M. Daniel Marsin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec la responsabilité de ceux qui entreprennent de bâtir avec discernement leur avenir que nos compatriotes guyanais et martiniquais ont massivement choisi, les 10 et 24 janvier 2010, de faire évoluer l’organisation institutionnelle de leur territoire. Qu’il me soit ici permis de saluer cette grande mobilisation, dans la conscience d’un instant historique.

Permettez en particulier à l’élu de la Guadeloupe que je suis de se réjouir que ces consultations débouchent aujourd’hui sur une réforme institutionnelle allant dans le sens d’une collectivité et d’une assemblée uniques.

Il est à mon sens de l’honneur de la République de permettre à nos compatriotes ultramarins de se saisir de leur destinée, dans le cadre solennel de la solidarité indéfectible qui lie toutes les composantes de la nation française. Mayotte en est le plus récent exemple. C’est, pour mes collègues du groupe RDSE et moi-même, l’une des conditions de l’émancipation de l’individu et de sa participation à la construction de son avenir en tant que citoyen libre.

Ce n’est rien d’autre que ce que disait Félix Éboué dans son célèbre discours intitulé Jouer le jeu, prononcé devant les élèves du lycée Carnot de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, le 1er juillet 1937 : « Jouer le jeu, c’est savoir prendre ses responsabilités et assumer les initiatives, quand les circonstances veulent que l’on soit seul à les endosser ».

Les Guyanais et les Martiniquais ont ainsi fait le choix d’évoluer en se maintenant sous le régime de l’article 73 de la Constitution, plutôt que sous celui de l’article 74, que d’aucuns jugeaient plus aventureux. Ces deux articles permettent à chaque territoire de définir le chemin qu’il veut suivre vers un supplément d’autonomie, dans une responsabilité accrue. La décision des congrès des élus départementaux et régionaux de Martinique et de Guyane de progresser en ce sens marque une évolution positive, qui anoblit notre République, qui permet le maintien en son sein de ces territoires, mais dans le cadre d’un contrat social et politique rénové.

Madame la ministre, mes chers collègues, ce chemin, nous le savons, fut long, heurté, douloureux, marqué par l’ignominie de l’esclavagisme et de la colonisation. S’il revint à la République l’honneur d’avoir aboli l’esclavage en 1848, grâce à la contribution déterminante de Victor Schœlcher, nous n’oublions pas non plus qu’elle maintînt et amplifia même une politique coloniale dévastatrice.

Nous venons de commémorer la sixième journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. Nous pouvons affirmer que la République sait reconnaître ses fautes du passé, humblement, pour mieux construire l’avenir.

Il fallut l’opiniâtreté et la grandeur de vue de l’illustre Aimé Césaire et de quelques autres pour que l’insupportable inégalité de statut et de conditions de vie qui prévalait fût abrogée. La loi du 19 mars 1946 fit de ces deux territoires, ainsi que de la Guadeloupe et de la Réunion, des départements d’outre mer de même rang – enfin ! – que ceux de métropole. La France doit beaucoup à son outre-mer – l’Histoire l’a prouvé –, et c’était bien le moins qu’elle pouvait faire.

Cette égalité statutaire fut prolongée par la création des régions monodépartementales, dotant ainsi ces territoires d’un double niveau institutionnel auquel fut, en réalité, contraint le législateur. En effet, comme l’a rappelé M. le rapporteur, dans sa décision du 2 décembre 1982, le Conseil constitutionnel censura totalement la loi qui prévoyait, pour les quatre départements d’outre-mer, la création d’un statut bicéphale, calqué sur celui de Paris, tantôt département et tantôt région. Ces collectivités auraient été dotées d’une assemblée unique élue au scrutin proportionnel. Et c’est précisément parce que n’aurait pas été assurée la représentation de la composante territoriale du département, comme en métropole, que cette loi fut jugée inconstitutionnelle. Or le maintien presque absurde de ce dualisme institutionnel a conduit à handicaper le nécessaire développement économique et social harmonieux de ces territoires. En effet, il y a encore un long chemin à parcourir entre l’égalité en droits, notamment institutionnelle, et l’égalité réelle entre l’outre-mer et la métropole.

Nos compatriotes guyanais et martiniquais, comme tous ceux d’outre-mer d’ailleurs, ne veulent pas d’un assistanat qui les maintiendrait dans l’immaturité démocratique et qui perpétuerait les retards de développement. Nous souhaitons au contraire que la République nous accorde une confiance qui soit à la hauteur de ce que l’outre-mer lui a donné dans le passé. Ce fut le sens du combat mené toute sa vie par Gaston Monnerville, notamment lorsqu’il créa, en 1946, le Fonds d’investissement pour le développement économique et social des territoires d’outre-mer. Ce fut également, plus récemment, la position que défendirent constamment nos anciens collègues et membres du RDSE, Rodolphe Désiré et Georges Othily.

C’est aussi dans cette logique de développement que Claude Lise et notre ancien collègue député Michel Tamaya écrivaient, dans le rapport qu’ils remirent en 1999 au Premier ministre, que cette « organisation administrative engendre des complexités qui aboutissent à un enchevêtrement dommageable des compétences ». Nous faisons nôtre cette constatation ; mais, à notre sens, la réforme statutaire est non pas une finalité, mais un outil de démocratie, au service de la transformation économique et sociale de collectivités qui pâtissent de graves retards de développement avec, en toile de fond, l’allocation non optimisée des ressources mises à leur disposition.

De surcroît, ces territoires sont confrontés à des problématiques très spécifiques : situation financière inquiétante des collectivités territoriales, chômage endémique, grave montée de la délinquance et de la criminalité, délabrement du système de soins – avec en Guyane, par exemple, le plus fort taux de séropositivité de France –, pression migratoire, orpaillage mal maîtrisé, avec une forte activité clandestine et sauvage, tout cela sur un territoire immense, aux richesses abondantes mais mal ou insuffisamment exploitées. J’y ajouterai, dans le cas de la Guadeloupe, le handicap supplémentaire de la double insularité.

De fait, l’idée de créer une assemblée unique, aux compétences pertinentes et clairement définies, constitue un vrai progrès pour la rationalisation de la prise de décision et de la conduite de l’action publique. Toutefois, il ne s’agit que d’un préalable nécessaire, et certainement pas suffisant. En effet, le projet politique et les compétences des hommes et des femmes qui porteront demain la Guyane et la Martinique, ainsi que la Guadeloupe après-demain, demeurent essentiels pour ancrer la pratique d’une meilleure gouvernance locale, démocratique et efficace.

Plusieurs interrogations sont toutefois apparues, interrogations dont vous avez posé les termes, monsieur le rapporteur, dans le rapport d’information que vous avez publié avec notre collègue M. Frimat.

En premier lieu, le calendrier de mise en place des nouvelles assemblées délibérantes et de leur élection a suscité de légitimes réserves de la part de nombreux élus locaux.

En prévoyant initialement un scrutin en 2012, le projet de loi ordinaire – vous l’avez rappelé – faisait sortir la Guyane et la Martinique du calendrier électoral de droit commun, qui prévoit un renouvellement général des assemblées locales en 2014, lorsque seront élus pour la première fois les conseillers territoriaux.

Pour des raisons pratiques de faisabilité, mais aussi pour des raisons de principe, qui tiennent notamment à l’attachement des populations à l’article 73 de la Constitution, les aménagements que vous avez apportés au texte, monsieur le rapporteur, nous semblent donc introduire plus de réalisme et de cohérence dans le calendrier.

En deuxième lieu, se pose en Guyane la question très particulière de la représentation de la diversité géographique du territoire et des populations amérindiennes.

La Guyane, vous le savez, est le département français le plus vaste, avec ses 84 000 kilomètres carrés. Toutefois, 96 % de son territoire sont couverts par la forêt équatoriale, où vit la très grande majorité des six communautés amérindiennes, qui regroupent environ 7 000 personnes.

Le projet de loi initial ne tenait pas suffisamment compte de cette diversité géographique et humaine, dans la mesure où le découpage en sections favorisait de façon disproportionnée les zones littorales, les plus peuplées. Il importait donc de corriger ce biais ; c’est ce qui a été fait dans le projet de loi, sur l’initiative de notre collègue M. Frimat.

En troisième lieu, le schéma institutionnel retenu dans chacune des collectivités n’a pas emporté l’unanimité des élus locaux, particulièrement en Guyane.

Les deux territoires ont opté pour des solutions différentes – c’est bien la souplesse de l’article 73 qui a permis cette latitude.

La majorité des élus guyanais ont choisi de se placer directement dans la lignée du droit commun, tout en rationalisant leur organisation. L’Assemblée de Guyane, assemblée délibérante unique, sera donc dotée d’un président, organe exécutif unique de la collectivité, et d’une commission permanente aux pouvoirs aussi étendus que le souhaite l’Assemblée. Ces institutions se substitueront aux actuels conseils général et régional. Parallèlement, sera mis en place un Conseil économique, social et environnemental unique.

Tout autre a été le choix des élus martiniquais, qui ont préféré s’inspirer du modèle mis en place pour la Corse en 1991 : l’Assemblée de Martinique, assemblée délibérante unique sans commission permanente, élira au scrutin majoritaire de liste un conseil exécutif dont les membres ne pourront pas par la suite appartenir à l’Assemblée. Le président de ce conseil sera l’ordonnateur de la collectivité. Ce conseil sera solidairement responsable devant l’Assemblée, qui pourra le renverser par l’adoption d’une motion de défiance constructive.

Ces deux schémas aux logiques divergentes suscitent de légitimes interrogations.

S’agissant de la Martinique, je ne peux m’empêcher de penser que la coexistence de deux présidents – celui de l’Assemblée et celui du conseil exécutif – est susceptible d’alimenter des conflits entre pouvoirs, voire entre personnes, ce qui conduirait à des résultats fort éloignés de l’objectif initial de rationalisation.

Certes, la motion de défiance constructive est censée amoindrir les risques d’instabilité, mais des exemples nous démontrent que les renversements d’alliance peuvent faire et défaire les majorités sans que les électeurs aient leur mot à dire. C’est en tout cas une organisation que, pour ma part, je ne soutiendrais pas s’il s’agissait de la Guadeloupe. Pour autant, je respecte bien entendu le choix des élus martiniquais, choix qui a sans doute été fait en conscience.

Concernant la Guyane, certains élus auraient préféré que soit mis en place le même système, pour éviter toute concentration du pouvoir et faciliter la gestion d’un vaste territoire. En toute prudence, je dirai que ce point de vue est légitime, mais il est également possible de défendre l’idée selon laquelle une direction unique peut garantir l’efficacité de l’action publique.

Dans ce domaine, la sagesse légendaire de notre assemblée doit donc faire son œuvre lors de la discussion des amendements.

Enfin, en quatrième lieu, l’extension du pouvoir de substitution des préfets en Guyane et en Martinique, mais aussi dans les trois autres départements d’outre-mer, me paraît aller à contresens de la marche de la décentralisation.

Il s’agissait initialement de revenir à une forme de tutelle en permettant au préfet, après une mise en demeure restée sans réponse, de se substituer à la collectivité pour prendre toutes les dispositions urgentes et nécessaires en cas de carence en matière de sauvegarde de la santé publique, de la sécurité publique ou de l’environnement, ainsi que de respect des engagements internationaux de la France.

Non seulement ce dispositif instille dans les esprits une suspicion quant à la capacité de ces collectivités et de leurs communes à s’administrer de façon libre et responsable, mais encore il vient s’ajouter, de manière redondante, à des dispositions de droit commun existantes qui prêtent déjà aux représentants de l’État un pouvoir de substitution. Les élus locaux – vous l’avez dit, monsieur le rapporteur – ont unanimement rejeté cette extension, y voyant en filigrane, à juste titre, un retour du gouverneur omnipotent d’antan. (Mme Lucette Michaux-Chevry s’exclame.)

Je ne suis pas convaincu, monsieur le rapporteur, que le dispositif de constatation de l’état de carence que vous lui avez substitué soit plus opportun, dans la mesure où il maintient une dérogation excessive à l’article 73 de la Constitution. Comment peut-on à la fois se féliciter de l’attachement de nos compatriotes au droit commun de l’article 73 et leur ôter une partie du régime juridique qui s’y attache ? Comment justifier la mise en place de ce dispositif dans les départements et régions d’outre-mer et pas en métropole, où certaines collectivités connaissent pourtant des dysfonctionnements bien plus graves ? À mon sens, il ne fallait pas mélanger les logiques des articles 73 et 74, ce que fait malheureusement l’article 9 du projet de loi.

Mes chers collègues, je ne puis naturellement abstraire la discussion de ces textes du débat institutionnel qui se déroule depuis maintenant presque deux ans en Guadeloupe. Après avoir obtenu que ce débat soit prolongé de dix-huit mois par rapport à nos voisins, la majorité du Congrès des élus départementaux et régionaux de Guadeloupe a finalement choisi, le 28 décembre 2010, que soit appliqué le droit commun national. À titre personnel, je le regrette, comme je l’ai encore rappelé le 14 février dernier lors de la rencontre des élus guadeloupéens avec M. le Président de la République.

Je le regrette d’autant plus que l’alternative qui nous était proposée – le droit commun ou un schéma ad hoc – nous aurait enfin permis de mettre en place une architecture institutionnelle spécifique qui aurait réellement tenu compte de la réalité de la Guadeloupe d’aujourd’hui, de notre besoin de modernisation et de rationalisation de la gouvernance. Les événements de 2009 ont démontré que les Guadeloupéens aspiraient profondément à un progrès économique et social partagé, tourné vers un avenir meilleur, ce qui suppose notamment une plus grande efficacité de l’action publique locale.

Alors que les élus guyanais et martiniquais ont choisi un cadre institutionnel propice à l’efficacité et au progrès économique et social, il était à mon sens inopportun, pour ne pas dire inconvenant, que l’essentiel des débats se soit jusqu’à présent concentré, en Guadeloupe, sur le nombre d’élus ou l’introduction d’une dose de proportionnelle dans le dispositif de droit commun. La profonde crise qui frappe notre territoire nécessite des réponses rapides et efficaces, à la formulation desquelles ne contribue assurément pas le délitement du débat institutionnel. Toutefois, le Congrès des élus départementaux et régionaux de Guadeloupe en a majoritairement décidé ainsi, s’écartant de l’exemple de la Guyane et de la Martinique.

Pour autant, je ne peux considérer ce débat guadeloupéen comme définitivement tranché, et je ne cesserai d’appeler de mes vœux que le Congrès des élus départementaux et régionaux de la Guadeloupe se saisisse à nouveau de cette question avant longtemps pour y apporter, enfin, une réponse réellement progressiste.

En conclusion, je tiens, au nom de mes collègues du groupe RDSE, à saluer l’esprit de responsabilité de nos compatriotes guyanais et martiniquais.

Au moment où ils se dotent de nouveaux outils de démocratie et de gouvernance, la République doit leur assurer les conditions du succès. Cela passe bien entendu par la consolidation et l’ajustement des moyens financiers apportés par l’État, afin de permettre à ces territoires de rattraper leurs retards d’équipements et de mettre en place les conditions d’un réel développement endogène.

Vous aurez compris combien j’aurais souhaité que, en cet instant, ici même, dans l’hémicycle de notre Haute Assemblée, la Guadeloupe fût également concernée. Mais qu’à cela ne tienne ! C’est avec une certaine émotion et en toute amitié que, à cette tribune, je dis d’ores et déjà à tous les Guyanais et tous les Martiniquais : « Bonne chance ! »

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations et des amendements qui seront discutés, nous approuverons bien entendu ces deux textes. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste, de l’Union centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, deux ans ou presque après les événements sociaux qui ont marqué l’outre-mer, nous siégeons pour examiner deux projets de loi, l’un organique, l’autre ordinaire, relatifs à la situation institutionnelle de la Martinique et de la Guyane.

Il s’agit, pour la forme en tout cas, de réaliser la fusion des deux assemblées locales actuelles – conseil général et conseil régional – en une seule assemblée qui réunirait leurs pouvoirs et compétences respectifs, et se trouverait sous l’empire de l’article 73 de la Constitution, ce qui permettrait de procéder à des adaptations aux situations locales de la législation et des règlements en vigueur dans notre pays.

Ce choix institutionnel découle, comme cela a été rappelé, de deux consultations organisées en janvier 2010 auprès des populations martiniquaise et guyanaise pour définir le devenir de ces territoires.

La première consultation concernait l’application de l’article 74 de la Constitution, qui confère une plus large autonomie a priori aux assemblées d’outre-mer concernées, par la définition d’un champ de compétences plus étendu.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette consultation a intéressé les électeurs, puisque le taux de participation a été de 48,2 % en Guyane et de 55,3 % en Martinique. Notons tout de même – je le rappelle pour ceux qui brocarderaient ces chiffres – que la participation aux élections régionales de 2010 s’était établie à 44,4 % en Guyane et à 44,5 % en Martinique, ce qui situe donc à un bon niveau la fréquentation des urnes pour le premier référendum.

L’application de l’article 74 a été rejetée, puisque le « oui » a recueilli 29,78 % des suffrages en Guyane et 20,69 % en Martinique. Certains y ont d’ailleurs vu un désaveu des élus en place. Toutefois, les choses nous semblent plus complexes et doivent, à notre sens, être appréhendées en tenant compte des quelques incertitudes et inquiétudes qui pouvaient animer les électrices et les électeurs au moment même de voter sur le devenir de la Guyane et de la Martinique.

Deux semaines plus tard, a été organisé un nouveau double référendum, portant cette fois sur l’application de l’article 73, et singulièrement de la procédure d’habilitation.

Ce second référendum n’a pas rencontré le même écho : le taux de participation a connu une baisse sensible, s’établissant à seulement 27,4 % en Guyane et 35,8 % en Martinique. Le « oui » l’a emporté dans les deux cas, avec un pourcentage de 57,49 % en Guyane et de 68,30 % en Martinique.

Je constate avec intérêt, mes chers collègues, que le rapport se contente de mentionner les pourcentages, omettant de citer les résultats en valeur absolue. Je rappellerai donc ces derniers.

Le 10 janvier 2010, lors du premier référendum, les résultats ont été les suivants : en Guyane, sur 67 460 électeurs inscrits, on a compté 32 486 votants et 31 729 suffrages exprimés, le « oui » recueillant 9 448 voix et le « non » 22 281, soit 70,2 % ; en Martinique, sur 296 802 électeurs inscrits, on a dénombré 164 198 votants et 159 252 suffrages exprimés, le « oui » recueillant 32 954 voix et le « non » 126 298 voix, soit 79,3 %

Le 24 janvier, lors du second référendum, les résultats ont été les suivants : en Guyane, sur 67 258 électeurs inscrits, on a compté 18 519 votants et 17 241 suffrages exprimés, le « oui » l’emportant avec 9 912 voix – soit un nombre guère supérieur à celui des « oui » du premier scrutin –, contre seulement 7 329 « non » ; en Martinique, où le « oui » était largement soutenu par les différentes forces politiques, on a dénombré, sur 296 802 électeurs inscrits, 106 263 votants et 101 256 suffrages exprimés, le « oui » recueillant 69 188 voix et le « non » 32 068.

Si le total des « non » était donc très proche de celui des « oui » du premier référendum, celui des « oui », en revanche, était nettement plus faible que celui des « non » du premier scrutin, et ne représentait in fine que le choix d’un peu moins du quart de l’électorat...

J’ignore si le résultat du premier référendum ferme la porte, à moyen ou long termes, à une plus grande autonomie de la Guyane et de la Martinique, et si celui du second confirme l’attachement profond des Antillo-Guyanais à la France métropolitaine.

En fait, nous sommes même convaincus que cette précipitation à modifier la situation institutionnelle de la Guyane comme de la Martinique, à dépasser le cadre de la départementalisation et à s’inscrire dans le droit fil de la révision constitutionnelle de 2003 ne fait que pointer un peu plus les questions essentielles.

Surtout, cette démarche met en relief toutes les difficultés qui, dès lors que ces textes auront été adoptés et promulgués, continueront de se poser sur place, sur le plan tant économique que social, en termes de développement des potentialités, de réponse aux problèmes d’emploi, de formation, d’éducation, de préservation des espaces naturels, de valorisation des ressources, de mesures adaptées pour réduire les inégalités sociales, les soucis de logement, ou encore pour établir les conditions de nouvelles coopérations avec les États voisins.

En quelque sorte, nous ne sommes même pas au milieu du gué, et la discussion de ces deux textes de loi ne constitue qu’une première étape, au demeurant nécessaire, sur le long chemin qui reste à accomplir pour instituer de nouvelles assemblées locales, mettre en œuvre des compétences nouvelles et répondre aux problèmes révélés au grand jour par les événements du début de l’année 2009.

Bien entendu, l’objet de ces textes n’est pas de poser les bases d’une nouvelle stratégie de développement économique et social de la Guyane et de la Martinique. Toutefois, il nous semblerait bienvenu de faire en sorte que les dispositions qui seront finalement promulguées soient effectivement utilisables, en tant que moyens, pour favoriser ce développement économique et social.

Que l’on nous comprenne bien : si, avec ces textes réalisés en quelque sorte sur mesure, il ne s’agit que de créer les conditions permettant aux tenants actuels du pouvoir métropolitain et à quelques-uns de leurs relais disponibles outre-mer de se trouver confortés, nous serons loin du compte. Si, en revanche, il s’agit de permettre à l’Assemblée de la Guyane comme à l’Assemblée de Martinique d’appréhender les problèmes économiques et sociaux sous un jour nouveau et de définir et mettre en œuvre des solutions plus adaptées, nous pourrons nous féliciter d’avoir favorisé cette démarche.

Autant dire que le nouveau cadre institutionnel dont nous débattons est davantage susceptible de créer des attentes et de se voir éprouvé par les faits – jugé sur pièces, en quelque sorte – que de constituer, d’ores et déjà, la panacée aux maux dont souffrent les peuples martiniquais et guyanais.

Ces propos m’amènent immédiatement à évoquer, de nouveau, la question de la tutelle, qui me semble assez mal abordée par l’article 9 de la loi ordinaire, dans lequel il est question, sous certaines réserves, de donner au préfet, donc à l’État, tout pouvoir de substitution aux collectivités que nous aurons installées.

Une telle démarche, à notre sens peu respectueuse du principe de libre administration des collectivités, doit être repoussée. Ce n’est pas parce que l’article 73 de la Constitution s’applique que son article 72 perd toute sa valeur !

De fait, il nous semble bien plus pertinent de réfléchir en amont au contenu que nous voudrons bien donner aux concours apportés aux collectivités émergentes, notamment aux moyens financiers dont celles-ci seront dotées, que de soumettre ces collectivités à la procédure prévue à cet article 9. C’est d’autant plus vrai que la situation naturelle de la Martinique peut fort bien, dans certaines situations particulières, entraîner de façon tout aussi naturelle la mise en œuvre de la solidarité nationale.

Dans le cadre de cette intervention, je formulerai également quelques observations sur la manière dont seront élues les nouvelles assemblées.

Mon premier constat sera le suivant : partant d’un conseil général élu au scrutin uninominal à deux tours et d’un conseil régional désigné à la proportionnelle avec prime majoritaire, nous arrivons, avec le présent texte, à un système plutôt proportionnel, avec une prime majoritaire et une certaine forme de territorialisation.

Cela signifie que nous procéderons à une sorte de sectionnement électoral de la Guyane comme de la Martinique, qui sera assez proche de celui que nous connaissons aux élections régionales et qui aura tout de même un certain impact sur la répartition des sièges, compte tenu de l’importance de la prime.

Ce mode de scrutin m’inspire quelques remarques.

Tout d'abord, on pourrait fort bien s’en inspirer pour la métropole, puisque, contrairement à ce qui se passera pour les conseillers territoriaux – du moins si j’en crois la lettre du projet de loi qui leur a été consacré –, deux assemblées locales outre-mer seront élues à la proportionnelle, certes dans une version un peu corrigée et pas vraiment intégrale, mais avec ce mode de scrutin tout de même !

Ensuite, s’il fallait absolument assurer une attache territoriale aux membres de ces assemblées, nous aurions pu promouvoir un système proportionnel dans lequel auraient été désignés les premiers élus de chaque parti en vertu d’un vote personnel direct.

Pour ne prendre que l’exemple de la Guyane, l’assemblée unique se substituant sur ce territoire à un conseil général de 19 membres et à un conseil régional de 31 élus, rien n’empêchait de laisser en place les 19 territoires cantonaux actuellement découpés, d’y faire élire des conseillers issus des différentes forces politiques locales et de compléter l’assemblée avec 32 élus qui auraient permis, sur la base des voix obtenues proportionnellement par chaque parti, de compenser les éventuelles inégalités issues du vote local.

Dans certains pays du continent américain, les électeurs votent d’ailleurs parfois à la fois pour des élus au scrutin direct et pour des listes présentées par les partis politiques existants, un certain nombre de sièges étant quelquefois attribués à ces derniers afin de compenser l’écart créé par le scrutin direct.

Bref, nous ne sommes pas encore convaincus de l’absolu bien-fondé du mode de scrutin qui est ici mis en avant et qui risque fort de n’avoir qu’une seule raison d’être : limiter le plus possible le nombre de listes présentes lors des futures élections.

Au demeurant, l’organisation de la première consultation relative à l’élection des deux nouvelles assemblées n’est pas sans poser problème.

En effet, tout laisse penser que le Gouvernement a l’intention de faire en sorte que cette élection coïncide exactement avec l’installation des conseillers territoriaux en 2014, ce qui, sous couvert de laisser du temps au temps, permet surtout de donner à ceux qui disposent pour l’heure de la majorité dans les deux conseils régionaux les moyens de se préparer au mieux à la suite des opérations.

Ce point n’est pas sans importance, notamment lorsqu’on sait que, en Guyane, la majorité au conseil général est différente de celle qui prévaut au conseil régional et qu’elle n’envisage sans doute pas l’avenir du territoire de la même manière.

Nous trouvons trace de cette volonté d’attente dans le libellé de l’article 10 de la loi ordinaire, qui tend, en particulier, à permettre au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnances pour résoudre un certain nombre de questions et, par conséquent, pour repousser assez aisément le moment de prendre certaines décisions. Cet article accorde en effet au Gouvernement dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi pour promulguer ces ordonnances.

Mes chers collègues, imaginons que la loi soit promulguée à la fin du mois de juin 2011 : le Gouvernement aura jusqu’à la fin de décembre 2012 pour promulguer les ordonnances et jusqu’à la fin de juin 2013 pour déposer les projets de loi de ratification. En outre, il disposera du début de la session 2013-2014 pour, éventuellement, faire ratifier ces ordonnances, soit au travers d’un texte propre, soit au détour d’une loi de finances, par exemple celle qui vaudra pour l’année 2014. Évidemment, vu la nature des questions posées, la tentation de recourir à ce type de texte sera forte !

De plus, une commission tripartite, dont la composition sera fixée par décret simple, réfléchira à l’ensemble des questions posées par les normes financières et comptables comme par les transferts de biens, de propriété et d’obligations. Pourquoi ne pas installer d’emblée cette instance et lui donner un délai raisonnable pour travailler, d’autant que certaines questions nous semblent déjà clairement identifiées ?

La démarche privilégiée par le Gouvernement vise, en fait, à rendre quasi impossible toute mise en place rapide et effective des nouvelles assemblées, lors même que l’article 12 du projet de loi ordinaire permettrait de ne pas retenir la date de mars 2014.

Grosso modo, ce texte ouvre une fenêtre de tir entre le 1er janvier 2013 et mars 2014, mais pour la refermer aussitôt, semble-t-il ! N’est-ce pas, madame la ministre ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Pas du tout ! Ce point ne figure pas dans la loi.

Mme Odette Terrade. Un tel choix nous conduit à nous interroger sur les prolongements que ce projet de loi pourra connaître à moyen terme.

Ce que les événements des mois de février et mars 2009 ont prouvé, c’est que les sociétés ultramarines étaient marquées par de profondes inégalités sociales. Un sentiment non pas de fatalité devant l’état des choses, mais de blocage et d’absence de promotion sociale et/ou individuelle y est largement partagé.

Ainsi, pour la Martinique, ce mouvement a révélé, de manière évidente, que l’ensemble du commerce et une bonne partie des activités productrices étaient, de fait, contrôlés par un nombre extrêmement réduit de personnes, pour ne pas dire de familles, le plus souvent issues des anciennes lignées de planteurs ou d’une immigration plus récente venue de métropole, et que cette concentration s’opérait au détriment du plus grand nombre.

Si l’évolution statutaire et institutionnelle de la Martinique ne conduit nullement à modifier la situation des pouvoirs économiques et les rapports sociaux et si elle n’offre pas à la jeunesse locale, enfin, les moyens de développer pleinement ses potentiels et ses projets, elle n’aura pas servi à grand-chose. Pis, elle risquera fort de rendre la population méfiante envers toute autre évolution ultérieure et envers le mode de fonctionnement institutionnel qui lui est ici proposé.

La même observation vaut, bien entendu, pour la Guyane, où les problématiques urbaines, comme la protection et de la valorisation des espaces, se posent avec une acuité particulière.

En effet, sur un territoire où l’on compte 30 % de chômeurs – un taux encore plus élevé frappant les femmes et les jeunes, comme d’habitude –, où un grand nombre de logements sont encore dépourvus du confort le plus élémentaire, où de nombreux jeunes sortent du système scolaire sans la formation et les acquis leur permettant de prendre la place qu’ils méritent dans la société, il faudra sans doute autre chose qu’un simple ajustement institutionnel.

Si cette évolution peut conduire à d’autres changements, plus importants, pour les Guyanais, elle sera positive. Si tel n’est pas le cas, elle disqualifiera durablement toute tentative d’évolution qui ne s’appuierait pas sur une priorité accordée à la question sociale et aux problèmes économiques.

Ce constat nous amène, en particulier, à souligner le problème, sous-jacent, des moyens financiers dévolus aux nouvelles collectivités. Le regroupement des conseils généraux et régionaux provoque naturellement la fusion des compétences dévolues aux deux structures, mais aussi, évidemment, celle de leurs ressources propres, singulièrement des dotations budgétaires en vigueur.

Il nous a été indiqué que, parmi les objectifs du texte, figurait, notamment, la volonté de réaliser des économies, en supprimant les doublons. Je ne sais pas si cette formule est nécessairement la bonne, en particulier quand on constate, ce qui est plus que regrettable, une tendance forte à la réduction de la ligne budgétaire unique dévolue au financement du logement – ce point a encore été souligné il y a peu de temps.

Je crains même que nous ne devions être extrêmement vigilants quant à la suite des opérations, d’autant que le risque de nouveaux « délestages » de l’État vers les nouvelles collectivités existe bien.

Madame la ministre, mes chers collègues, sur la foi de ces observations, vous comprendrez aisément que notre groupe attende la fin de la discussion des articles pour déterminer son vote global sur ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Soibahadine Ibrahim Ramadani applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la Martinique et la Guyane resteront longtemps marquées par les troubles de l’année 2009.

La grève animée par le mouvement autonomiste LKP a mis en relief les problèmes et les défis auxquels les départements et régions d’outre-mer font face aujourd’hui. Le chômage persistant, le déséquilibre économique, la dépendance financière vis-à-vis de la métropole, la vie chère, enfin, illustrent les multiples difficultés que rencontrent les pouvoirs publics comme la population au quotidien.

Les deux projets de lois dont la discussion nous réunit ce jour prévoient une réforme majeure des cadres territoriaux de l’administration de la Guyane et de la Martinique. Si ce changement se révèle aussi souhaitable que nécessaire, il n’a pas répondu à toutes les inquiétudes formulées par les élus des territoires concernés. A fortiori, il ne permettra pas de relever à lui seul les défis auxquels l’outre-mer est confronté aujourd’hui.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a profondément modernisé les dispositions de l’article 73 de la Constitution.

Dans sa nouvelle rédaction, cet article permet de créer, par voie législative, une assemblée délibérante ou une collectivité unique après consultation référendaire locale.

Si la loi relative à la réforme des collectivités territoriales prévoit la création d’un conseiller territorial unique pour les départements et les régions, aucune disposition spécifique ne concerne les territoires d’outre-mer.

C’est dans ce contexte de réforme notable du cadre administratif des territoires que deux séries de référendums locaux ont été organisés afin de déterminer l’évolution à venir de l’organisation territoriale de la Guyane et de la Martinique.

Le résultat a été sans appel. Si, lors du scrutin du 10 janvier 2010, les électeurs guyanais et martiniquais ont rejeté la transition de leurs territoires vers le régime de l’article 74 de la Constitution, ils se sont en revanche prononcés, respectivement à 60 % et 70 %, pour la création d’une collectivité unique dans le cadre de l’article 73 de notre loi fondamentale.

C’est donc dans le souci d’une plus grande efficacité de l’action publique dans ces territoires et avec l’appui d’une large approbation démocratique que le Gouvernement a pu lancer un vaste processus de concertation avec les élus de Guyane et de Martinique afin de déterminer les solutions les plus appropriées aux singularités de ces territoires.

L’institution d’une collectivité unique en Guyane et en Martinique était rendue nécessaire sur le plan du droit du fait de la consultation référendaire menée en janvier 2010. Elle était aussi souhaitable dans la perspective de la simplification des processus décisionnels avec, en ligne de mire, une meilleure efficacité des politiques publiques.

Les deux projets de loi prévoient une série de dispositions communes aux deux nouvelles collectivités uniques : la réforme de la procédure de l’habilitation législative et les principes du régime électoral.

L’intervention du législateur organique était impérative afin de revenir sur certaines dispositions du code général des collectivités territoriales qui encadrent le régime des habilitations prévues à l’article 73 de la Constitution.

Le projet de loi organique prévoit une procédure plus souple et encore plus opérationnelle. Un décret en Conseil d’État permettra dorénavant d’habiliter les collectivités à prendre des mesures d’ordre réglementaire. Une loi d’habilitation sera toujours nécessaire pour que les actes des collectivités uniques puissent intervenir dans le domaine de la loi.

La durée de cette habilitation sera aménagée afin de s’adapter au rythme de la décision publique. Initialement prévue pour deux ans et impliquant, par conséquent, un renouvellement législatif régulier, la nouvelle habilitation sera étendue à six ans de manière à être couplée avec la durée du mandat des nouveaux conseillers des assemblées délibérantes.

Le régime du mandat électoral en assemblée unique sera unifié en Guyane et en Martinique. L’élection est proclamée à l’issue d’un scrutin de liste proportionnel qui a deux caractéristiques majeures : d’abord, une prime majoritaire de 20 % des sièges à pourvoir, ensuite, la subdivision de la circonscription électorale en sections dans lesquelles se présentent les différentes listes candidates.

L’architecture institutionnelle de ces deux collectivités est, en revanche, différenciée afin de pouvoir s’adapter au mieux aux spécificités de ces deux territoires.

La collectivité unique de Guyane disposera d’organes spécifiques : une assemblée délibérante unique, l’Assemblée de Guyane ; une commission permanente en charge des fonctions exécutives de la collectivité ; enfin, un conseil économique, social et environnemental consulté pour avis.

Le projet de loi ordinaire confère une spécificité à la collectivité de Guyane : la commission permanente sera compétente pour délibérer dans certaines matières au-delà de ce que l’Assemblée de Guyane peut lui déléguer.

La collectivité unique de Martinique présente, en apparence, une architecture assez similaire. La principale différence réside dans la nature de son organe exécutif. Le conseil exécutif et son président seront politiquement responsables devant les conseillers de l’Assemblée de Martinique. Cet équilibre de la responsabilité et de la décision a été institué afin de mieux répondre aux singularités politiques de l’île.

La collectivité unique n’est pas une réponse en soi aux problèmes de l’outre-mer. Sans doute cette solution n’est-elle pas adaptée à tous les territoires d’outre-mer. Nous n’avons, à ce jour, qu’une seule certitude : la collectivité unique est un outil de réponse, et non une solution donnée clés en main.

Je salue, en mon nom et au nom du groupe de l’Union centriste, le travail réalisé par la commission des lois, notamment par son rapporteur, M. Christian Cointat. Ce dernier avait déjà pointé dans un précédent rapport d’information que la collectivité unique était une simple opportunité de modernisation, et non une solution toute faite.

En adoptant les amendements de son rapporteur, la commission des lois a cherché à garantir plus fermement l’inscription des collectivités uniques dans le régime et le cadre prévus par l’article 73 de la Constitution.

La commission a, d’abord, adopté de nombreux amendements rédactionnels qui restaurent la présentation intégrale des dispositions s’appliquant aux collectivités uniques. Elle se substitue à la rédaction préparée par le Gouvernement qui, si elle avait le mérite de la concision, perdait fortement en lisibilité et en accessibilité.

La commission a, ensuite, adopté des amendements visant à garantir le respect du pluralisme politique en Martinique en revenant sur la version initiale de la motion de défiance dont disposent les élus de l’Assemblée de Martinique. Dans sa nouvelle mouture, la motion pourra être déposée par le tiers des conseillers et adoptée à la majorité absolue sans garantir aux membres du conseil exécutif de retrouver leur siège à l’assemblée. C’est donc un gage de responsabilité supplémentaire qui devra inciter l’exécutif de Martinique à la prudence.

Le mode de scrutin et le découpage des sections électorales de Guyane ont été également revus et corrigés par la commission afin de ne pas reproduire trop fortement les disparités géographiques du territoire guyanais.

Unanimement dénoncés par les élus et rappelés dans le rapport d’information par notre collègue Christian Cointat, les pouvoirs de substitution du préfet ont été édulcorés. La substitution ne sera plus déclarée d’entrée, elle sera désormais soumise à une procédure de constatation en carence sous l’autorité du Gouvernement.

Notre ancien collègue le sénateur honoraire Roger Lise a attiré l’attention du Sénat sur les inquiétudes partagées par de nombreux élus martiniquais. Beaucoup de collectifs d’élus se sont mobilisés, une fois connus les deux projets de loi, pour manifester leur inquiétude quant à l’évolution de ces collectivités. Roger Lise s’est notamment interrogé sur l’équilibre institutionnel dégagé par le Gouvernement lors des concertations menées l’an passé : le régime de la collectivité unique ne serait-il pas une application de fait de l’article 74 ?

Le régime de l’article 73 de la Constitution est bien distinct de celui de l’article 74, relatif aux territoires d’outre-mer, qui prévoit, notamment, l’autonomie de ces territoires telle que pratiquée en Polynésie française, par exemple. La voie de la départementalisation en Martinique et en Guyane est le fruit d’une longue histoire. La population locale a manifesté son attachement au régime de l’article 73 et, donc, à une intégration complète dans la République.

En outre, personne ne sait quels seront les effets du scrutin proportionnel sur la représentation politique en Guyane et, surtout, en Martinique. La réforme institutionnelle de la collectivité unique ne doit pas devenir un outil aux mains des autonomistes dès lors que la population s’est fermement prononcée contre le passage au régime de l’article 74.

Le dispositif prévu par les deux projets de loi, s’il s’appuie sur une architecture textuelle complexe, est porteur de garanties suffisantes pour assurer les élus locaux de l’ancrage des nouvelles collectivités dans le régime de l’article 73. Si nous devons rester attentifs à l’évolution de ces nouvelles institutions et à leur possible application à d’autres parties de l’outre-mer – j’ouvre une parenthèse pour rappeler ici, mes chers collègues, que la Réunion, à maintes reprises, a manifesté son hostilité farouche à tout changement institutionnel –, le groupe de l’Union centriste soutiendra l’adoption de ce texte tel qu’adopté par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur plusieurs travées de lUMP et au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.