M. Marc Daunis. Très bien !

M. Roland Courteau. Le second point concerne l’article 10 et la majoration de la taxe locale d’équipement ou taxe d’aménagement. En commission, j’ai également fait part de mes fortes préoccupations, mais en vain.

En effet, selon cet article, le taux de cette taxe pourrait être porté jusqu’à 20 % dans certains secteurs au regard de la nécessité de créer ou de réhabiliter des ouvrages de protection dans les communes disposant d’un PPR approuvé. Certes, je reconnais que les auteurs de cette double proposition de loi ont le souci légitime de trouver des financements. En autorisant l’augmentation des taux jusqu’à 20 % dans certains secteurs pour réaliser les travaux de voirie ou de réseau, la réforme leur a ouvert une réelle opportunité pour financer des ouvrages de protection.

Il n’en reste pas moins qu’une telle disposition nous semble contraire à la logique actuelle, qui veut que soient exclus du champ d’application de cette taxe les aménagements sur des biens construits qui sont justement prescrits par un PPRN. Je reviendrai sur ce sujet lors de l’examen des articles, puisque nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 10.

En permettant d’instaurer un droit de délaissement dans les secteurs présentant un danger grave, l’article 20 pose également problème.

Ce dispositif existe d’ailleurs pour les risques technologiques avec, toutefois, une procédure de financement tripartite, donc particulière. En théorie, la proposition paraissait intéressante. Cependant, telle qu’elle était rédigée, elle exposait les communes à supporter seules le coût d’acquisition de ces constructions. Sa suppression était donc nécessaire.

Avant de conclure, permettez-moi d’évoquer un autre sujet de préoccupation : le risque de tsunami sur les côtes françaises Oui, le risque est certain et, jusqu’à ces dernières années, l’impréparation de la France était manifeste ! Tel est d’ailleurs l’intitulé de l’un des deux rapports que j’ai présentés sur la question devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques au mois de décembre 2007. La quinzaine de préconisations qu’il contenait ont été suivies d’effet, au moins pour l’Atlantique Nord-Est et la Méditerranée, puisque la zone qui s’étend des Açores à la Sicile sera couverte à compter du second semestre de l’année 2012 par le Centre national d’alerte aux tsunamis, le CENALT, en liaison avec les pays riverains. Monsieur le secrétaire d'État, voilà qui me satisfait.

D’ores et déjà, les financements sont acquis au travers des 14 millions d’euros accordés par le ministère de l’environnement et par le ministère de l’intérieur. Il restera cependant à traiter le problème des Antilles.

Nous aurons à défendre plusieurs amendements sur la problématique relative aux tsunamis, mais, à toutes fins utiles, un bref rappel historique s’impose.

Au cours du seul xxe siècle, on a dénombré dans le monde 911 tsunamis : 76 % d’entre eux se sont produits dans l’océan Pacifique, 10 % dans l’océan Atlantique, 10 % en mer Méditerranée et 4 % seulement dans l’océan Indien, à tel point que cet océan était considéré comme le plus sûr au regard du risque de tsunami. Or, en 2004, le tsunami en Indonésie a provoqué 250 000 morts. Mes chers collègues, il n’y a pas un seul océan, pas une seule mer sur cette planète qui soit à l’abri du risque de tsunami.

En 1908, le tsunami de Messine a fait 35 000 morts. En 1979, le tsunami au large de Nice, sur Antibes, a entraîné la mort de 11 personnes. En 2003, le tsunami, après avoir frappé les Baléares – avec des vagues de quatre mètres –, a touché les côtes françaises de façon très modérée, même si 150 bateaux ont coulé dans nos ports.

Le risque existe. Il ne s’agit pas de l’exagérer ; il ne s’agit pas non plus de le nier ou de le minimiser, comme l’a fait trop longtemps l’Espagne, qui, d’ailleurs, s’est ravisée depuis. Il faut savoir profiter de nos connaissances pour mieux nous protéger.

Comme l’a si bien décrit Thierry Gentet : « L’homme ne dominant pas la nature, il nous revient de faire preuve d’humilité par rapport à tous les dangers naturels, d’être responsables et de savoir profiter de ses connaissances pour mieux nous protéger ». Au regard des vies exposées, dans ce cas comme dans tous les autres, je ne saurais mieux dire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi qu’au banc de la commission.)

(Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, deux propositions de loi identiques portant sur les conséquences de la tempête Xynthia, dites « double proposition de loi » selon la formule de M. Anziani, viennent aujourd’hui en discussion devant la Haute Assemblée. Nous ne pouvons évoquer ce dramatique événement sans avoir d’abord une pensée émue pour toutes les familles endeuillées et meurtries des deux départements les plus touchés, la Vendée et la Charente-Maritime.

Au nom de mes collègues membres, comme moi, de la mission commune d’information initiée par le Sénat, je souhaite rendre hommage à l’investissement tant de son président, Bruno Retailleau, que de son rapporteur, Alain Anziani. Cette implication n’a jamais fléchi au terme de plus de cent auditions. Celles-ci se sont déroulées dans la dignité ; elles ont été marquées par une écoute particulière, emplie d’humanité et de respect à l’égard des différents témoignages. Il est important de le préciser.

Messieurs, je vous remercie d’avoir tenu vos engagements. À quoi aurait-il servi en effet de rendre un rapport commun d’information si celui-ci n’avait pas été suivi d’effet ? Un mois après le débat promis sur les conséquences de la tempête Xynthia, le 16 juin 2010, le rapport d’information final était déposé : il est extrêmement intéressant et détaillé. Au cours de ce débat, monsieur Retailleau, vous avez précisé : « [Nos travaux] ne s’achèveront pas pour autant : nous suivrons jusqu’au bout les mesures qui ont été annoncées ». Si seulement c’était vrai pour tous les rapports d’information que nous remettons !

Monsieur le secrétaire d'État, les présentes propositions de loi ont donc été mûrement réfléchies, afin que soient prises toutes les mesures, qu’elles soient législatives ou réglementaires, pour qu’un tel drame ne se reproduise plus.

En effet, lors de cette catastrophe, des dysfonctionnements sont apparus à différents échelons, tant en amont qu’en aval d’ailleurs. Heureusement, la gestion de la crise a été remarquable : les secours arrivés dès qu’ils le pouvaient et coordonnés par les préfets ont été exemplaires. Cela a été souligné, mais il faut le répéter : sapeurs-pompiers, gendarmes, militaires, pilotes d’hélicoptères, secouristes et bénévoles en grand nombre ont sauvé des centaines de vies humaines.

Il nous appartient maintenant d’en tirer les enseignements sur trois points cruciaux : la prévision, la prévention et la protection.

Avant de les aborder, permettez-moi de formuler une observation qui mérite de notre part réflexion. Lorsque nous nous sommes rendus sur les différents sites les 14 et 15 avril 2010, le chagrin, la douleur, l’accablement dominaient. Mais, au-delà de ces sentiments tout à fait légitimes, la colère, l’incompréhension s’exprimaient au sein d’une population déjà meurtrie. En effet, quelques jours après la catastrophe, ce que j’appellerai des « pseudo-experts » – j’espère que ce terme ne vous heurtera pas – venus de Paris référençaient des zones selon la dangerosité qu’ils évaluaient sur tel ou tel bâtiment.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. À la demande des élus !

Mme Gisèle Gautier. C’est ainsi que, parfois sans jamais être entrés à l’intérieur desdits immeubles, sans jamais avoir eu d’échanges avec les propriétaires présents – certains étaient absents, car il s’agissait de leurs résidences secondaires –, ils ont estampillé certaines villas d’une grande croix noire et les ont classées en « zone noire », devenue ensuite « zone de solidarité », parce que cette dénomination était embarrassante.

Il est aisé de comprendre combien de personnes déjà traumatisées ont souffert de cette attitude pour le moins incompréhensible, pour le dire de façon modérée. Les préfets et les élus locaux ont dû gérer l’irritation générale provoquée par cette situation lors de débats publics houleux et devenus irrationnels.

Bien sûr, je ne conteste pas le fait qu’il fallait réagir rapidement – c’est d’ailleurs ce que vous me répondrez, monsieur le secrétaire d'État, et je le comprends parfaitement –, dans l’urgence, pour aider à prendre les décisions qui semblaient prioritaires. Cela va de soi et vous avez bien fait ; de ce point de vue, les services de l’État ont bien agi. Mais permettez-moi d’ajouter cette supplique à titre personnel : de grâce, dans ce genre de situation, il convient de ne pas ajouter du mécontentement à la douleur des familles !

Dans le domaine de la prévision et de l’alerte, la proposition d’ajouter la prévision des submersions marines – inexistante jusqu’à présent – au chapitre du code de l’environnement consacré aux crues me semble indispensable. Il en est de même en ce qui concerne les systèmes d’alerte, éléments fondamentaux en cas de crise majeure et urgente. En effet, les schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques n’intégraient pas jusqu’à présent le risque lié à des submersions marines. C’est une carence que comblerait l’article 11 si, comme je l’espère, celui-ci est voté.

En outre, même si je sais que cela semble difficile, on l’a vu lors de la canicule de 2003, il me semble judicieux de mettre en place un système de hiérarchisation ou, si l’on préfère, de graduation des alertes ou d’évaluation des risques, lisible et compréhensible par tous – élus et population –, afin d’éviter toute confusion dans les messages qui nécessitent du sang-froid et une réactivité appropriée.

Puisque j’évoque les « messages », je citerai une anecdote qui a son importance.

Un responsable des sapeurs-pompiers nous a précisé qu’il ne disposait plus au moment des faits de téléphone satellitaire pour communiquer avec ses pompiers, ayant été amené à le prêter à une autorité supérieure de coordination, à savoir le préfet lui-même ! Souhaitons que cette lacune ait été comblée, et j’espère que le nécessaire sera fait au plan national. Peut-on imaginer aujourd’hui qu’un préfet ou un colonel des sapeurs-pompiers ne dispose pas de téléphone satellitaire ? Cela paraît invraisemblable ! Il faut nous donner les moyens d’agir ; sinon, où allons-nous ? Peut-être aurions-nous pu sauver des vies si nous avions disposé de plus de moyens de cette nature. Cette question, lourde de conséquence, est loin d’être un simple détail !

L’adoption par les communes d’un plan de sauvegarde, ou PCS, devient obligatoire, dès lors qu’un plan de prévention des risques d’inondation, ou PPRI, leur a été prescrit. Lorsque je parle de prévention, je pense bien sûr à l’urbanisation parfois irresponsable qui s’est développée au fil des années sur notre littoral, lequel subit une forte pression foncière et immobilière. Pour autant, je n’ai pas l’intention de faire ici un procès d’intention. Selon moi, tout le monde est concerné, la population influençant quelquefois les décisions des municipalités pour ce qui concerne la construction, ce qui est extrêmement dangereux.

Une mesure indispensable nous est donc proposée afin que la carte des risques s’impose à la carte de l’urbanisme. Il est bien sûr prévu d’imposer une distance minimale entre l’océan et les constructions. On a parlé tout à l’heure d’un éloignement de cent mètres, pourquoi pas ? Il est de toute manière indispensable de définir une marge.

Lorsque, dans mon propos liminaire, j’évoquais des mesures de protection, je pensais évidemment aux digues, qui auraient pu et dû, aux yeux des riverains, constituer des remparts naturels. Or, tel n’a pas été le cas, et ce pour de multiples raisons. Dans ce domaine, de nombreuses questions restent posées en ce qui concerne tant la réalisation de ces ouvrages, qui peut n’être que partielle, que leur financement ou leur « statut foncier » : relèveront-elles en effet du domaine privé ou du domaine public ? Il nous faudra traiter cette question importante ; à cet égard, je relève que les termes « plan digues » ne figurent pas dans cette proposition de loi !

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Le Gouvernement veille ! Il a prévu 500 millions d’euros !

Mme Gisèle Gautier. Je ne m’étendrai pas davantage sur les propositions formulées dans ce texte. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles et amendements. L’essentiel est d’adopter une loi efficace, qui prépare l’avenir, afin d’éviter un drame tel que celui que nous avons connu. D’autres catastrophes, malheureusement, se produiront ailleurs et, peut-être, d’une autre manière, compte tenu des conditions climatiques qui évoluent très vite. Le tsunami, bien sûr, a été évoqué. Quoi qu’il en soit, sachons nous doter de tous les moyens pour éviter le pire, en nous rappelant qu’une culture du risque, inculquée aussi bien aux enfants qu’aux adultes, est sans doute le premier maillon de la chaîne des moyens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite en préambule revenir sur les drames que nos concitoyens et leurs familles, mais aussi nos collègues élus ont vécus lors de la tempête Xynthia et des inondations qui ont frappé la Dracénie. Je leur exprime toute ma sympathie et ma volonté de faire évoluer notre prise en compte des risques liés aux inondations.

Nous devons retenir de ces événements que c’est plus l’aménagement du territoire qui est en cause, que le phénomène inondation. Si certains territoires ont du mal, malgré la solidarité nationale, à redémarrer et à panser leurs plaies, c’est parce que nous n’avons pas su les ménager et les construire de manière à ce qu’ils puissent faire face à de tels événements, qui malheureusement peuvent se répéter plusieurs fois par siècle.

Xynthia et les événements survenus en Dracénie confortent la raison d’être de la directive européenne sur l’évaluation et la gestion des risques d’inondation, laquelle précise dès son premier article : « Les inondations constituent une menace susceptible de provoquer des pertes de vies humaines et le déplacement de populations, de nuire à l’environnement, de compromettre gravement le développement économique et de saper les activités économiques de la Communauté. »

« Provoquer des pertes de vies humaines », nous venons de nouveau de le vivre avec les événements récents. « Déplacer des populations », ce sera une obligation pour des centaines de milliers de nos concitoyens lors d’une prochaine crue grave de la Loire, de la Garonne ou du Rhône, et pour près de 2 millions de personnes installées trop près de la Seine. « Compromettre gravement le développement économique et saper les activités économiques », c’est ce qui peut nous arriver demain si nous ne nous préparons pas à faire face à ce risque, si nous ne l’anticipons pas mieux et n’adaptons pas dès maintenant nos territoires.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas faire comme si nous ne savions pas : il faut vraiment que nous inscrivions dans nos priorités de mieux préparer nos territoires pour faire face à ces événements, qui, nous le savons, se reproduiront. Nous devons adapter nos territoires et leur fonctionnement aux conséquences dommageables des inondations. Il convient à cet égard de profiter de toutes les opérations d’urbanisme et d’aménagement – je pense à cet égard aux écoquartiers et aux écocités – pour confier aux générations à venir des villes qui sauront se relever rapidement de telles catastrophes.

La mise en œuvre de la directive Inondation dans le droit français est une opportunité à saisir, pour que chaque élu change son regard, considère les conséquences dommageables des inondations et adapte son territoire pour le rendre « résilient ».

À ce titre, la proposition de loi présentée par notre collègue Bruno Retailleau constitue un exercice difficile, d’autant que la tempête Xynthia a donné lieu à trois missions de retour d’expérience, menées en parallèle – ce n’est pas la première fois que cela arrive ! –, et non pas à une seule, comme il serait souhaitable que cela soit à l’avenir.

L’exercice est difficile, car nous sommes toujours tentés, face à un tel événement, d’adopter une nouvelle loi. Or, pour nombre des sujets abordés, la réflexion se poursuit encore. Je pense notamment à la mise en œuvre de la directive, à la nouvelle réglementation sur les digues, à la doctrine de l’État sur les PPR ou encore au plan de prévention des submersions marines et des crues rapides, élaboré courant 2010.

Le CEPRI, le Centre européen de prévention du risque d’inondation, que j’ai créé pour faire entendre la voix des collectivités territoriales qui se préoccupent de prévenir les conséquences des inondations sur leur territoire, a été auditionné par les trois missions. Sa contribution technique a largement inspiré les conclusions de ces instances, en particulier sur le rôle central et déterminant de l’aménagement du territoire ou la gestion des digues.

Ce fut l’occasion de montrer qu’une inondation ne se résume pas à un débordement de mer ou de cours d’eau, que c’est tout un territoire qui est atteint dans sa population et son outil économique et qui subit des dommages dont il a du mal à se relever. Xynthia et les événements survenus en Dracénie nous montrent que, pour nos territoires exposés, anticiper est vital et s’adapter est capital. Nous le savons tous, l’élu est au premier plan pour agir concrètement et positivement.

Je salue le travail de la commission des lois et de son rapporteur, notre collègue Dominique de Legge, qui ont contribué à l’élaboration du texte qui nous est présenté. S’inspirant des conclusions du rapport de la mission d’information sénatoriale, Bruno Retailleau avait déposé une proposition de loi très riche et cherché des solutions qui demandaient à être encore débattues. J’avais exprimé des craintes, lors de mon audition par la commission de l’économie, plusieurs dispositifs proposés ne me semblant pas suffisamment éprouvés.

Lors de l’adoption de la loi SRU en 2000, nous nous étions déjà prononcés sur le fait que le PPR ne devait pas constituer une servitude d’urbanisme et il ne me semblait pas judicieux de revenir sur cette question. Je ne voyais pas non plus la plus-value apportée par un schéma d’aménagement des zones littorales à risque, qui donnait au maire, par le biais des PPR, une responsabilité relevant de l’État.

La création d’une zone littorale homogène partait d’une intuition peut-être juste, mais elle exigeait une réflexion collective sur son contenu. Je rappelle en effet que les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, doivent couvrir la France d’ici à la fin de l’année 2017 et que la directive Inondation prévoit l’identification des « territoires à risque d’inondation important », qui feront l’objet d’une cartographie et permettront l’élaboration de plans de gestion du risque inondation.

Sur tous ces points, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui montre que la richesse et la qualité de nos débats ont pu faire évoluer le texte originel pour le rendre plus pragmatique et plus efficace ; nous ne pouvons que nous en féliciter.

Mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la question des digues et des ouvrages de protection, le long de la mer et dans les estuaires, mais aussi pour les fleuves et rivières. C’est un sujet grave, sur lequel nous travaillons depuis cinq ans et qui a été l’un des premiers sujets de préoccupation du CEPRI, à l’occasion de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation sur les digues comme ouvrages de danger.

On compte environ 8 600 kilomètres de digues en France, dont au moins 510 kilomètres visent à protéger le territoire contre les submersions marines. Elles sont gérées par plus de 1 000 gestionnaires différents. Pour 7 000 kilomètres de ces digues, le gestionnaire est connu, mais la moitié seulement a un propriétaire identifié. Ainsi, 5 600 kilomètres soit sont dans un état très dégradé, soit subissent des désordres locaux, soit ne font l’objet d’aucun renseignement sur leur état.

Des travaux importants sont donc à envisager pour 3 000 à 5 000 kilomètres de ces digues, pour un montant de l’ordre de 5 milliards d’euros. Avec un rythme de 200 kilomètres de travaux par an, un investissement annuel de l’ordre de 300 millions à 400 millions d’euros est nécessaire, l’effort national s’étalant sur quinze à vingt-cinq ans. C’est un véritable plan Marshall en faveur des digues que nous devons mettre au point ! Mais, pour ce faire, il faudrait que nous disposions d’un état des lieux plus précis, qui nous permette d’élaborer une programmation sur plusieurs années. J’ai demandé ce document à plusieurs reprises au Gouvernement, et nous devrions en prendre connaissance d’ici à la fin de l’année 2011.

Trois axes prioritaires ont été mis en avant dans les différents travaux : identifier un responsable unique au titre de la nouvelle réglementation ; sécuriser le cadre d’intervention du responsable et des autres acteurs, dont les collectivités ; renforcer et pérenniser les moyens humains et financiers nécessaires pour atteindre le « bon état de service » des ouvrages.

Si nous voulons que ces dossiers relatifs aux digues progressent réellement, il faut changer le regard que nous portons sur celles-ci.

Plusieurs millions de nos concitoyens et une part très importante de notre potentiel économique sont exposés directement derrière ces ouvrages. Les impacts directs ou indirects d’une inondation consécutive à une rupture sont non seulement très importants, mais encore mal connus : une digue mal entretenue ou mal surveillée peut entraîner la mort ; Xynthia nous le rappelle.

Il est certes tentant, mais trop prématuré, d’inscrire dans la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui des évolutions réglementaires, car un vrai débat doit encore s’engager sur les points suivants.

Concernant la propriété des ouvrages, la réglementation sur les biens vacants sans maîtres existe ; il suffit au maire d’avoir la volonté de l’appliquer, en associant le préfet.

S’agissant de la responsabilité des ouvrages, les outils réglementaires existent pour constituer des établissements publics administratifs rassemblant les propriétaires et pour les obliger à remplir leurs obligations ; il revient au préfet de les utiliser au mieux.

Un point sur lequel nous devons encore travailler est celui de la définition juridique de la digue, car elle n’existe pas. Ce vide juridique conduit le juge administratif à être particulièrement sévère pour les collectivités lors de la recherche de responsabilité.

Restent les deux points du savoir-faire technique et du financement.

Concernant le savoir-faire technique, il faut reconstituer un savoir-faire national et le partager entre l’État, les collectivités et les acteurs privés. Il faut véritablement organiser une filière professionnelle sur le sujet, qui pourrait avoir un rayonnement international.

S’agissant du financement, le groupe de travail a souhaité disposer d’une vision plus consolidée des véritables besoins dans les années à venir, avant de créer une nouvelle taxe.

Nous sommes devant une situation un peu paradoxale : sécuriser durablement les digues ne représenterait que 300 millions à 400 millions d’euros par an, dans la durée. Mais, aujourd’hui, il est clair que nous n’arriverons pas à trouver un tel montant au cours des vingt-cinq à trente prochaines années sans réformer le mode de financement de ces ouvrages.

Sur ce point, la proposition de loi que nous examinons est très raisonnable. Notre collègue Bruno Retailleau nous avait interpellés en prévoyant la possibilité, dans la rédaction initiale de son texte, de porter à 20 % le taux de la taxe d’aménagement dans les communes disposant d’un plan de prévention. Nous avons pu montrer que cette disposition était prématurée et pouvait avoir des effets inattendus.

Avant de conclure, je souhaiterais formuler quelques remarques sur les différents articles.

À l’article 2, le schéma départemental a été très justement supprimé.

À l’article 3, les mots « zone littorale homogène » ont été judicieusement remplacés par les mots « zone littorale homogène du point de vue hydro-sédimentaire ».

À l’article 4, les risques technologiques ont été à juste titre pris en compte.

À l’article 5, la référence à la servitude d’urbanisme a été supprimée, ce qui est positif.

La communication par le préfet, tous les trois ans, des documents visés à l’article 6 ne paraît pas nécessaire ; en effet, ce dernier doit systématiquement porter à connaissance tout fait nouveau.

À l’article 12, la contrainte qui devait être mise à la charge du conseil général a très heureusement été atténuée.

À l’article 15, je m’interroge sur la compensation des pertes de base.

À l’article 17, y a-t-il un réel besoin de faire passer le taux du plafond du prélèvement sur le produit des primes et assurances au profit du fonds Barnier de 12 % à 14 % ?

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaitais réagir à votre proposition de mettre en place des SCOT et des projets d’urbanisme pilotes.

Je me permets de vous rappeler que, sur proposition du CEPRI, le Centre européen de prévention du risque d’inondation, le conseil général du Loiret, avec la ville d’Orléans, la communauté d’agglomération Orléans Val de Loire et les Grands lacs de Seine, est pilote au sein de l’un des rares projets Interreg dédiés à la résilience des villes.

S’agissant des écocités et des écoquartiers, je rappelle que onze d’entre eux parmi les treize qui sont en cours de réalisation ou en projet se développeront en zone inondable. On ne peut considérer comme « durables » des écovilles situées en zone inondable.

En conclusion, je forme le vœu que soit organisé prochainement un débat sur les éléments proposés à notre réflexion par le rapport issu du groupe de travail, tout particulièrement sur deux aspects centraux : la définition juridique d’une digue et le financement dans la durée, à travers la solidarité locale ou nationale, de la restauration et du maintien en état de ces ouvrages d’intérêt national. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants avant d’aborder, à dix-sept heures, le point suivant de l’ordre du jour, à savoir les questions cribles thématiques.

Nous poursuivrons ensuite la discussion des deux propositions de loi.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)