M. Ronan Kerdraon. « Dangereusement » ?

Mme Monique Papon. … poussant les écoles à refuser des enfants de deux ans, le débat est bien évidemment toujours d’actualité.

À quelle structure souhaitons-nous alors confier nos enfants de deux ans ? Au-delà des considérations financières ou politiques, il faut rechercher avant tout le meilleur pour l’enfant.

Or il ressort des auditions que nous avons menées en 2008 un consensus pour reconnaître que l’école maternelle offre un cadre peu adapté aux enfants de moins de trois ans. Ce sont encore des « bébés ». Ils ont un très fort besoin tant de protection que de sécurité et ne sont absolument pas autonomes.

M. Guy Fischer. Il vaut mieux entendre ça que d’être sourd !

Mme Monique Papon. L’école ne peut pas respecter leurs besoins affectifs et leur rythme biologique, liés notamment au sommeil, aux repas, à la propreté. Aujourd’hui, un enfant qui entre à l’école doit être propre.

Finalement, on peut dire que l’enfant est bien grand pour la crèche mais encore bien petit pour l’école maternelle.

C’est la raison pour laquelle notre rapport s’orientait vers la création de jardins d’éveil, structures intermédiaires pouvant faire le pont entre la crèche et l’école.

J’ajouterai que la France est le seul pays, avec la Belgique, à accueillir des enfants dans un cadre scolaire à partir de l’âge de deux ans.

Le débat d’aujourd'hui préfigure les échanges que nous aurons sans doute prochainement, des propositions de loi sur le sujet, que j’aurai la tâche de rapporter, ayant été déposées par plusieurs de mes collègues, madame la secrétaire d'État.

À l’occasion de ce débat, je souhaite rappeler une recommandation formulée en 2008 par le groupe de travail sur la scolarisation des jeunes enfants et qui me semble importante.

Nous avons en effet préconisé le développement de relations entre les partenaires de la petite enfance, sous la tutelle du ministère des solidarités et de la cohésion sociale, et ceux de l’école maternelle, sous la tutelle du ministère de l’éducation nationale. Dans le cadre d’un partenariat, les professionnels de la petite enfance, qu’ils interviennent en crèches, ou en école maternelle, pourraient notamment bénéficier d’actions communes de formation.

Des dispositions ont-elles été prises en ce sens, madame la secrétaire d'État ?

Pourriez-vous également nous indiquer si la formation initiale des enseignants exerçant en maternelle prend mieux en compte aujourd’hui la connaissance du développement physique, psychologique et psychique du jeune enfant ?

Dernière question, qui sera d’ailleurs très certainement reprise par mon collègue Pierre Martin, où en est l’expérimentation des jardins d’éveil, structures que nous envisagions comme une bonne transition vers l’école maternelle ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je vous remercie par avance, madame la secrétaire d'État, de vos réponses. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, pour ce qui est de l’accueil des tout-petits, je souhaite résolument me placer dans le « concret », dans le « possible ».

En matière de petite enfance, l’objectif est double.

D’une part, il s’agit d’offrir à chaque famille qui le souhaite la possibilité de faire garder son ou ses enfants d’âge préscolaire à un coût raisonnable, cet élément financier valant aussi bien pour les finances publiques que pour celles des parents.

D’autre part, il convient d’assurer les conditions d’accueil et d’éveil aux savoirs des tout-petits, raison pour laquelle il importe de proposer des structures adaptées à la maturité psychique et physique de ces enfants ainsi que d’améliorer la formation des professionnels.

Je ne veux pas me livrer à une énumération de chiffres, mais trois données me paraissent essentielles.

Au 1er janvier 2009, la capacité d’accueil des jeunes enfants s’élevait à environ 1 153 000 places. Les dernières études publiées ont montré qu’il manquait encore 400 000 places pour répondre aux besoins. Par ailleurs, avec plus de 600 000 places proposées, les assistantes maternelles représentent le premier mode de garde en volume. Viennent ensuite les structures collectives de type crèche et la garde par une employée à domicile.

Nous savons qu’il est impossible, pour des raisons financières, de bâtir une politique de développement de l’offre de garde uniquement sur l’accroissement des capacités d’accueil des crèches et l’essor de la garde à domicile.

L’une des orientations prioritaires est l’accroissement du nombre d’assistantes maternelles et l’essor des MAM, les maisons d’assistants maternels.

Les MAM ont fait l’objet d’une première proposition de loi, votée le 14 janvier 2010 au Sénat. Après des mois d’obstination et de travail acharné, notamment de la part de nos collègues sénateurs Jean Arthuis et André Lardeux, les MAM ont été consacrées par la loi du 9 juin 2010 relative à la création des maisons d’assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels.

Je n’ignore pas que des critiques ont été opposées à cette formule innovante, mais je suis convaincue par les avantages particuliers qu’elle présente.

Mme Muguette Dini. Pour les familles, elle offre une amplitude horaire qu’aucun autre mode de garde collective ne permet.

Pour les enfants, les risques sont réduits. Le travail en équipe, auprès d’eux, des assistantes maternelles favorise une vigilance mutuelle, une vraie interactivité.

Pour les assistantes maternelles, la mise en commun d’expériences et de réflexions constitue une avancée tout à fait considérable.

De nombreuses communes, essentiellement rurales mais pas seulement, ne disposent pas de ressources suffisantes pour financer une crèche. Les MAM sont alors la seule forme permettant à ces communes d’offrir une solution de garde à leurs habitants.

Le 10 février 2010, soit entre les deux lectures de la proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels, le Président de la République déclarait, lors des assises des territoires ruraux : « […] je soutiens […] le développement des maisons d'assistantes maternelles […]. J'oserai d'ailleurs une remarque. Bien sûr qu'il faut faire attention [aux] conditions de sécurité, d'hygiène pour garder nos enfants, mais arrêtons aussi la folie réglementaire ! Entre les conditions de mètres carrés, le nombre de fenêtres, l'air qui circule, le nombre de personnes, il n'y a pas un seul de nos enfants, chez nous, qui soit gardé comme ils sont gardés dans des établissements publics. » (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Françoise Cartron. Cela m’étonnerait !

Mme Muguette Dini. À la fin du mois d’octobre 2010, donc près de cinq mois après le vote de la loi, 82 MAM fonctionnaient déjà et 107 étaient en cours d’ouverture, soit 189 MAM réparties dans cinquante-quatre départements.

Comment ne pas alors déplorer, madame la secrétaire d'État, l’avis rendu, le 2 décembre 2010, par la sous-commission ERP de la commission centrale de sécurité de la direction de la sécurité civile du ministère de l’intérieur – voilà un titre explicite ! –, avis relatif à la réglementation de sécurité applicable aux MAM ?

Cet avis les classe en établissement recevant du public de type R de quatrième catégorie. Si ce n’est pas le contraire de ce qu’a dit le Président de la République, je me demande ce que c’est !

M. Raymond Vall. Très bien !

Mme Muguette Dini. Cette décision soumet les MAM à une série de normes de sécurité et d’accessibilité, en matière de construction, d’aménagement intérieur, d’éclairage, d’appareils de cuisson, sans parler des vérifications techniques par des organismes agréés.

Cet avis réduit donc à néant tout notre travail législatif. Il met un véritable point d’arrêt à la création des MAM et remet en cause 95 % des structures existantes.

Cette situation est d’autant plus inadmissible que les fonctionnaires concernés avaient été sollicités par la commission des affaires sociales du Sénat pour réfléchir aux solutions juridiques permettant de concilier exigences de sécurité et développement des MAM.

Madame la secrétaire d'État, je demande que soit respectée la volonté du législateur : les MAM doivent être considérées comme le prolongement du domicile des assistantes maternelles, sous le contrôle des services de la PMI, la protection maternelle et infantile, appliquant leurs normes habituelles. Laissez, je vous en prie les présidents de conseil général assumer leurs responsabilités !

Je sais que M. Guéant, alerté par mon collègue Jean Arthuis, a saisi la mesure de l’enjeu. Alors, j’attends de vous, madame la secrétaire d'État, que vous progressiez très rapidement sur ce sujet, éventuellement à l’échelon interministériel.

J’en viens au second sujet qui me tient à cœur, celui de la formation des personnels chargés de l’accueil des tout jeunes enfants, au moment précisément où ils s’éveillent au monde et où l’on sait que se posent les bases de l’acquisition des savoirs et de la culture qui leur permettront de trouver leur place dans la société.

Le niveau de formation peut aller de l’absence totale, dans le cas d’un accueil ponctuel, à des diplômes sanctionnant trois ou quatre années d’études après le baccalauréat, en passant par les 120 heures de formation délivrées aux assistantes maternelles exerçant à domicile ou en MAM.

Certains professionnels relèvent – c’est le cas le plus fréquent – du secteur sanitaire : il s’agit des auxiliaires de puériculture, formés à la délivrance des soins mais non à la pédagogie. D’autres, moins nombreux, sont issus du secteur socio-éducatif.

Dès le début de l’année 2010, j’ai commencé à travailler sur l’intérêt que présenterait la création d’une filière de formation spécifique, délivrant les compétences globales nécessaires à l’accueil des jeunes enfants, quel que soit le type de structure.

D’une durée totale de dix-huit mois, dont la moitié « en situation », la formation « d’accueillant éducatif » se concentrerait sur l’éveil de l’enfant, sur son développement psychologique et affectif, sans négliger, bien entendu, les connaissances sanitaires.

Dans ce cadre, les éducateurs de jeunes enfants, dont la formation comprendrait un module de gestion, seraient amenés à devenir des directeurs de structures et à encadrer les accueillants éducatifs.

J’ai su que Mme Bachelot-Narquin avait lancé une expérimentation en ce sens. Je serais heureuse, madame la secrétaire d'État, d’en savoir plus.

J’en suis convaincue, la petite enfance constitue une réserve d’emplois importante, que l’attente des familles est immense en la matière et qu’il nous appartient de valoriser ces métiers et de permettre l’accomplissement professionnel des personnes qui les exercent. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat est l’occasion de rappeler que la petite enfance est un enjeu de société et de se poser, parmi d’autres, les questions suivantes : quels sont les besoins des enfants ? Quels sont ceux des familles ? Qui peut les satisfaire au mieux ? Quelle est la structure qui peut prendre en charge au mieux l’enfant ?

C’est le moment de réaffirmer solennellement qu’une politique publique ambitieuse dans ce domaine constitue un investissement pour l’avenir de notre pays.

Bref, c’est l’occasion de tracer les grandes lignes d’un véritable plan d’urgence pour l’accueil de la petite enfance.

L’enjeu est double : d’une part, permettre à toutes les familles qui le souhaitent d’obtenir pour leur enfant un mode d’accueil de qualité sans barrière financière ; d’autre part, faciliter l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle pour les parents, en particulier les mères.

Qu’observons-nous aujourd’hui ?

Les politiques gouvernementales convergent vers une dégradation des dispositifs existants, au détriment des attentes des familles et des professionnels. J’en veux pour preuve la RGPP et sa logique dogmatique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite.

Ces décisions tournent le dos aux principes fondamentaux du service public de l’éducation et fragilisent l’école de la République.

Si la dégradation des conditions d’accueil ou de scolarisation des jeunes enfants est inacceptable, elle n’est pas inéluctable, à condition de poser une exigence de qualité. Force est cependant de constater que la question reste entière.

De multiples études réalisées en France et à l’étranger montrent pourtant que la qualité d’accueil des enfants serait liée à la prise en compte des niveaux de qualifications professionnelles, des taux d’encadrement et d’une taille restreinte des groupes d’enfants.

Une vraie politique de la petite enfance ne doit pas non plus ignorer la complexité des métiers de ce secteur d’activité. Or, aujourd'hui, tout laisse à penser qu’il n’est pas nécessaire d’acquérir une formation solide pour s’occuper de jeunes enfants en collectivité.

Il en va ainsi de la réduction de la proportion de personnel qualifié dans les établissements, qui est passée de 50 % à 40 % depuis juin 2010, ou encore de la possibilité donnée aux assistantes maternelles, qui n’ont que 120 heures de formation, de se regrouper en dehors de leur domicile pour accueillir jusqu’à seize enfants, cela sans supervision ni encadrement !

Oui, l’accueil en structure collective nécessite du personnel qualifié et cela impose des moyens !

Cela doit se traduire par un accroissement des places d’auxiliaire de puériculture, de puéricultrice et d’éducatrice de jeunes enfants dans les écoles de formation, et des postes d’enseignant et d’agent territorial spécialisé des écoles maternelles, ou ATSEM, personnels formés à l’éducation et à l’accompagnement de tout jeunes enfants.

L’accueil des enfants de moins de trois ans en école maternelle ne doit pas non plus servir de variable d’ajustement pour la suppression de postes dans l’éducation nationale. Au contraire, l’école maternelle doit être dotée des moyens nécessaires pour que chaque famille qui le souhaite puisse scolariser un enfant âgé de deux ou trois ans dans des conditions adaptées à cet âge d’entrée à l’école maternelle.

À ce sujet, la scolarisation obligatoire dès l’âge de trois ans s’impose de plus en plus.

Par ailleurs, comme l’ont dit à plusieurs reprises mes excellents collègues Claude Bérit-Débat et Jean-Jacques Mirassou, les jardins d’éveil ne constituent pas une réponse adaptée aux attentes des familles. Ces structures, créées avec des conditions dérogatoires, pèsent sur le budget des familles.

Se pose également la question du coût pour les communes, qui devront aménager des locaux municipaux et faire face à de nouvelles charges de fonctionnement et de personnel.

Le secteur de la petite enfance est devenu en quelques années un lieu privilégié d’expérimentation. Dans ce domaine, les collectivités locales font preuve de créativité pour améliorer, d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif, la prise en charge des jeunes enfants.

En élargissant les amplitudes horaires des structures, l’offre de garde doit permettre de proposer des solutions aux parents ayant des horaires atypiques. Par exemple, la ville de Metz expérimente depuis 2009 une offre de garde de nuit. De même, certaines entreprises ont pris l’initiative d’accompagner leurs salariés dans la recherche de solutions adaptées.

Dans mon département, les Côtes-d’Armor, c’est le cas, par exemple, du réseau MAMHIQUE, pour Modes d’accueil mutualisés en horaires atypiques. Les assistantes maternelles volontaires, qui sont salariées par les parents, reçoivent en outre une indemnité compensatrice pour horaires décalés. Cette indemnité permet de prendre en compte la valeur ajoutée du service offert, ces assistantes pouvant être amenées à se rendre la nuit au domicile des parents.

Dans ma commune, nous avons fait le choix politique d’ouvrir une classe dite « passerelle » pour les enfants de deux à trois ans. Cette structure accueille aujourd’hui une vingtaine d’enfants, avec un encadrement adapté : le matin, un instituteur, une éducatrice de jeunes enfants et une ATSEM sont présents ; tandis que, l’après-midi, la structure fonctionne comme une crèche collective, sous la responsabilité de la directrice de la maison de la petite enfance.

Madame la secrétaire d'État, sachons tirer profit de ces expériences innovantes pour bâtir un véritable service public de la petite enfance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la question qui nous est posée aujourd’hui, à l’initiative du groupe CRC-SPG, est très ouverte : quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ?

Les enjeux soulevés par cette interrogation ont été évoqués à cette tribune par d’autres avant moi, sous des angles différents. Pour ma part, j’ai choisi d’évoquer plus particulièrement la problématique des modes de garde des plus jeunes enfants, qui est au cœur des préoccupations quotidiennes d’un grand nombre de nos concitoyens.

En effet, pouvoir concilier vie privée et vie professionnelle en trouvant un mode de garde pour ses jeunes enfants relève désormais du parcours du combattant pour les familles, tout particulièrement pour les ménages les plus modestes. Comble du paradoxe, ces derniers se voient obligés de faire le choix de sacrifier l’emploi de l’un des deux parents, très fréquemment celui de la femme, pour pouvoir assurer la garde de l’enfant en bas âge.

De fait, il n’y a pas suffisamment de structures d’accueil dans nos campagnes, non plus que dans nos villes, où celles qui existent sont surchargées.

L’une des solutions dont disposent les parents qui travaillent est donc le congé parental. Alors que, dans son principe, il repose sur le libre choix, il est aujourd’hui vécu non seulement comme une contrainte mais, pis, comme une cause de précarisation, « un sas vers l’inactivité alors qu’il devrait n’être qu’une parenthèse », selon Brigitte Grésy.

Madame la secrétaire d’État, dois-je vous rappeler qu’un tiers des bénéficiaires du congé parental s’arrêtent de travailler parce qu’ils ne trouvent pas de mode de garde alternatif ? Le constat est amer : avoir des enfants demeure un frein trop important à la carrière des femmes.

Pourtant, dans son discours du 13 février 2009 sur la politique familiale, le Président de la République s’était engagé, je vous le rappelle, à mener une politique ambitieuse en faveur de la petite enfance. Il annonçait alors la création d’au moins 200 000 offres de garde supplémentaires d’ici à 2012, pour répondre aux besoins de l’ensemble des familles.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? D’après le Haut Conseil de la famille, au cours de l’année 2009, 20 000 places d’accueil ont été créées au sein des crèches et 21 200 enfants supplémentaires ont été gardés par une assistante maternelle. Nous sommes donc encore très loin de l’objectif fixé par le Président de la République, alors que 2012, c’est demain !

C’est d’autant plus grave que le besoin réel d’accueil non satisfait est plutôt évalué à 400 000 places. Le compte n’est pas bon !

Dans ce contexte, il est hautement regrettable que l’effort n’ait pas porté davantage sur le développement de l’accueil collectif, qui demeure le mode de garde préféré des parents. Il offre en effet des conditions professionnelles sécurisantes et stimulantes pour la socialisation des enfants.

Le besoin croissant d’équipements collectifs destinés aux enfants de moins de trois ans s’explique aussi par une baisse de la préscolarisation de ces enfants. En dix ans, le taux de scolarisation à l’âge de deux ans est passé de 35 % à 15 % et cette tendance ne devrait malheureusement pas s’inverser. En effet, alors même que la France enregistre le taux de natalité le plus élevé d’Europe, des milliers de postes d’enseignant ont été supprimés et la mise en place des jardins d’éveil, dont le bilan est par ailleurs mitigé, a accéléré le processus.

Nous avions été nombreux à exprimer nos craintes à l’égard de cette nouvelle structure. Je le répète aujourd’hui : elle représente une forme de privatisation de l’école maternelle, un nouveau transfert de compétences vers les collectivités territoriales, vaches à lait reconnues, et, au final, un désengagement de l’État du secteur de la petite enfance. Sa conséquence directe est le renforcement des inégalités territoriales.

La scolarisation des enfants dès l’âge de deux ans comporte de nombreux avantages et, par conséquent, rencontre un certain succès auprès des parents. En effet, il a été démontré que, plus tôt un enfant est scolarisé, plus grandes sont ses chances d’accéder au collège sans redoubler. C’est sans doute la raison pour laquelle trois groupes parlementaires ont déjà déposé des propositions de loi relatives à cette problématique, notamment pour rendre l’école obligatoire dès l’âge de trois ans et instituer un droit, ou une obligation, selon les groupes, à la scolarisation dès l’âge de deux ans.

L’accueil des tout-petits en école maternelle, cette belle exception française que le monde entier nous envie, est malheureusement devenu un sujet délicat à cause de la politique de pénurie menée depuis plusieurs années. La restriction du nombre de postes n’est pas favorable à un accueil de bonne qualité.

La formation soulève une autre question : contrairement ce qui se passe en Espagne et en Suède, où le métier de professeur en école maternelle est considéré comme une spécialité, en France, les professeurs des écoles sont habilités à enseigner aux enfants âgés de deux à onze ans. Ils peuvent ainsi travailler indifféremment dans une école maternelle ou une école élémentaire au gré des postes vacants, et passer de l’une à l’autre à tout moment de leur carrière.

Le contenu de la formation donne aux enseignants des connaissances orientées vers les disciplines générales de l’enseignement primaire. Cette formation n’est pas du tout adaptée au cadre de la maternelle et ne permet donc pas la mise en place d’une pédagogie individualisée centrée sur le petit enfant.

Ces lacunes sont frappantes également en ce qui concerne la détection et la prise en charge des enfants précoces ; la plupart d’entre eux se retrouvent d’ailleurs confrontés à l’échec scolaire, ce qui est un comble !

Je voudrais enfin évoquer la question de l’accueil en milieu scolaire ordinaire des enfants présentant un handicap.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, affirme le droit de chacun à une scolarisation en milieu ordinaire et à un parcours scolaire continu et adapté. Toutefois, dans les faits, les moyens mis en place ne permettent pas de garantir ce droit dans des conditions acceptables, que ce soit pour les élèves ou pour les enseignants.

L’exemple des enfants autistes illustre cette contradiction, dans la mesure où la plupart de ceux qui sont en âge d’être scolarisés sont privés de ce droit : 20 % seulement accèdent à l’école ordinaire et 30 % sont accueillis en instituts médico-éducatifs ou en hôpitaux de jour. Où sont les autres ?

Scolariser ou accueillir un enfant autiste est un réel défi pour les parents. Certes, 68 % des enseignants estiment que la place de ces enfants est plutôt dans un institut spécialisé, mais l’école leur permettrait d’accéder aux méthodes d’apprentissage indispensables à une meilleure socialisation. Pour autant, leur intégration à l’école ne peut réussir que si sont mobilisés des moyens humains adaptés, si les professeurs sont mieux formés au handicap, les effectifs allégés et davantage d’assistants réellement recrutés pour seconder et accompagner les enfants et les professionnels.

Madame la secrétaire d’État, des solutions existent pour favoriser une meilleure prise en charge de la petite enfance, mais il faut vouloir les mettre en œuvre. Cela nous ramène à la question initiale : quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? Nous attendons votre réponse ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne vous étonnerai guère en vous disant que je partage totalement le constat dressé par mon amie Isabelle Pasquet. Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, on mesure en effet au quotidien les effets désastreux de votre politique tant familiale qu’économique, madame la secrétaire d’État.

La Caisse d’allocations familiales de la Seine-Saint-Denis peine ainsi, faute de personnels en nombre suffisant, à maintenir un service public de bonne qualité, au point que, très récemment, de nombreux établissements ont été contraints de fermer leurs portes au public afin de pouvoir traiter les dossiers en retard, ce qui constitue une première.

Or, si les dossiers s’accumulent, c’est certes parce que, comme je viens de le souligner, le personnel est en nombre insuffisant, mais également parce que les besoins des populations de ce département, qui sont particulièrement fragilisées du point de vue social, augmentent au fur et à mesure que la crise s’installe.

Le reproche unanimement formulé à notre pays par les associations et les instances internationales, c’est qu’il manque d’une politique globale et coordonnée, destinée à protéger les plus jeunes.

Compte tenu du faible temps qui m’est imparti, je souhaiterais intervenir sur trois sujets.

J’aborderai tout d’abord la lutte contre la pauvreté infantile.

Celle-ci résulte naturellement de la situation de précarité, et parfois de grande pauvreté, dont sont victimes les parents. Selon un rapport sur le « bien-être des enfants dans les pays riches » publié par l’UNICEF en 2007, la France occuperait la seizième place sur les vingt et un pays que compte l’OCDE. Plus récemment, dans le rapport intitulé Précarité et protection des droits de l’enfant, remis en 2010 par la Défenseure des enfants, il est précisé que « les résultats en termes de réduction de la pauvreté des enfants et des familles pauvres ne sont pas probants et montrent une aggravation des discriminations sociales de toutes sortes ».

Mme Dominique Versini soulignait d’ailleurs, dans son dernier discours, prononcé à l’occasion de l’annonce de la suppression de sa fonction, que notre pays comptait deux millions d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté. Ce sont évidemment eux qui cumulent les plus grandes difficultés – on pense au logement -, ce qui a de lourdes conséquences sur leur santé.

M. René-Pierre Signé. Elle a raison !

Mme Éliane Assassi. Selon la Fondation Abbé Pierre, notre pays compterait 600 000 enfants mal logés. Parmi eux se trouvent toutes celles et ceux qui, selon cette même fondation, vivent dans les quelque 400 000 logements indignes recensés dans notre pays.

Les conséquences du mal-logement sur les jeunes enfants sont connues. Ils souffrent, davantage que les adultes et les enfants de plus de six ans, du saturnisme lié à la présence de plomb dans les anciennes peintures ou les tuyauteries, de pathologies respiratoires graves et d’infections dermatologiques dues notamment à des problèmes de ventilation ou de chauffage. Nous pourrions également ajouter les cas d’accidents domestiques résultant de la vétusté des installations électriques.

Aussi la réduction des logements insalubres et l’augmentation de la construction de logements sociaux, en particulier de logements très sociaux, constituent-elles des priorités. Or le Gouvernement ne prend pas la mesure de l’urgence de la situation. Par exemple, il ne cesse de diminuer la part du financement étatique de l’aide à la pierre apportée par les départements, alors que, rappelons-le, il manque au bas mot 900 000 logements sociaux en France.