M. François Marc, auteur de la proposition de loi. Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas encore le cas !

M. Philippe Dominati, rapporteur. Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des finances n’est pas favorable à cette proposition de loi. Elle vous invite donc à rejeter chacun de ses articles, et l’ensemble du texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc de la commission.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord d’excuser Mme Christine Lagarde, privée du plaisir d’être parmi vous ce matin par un impératif consécutif à une décision du président de la République : un impératif lié, justement, à la mise au point du projet de loi dont vous débattrez très prochainement. Les autres membres de son équipe ayant déjà prévu des déplacements, on m’a demandé de la remplacer aujourd’hui. J’espère que vous ne lui en tiendrez pas rigueur. Mais, comme vous le savez, le Gouvernement ne parle que d’une seule voix.

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. Ah bon…

Mme Nicole Bricq. Pas tout à fait ! On a cru comprendre, à propos de la prime, qu’il y avait de l’eau dans le gaz !

M. Patrick Ollier, ministre. Je vais essayer de me souvenir que, pendant dix ans, je fus à l’Assemblée nationale le président de la commission des affaires économiques, et que – M. Patriat le sait – nous y avons aussi, pendant des années, abordé les problèmes des entreprises.

Je voudrais commencer par quelques remarques sur la politique économique et fiscale du Gouvernement.

Les questions posées par M. Marc sont légitimes.

M. Patrick Ollier, ministre. Je pense qu’il est en effet légitime, sur le principe, de débattre de la restriction du mitage, de l’amélioration de la justice fiscale et de la manière d’encourager l’investissement.

Je suis heureux de constater que vous souscrivez à une grande partie de la politique du Gouvernement, qui consiste justement à favoriser l’investissement des entreprises. La majorité est en effet convaincue que, en favorisant l’investissement, on favorise l’emploi.

Depuis la crise qui a frappé non seulement la France et l’Europe, mais également le monde entier, l’obsession du Gouvernement est de favoriser l’investissement et le développement des entreprises : nous savons que cette méthode permet – ce n’est pas si facile que cela – de favoriser la création de valeur ajoutée, de richesses, et donc d’emplois.

À vous qui avez permis l’organisation de ce débat, monsieur Marc, je vais essayer de répondre de la manière la plus précise possible.

Mais je voudrais d’abord vous faire remarquer que, si vous parlez avec raison des 293 niches fiscales bénéficiant aux entreprises dans le projet de loi de finances pour 2010, 252 d’entre elles existaient en 1997 et ont continué d’exister jusqu’en 2002 : si le groupe socialiste trouve injuste de procéder de la sorte à l’égard des entreprises, pourquoi avoir laissé subsister toutes ces niches pendant cinq ans ? Depuis 2002, 45 niches ont été créées, quand il en existait 252 à l’époque de M. Jospin, soit une augmentation de seulement 15 %.

Je voulais simplement rappeler, pour la vérité des chiffres et la clarté du débat, qu’il vous faut aussi vous livrer à une introspection afin de savoir pourquoi, à l’époque, vous n’avez pas supprimé ces niches.

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. Mais combien coûtaient-elles ? Les niches coûtaient 18 milliards d’euros en 2005, elles en coûtent 70 milliards aujourd’hui : 50 milliards de plus !

M. Patrick Ollier, ministre. Il est vrai que le périmètre de certaines d’entre elles a évolué.

Avant d’aborder le détail du débat, je voudrais remercier M. Dominati pour son travail de rapporteur et lui répondre. Je veux aussi saluer la manière dont le président Arthuis a présidé la séance de commission au cours de laquelle le Gouvernement et la majorité ont adopté des positions convergentes.

Vous vous êtes demandé, monsieur le rapporteur, si Bercy travaillait à une évaluation des taux implicites d’imposition. Les chiffres publiés sur le taux effectif, ou implicite, de l’impôt sur les sociétés sont divers et ne concordent pas toujours. Certains sont issus du Conseil des prélèvements obligatoires, d’autres d’Eurostat, d’autres encore de cabinets privés – vous l’avez très justement indiqué.

Il est vrai que les services du Trésor sont en train de passer en revue ces chiffrages, afin d’élaborer – le plus rapidement possible, nous l’espérons – une méthodologie plus efficace et qui se voudrait plus vertueuse.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Patrick Ollier, ministre. S’agissant de l’action volontaire entreprise par le Gouvernement en matière de politique économique, je voudrais vous indiquer, monsieur Marc, que tout est fait aujourd’hui pour inciter les entreprises à investir.

À mon sens, certaines des dispositions que nous avons adoptées peuvent en témoigner.

Prenons l’exemple du crédit d’impôt recherche. Chacun en France comme en Europe le reconnaît, il s’agit d’une mesure emblématique de la volonté du Gouvernement de favoriser l’investissement dans les entreprises.

Le crédit d’impôt recherche est un dispositif efficace. Selon les rapports de l’Inspection générale des finances, l’ensemble des études économétriques menées à partir des données françaises ou étrangères aboutissent aux mêmes conclusions : avec un euro de crédit d’impôt recherche, on obtient un supplément de dépenses de recherche privée supérieur à un euro !

C’est donc bien un dispositif efficace ; je n’ose pas dire « vertueux », car personne n’a la vérité révélée en matière de fiscalité, monsieur Marc. D’ailleurs, si j’ai tenu à évoquer tout à l’heure quelques chiffres sur les niches fiscales, c’était pour vous rappeler que nul ne détient la vérité en la matière. Ni vous ni nous !

Mme Nicole Bricq. Oui, mais vous, vous disposez des chiffres actuels !

M. Patrick Ollier, ministre. Nous cherchons tous à améliorer la fiscalité. Nos divergences, réelles, sont de nature idéologique. D’ailleurs, si elles n’existaient pas, on se demande bien pourquoi il y aurait une gauche et une droite !

M. François Rebsamen. Tout à fait !

M. Patrick Ollier, ministre. Précisément, monsieur le sénateur, nous revendiquons notre volonté de soutenir les entreprises ! Pour nous, c’est ainsi que l’on crée des emplois !

De votre côté, vous avez un peu trop tendance à vouloir ajouter des impôts supplémentaires. Le programme du parti socialiste, dont nous avons pris connaissance voilà quelques semaines, en fournit la démonstration. Vous envisagez, je crois, 50 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires. Toujours plus de dépenses publiques, toujours plus d’impôts… Je ne pense pas que ce soit la bonne manière de stimuler l’investissement et, par voie de conséquence, l’emploi.

À cet égard, il y a effectivement une vraie divergence idéologique !

Les chiffres que j’évoquais voilà quelques instants – un euro de crédit d’impôt recherche permet une augmentation des dépenses de recherche privée supérieure à un euro – démontrent que les entreprises emploient bien l’aide fiscale perçue pour abonder leur budget de recherche et développement, conformément à l’objectif visé.

Dans ce contexte, la réforme du crédit d’impôt recherche pourrait permettre une hausse du produit intérieur brut de 0,3 point dans les quinze prochaines années. Cela mérite donc que nous y réfléchissions, voire que nous encouragions un tel dispositif. C’est en tout cas la volonté du Premier ministre et du Gouvernement.

Les paramètres fondamentaux du crédit d’impôt recherche issus de la réforme de 2008 ont été conservés dans la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, conformément au souhait du Président de la République et malgré le « rabot » décidé par le Gouvernement.

En effet, nous avons bien décidé d’un « rabot » pour remettre en cause un certain nombre de niches fiscales, monsieur Marc ! Pour autant, nous avons préservé le crédit d’impôt recherche. Nous avons pris un certain nombre de mesures, tout en maîtrisant le coût du crédit d’impôt recherche.

Ce coût a atteint 6,2 milliards d’euros en 2009, avec la mise en œuvre du dispositif de remboursement immédiat dans le cadre du plan de relance. Il a été ramené à 4,5 milliards d’euros en 2010 et sera de 2,1 milliards d’euros en 2011. Je pense que nous pouvons au moins nous accorder sur ce point.

Je voudrais également vous faire part d’une réflexion. Nous nous interrogeons fréquemment sur l’impôt le mieux adapté et l’incitation fiscale optimale. Il faut savoir ce que les expressions « niches fiscales » ou « mitage » de l’impôt sur les sociétés signifient. (M. François Rebsamen acquiesce.)

M. Patrick Ollier, ministre. Justement, madame Bricq ! Nous considérons pour notre part que l’allégement de la fiscalité favorise les investissements, stimule les entreprises et a fait ainsi progresser la création de richesses. C’est le principe des niches fiscales.

Mais nous nous sommes aperçus – je le reconnais d’autant plus que j’avais moi-même, dans le cadre de mes précédentes fonctions au sein de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, encouragé la mise en place de telles mesures – que certaines dispositions, notamment en outre-mer, occasionnaient des dérives en favorisant la spéculation. Nous les avons supprimées.

Nous devons effectivement faire preuve de pragmatisme en matière de fiscalité. Autant nous considérons qu’il faut stimuler l’entreprise par des dispositifs d’exonération fiscale et, dans certains cas, par ce que vous appelez des « niches », autant nous sommes résolus à remédier aux éventuelles dérives que nous constatons. Dans cette perspective, les suppressions que nous avons décidées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 ont permis de réaliser plusieurs milliards d’euros d’économies.

Je voudrais à présent aborder la réforme de la taxe professionnelle.

Les auteurs de la présente proposition de loi affirment qu’il faut soutenir l’investissement. Ils ont raison. Mais c’est précisément ce que le Gouvernement fait, madame Bricq.

M. Patrick Ollier, ministre. En effet, la suppression de la taxe professionnelle est une mesure essentielle pour la compétitivité des entreprises industrielles.

Mme Nicole Bricq. Il va falloir nous le démontrer !

M. Patrick Ollier, ministre. Mais vous en aurez la démonstration au fur et à mesure de la mise en œuvre de la réforme !

M. François Rebsamen. C’est ça… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Vous allez avoir du mal !

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. Ça va être la croissance spontanée ! (Nouveaux sourires.)

M. Patrick Ollier, ministre. Vous ne pouvez pas prétendre que la mesure est mauvaise seulement parce que vous l’avez d’emblée déclarée mauvaise, et ce alors même qu’elle n’a pas encore atteint son application optimale ! C’est pourtant un peu ce que vous faites, madame Bricq.

M. Patrick Ollier, ministre. Les auteurs de la proposition de loi souhaitent « favoriser l’investissement ». C’est précisément ce que le Gouvernement a fait en 2010 en supprimant en 2010 la taxe professionnelle, qui pénalisait tout particulièrement les entreprises désireuses d’investir, notamment dans l’industrie !

Je vous rappelle que la taxe professionnelle existait entre 1997 et 2002 ; vous aviez alors un formidable champ d’expérimentation ! Que n’en avez-vous profité à l’époque ?

M. Bernard Frimat. C’est nul !

M. Patrick Ollier, ministre. Je dresse simplement un constat, monsieur le sénateur.

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. La croissance n’a jamais été aussi forte qu’entre 1997 et 2002 ! Elle était à 3 % ! Faites-en autant !

M. Patrick Ollier, ministre. Monsieur Marc, la croissance était liée non pas à des facteurs nationaux, mais à un contexte européen, voire mondial !

Mme Nicole Bricq. Vous n’avez pas une bonne mémoire, monsieur le ministre !

M. Patrick Ollier, ministre. Et la croissance aurait certainement été beaucoup plus forte, et les créations d’emplois plus nombreuses, si l’on avait supprimé la taxe professionnelle à l’époque !

M. André Trillard. Bien sûr !

M. François Rebsamen. Ça, on peut toujours le dire après coup ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, ministre. Le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale a atteint l’objectif que je viens de rappeler.

Monsieur Marc, la taxe professionnelle était assise – et c’est bien là que résidait le problème – sur les investissements productifs. C’est une charge qui pesait sur la production, donc sur l’emploi ; nous l’avons supprimée. La nouvelle contribution est assise sur la valeur ajoutée, ce qui est tout à fait différent.

L’industrie a été la grande gagnante de la réforme, comme l’a bien montré le rapport d’évaluation sur les effets de la réforme remis en mai 2010 par l’Inspection générale des finances. Je peux vous le faire parvenir si vous le souhaitez, madame Bricq.

Mme Nicole Bricq. C’est inutile, la commission des finances a auditionné hier sur ce point !

M. Patrick Ollier, ministre. Vos interlocuteurs ont donc dû vous confirmer ce que je viens d’indiquer !

Et avec le rapport de l’Inspection générale de l’administration, cela fait deux documents qui démontrent excellemment combien le Gouvernement a eu raison de s’engager sur la voie d’une telle réforme.

Le Gouvernement a également veillé à faire en sorte que les petites et moyennes entreprises – elles représentent l’essentiel du tissu économique français et des créations d’emplois – soient les principales bénéficiaires de la suppression de la taxe professionnelle.

C’est pourquoi la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la fameuse CVAE, a été configurée précisément pour les protéger. En effet, cette contribution n’est pas due par les entreprises ayant un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 euros, et il existe un dégrèvement partiel lorsque le chiffre d’affaires est compris entre 500 000 euros et 50 millions d’euros. Seules les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros acquitteront une CVAE au taux de 1,5 %. Si ce n’est pas une mesure qui favorise l’investissement des entreprises, je me demande ce que nous pouvons encore faire, monsieur Marc ! J’attends des propositions très précises de votre part.

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. Et nous, nous attendons des réponses aux questions que nous vous avons posées !

M. Patrick Ollier, ministre. Je suis en train d’y répondre !

M. Patrick Ollier, ministre. Si, monsieur Frimat !

M. Bernard Frimat. Vous faites des figures imposées, un peu comme au patinage artistique, mais vous ne répondez pas aux questions !

Mme Nicole Bricq. Vous faites le double salto ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, ministre. Je reconnais que votre présence en impose à toute la Haute Assemblée, monsieur Frimat ! (Sourires.)

M. Bernard Frimat. Je vous remercie !

M. Patrick Ollier, ministre. Quoi qu’il en soit, vous pouvez constater que le Gouvernement favorise l’investissement.

Vous avez raison de vouloir restreindre le « mitage » de l’impôt sur les sociétés.

Mme Nicole Bricq. Oui, mais vous ne le faites pas !

M. Patrick Ollier, ministre. C’est bien ce que nous avons engagé dans la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

Je ne résiste pas au plaisir de vous demander à nouveau pourquoi vous n’avez pas souhaité corriger plus tôt un dispositif que vous jugez si mauvais.

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. Il faut vraiment qu’on revienne au pouvoir !

M. François Rebsamen. L’année prochaine !

M. Patrick Ollier, ministre. Mais non ! Depuis que vous n’êtes plus au pouvoir, seulement 43 nouvelles niches fiscales ont été créées ! Vous n’allez pas revenir au pouvoir juste pour 43 niches fiscales ! (Sourires sur les travées de lUMP.) En revanche, vous auriez pu en supprimer 252 entre 1997 et 2002, ce que vous n’avez pas fait !

M. Bernard Frimat. Ne soyez pas si impatient ; ça va venir ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, ministre. Je ne suis pas impatient ; ne vous inquiétez pas !

En 2011, nous avons réalisé un effort sans précédent de réduction des dépenses fiscales, et vous ne pouvez pas le nier. Nous avons préféré la réduction des dépenses fiscales à l’augmentation générale des impôts, que votre formation politique préconise dans son projet pour 2012, monsieur Marc. Et nous avons fait ce choix pour des raisons d’efficacité économique et de justice fiscale : la réduction des niches fiscales va dans le sens d’une réduction des inégalités.

Au passage, j’observe que vous n’avez pas voté…

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. Le projet de loi de finances pour 2011 ? En effet, nous ne l’avons pas voté ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, ministre. … la loi qui a supprimé ces niches fiscales.

M. Jean Desessard. C’était pour les emplois à domicile ! Mais vous n’avez rien fait pour réduire les niches fiscales des actionnaires !

M. Patrick Ollier, ministre. Pourquoi n’avez-vous pas voté un texte législatif supprimant des dispositions dont vous prônez la disparition dans votre proposition de loi ? Ce n’est guère cohérent, monsieur Marc ! Si vous teniez tant à supprimer les niches fiscales, il fallait voter le projet de loi de finances pour 2011 !

Mme Nicole Bricq. C’était une lime à ongles !

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. 350 millions d’euros !

M. Patrick Ollier, ministre. Vous auriez obtenu satisfaction immédiatement, et cela vous aurait évité de venir nous présenter aujourd'hui une proposition de loi supprimant des dispositions que nous avons déjà abrogées. Un peu de cohérence…

Grâce au dispositif que nous avons adopté, et dont vous n’avez pas voulu, les niches fiscales et sociales seront ainsi réduites de près de 9,5 milliards d’euros en 2011, de 11,7 milliards d’euros en 2012, les entreprises contribuant à hauteur de 60 % du total. Vous le voyez, chacun fait un effort.

Il est vraiment dommage que vous n’ayez pas voté notre texte !

M. François Rebsamen. Il nous cherche ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Patrick Ollier, ministre. Les chiffres sont là, et ils sont têtus.

En 2010, et vous ne l’avez pas rappelé, nous avons obtenu une réduction historique du déficit budgétaire, qui s’est élevé à 7,7 % du PIB, alors que les prévisions faisaient état d’un taux de 8,3 %.

Mme Nicole Bricq. L’amélioration est due pour moitié aux collectivités locales !

M. Patrick Ollier, ministre. Non ! Si la réduction a été aussi forte, c’est grâce à la politique mise en œuvre par le Gouvernement !

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. C’est la méthode Coué !

M. Patrick Ollier, ministre. Nous avons la volonté de nous engager dans la voie vertueuse des critères de Maastricht et de parvenir à un taux de 3 %, objectif prévu pour 2013.

M. François Patriat. Qui a porté le déficit public à plus de 8 % du PIB ?

M. Patrick Ollier, ministre. Je vous répondrai tout à l’heure, monsieur Patriat.

De telles performances ont été permises par une stabilisation des dépenses de l’État en valeur et par la poursuite des réformes structurelles, comme le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, la réduction transversale de 5 % des crédits de fonctionnement et d’intervention des ministères ou l’application aux opérateurs des mêmes règles qu’à l’État.

L’ensemble des acteurs ont pris leur part dans l’effort colossal qui a été entrepris. Et les résultats sont là ! La réduction du déficit budgétaire constatée en 2010 devrait, me semble-t-il, être saluée sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.) Vous devriez applaudir.

D’ailleurs, je suis certain que vous approuvez totalement cette politique dans votre for intérieur. Autrement, vous seriez en contradiction avec la volonté que vous affichez en termes de réduction des déficits publics. Malheureusement, je n’ai pas senti des signes d’encouragement de la part de l’opposition ; vous avez même voté contre les mesures que nous avons proposées !

En outre, le programme de stabilité de la France pour 2011-2014, que vous avez examiné hier soir, confirme la détermination du Gouvernement à poursuivre sa politique de consolidation des finances publiques. Nous prenons les dispositions et faisons voter les textes nécessaires.

Et nous ouvrons les débats qui permettent à chacun de s’exprimer sur une période tri-annuelle, de 2011 à 2014. L’objectif est, me semble-t-il, à la fois ambitieux et courageux. Là aussi, vous pourriez reconnaître les efforts que le Gouvernement réalise en matière de finances publiques et de fiscalité.

Comme M. Baroin l’a très bien expliqué hier soir, nous sommes déterminés à consolider nos finances publiques pour ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013. Et nous en prenons le chemin : nul ne peut le contester.

La trajectoire pluriannuelle de finances publiques est conforme aux recommandations communautaires. Nous respectons les règles européennes. Voilà près de trois ans, on nous affirmait, y compris parfois au sein de notre majorité, qu’il serait impossible d’atteindre un tel objectif en 2013.

M. Bernard Frimat. Vous n’y êtes pas encore !

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. Vous êtes au-dessus de 7 % !

M. Patrick Ollier, ministre. L’année dernière, un déficit public de 8,3 % du PIB était annoncé ; nous sommes parvenus à le limiter à 7,7 %, et nous allons continuer : nous ramènerons ce déficit à 5,7 % du PIB en 2011, à 4,6 % en 2012 et à 3 %, voire moins, en 2013.

Mme Nicole Bricq. Vous êtes encore à 7 % !

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. C’est la politique de l’enjoliveur !

M. Patrick Ollier, ministre. Nous envisageons même de le faire passer sous la barre des 2 % du PIB en 2014 ! Ces objectifs sont ambitieux et courageux. Ils démontrent la volonté du Gouvernement de s’engager résolument dans une politique dont il ne déviera pas !

Je le dis aux sénateurs de la majorité, qui nous soutiennent avec constance : nous ne céderons pas, car nous n’en avons pas le droit, aux demandes réitérées d’engager des dépenses publiques supplémentaires au profit de telle ou telle catégorie, aussi généreuses que soient les intentions de leurs auteurs.

La stratégie d’ajustement structurel repose à la fois sur un effort important de maîtrise de la dépense publique et sur la poursuite de la réduction du coût des dépenses fiscales et des niches sociales, conformément aux engagements pris au travers de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Cette loi de programmation, qui s’ajoute au programme de stabilité européen dont le Sénat a discuté hier soir, vous avez oublié d’en parler, monsieur Marc ! Elle est l’un des outils dont le Gouvernement s’est doté pour tenir le cap et respecter les engagements pris par la majorité, que je remercie encore, au nom du Gouvernement, d’avoir souscrit à ce programme pluriannuel ambitieux, qui représente certes une contrainte, mais qui est nécessaire si nous voulons sortir complètement de la crise.

Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste, ces initiatives du Gouvernement vont tout à fait dans le sens de votre proposition de loi ; je regrette que vous ne le reconnaissiez pas !

Vous le voyez, la stratégie économique du Gouvernement ne consiste pas à se laisser entraîner dans l’impasse du « toujours plus » : toujours plus de dépenses, toujours plus d’impôts, toujours plus de déficits – tendance qui caractérise un peu, et même beaucoup, le programme du parti socialiste pour 2012 ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je pourrais le démontrer chiffres en main, mais nous avons encore un peu de temps devant nous pour cela !

Ce n’est pas en s’acharnant sur les entreprises qui créent des richesses et de l’emploi que l’on sortira de la crise,…

M. François Marc, auteur de la proposition de loi. Vous leur mettez la tête sous l’eau !

M. Patrick Ollier, ministre. … mais en mettant en œuvre au bénéfice de tous une politique équitable de maîtrise des dépenses et d’incitation à la création de valeur. Je le répète, favoriser la création de valeur ajoutée et de richesses permet de créer plus d’emplois !

La France ne vit pas dans un monde fermé. Nous ne pouvons pas raisonner uniquement selon une perspective franco-française ! Il faut bien sûr tenir compte du contexte européen et mondial. Pour renforcer la compétitivité de nos entreprises, nous nous sommes engagés dans la voie d’une convergence des politiques fiscales à l’échelon européen.

M. Yvon Collin. Il est temps !

M. Patrick Ollier, ministre. Il faut saluer, monsieur Marc, l’engagement du Président de la République en faveur de la mise en place d’un gouvernement économique européen, qui favorisera la convergence des politiques économiques européennes, notamment celle des politiques fiscales qui les sous-tendent. Or vous n’en parlez pas ! Pourtant, la décision est en voie d’être prise, sur l’initiative de Nicolas Sarkozy.

M. le rapporteur a évoqué à juste titre le projet de loi constitutionnelle d’équilibre des finances publiques, qui instituera une « règle d’or ». Ce texte, qui sera probablement soumis au Sénat dans la seconde quinzaine du mois de juin, instaurera un « monopole » des dispositions fiscales pour les projets de loi de finances. Par anticipation, monsieur Marc, on pourrait vous objecter que votre proposition de loi ne respecte pas cette future règle constitutionnelle. Cela étant, je reconnais qu’il est encore trop tôt pour vous opposer cet argument !

Je souhaite maintenant formuler quelques remarques d’ordre général sur cette proposition de loi, me réservant d’entrer dans le détail des articles à l’occasion de la discussion des amendements.

Mme Nicole Bricq. Quand même ! Vous revenez enfin au sujet !

M. Patrick Ollier, ministre. Je n’en suis pas sorti, madame Bricq ! Le sujet de notre débat, c’est l’investissement des entreprises, le « mitage » de l’impôt sur les sociétés, l’amélioration de la justice fiscale : je ne m’en suis pas écarté !

S’agissant, tout d’abord, de la philosophie générale de votre proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste, ce n’est pas le moment d’augmenter l’impôt sur les sociétés. Dans un contexte de sortie de crise, il convient au contraire que le Gouvernement accompagne les entreprises et améliore la compétitivité de la France.

Cela suppose d’aligner nos règles sur celles qui existent chez nos partenaires, lorsque ces dernières répondent à de véritables logiques économiques. En particulier, notre impôt sur les sociétés doit être comparable à celui de nos voisins. Je viens de le dire, le Gouvernement s’attache actuellement à promouvoir une convergence fiscale européenne.

À cet égard, le régime « mères-filles » que vous avez évoqué, monsieur Marc, n’est pas un régime d’aide aux entreprises : il vise à supprimer une double imposition économique. En effet, les bénéfices qui sont distribués par une filiale à sa « mère » ont, par hypothèse, déjà été soumis à l’impôt sur les sociétés. Cette règle existe chez tous nos partenaires européens, et même au-delà. Elle fait l’objet d’une directive communautaire depuis 2003.

Le régime de l’intégration fiscale, quant à lui, vise notamment à consolider les bénéfices et les déficits des sociétés appartenant à un même groupe. Il s’agit de faire comme si un groupe formait une seule entreprise. Là encore, ce régime n’est pas propre à la France, puisqu’il existe chez tous nos partenaires européens, monsieur Marc. D’ailleurs, comparé à ce qui se pratique chez nos partenaires, le régime français n’est pas particulièrement favorable, puisqu’il est réservé aux filiales détenues à 95 %. À cet égard, la législation fiscale allemande retient par exemple un taux de détention des filiales de 50 %. Le Gouvernement a engagé une réflexion sur les conséquences de telles différences entre la fiscalité allemande et la nôtre, le Président de la République souhaitant leur convergence.

Pour votre part, vous voulez renforcer la spécificité fiscale de la France, en contestant des régimes en vigueur ailleurs en Europe. Ne faudrait-il pas plutôt s’inspirer des meilleures pratiques existant chez nos partenaires ? Je vous invite de ce point de vue à réfléchir à la récente décision du gouvernement de M. Cameron de baisser de quatre points le taux de l’impôt sur les sociétés.