M. le président. Monsieur Patriat, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?

M. François Patriat. Madame la ministre, ce n’est pas « Carrère, Patriat and Co », c’est Carrère, Patriat and so ! (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, j’ai bien entendu ce que vient de dire M. le rapporteur. Puisque ces fédérations disposent déjà de cet agrément, en quoi le fait d’indiquer qu’il est nécessaire pour mettre en œuvre ces actions d’information et d’éducation leur serait-il préjudiciable ?

Dans le cadre des dérives qui ont pu être observées, il s’agit simplement de souligner que cet agrément, n’étant pas automatique, peut être retiré par l’autorité publique. Les fédérations devront donc veiller à le conserver.

Toutefois, compte tenu des explications que pourra nous apporter Mme la ministre sur ce point, je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3 (Texte non modifié par la commission)

Article 2

I. – Le premier alinéa du I de l’article 1395 D du code général des impôts est ainsi rédigé :

« I. – Les propriétés non bâties classées dans les deuxième et sixième catégories définies à l’article 18 de l’instruction ministérielle du 31 décembre 1908 et situées dans les zones humides définies au 1° du I de l’article L. 211–1 du code de l’environnement sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés non bâties perçue au profit des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale à concurrence de 50 % lorsqu’elles figurent sur une liste dressée par le maire sur proposition de la commission communale des impôts directs et qu’elles font l’objet d’un engagement de gestion pendant cinq ans portant notamment sur le non-retournement des parcelles et la préservation de l’avifaune, sans exclure la pratique de la chasse. »

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus est compensée à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. L’article 2 de la présente proposition de loi est le symbole même d’un nouveau cadeau fiscal accordé à une certaine catégorie de la population.

Vous souhaitez en effet mettre en place des exonérations de taxe foncière sur le non-bâti qui bénéficieront aux propriétaires d’installations de chasse situées dans les zones humides. Étant donné l’état actuel des finances publiques, dont on ne cesse de nous parler, il serait sûrement plus judicieux de s’abstenir de voter une telle mesure.

À dire vrai, j’ai parfois du mal à comprendre les intentions du Gouvernement. Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué en commission que le Gouvernement est favorable à cet article et qu’il lèvera le gage, alors que, le 19 avril dernier, Mme Lagarde et M. Baroin affirmaient devant la commission des finances de l’Assemblée nationale leur volonté de « poursuivre l’effort de réduction des niches fiscales et sociales », dans le cadre de la politique de réduction des déficits publics. M. Arthuis a indiqué ne pas comprendre qu’on puisse prendre, le matin, l’engagement de supprimer des niches fiscales et en instituer de nouvelles l’après-midi...

J’aurais d’ailleurs aimé connaître le montant total que représenteront ces exonérations.

Par ailleurs, pour justifier cette nouvelle exonération, vous évoquez, pour ces zones humides, un entretien respectueux de l’équilibre de la biodiversité, auquel seraient ainsi incités les propriétaires. Il aurait peut-être été plus judicieux d’utiliser cet argent pour nettoyer ces zones et restaurer les habitats, qui ont subi durant de trop longues années et subissent toujours les conséquences de l’utilisation, malgré son interdiction, de la grenaille de plomb, qui modifie gravement le milieu aquatique et provoque, si elle est ingérée, des cas de saturnisme (M. Jean-Louis Carrère est dubitatif.) ou d’infertilité : la taille des pontes est réduite et la masse des œufs diminue.

En effet, les 250 millions de cartouches tirées par an, dont 6 000 tonnes dans le cadre de la chasse, ont laissé des traces. Il s’agit d’une drôle de gestion de la biodiversité !

Les plans d’eau et les zones humides dans lesquelles se trouvent des installations fixes de chasse représentent pour leurs propriétaires une manne financière importante. On trouve sur Internet des offres de location de couchettes dans des huttes et des gabions à des prix impressionnants !

La rigueur budgétaire souhaitée par le Gouvernement ne saurait être à deux vitesses : d’un côté, vous « soignez » les chasseurs et de l’autre, madame la ministre, vous supprimez des niches fiscales vertes, je pense notamment au photovoltaïque. De tels sacrifices doivent être étendus à toute la population : si la rigueur doit tomber, elle ne peut épargner personne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je voudrais tout de même vous rappeler certaines réalités, madame Blandin.

L’objet de cet article est à des années-lumière de votre interprétation : il ne s’agit pas ici de créer une niche fiscale.

La mesure dont il est question avait été adoptée – je crois d’ailleurs me souvenir que vous aviez voté le texte – dans le cadre de la loi relative au développement des territoires ruraux, et plus particulièrement son volet « zones humides ».

Madame la ministre, vous nous l’avez rappelé tout à l’heure, il est important de protéger et préserver ces zones.

Au moment de la discussion de la loi relative au développement des territoires ruraux, une mesure est apparue – je ne sais d’ailleurs plus comment – qui introduisait une exonération de la taxe foncière au bénéfice des zones humides.

Un amendement avait été adopté précisant que, lorsque sur ces zones humides sont installés des équipements cynégétiques, il n’est pas possible de bénéficier de l’exonération.

En tout état de cause, de quoi s’agit-il ? D’une mesure qui coûte au budget de l’État 30 000 euros ! Je dis bien « 30 000 euros », madame Blandin ! On ajoutera quelques zones humides, qui coûteront quelques centaines d’euros supplémentaires. Mais ne faisons pas de comparaisons avec des niches fiscales qui représentent des dizaines ou des centaines de millions d’euros !

Il s’agit de traiter des zones humides. Veut-on, oui ou non, les protéger ? Prévoyons-nous, oui ou non, les moyens de le faire ? Dans l’affirmative, il est absurde de considérer que de méchants individus viennent chasser sur ces zones et que, pour eux, cette petite exonération de taxe foncière, c’est non !

C’est pour ces raisons que, madame Blandin, nous ne vous avons pas suivie et que, en commission, nous avons émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. S’il fallait envisager la question du coût de ce dispositif, je regretterais plutôt qu’il ne soit pas plus élevé ! En effet, cela prouverait que les zones humides sont correctement protégées.

Sur le principe, surtout, je ne crois pas que ce dispositif, dans son esprit, modifie les textes qui existent. Ceux-ci, à vrai dire, étaient peu explicites, ce qui a causé des problèmes, des tensions et des malentendus. Aujourd’hui, notre objectif est de préciser les textes, et de séparer clairement ce qui pourra donner droit à l’exonération, et ce qui ne le pourra pas.

En réponse à votre intervention, madame Blandin, je veux redire que la grenaille de plomb est interdite dans les zones humides. La dernière dérogation, qui concernait la régulation du cormoran, a même été supprimée. Aussi ces sujets, qui ont existé, appartiennent-ils heureusement au passé.

S’agissant du photovoltaïque, j’aurais préféré vous entendre parler des plus de 10 milliards d’euros qui vont être consacrés à l’éolien offshore 3 gigawatts ; il s’agira d’équipements produits en France, et qui permettront la création d’emplois pour nos compatriotes, ce qui, vous le savez, n’était pas toujours le cas des équipements importés dans le domaine de l’énergie photovoltaïque.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

sous réserve que celle-ci soit associée à la préservation et à l’entretien des habitats

La parole est à Mme la ministre.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Comme je l’ai dit, il n’est pas nécessaire de modifier l’esprit du dispositif ; il faut seulement le préciser, en indiquant ce qui donne lieu à exonération, et ce qui n’y donne pas lieu.

L’esprit de l’exonération consiste à préserver l’environnement. Cet objectif n’exclut pas que l’on puisse chasser sur les terrains en cause, mais les dispositifs doivent concourir à la préservation et à l’entretien de l’environnement.

Avec cet amendement, il n’y a plus d’ambiguïté : il s’agit d’un dispositif destiné à préserver l’environnement ; on ne considère pas que la préservation de l’environnement et la chasse soient exclusives l’une de l’autre.

Il me semble que cet amendement pourrait réconcilier les différentes positions qui ont été exprimées dans votre hémicycle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vois d’autant moins d’inconvénients à l’adoption de cet amendement qu’il nous permet de rappeler avec force le rôle essentiel que jouent les chasseurs dans les zones humides.

Je voudrais simplement, madame la ministre, que vous nous donniez l’assurance que le gage sur cet article sera levé. Peut-être ne vous est-il pas facile de le lever tout de suite, mais il faut que vous preniez l’engagement qu’il le sera avant l’adoption définitive du texte…

M. le président. Madame la ministre, je crois que M. le rapporteur sera heureux de vous entendre…

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Nous sommes en zone humide ! (Sourires.)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Comme Mme Blandin l’a rappelé, les finances de l’État, en ce moment, sont quelque peu contraintes…

À propos de la levée des gages, des arbitrages sont nécessaires pour chaque amendement. La question sera naturellement examinée au cours de la procédure, qui comporte encore plusieurs étapes.

Vous pouvez, monsieur le rapporteur, être rassuré.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Dans ces conditions, l’avis de la commission est très favorable !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. En commission de l’économie, le groupe socialiste avait proposé plusieurs amendements modifiant cet article, afin de donner des garanties accrues sur la nature des terrains concernés par l’extension de l’exonération de taxe foncière, ainsi que sur leur gestion.

La proposition de rédaction faite par M. le rapporteur en commission offrait à mes collègues des garanties suffisantes sur leur bonne gestion. Celle que présente le Gouvernement est encore plus précise ; elle nous satisfait donc.

Il s’agit en effet de préciser que la chasse pratiquée sur ces terrains doit être associée à la préservation et à l’entretien des habitats, ce qui nous paraît tout à fait cohérent.

Je veux d’ailleurs rappeler que, selon l’article L. 424–5 du code de l’environnement, les chasseurs propriétaires de postes fixes pour la chasse au gibier d’eau de nuit sont obligés de participer à l’entretien des plans d’eau et des parcelles attenantes de marais et de prairies humides.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C’est exact !

M. Jean-Louis Carrère. C’est le schéma départemental de mise en valeur cynégétique qui fixe les modalités de cette participation, ce qui nous donne quelques garanties sur les engagements de gestion dont j’ai parlé précédemment.

Il nous faut absolument protéger ces zones humides, qui remplissent des fonctions hydrographiques et biologiques importantes. L’amendement proposé par le Gouvernement va dans ce sens ; nous le soutenons par conséquent.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

(non modifié)

À la fin de la deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 420–1 du code de l’environnement, les mots : « la gestion équilibrée des écosystèmes » sont remplacés par les mots : « une gestion équilibrée de la biodiversité ».

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n15 et l’amendement no 16, puisque ce dernier est un amendement de repli.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 16, présenté par Mmes Blandin, Voynet et Boumediene-Thiery et M. Desessard, et qui est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - La deuxième phrase du second alinéa de l’article L. 420-1 du code de l’environnement est supprimée.

II. - En conséquence, au début de la troisième phrase du second du même article, le mot : « Ils » est remplacé par les mots : « Les chasseurs ».

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Marie-Christine Blandin. Concernant l’amendement n° 15, qui est un amendement de suppression, j’attire votre attention sur l’état actuel de la biodiversité en France, et sur la nécessité de s’interroger sur l’impact des activités de chasse.

Les chasseurs se flattent d’être les premiers gestionnaires de la biodiversité. Mais c’est une gestion qu’ils effectuent au profit de leur propre activité ! De sorte qu’elle ne prend en compte qu’une partie des écosystèmes : c’est seulement certaines espèces que l’on prélève, que l’on introduit et que l’on nourrit. Il s’agit d’une démarche anthropocentrique, et à courte vue.

La gestion de la biodiversité ne peut se réduire à une distinction – pour prendre cet exemple – entre gibiers et nuisibles ; elle le peut d’autant moins que certaines espèces de gibiers sont privilégiées au détriment de certaines autres, et que certains prédateurs sont finalement considérés comme des concurrents, se retrouvant en voie d’extermination pour cette raison.

Un sondage réalisé par la Fédération nationale des chasseurs nous apprend que 80 % d’entre eux sont favorables à des lâchers de repeuplement de petit gibier.

Il ne s’agit pas là d’une gestion équilibrée. Le monde vivant s’équilibre avec le temps, s’autorégulant en fonction des territoires disponibles et des ressources des milieux, dès lors que l’homme respecte ses mécanismes naturels.

Les activités humaines ont assurément un impact : c’est le cas de l’agriculture, du bétonnage, de la construction de routes. Mais la chasse exerce elle aussi une pression, directe et immédiate, sur les équilibres naturels : elle demeure prédatrice dans l’espace de la biodiversité.

Plus de 48 % des espèces d’oiseaux chassables en France sont classées par l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, parmi les vulnérables, celles qui sont en état défavorable ou celles qui sont en danger : la chasse vient accentuer la régression de ces espèces.

Qu’apporte donc la chasse à la biodiversité lorsque, au cours de chasses nocturnes au gibier d’eau, plus de 6 mois dans l’année et 7 jours sur 7, des oiseaux difficilement identifiables, souvent rares et protégés, sont tués en grand nombre ?

J’ajoute également que certains oiseaux ont besoin, particulièrement lors des migrations et de l’hivernage, de pouvoir se nourrir et se reposer. Or, précisément, les zones humides sont occupées par des gabions et des huttes.

La création d’environnements artificiels et la pratique de lâchers d’animaux ne sont pas favorables au respect de la biodiversité.

Enfin, madame la ministre, que penser d’une proposition de loi qui supprime des missions de la chasse – parmi lesquelles elle figure aujourd’hui aux termes du code de l’environnement – la « gestion équilibrée des écosystèmes », pour lui substituer une « gestion équilibrée de la biodiversité », alors que vous me reprochiez tout à l’heure de vouloir ôter des missions de la chasse la gestion des écosystèmes ?

S’il s’agit, en introduisant la « biodiversité », de satisfaire à un effet de mode « année de la biodiversité », vous avez un an retard… S’il s’agit de parler de la variété des espèces, il y a longtemps que le concept de biodiversité recouvre davantage que le simple inventaire des espèces, pour s’étendre aux habitats et aux interactions entre espèces ; aux fonctionnalités qu’elles assurent entre elles et avec leur milieu et aux services rendus ; bref, à tout ce que désigne le mot « écosystème ».

L’amendement n° 16, de repli, supprime seulement une partie médiane de cet article, particulièrement axée sur la reconnaissance d’activités favorables à la gestion de la biodiversité.

J’ai, pour ma part, le souvenir des chasseurs s’opposant à la création de parcs naturels, à Natura 2000, à la réintroduction de l’ours… Je pense que ce n’est pas être caricatural que de rappeler les choses qui se sont produites.

Je vous suis reconnaissante, monsieur le rapporteur, pour votre invitation (Sourires.), mais je n’en ai pas besoin : en effet dans mon département, lorsque je présidais le conseil régional du Nord–Pas-de-Calais, j’ai eu d’excellents rapports avec certains de vos collègues ; avec leur soutien, des morceaux de trame verte innovante ont été financés, destinés à servir de réserves de gibier, en même temps qu’à être utiles à l’environnement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 15 et 16 ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ces deux amendements ont le même objet.

Le débat qu’ils soulèvent est ancien : il s’agit de nier l’utilité de la chasse dans la régulation de la biodiversité.

Les chasseurs n’ont pas la prétention d’être des pionniers en matière de préservation de la biodiversité ; ils ont simplement celle d’être l’un de ses acteurs, voilà tout.

Vouloir aujourd’hui le nier, c’est chercher à rouvrir des combats menés en 2000, 2003 ou 2005. Je pensais que tout cela était révolu, mais je vois qu’il n’en est rien.

Pour finir, madame Blandin, je voudrais vous rappeler qu’en 2008 la charte européenne de la chasse et de la biodiversité a été votée, je crois, par vos collègues Verts du Parlement européen. Elle l’a été dans son ensemble : tout ce qu’elle contient a donc, en principe, été approuvé par eux.

Or cette charte prévoit tout simplement – je me permets de vous le rappeler – que « les chasseurs peuvent contribuer à la sauvegarde de la vie sauvage et du milieu naturel, en régulant les populations de gibier et en prenant soin de leurs habitats, en soutenant le savoir et la recherche et en sensibilisant le public aux problèmes de conservation de la nature ». Autrement dit, ils sont, comme d’autres, des acteurs de la biodiversité.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Je comprends l’argumentaire avancé, mais je ne le partage pas dans tous ses développements.

Je ne considère pas que la dynamique naturelle des populations aboutisse nécessairement à un équilibre dans le contexte, où nous vivons, d’une nature très travaillée par l’homme.

Par ailleurs, je ne crois pas qu’il s’agisse d’un sujet absolument majeur, sur lequel nous devions nous étendre pendant des heures…

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote sur l’amendement no 15.

M. François Fortassin. Madame la ministre, mes chers collègues, je prends très brièvement la parole pour dire à ma collègue Mme Blandin qu’il est nécessaire, sur ces sujets, d’être très prudent.

Il ne s’agit pas simplement de vouloir protéger la biodiversité ; il faut encore la connaître.

Or s’il y a une donnée incontestable, c’est que les chasseurs sont certainement, avec les agriculteurs, ceux qui connaissent le mieux le milieu naturel : si on ne connaît pas le milieu naturel, on ne peut pas attraper de gibier…

Je vais prendre un exemple qui vous montrera que le mieux peut être l’ennemi du bien.

Que se passe-t-il lorsqu’une espèce n’est pas chassée dans un parc naturel ? Prenons l’exemple d’un oiseau à mes yeux particulièrement mythique, à savoir le coq de bruyère. Celui-ci ne pouvant faire l’objet d’un élevage, cela signifie que, le jour où il aura disparu d’un territoire, il ne pourra y être réintroduit. Or cet oiseau a presque entièrement disparu du parc national des Pyrénées, qu’aucun chasseur, pourtant, ne fréquente.

M. Jean-Louis Carrère. Très peu de chasseurs ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Très peu, en effet ! (Nouveaux sourires.)

Comment cette quasi-disparition s’explique-t-elle ? La polygamie de cet oiseau est bien connue : le mâle a l’habitude de s’accoupler avec trois femelles. De fait, les couvées comptant autant de poussins mâles que de poussins femelles, cet oiseau disparaîtrait si les mâles n’étaient pas chassés, faute de renouvellement de l’espèce. Ainsi, la chasse des mâles, la seule autorisée, permet justement cette régulation.

En réalité, les prédateurs du coq de bruyère sont non pas les chasseurs, mais, sans qu’ils le sachent, les skieurs de randonnée.

Cet oiseau passe tout l'hiver perché immobile sur une branche de sapin à y dorer ses plumes au soleil, se nourrissant de quelques bourgeons de sapin. S'il est dérangé, il tombe et n’a d’autre choix que de s’efforcer de regagner péniblement une branche basse, faute de pouvoir voler plus haut que quelques mètres. C’est ce parcours dans une neige molle de fin d'hiver qui, en l’affaiblissant, peut entraîner sa mort.

Cela étant, des scientifiques de renom nous ont assuré que la cause principale de la disparition des coqs de bruyère était les câbles des remontées mécaniques, auxquels ces oiseaux se heurtent en confondant les trouées réalisées pour leur installation avec des clairières naturelles.

Cette explication de vote a peut-être été un peu longue, mais il me semblait nécessaire de démontrer que la protection de certaines espèces requiert une parfaite connaissance de la nature.

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. J'ai écouté notre collègue François Fortassin avec beaucoup d'attention. Certains éléments naturels expliquent aussi la disparition prématurée des coqs de bruyère : c'est la prolifération de l'aulne vert, qui empêche ces oiseaux de prendre leur envol. Là encore, quand les chasseurs rouvrent les milieux, ils permettent à des espèces de se maintenir.

Madame Blandin, vouloir protéger les blaireaux ou les cormorans en surnombre, c’est bien. Mais on peut aussi se demander pourquoi il n'y a plus de perdrix, plus de cailles,…

M. Jean-Louis Carrère. De même, pourquoi ne trouve-t-on plus d’ombres ou de truites ?

M. François Patriat. … autant d’espèces qui ont fait le bonheur de nombreuses générations et qui ont, elles aussi, le droit de se maintenir. Vous voulez supprimer l’article 3, qui a pour objet de remplacer, à l’article L. 420–1 du code de l’environnement, le mot « écosystèmes » par le mot « biodiversité ». Or ce dernier terme est celui qui est désormais habituellement usité. Ainsi, le Gouvernement s’est engagé à mettre en place une stratégie nationale pour la biodiversité. Le mot écosystème, quant à lui, est tombé en désuétude, ce que l’on peut regretter. En effet, il paraît plus complet et sous-tend la notion d'équilibre entre la faune et l'habitat.

Même si cette évolution lexicale ne changera pas grand-chose pour les chasseurs, nous devons cependant adapter le vocabulaire au contexte.

Pour ces raisons, nous ne voterons pas cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)