M. Guy Fischer. Tout à fait !

M. Jean-Claude Danglot, auteur de la proposition de résolution. Ensuite, il est indispensable d’engager un effort massif en faveur de la recherche et du développement des énergies renouvelables englobant la question du traitement des déchets produits parfois à moyen terme, comme pour les panneaux photovoltaïques.

Mme Annie David. Exactement !

M. Jean-Claude Danglot, auteur de la proposition de résolution. Les moyens dédiés à la recherche fondamentale doivent être renforcés. Le recul des moyens financiers et humains dévolus au CEA nous conduit à nous interroger sur ce que désire réellement le Gouvernement. Il reste à accomplir des progrès immenses dans la recherche ; je pense notamment au stockage de l’électricité à grande échelle.

Enfin, le marché libéralisé au niveau européen entre en opposition avec la garantie de la sécurité d’approvisionnement électrique.

En effet, comme le notait notre collègue Michel Billout, soutenu par l’ensemble de ses co-rapporteurs, dans le rapport d’information sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver, déposé le 27 juin 2007, « ce choix, qui a considérablement bouleversé les conditions d’exercice du métier d’électricien et remis en cause des logiques d’organisation parfois vieilles de cinquante années, n’a pas été assorti d’une véritable réflexion sur la spécificité du système électrique et sur la notion de sécurité d’approvisionnement ».

La grande panne qui avait privé d’électricité dix millions d’Européens, en 2006, n’appartient pas au passé ; il est temps d’en tirer les enseignements.

Au-delà du volet « sûreté » de la politique énergétique, qui est un point central, il est nécessaire de revoir l’ensemble de la conception de cette politique. L’accès à l’énergie pour tous, la nécessité d’un prix de l’énergie régulé, la lutte contre la précarité énergétique, la place des énergies renouvelables et la redéfinition du mix énergétique, les économies d’énergie, la recherche, l’indépendance et la sécurité énergétique, le traitement des déchets résultant de la production énergétique représentent des enjeux incompatibles avec les appétits de la finance et des opérateurs privés.

Les États doivent redéfinir des coopérations et des accords sur le long terme, afin de sécuriser les échanges, de lutter contre les spéculations et de mettre en œuvre des stratégies cohérentes, complémentaires et solidaires à des échelons supranationaux. La maîtrise publique du secteur énergétique, accompagnée de sa démocratisation sociale, est la seule voie possible. Elle s’impose au Gouvernement s’il veut respecter les engagements qu’il a pris envers nos concitoyens, que ce soit en termes de pouvoir d’achat ou de sûreté.

Monsieur le ministre, l’État doit reprendre la place qui est la sienne dans un secteur aussi stratégique. Notre projet est d’avoir une politique énergétique publique au service de l’intérêt général et dans le respect des exigences environnementales, une politique qui favorise les coopérations et la solidarité entre les États, une politique qui encourage la recherche fondamentale et qui définisse des exigences sociales fortes pour les travailleurs du secteur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon ami Jean-Claude Danglot ayant présenté la question des problèmes énergétiques dans leur ensemble, j’interviendrai, pour ma part, plus précisément sur celle de la sécurité nucléaire.

Celle-ci doit être garantie au regard des risques naturels, mais elle doit aussi intégrer les aspects techniques et la dimension sociale et humaine. Ce point a d’ailleurs fait l’objet d’une question crible thématique de ma collègue Évelyne Didier en avril dernier, question hélas restée sans réponse.

Les sénateurs de mon groupe et moi-même sommes très attachés à l’aspect social et organisationnel de la sûreté nucléaire, c'est-à-dire aux collectifs de travail, aux habitudes de coopération et à la transmission des savoirs, qui sont les fondements de la culture de la sûreté dans une entreprise.

S’agissant, tout d’abord, des savoir-faire, s’il est un secteur qui nécessite une main-d’œuvre hautement qualifiée et très compétente, c’est bien l’industrie nucléaire, car, de l’exploitation aux contrôles de sûreté, aucune défaillance n’est concevable. Les qualifications, l’expérience et la compétence des opérateurs à tous les niveaux sont tout aussi essentielles.

Comme le souligne, l’OCDE, « la disparition de spécialistes expérimentés et compétents préoccupe de plus en plus les autorités de sûreté et l’industrie nucléaire ». Il est indispensable de disposer d’un personnel de maintenance compétent pour prévenir les incidents dus à des défaillances ou des dysfonctionnements. Or la formation à la maintenance a été plutôt négligée et le besoin d’amélioration est généralement reconnu. On compte actuellement, en France, 300 diplômés de niveau bac+5 dans cette filière, alors que les besoins sont estimés à 1 200 par an.

De plus, si l’accent a été mis sur le renforcement de l’attractivité des métiers de haut niveau, on reste muet sur la formation des ouvriers chargés de la maintenance des sites et la perte progressive de leur savoir-faire face aux restructurations et à la nouvelle culture managériale d’EDF.

Les salariés de la centrale nucléaire du Blayais ont rappelé à plusieurs reprises le risque de voir se perdre les savoir-faire des agents, dont une grande partie a atteint l’âge de cinquante ans, alors que, dans le même temps, « on demande aux nouveaux de surveiller des travaux qu’ils n’ont jamais effectués ». Et les salariés d’expliquer encore : « Dans les dix années à venir, on va perdre tous les bâtisseurs de la centrale, ceux qui ont vécu le démarrage de la centrale. » Ce mouvement est renforcé par la politique de remplacement d’un salarié sur trois partant à la retraite.

De plus, dès 2004, l’OCDE a lancé l’alerte sur les risques du recours à la sous-traitance pour la maintenance des sites, soulignant que ces salariés avaient souvent « une expertise et une expérience limitées et n’avaient pas toujours une compréhension globale de la sûreté des centrales sur lesquelles ils interviennent ».

En France, par exemple, on dénombre quelque 600 sous-traitants intervenant dans 58 centrales nucléaires, avec un chiffre d’affaires de 800 millions d’euros par an. Le volume de maintenance sous-traitée est passé, en cinq ans, de 20 % à 80 %. Il arrive même que des sous-traitants confient leurs tâches à d’autres sous-traitants !

Les témoignages alarmants ne manquent pourtant pas. Ainsi, Le Monde diplomatique nous rapporte les propos de salariés d’EDF : « Les conditions de cette externalisation se traduisent par une montée des accidents parmi les salariés de cette sous-traitance. Beaucoup de ses salariés ont été affectés à ces activités sans formation et, pour la plupart, sans connaissance des règles de sécurité fondamentales inscrites dans le recueil des prescriptions au personnel. » Ils sont en outre soumis à de fortes pressions en termes de temps d’intervention.

Le moment est venu de mettre un terme à cette logique d’externalisation des risques, à cette course au moins-disant social ! Et je ne fais qu’évoquer la sous-traitance en Chine d’une partie de la fabrication des matériels nucléaires, comme les générateurs de vapeur ou les cuves, qui met à mal non seulement le principe de sécurité, mais aussi la politique industrielle de la France.

J’en viens maintenant à la question de la nécessité d’un audit social.

Nicolas Sarkozy a dû se résoudre, il y a quelques jours, à demander un audit financier portant sur toute la filière à la Cour des comptes, un audit qui intégrera les coûts des futurs renouvellements et le démantèlement des centrales, lesquels ne sont pas, pour l’instant, pris en compte. Nous nous en réjouissons, mais nous pensons qu’il est impératif d’intégrer la dimension sociale à cet audit.

En effet, établissement public transformé en société anonyme en 2004 et coté en bourse, ce « service public » doit désormais rémunérer ses actionnaires. Cependant, comme le rappelle M. Michel Lallier, représentant CGT, « la sûreté nucléaire a reposé durant des décennies sur un cadre social bien défini pour un personnel qualifié, par la vigilance et le travail de ce personnel et par la cohérence humaine de ce collectif de travail ». Il ajoute : « Or la dérégulation du marché de l’électricité, puis la privatisation partielle d’EDF avec sa course aux économies mettent à mal depuis les années 1990 tout cet édifice. »

C’est pourquoi un audit général des installations nucléaires doit intégrer les conditions d’exploitation en lien avec les conditions de travail des salariés et les activités confiées à la sous-traitance.

Durant de nombreuses années, les salariés d’EDF ont tiré la sonnette d’alarme sur leurs conditions de travail, sur l’accélération des rythmes, dénoncé les ravages du nouveau management sur la santé psychologique des personnels, la dévalorisation et le cloisonnement des métiers, mais tout cela est resté sans écho.

Enfin, nous pensons que le débat sur la sécurité nucléaire est inséparable du débat sur le démantèlement du service public de l’électricité et des grands services publics en réseaux.

Ainsi que Jean-Claude Danglot l’a très bien expliqué, il ne faut pas se leurrer : les impératifs de rentabilité, la charge de travail accrue, le recours massif à la sous-traitance et la situation des salariés qui n’est pas favorable à une sûreté optimale des centrales françaises sont les maux d’une politique d’ouverture à la concurrence et de privatisation partielle de l’opérateur historique.

L’acceptation démocratique du nucléaire repose sur le contrat moral passé entre les Français et le Conseil national de la Résistance. Une remise en cause du risque zéro en faveur du risque calculé est inacceptable.

C’est pourquoi nous souhaitons la tenue d’un grand débat public national sur l’organisation et l’utilisation du nucléaire dans des conditions de sécurité, de sûreté et de transparence qui garantissent l’accessibilité de tous à l’énergie.

Pour notre part, nous pensons que seul un grand service public national de l’énergie est en mesure de répondre à ces exigences ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du RDSE.)

M. Guy Fischer. C’était clair et précis !

M. le président. La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France présentée par M. Danglot et plusieurs de ses collègues nous donne l’occasion d’évoquer aujourd’hui certaines questions que se posent les Français, notamment au sujet du nucléaire. Nous serons très attentifs aux éclaircissements que vous nous apporterez, monsieur le ministre, et je me félicite de votre présence au banc du Gouvernement.

Vous l’avez compris, j’évoquerai principalement la question du nucléaire.

L’industrie nucléaire française, après cinquante-cinq ans d’activité, est la plus surveillée au monde. Cela dit, la catastrophe japonaise nous oblige à toujours plus de sûreté, à toujours plus de rigueur, ce qui passe impérativement par une autorité nucléaire forte, totalement indépendante et intraitable.

Le Japon a été victime d’une catastrophe qui était d’origine non pas nucléaire, mais bien sismique, et qui a induit un drame humanitaire. La catastrophe de Fukushima a touché de vieux réacteurs, puisqu’ils sont âgés d’une quarantaine d’années. Elle amène forcément à s’interroger à la fois sur le risque sismique et sur le vieillissement des centrales françaises de Fessenheim, du Bugey, de Saint-Alban, de Cruas et du Tricastin, situées en zones sismiques.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas rassurant !

M. René Beaumont. Toutefois, ce risque sismique a été étudié dès le départ, en prenant en compte les spécificités de chaque site. Une marge de sécurité appropriée a été ajoutée au risque maximal historiquement vraisemblable.

Notons qu’il n’existe pas, à ce jour, de zone à force sismicité en France. Certes, des tremblements de terre se produisent sur notre territoire, mais ils sont peu nombreux et de très faible magnitude. Par ailleurs, le risque d’un tsunami pouvant menacer nos centrales nucléaires est quasi nul.

Cependant, il ne faut rien négliger, et surtout pas les risques que peuvent engendrer les tempêtes, notamment sur le littoral. Souvenons-nous de celle de décembre 1999 en Gironde. La conjonction de la fameuse tempête du siècle avec une très grande marée a provoqué, à la centrale du Blayais, des inondations qui ont été aggravées par la non-réalisation par EDF des travaux de rehausse de la digue et de remise en état demandés par l’Autorité de sûreté nucléaire, laquelle, je tiens à le rappeler, est une autorité administrative indépendante chargée depuis 2006 de contrôler les activités nucléaires civiles en France.

Le vieillissement des centrales est une autre question. Les réacteurs français les plus anciens, comme ceux des centrales de Fessenheim, de Golfech et du Triscastin, ont plus de trente ans. Tous les dix ans, l’Autorité de sûreté nucléaire impose une visite extrêmement fouillée ; c’est l’occasion d’une remise à niveau de la sûreté.

Vieillissement ou non, la plupart du temps, l’accident survient là où on ne l’attend pas : il y a des possibilités de défaillance matérielle et, malheureusement, d’erreur humaine. Souvenons-nous de Tchernobyl !

Par conséquent, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous donner des précisions sur l’audit, actuellement en cours, des centrales nucléaires françaises existantes, notamment des plus anciennes, comme celle de Fessenheim. Peut-on considérer cette dernière comme dangereuse ? Quelles décisions comptez-vous prendre quant à son avenir ?

Par ailleurs, l’Autorité de sûreté nucléaire pourrait, dit-on, envisager de suspendre la construction du réacteur EPR de Flamanville 3, qui est fourni par AREVA et qui doit être exploité par EDF, en réaction à la crise nucléaire japonaise. Qu’en est-il ? Et quid du futur EPR de Penly, en Seine-Maritime ? Ce site n’a pas encore été mis en chantier. Toutefois, l’entrée en service du réacteur de Penly, qui doit également être exploité par EDF, est attendue pour 2017. L’hypothèse d’un éventuel moratoire est-elle concevable pour ces futurs projets ?

Quoi qu'il en soit, cela ne doit pas engendrer de retards sur les projets en cours, car l’arrêt des chantiers serait fort dommageable, non seulement pour les territoires concernés, mais également pour le pays tout entier. L’émotion suscitée par le drame du Japon ne doit pas nous faire prendre des décisions qui ne sont pas forcément appropriées, surtout si elles devaient laisser penser que l’ensemble de nos centrales ne sont pas suffisamment contrôlées ni sécurisées, ce qui n’est absolument pas le cas.

Enfin, qu’en est-il du projet de construction du réacteur EPR sur le site du Tricastin, dans la Drôme ? Observons que ce site abrite déjà une centrale comportant quatre réacteurs et l’usine d’enrichissement d’uranium Eurodif. Est-il possible d’y ajouter un EPR sous la responsabilité d’un autre opérateur électricien français ? Les ressources en eau, plus particulièrement l’été, seront-elles suffisantes ? Faut-il limiter la taille des centrales ? En tout cas, il faudra raison garder sur cette question que, pour être élu local de cette région, vous connaissez mieux que personne, monsieur le ministre et maire de Donzère.

Chaque Français doit savoir que, grâce à l’énergie nucléaire, il paie l’électricité 40 % moins cher que partout dans le monde. Sans le nucléaire, il faudrait utiliser le charbon, le gaz ou le pétrole, tous grands émetteurs de CO2 dans l’atmosphère, avec une facture énergétique qui serait de plus de 200 milliards d’euros par an.

Les énergies renouvelables ont toute leur place, mais elles ne pourront offrir que des solutions partielles. Dans vingt ans, elles ne représenteront au mieux 15 % à 20 % des dépenses d’énergie actuelles. C’est la raison pour laquelle l’avenir du nucléaire ne peut être remis en cause.

Toutefois, tirant les leçons de Fukushima, nous devons être toujours plus rigoureux sur le choix des sites, des matériels et aussi des hommes, et pousser la sûreté des centrales toujours plus loin.

En tant qu’élu de la Bourgogne, permettez-moi de vous interroger également sur le pôle nucléaire bourguignon et, à l’intérieur de celui-ci, sur une disposition qui est à mes yeux essentielle pour l’avenir : la création d’une formation très pointue sur le démantèlement des centrales dans le monde entier. Elle est d’autant plus nécessaire que nombre de centrales sont déjà arrivées en fin de vie ou sont sur le point d’y arriver. Or, à ce jour, nous n’avons aucune technique assurée ni aucune démarche arrêtée pour démanteler des centrales.

Enfin, la filière nucléaire française, reconnue comme l’une des plus sûres du monde, doit, dans sa structure, demeurer composite et très complémentaire, en particulier en conservant le couple AREVA-EDF tel qu’il est actuellement constitué, et dont j’ai pu récemment constater la parfaite efficacité sur le chantier du premier EPR chinois à Taishan.

Il convient de ne pas céder aux prétentions monopolistiques de certains au détriment des intérêts de toute l’ingénierie française, laquelle doit pouvoir concourir et s’investir dans tous les projets du monde, quel que soit le distributeur électrique concerné. Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de toutes les précisions que vous ne manquerez pas de nous apporter aussi sur ce sujet.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe UMP votera contre la proposition de résolution qui est présentée par le groupe CRC-SPG et qui va à l’encontre de la politique énergétique de la France mise en œuvre par le gouvernement que nous soutenons. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.

M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le thème de la proposition de résolution de notre collègue Jean Claude Danglot, relative à la politique énergétique de la France, est loin d’être dépourvu d’intérêt. En effet, il est important de nous interroger sur les choix de la France en matière de politique énergétique, notamment nucléaire, à l’heure où nous avons un peu plus de recul par rapport aux événements qui se sont déroulés au Japon.

La catastrophe de Fukushima a amené la France, pourtant « championne du nucléaire », à entreprendre un audit sur la sûreté des installations nucléaires face à des risques, particulièrement redoutables lorsqu’ils se cumulent, tels que les séismes, les inondations, la perte d’alimentation électrique et l’arrêt du refroidissement.

Plusieurs audits sont en cours ; nous y participons et nous en attendons les résultats. Monsieur le ministre, je souhaite une vraie transparence et une communication sans réserve.

Quels enseignements tirer aujourd’hui de ce choix énergétique ? La filière nucléaire française est très fiable. Elle joue un rôle essentiel dans la sécurité de l’approvisionnement électrique de la France. Gardons-nous donc, en France, de tout catastrophisme, même si nous avons tous été émus et troublés par ces événements, car il est maintenant avéré que « les centrales ont résisté au tremblement de terre, mais c’est dans la chaîne de décisions pour gérer la perte du refroidissement qu’il y a eu des difficultés ; l’organisation n’était pas robuste. »

En France, les risques sismiques, la culture dans la chaîne de décisions et la répartition du capital de l’exploitant ne sont pas les mêmes que pour la centrale de Fukushima. C’est pour ces raisons que les appels à fermeture des centrales que j’ai entendus, et qui ont même été votés par certains conseils municipaux, me semblent peu raisonnables.

L’âge des installations n’est pas forcément le critère le plus pertinent. Si l’on examine les incidents survenus dans les 143 réacteurs en service en Europe, on constate beaucoup d’incidents au cours des cinq premières années et un régime de croisière plus rassurant ensuite. L’amélioration en continu, qui est dans les gènes d’EDF, contribue largement au maintien en parfait état de toutes nos centrales.

Je crois que, en matière nucléaire – je ne parle pas là de l’énergie en général –, il ne faut pas faire primer la logique économique sur la logique sécuritaire. En revanche, il ne faut pas non plus ignorer ni évincer cette logique économique. Il faut articuler les deux. Là est le secret d’une politique énergétique pérenne, rentable, sûre et accessible pour chacun.

Aujourd’hui, c’est le cas : l’accessibilité est assurée par les tarifs sociaux du gaz et de l’électricité. En revanche, du point de vue de la gouvernance, je regrette que la puissance publique ne semble pas toujours suffisamment jouer son rôle d’actionnaire dans les conseils d’administration où elle est représentée. Pourtant, l’État est garant de l’équilibre entre logique économique et ordre public attaché au fonctionnement de ces entreprises.

Concernant la dimension internationale de la question énergétique, notamment nucléaire, on peut se féliciter que ce sujet soit mis à l’ordre du jour du sommet du G8 des 26 et 27 mai à Deauville et, le 8 juin, d’une réunion des autorités de sûreté des pays du G20 dotés du nucléaire civil.

Enfin, si l’énergie nucléaire est une chance pour la France, ce n’est pas pour autant une énergie renouvelable. Notre indépendance énergétique n’est donc que relative.

Nous avons un besoin absolu de la filière nucléaire pour de nombreuses années. Il n’y a donc pas lieu de nous précipiter, mais engageons une réflexion sur ce que certains ont appelé la sortie progressive du « tout nucléaire », quoiqu’il faille plutôt, notre mix énergétique comportant déjà 20% de non-nucléaire, parler de « diminution de la part du nucléaire ».

Il importe de ne pas limiter la politique énergétique de la France à la seule question du nucléaire. Au contraire, nous devons nous donner les moyens de développer des filières structurées et solides dans le secteur des énergies renouvelables et accroître nos efforts de sobriété énergétique, dans la droite ligne des engagements du Grenelle de l’environnement et par anticipation du relèvement des objectifs de l’Union européenne en la matière, que le Président de la République a su faire adopter par nos partenaires durant la présidence française, en décembre 2008. Nous avons là, monsieur le ministre, un devoir d’exemplarité.

Or, dans ce domaine, l’État n’a pas toujours été bon. Je pense notamment au fiasco de la gestion du photovoltaïque par l’État, dont les mesures d’appui à la filière se sont réduites brusquement. Au demeurant, n’ayant pas toujours été bien expliquées, elles ont parfois été mal comprises par les utilisateurs. De la même manière que pour l’énergie éolienne, l’État a privilégié les aides directes aux installations plutôt que le financement de la recherche, qui aurait permis de promouvoir un made in France performant en la matière. De ce fait, l’État n’a pas réussi à structurer la filière.

Toujours en ce qui concerne les énergies renouvelables, je constate que la géothermie, une filière qui me paraît prometteuse, ne reçoit pas, en métropole, la considération qu’elle mérite.

Le rapport entre l’argent public investi et la consolidation structurelle de ces filières « vertes » n’est donc pas satisfaisant. Mon collègue Claude Biwer l’ayant récemment souligné lors du débat sur la désindustrialisation, je n’y reviendrai pas.

Cependant, il est encore temps d’agir et je ne peux qu’espérer que le Gouvernement conduira une politique raisonnable, stable et structurée dans les filières des énergies renouvelables où cela reste possible : l’éolien off shore, la méthanisation ou encore le solaire.

Si je partage certaines des préoccupations énoncées dans l’exposé des motifs de la présente proposition de résolution, je ne partage pas nécessairement ce qui les justifie ni les conclusions que nos collègues en tirent.

Par exemple, le groupe de l’Union centriste ne souscrit pas à l’éradication de la logique marchande du secteur de l’énergie.

Mme Annie David. C’est bien dommage !

M. Marcel Deneux. Elle est en effet nécessaire pour assurer la rentabilité des investissements dans ces secteurs et, à l’heure où les caisses de l’État sont vides, il faut pouvoir faire appel au marché des capitaux. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Pour autant, cette logique marchande ne doit pas gouverner notre politique énergétique.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est la meilleure, celle-là !

M. Marcel Deneux. Les principes du service public, et notamment celui de l’égalité d’accès, appliqués d’ailleurs par des entreprises tant privées que publiques, doivent conserver toute leur place dans un domaine aussi stratégique que celui de l’énergie.

De même, nous ne souscrivons pas à l’analyse selon laquelle la loi NOME est responsable de la hausse des prix de l’énergie. C’est la prise de conscience trop tardive de la sous-évaluation grave, pendant des années, des tarifs de l’électricité qui nécessite un jour ou l’autre le rehaussement de ces tarifs. Les gouvernements passés en sont, avec la bienveillance d’EDF, en partie responsables, car ils ont sans cesse repoussé la hausse des tarifs, pour des raisons certainement électoralistes.

Il faut dire aux Français que nous sommes entrés pour longtemps dans un cycle de prix élevés de l’énergie. Tout gaspillage d’énergie est une dépense inutile qui nuit au pouvoir d’achat des consommateurs.

De surcroît, nous ne faisons pas nôtre l’allégation selon laquelle les objectifs de rentabilité et les logiques marchandes ne sont pas conciliables avec les objectifs de préservation de l’environnement : la puissance publique, nationale ou communautaire, fixe un cadre de normes environnementales, à l’intérieur duquel les entreprises inscrivent leur logique marchande. Les deux principes ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, mais ils doivent être bien articulés.

Rappelons enfin qu’une entreprise peut être publique et bien gérée,…

M. Daniel Raoul. Ce n’est pas interdit !

M. Marcel Deneux. … et qu’il n’est pas question aujourd’hui de privatisations.

Pour ces raisons, les membres de notre groupe voteront contre la proposition de résolution, tout en restant vigilants sur les travaux parlementaires à venir – s'agissant notamment du gaz de schiste –, au cours desquels ils feront entendre une voix prônant l’équilibre entre les dimensions économique, sociale et environnementale des choix énergétiques de la France d’aujourd’hui et de demain.

Dans le système économique et social qui est le nôtre, il n’est pas de développement global sans consommation d’énergie. Mais ne nous égarons pas : si l’on exclut la production d’électricité, qui est un peu l’arbre qui cache la forêt, notre mix énergétique est bien trop carboné, et il le demeurera encore longtemps.

Pour l’améliorer, et cela est nécessaire, il nous faudra utiliser toutes les technologies disponibles aujourd’hui : compteurs intelligents, biocarburants au-delà de la première génération, stockage d’électricité, piégeage de CO2 et bien d’autres qui font actuellement l’objet de recherches, notamment pour mieux comprendre le cycle du carbone.

La France a des atouts à faire valoir, des textes à appliquer, des filières industrielles et des chercheurs à encourager. Il y a de quoi faire, monsieur le ministre ! Mais c’est sans doute pour cela que votre ministère a compétence sur l’énergie. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)