de Jules Renard ou même de Stendhal, ne faisons pas du fait d’être orphelin d’un de ses deux parents un obstacle absolu à cette pratique du transfert d’embryons et sachons examiner le problème sans tomber dans le mélodrame.

Quelle est la situation qui se présente à nous ? Celle d'un couple que la nature a privé des capacités de donner naissance à un enfant et qui a reporté ses espoirs vers le palliatif de l'assistance médicale à la procréation.

Ce couple n'était déjà plus tout jeune. Il a fallu le temps de reconnaître l'infertilité, de tenter de la soigner, d'hésiter entre l’assistance médicale à la procréation et l'adoption, sans parfois avoir trouvé d'enfant adoptable malgré des années de recherche. La fécondation in vitro a permis d'obtenir des embryons. Le projet parental a pris forme. Des tentatives d'implantation ont été effectuées. Et voilà qu'une maladie atteint le père, et le pronostic vital est engagé. En accord avec son épouse ou sa compagne, le père souhaite poursuivre les tentatives d'implantation après sa mort ; il donne son consentement par écrit.

L’amendement que nous proposons tend précisément à permettre le transfert d’embryons post mortem et à l’encadrer dans des limites temporelles, en préservant la liberté de chacun et en réglant les questions relatives tant à la filiation de l’enfant qu’à la succession du père.

Mme la présidente. L’amendement n° 115 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 47 rectifié et 73 ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les deux amendements identiques, puisqu’elle a supprimé le transfert post mortem introduit par l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Sur les deux amendements identiques, la commission des lois a également émis un avis défavorable. Permettez-moi d’apporter quelques détails sur nos motivations.

Quatre arguments sont généralement invoqués pour défendre la levée de l’interdiction : d’abord la nécessité de poursuivre le projet parental ; ensuite, le fait que les embryons concrétisent le projet parental en lui permettant de survivre au décès de l’un des membres du couple. Le transfert post mortem serait ainsi la seule solution pour lui permettre d’aboutir.

Cet argument devrait alors également conduire à autoriser, par dérogation, la gestation par autrui, lorsque la femme est décédée, pour permettre la naissance de l’enfant qu’elle souhaitait avoir avec son compagnon.

En outre, le fait que le couple puisse à tout moment interrompre l’assistance médicale à la procréation en se séparant ou en révoquant son consentement, même après la création de ces embryons, montre bien que la survie du projet parental dépend avant tout de la survie du couple lui-même, ce couple qui doit accueillir l’enfant dans une famille constituée.

Le troisième argument avancé tient à l’absence de différence entre le décès survenant avant l’implantation et le décès survenant au cours de la grossesse. Or il y a bien entre ces deux situations une différence majeure. Dans un cas, l’enfant est conçu avant le décès et devient orphelin en raison d’un accident de la vie ; dans l’autre, on décide volontairement de le faire naître orphelin en mobilisant les moyens médicaux nécessaires.

Enfin, le dernier et principal argument avancé est celui de la détresse de la femme, soumise à un choix impossible sur la destinée des embryons du couple : accepter qu’ils soient détruits, qu’ils servent à la recherche scientifique, ou qu’ils soient donnés à un autre couple. Un tel argument, compassionnel, est éminemment respectable. Cependant, il ne saurait guider exclusivement le législateur lorsqu’il a pour conséquence une remise en cause majeure de principes et de garanties essentielles.

La commission des lois a jugé nécessaire de maintenir l’interdiction du transfert post mortem d’embryons, en rappelant que l’intérêt de l’enfant devait prévaloir. Or il est de son intérêt de ne pas naître orphelin. Si la vie et ses accidents font parfois peser sur des enfants le fardeau du deuil d’un père qu’ils n’ont pas connu, il n’est pas souhaitable que la société mobilise les technologies médicales pour placer en connaissance de cause l’enfant dans une telle situation.

Le but légitime de l’assistance médicale à la procréation est de donner naissance à l’enfant dans une famille constituée d’un père et d’une mère qui pourront l’élever. Le décès de l’un des deux avant l’achèvement du processus de procréation médicalement assistée annihile le projet parental parce que l’un des parents n’est plus, et que tous les soins et l’amour du second n’y suppléeront pas.

Il est d’ailleurs paradoxal qu’au moment où l’on rappelle que le père est celui qui est présent auprès de l’enfant et l’élève, on consacre la figure d’un père défunt lié à son enfant par un lien biologique et par le projet parental conçu avec la mère.

L’intérêt de l’enfant est aussi d’échapper au poids du deuil et d’avoir une enfance comme les autres enfants. Or l’histoire originelle des enfants nés d’un transfert post mortem d’embryons serait impossible, puisqu’un mort ne peut procréer. La simple comparaison, dans le livret de famille, des dates de décès du père et de naissance de l’enfant, qui pourront être distantes de plus de deux ans, manifestera la réalité de cet engagement impossible.

En outre, le risque que l’enfant soit désiré comme un remède au deuil n’est pas nul.

Le transfert d’embryons post mortem constitue par ailleurs une transgression majeure de la finalité de l’assistance médicale à la procréation, dont le but ne peut être que de remédier à une infertilité pathologique médicalement constatée et non de pallier le décès de l’un des membres du couple, même s’il s’était engagé pour un protocole à ce premier titre.

Le dispositif dérogatoire proposé pour autoriser le transfert est, de l’avis de toutes les personnes compétentes entendues, particulièrement complexe et juridiquement très incertain.

À titre d’exemple, le mariage ou le remariage de la femme interdit le transfert d’embryons, mais pas le fait de se mettre en ménage avec un autre homme. Doit-on prendre le risque d’une déstabilisation aussi importante de principes de notre droit et de règles incontestées par ailleurs, pour un nombre si faible de cas, à peine un par an ?

Enfin, cette autorisation est susceptible d’ouvrir la voie à des procréations envisagées dans un contexte de mort prévisible ou imminente, ce qui n’est évidemment pas souhaitable. Elle poserait aussi la question de l’insémination posthume.

C’est pour l’ensemble de ces raisons, d’ordre à la fois pratique, éthique et juridique, que la commission des lois a considéré qu’il n’était pas souhaitable de remettre en cause l’interdiction du transfert posthume d’embryons.