M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de débattre aujourd’hui, sur l’initiative de nos collègues du RDSE, du renforcement de l’éthique du sport et des droits des sportifs.

Cette proposition de loi porte sur un sujet qui est toujours d’actualité, car le sport tient une grande place dans la vie quotidienne de nos concitoyens, qu’ils soient pratiquants, amateurs ou supporters. Les élus marseillais et les Marseillais en général ne me démentiront pas si j’affirme que l’OM est un élément d’intégration non négligeable dans la vie sociale de Marseille !

M. Alain Dufaut. C’est vrai !

M. Claude Domeizel. Je ne reviendrai pas sur les arguments développés avant moi par mon collègue Jean-Jacques Lozach.

Je voudrais axer mon propos sur un thème que la proposition de loi aborde peu et que notre collègue René-Pierre Signé a développé en commission : le sport et l’argent. Pour ce faire, je m’en tiendrai à une seule discipline sportive, le football. Celui-ci, certes, est avant tout un business – il draine plus de 4 milliards d’euros en France –, mais il nécessite une régulation publique urgente. En Ligue 1, le salaire moyen dépasse les 50 000 euros mensuels… Et la rémunération des stars européennes se calcule désormais en centaines de milliers d’euros par semaine.

Les droits télévisuels ont été multipliés par 600 en France en vingt-cinq ans, passant de 1,2 million d’euros en 1985 à 668 millions d’euros aujourd’hui. Malgré cela, les recettes commerciales pérennes ne suffisent pas à couvrir l’explosion des charges salariales.

Le plus malsain est la spéculation financière sur le « prix » des joueurs. Tant que le marché des footballeurs est à la hausse, les clubs engrangent des plus-values. Bien sûr, cette hausse est entretenue artificiellement par les clubs, qui y ont tous intérêt pour boucler leurs budgets, par les agents des joueurs, rémunérés sur ce prix de vente, mais aussi par le système comptable qui autorise – exception sans équivalent dans aucun autre secteur économique ! – à considérer les joueurs comme des actifs financiers, gonflant ainsi artificiellement le bilan des clubs.

Les chiffres donnent quelques raisons d’être alarmistes. D’une saison à l’autre, le déficit de la Ligue 1 est passé de 14,7 à 114,1 millions d’euros, tandis que ses fonds propres fondaient de 265,6 à 189 millions d’euros. Toutefois, la principale cause du marasme est la chute brutale des recettes issues des transferts. Passées de 215 millions d’euros en 2008-2009 à 125 millions d’euros en 2009-2010, celles-ci n’ont plus permis de compenser des pertes d’exploitation, hors transferts, qui sont abyssales – elles s’élèvent à 300 millions d’euros.

L’argent a tout gangrené, et les principes de Coubertin sont souvent, sinon passés par pertes et profits, du moins relégués à l’arrière-plan. Si le sport peut être porteur de cohésion sociale, il peut donner lieu, a contrario, à de nombreuses dérives antithétiques aux valeurs qu’il est censé promouvoir. Ainsi, est-il normal que l’on soit obligé de mettre en place des armées de policiers avant certains matchs ? Comme René-Pierre Signé, je suis choqué du langage guerrier employé dans les stades et de certains commentaires tenus à la radio et à la télévision.

Pendant ce temps, le sport amateur végète, et nous sommes bien loin des valeurs du sport et de son rôle d’éducation de la jeunesse !

Pourtant, sans les milliers de bénévoles qui font vivre chaque jour le sport amateur sur nos territoires, c’est toute l’originalité et la spécificité de notre système sportif qui s’effondrerait ! C’est pourquoi nous sommes tant attachés, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, au principe d’unité et de solidarité entre les sports amateur et professionnel.

Néanmoins, peut-on parler d’éthique en se voilant la face ? Les pouvoirs publics tentent, depuis des années, de corriger ces dangereuses dérives, mais un grand pas reste encore à faire pour satisfaire une éthique digne de ce nom.

Le sport revêt un caractère de spectacle de plus en plus prononcé. Oui, on s’éloigne du précepte de Pierre de Coubertin : « L’essentiel est de participer ». Oui, on s’écarte de sa dimension éducative « de solidarité, de loyauté, de fraternité et de respect de soi et des autres », comme le soulignent les auteurs de la proposition de loi.

Je regrette également que l’accent ne soit pas assez mis sur les missions de service public du sport, au travers d’une politique volontariste de valorisation de son rôle social et éducatif.

De l’objectif du sport pour tous, nous avons évolué, d’année en année, vers un ciblage de plus en plus pointu des publics bénéficiaires du CNDS, le Centre national pour le développement du sport.

En revanche, le caractère précipité de la décision du Gouvernement, que nous avions alors largement dénoncée, de légaliser les paris sportifs en ligne à la veille de la Coupe du monde de football s’est depuis lors confirmé ! Et c’est la majorité elle-même qui nous en apporte la preuve puisque, à peine un an après la promulgation de ce texte, elle éprouve le besoin de remettre sur le métier son ouvrage.

D’ailleurs, les députés Filipetti et Lamour dans un tout récent rapport abondent en ce sens, en reconnaissant également l’échec de cette loi dans la lutte contre le marché illégal des jeux en ligne, pour laquelle les opérateurs agréés ne se sont pas impliqués et les organes de contrôle trop peu armés.

Actuellement, l’argent est omniprésent, des dérives dans la vente des billets jusqu’aux paris fondés sur les compétitions en passant par les salaires des joueurs et le coût des transferts !

Tout cela ne peut être de bon exemple pour les jeunes. Les budgets démesurés des clubs et leur niveau d’endettement sont en complet décalage avec les maigres possibilités dont dispose le sport amateur.

Je voudrais de nouveau exprimer le découragement que peuvent ressentir les présidents de clubs associatifs ou les maires ruraux qui entendent parler de millions d’euros, alors qu’ils éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts !

Il y a quelques mois, je m’interrogeais en commission sur le coût des états généraux du football. J’attends encore la réponse !

Les clubs amateurs ne comprennent pas pourquoi ils ne sont pas plus aidés, surtout s’il est vrai que certaines ligues disposent de réserves considérables.

Si mon propos peut paraître excessif et pessimiste, il est malheureusement réaliste. Aussi ce sujet méritait-il que nous nous y attardions un moment lors du présent débat sur l’éthique du sport.

Cela dit, nous accueillons avec un regard favorable l’initiative du groupe du RDSE, qui a déposé cette proposition de loi. Nous participerons activement à l’examen des articles pour améliorer ce texte, en particulier en matière de lutte contre le dopage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je constate que, sur toutes les travées de l’hémicycle, dans les interventions de MM. Alain Dufaut, Aymeri de Montesquiou, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Jacques Lozach et Claude Domeizel, se dégage un accord unanime sur la nécessité de réaffirmer les valeurs du sport, selon les principes de la charte éthique. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne voulez surtout pas aller vers une assimilation du sport et, tout particulièrement, du football à une entreprise de spectacle.

Sur ce point, je rejoins les propos des uns et des autres : le sport, ce n’est pas cela ! Le sport, ce sont les bénévoles. Ce sont les principes d’intégration. Ce sont les valeurs d’éducation que nous observons sur tous les terrains, y compris ceux de football ! Je citerai, à titre d’exemple, l’équipe lyonnaise qui vient de gagner la Champions League. Il s’agit d’une équipe absolument remarquable par sa générosité et son jeu collectif, sincère et humble.

Je reviendrai sur quelques points seulement de vos interventions.

Monsieur Dufaut, vous avez évoqué la nécessité d’aller plus loin. Au cours de la navette parlementaire, nous aurons l’occasion de réintégrer dans ce texte les dispositions de valeur législative qui figureront dans les conclusions de l’Assemblée du sport. Comme vous, je pense qu’il faut absolument intégrer dans le sport, même si je ne sais pas comment y parvenir, les grands principes de la démocratie.

Aujourd’hui, nous avons intégré la règle de l’absence de conflits d’intérêt. Demain, il faudra intégrer le principe de la transparence. Celui-ci vise les rémunérations et, tout particulièrement, les indemnités des équipes de France. Il me semble que c’est le moins que nous puissions faire à l’égard de nos concitoyens qui regardent nos équipes, surtout quand elles se déchirent.

Monsieur Pozzo di Borgo, je voudrais vous rassurer sur la place que l’État entend jouer dans ce débat sur la régulation. Dès lors qu’il existe un ministère, des financements publics et une mission de service public, l’État se trouve, en effet, fondé à demander le respect d’un certain nombre de valeurs, dont l’absence de discrimination, l’éthique dans le sport, la lutte contre le dopage et la corruption – ni plus ni moins. En tout cas, il n’est pas question de remettre en cause le principe de l’autonomie du mouvement sportif.

Monsieur Lozach, vous m’avez interrogée sur l’environnement. Rassurez-vous, je ne laisserai pas passer des dispositions qui seraient contraires aux principes de l’écologie ! (Sourires.)

Nous avons adopté, voilà quinze jours, la Nouvelle stratégie nationale de développement durable du sport, laquelle prévoit, par exemple, que les grandes manifestations sportives soient éco-conçues. Nous en avons eu un exemple au moment de la Coupe du monde de rugby, qui a été l’un des premiers grands événements éco-conçus. Sans doute n’avons-nous pas suffisamment communiqué sur ce point d’ailleurs. Aujourd’hui, toutes les aides du ministère sont conditionnées par le respect d’un certain nombre de dispositions concernant l’environnement ou, en tout cas, elles le seront demain.

Monsieur de Montesquiou, vous avez évoqué la lutte contre le dopage. Je tiens à vous rassurer : tout récemment – au mois de mars dernier –, l’AMA, considérant que l’ordonnance de 2010 nous mettait en conformité avec le code mondial antidopage, a accordé à la France un satisfecit.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais porter à votre attention. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Humbert, rapporteur. Monsieur le président, le délai limite pour le dépôt des amendements présentés en séance sur ce texte ayant été fixé à vendredi dernier, à douze heures, la commission de la culture n’a pu se réunir pour les examiner. Je demande par conséquent une suspension de séance de quarante minutes afin que nous puissions le faire maintenant. Telle est en effet la procédure à suivre.

M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le rapporteur.

Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux jusqu’à seize heures cinquante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.

TITRE Ier

RESPECT DES VALEURS DU SPORT

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs
Article 2

Article 1er

Après l’article L. 131-8 du code du sport, il est inséré un article L. 131-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-8-1. – Chaque fédération sportive agréée établit une charte éthique et veille à son application. Le contenu, les modalités d'entrée en vigueur et les conditions d'application de cette charte sont définis par décret pris après avis du Comité national olympique et sportif français. »

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Lozach, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle doit rappeler le principe d’unité et de solidarité entre les activités sportives à caractère professionnel et les activités sportives à caractère amateur.

La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Je ne pense pas me tromper en affirmant que l’attachement au principe d’unité et de solidarité du mouvement sportif est très largement partagé sur toutes les travées de cet hémicycle. En effet, ce lien fondamental entre sport amateur et sport professionnel constitue le fondement de notre système sportif et fait sa spécificité.

Pour notre part, nous considérons que ce principe fondateur ne peut être absent des chartes éthiques des fédérations sportives, tout particulièrement dans une période où certains acteurs du sport professionnel ont tendance à oublier quelque peu leur rôle social et éducatif et où le monde associatif et ses bénévoles sont montrés du doigt – je pense bien évidemment à la réforme de la gouvernance de la Fédération française de football et aux scandales qui l’ont traversée. Pourtant, rien ne prouve qu’une gestion par des professionnels nous aurait épargné les épisodes que nous avons connus depuis la dernière Coupe du monde de football.

Bien que M. le rapporteur ait rejeté notre amendement en commission, considérant qu’il était sans portée normative, nous l’avons redéposé pour obtenir la garantie que ce principe figurera bien dans le contenu des chartes éthiques fixé réglementairement.

Madame la ministre, vous avez su tenir des engagements similaires, en matière de respect du développement durable, dans le cadre de vos précédentes fonctions ministérielles. Pouvons-nous compter sur vous, de la même manière, pour le principe d’unité du mouvement sportif ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Humbert, rapporteur. Le lien puissant entre le sport amateur et le sport professionnel est démontré par de très nombreuses dispositions du code du sport. Cet amendement à visée essentiellement déclarative n’apporterait donc rien au droit existant. Aussi, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, ministre. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez rappelé, beaucoup de dispositions du code du sport visent à défendre le principe d’unité du monde sportif. Récemment, lors des états généraux du football, il a été réaffirmé.

Je voudrais vraiment vous rassurer sur notre intention de reprendre ce principe dans le décret qui vise à déterminer les items nécessaires de ces futures chartes éthiques. C’est un élément fondamental du sport français, auquel le Comité national olympique et sportif français est extrêmement attaché. Vous ayant rassuré sur ce point, je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Domeizel, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?

M. Claude Domeizel. Madame la ministre, c’est bien parce que vous nous avez rassurés que nous le maintenons ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

M. Jean-François Voguet. Le groupe CRC-SPG s’abstient.

M. Jean-Jacques Lozach. Le groupe socialiste également.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs
Article 3

Article 2

(Supprimé)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs
Article 4

Article 3

Avant le dernier alinéa de l’article L. 131-16 du code du sport, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Les règlements relatifs aux conditions juridiques, administratives, financières auxquelles doivent répondre les associations et sociétés sportives pour être admises à participer aux compétitions qu’elles organisent. Ils peuvent contenir des dispositions relatives au nombre minimum de sportifs formés localement dans les équipes participant à ces compétitions et au montant maximal, relatif ou absolu, de la somme des rémunérations versées aux sportifs par chaque société ou association sportives. »

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Lozach, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Remplacer le mot :

peuvent

par le mot :

doivent

La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. La mesure de plafonnement salarial applicable aux clubs est l’une des mesures les plus innovantes et sans doute les plus originales de la proposition de loi de notre collègue Yvon Collin.

Dans sa version initiale, cette mesure relevait d’une obligation. Si nous sommes favorables à ce que la fixation de ce plafond soit dévolue aux fédérations, nous regrettons que l’instauration de ce plafond ne soit plus qu’une possibilité offerte à ces mêmes fédérations.

En effet, nous prenons ainsi le risque que restent à l’écart de ce mouvement de modération de la masse salariale de leurs clubs certaines disciplines, voire celles pour lesquelles cela s’avère le plus nécessaire !

Ainsi, tout le monde s’accorde à dire que le football, non seulement français, mais aussi européen, vit au-dessus de ses moyens. Pour 2009–2010, les pertes cumulées pour les ligues 1 et 2 atteignent 130 millions d’euros. Quatorze clubs de ligue 1 sur vingt ont enregistré des pertes.

Le football est pris dans un engrenage qui atteint ses limites : l’explosion des droits télévisuels sur les dernières décennies a nourri la fuite en avant des salaires des stars du football et des montants des transferts. La Direction nationale du contrôle de gestion relevait dans son rapport : « Des recettes sur mutations rendues aléatoires par un marché des transferts de plus en plus difficile, entraînant un écart important entre l’estimé et le réel. »

Il revient au pouvoir public de lutter contre les dérives d’un système à bout de souffle. Il me semble que cette mesure peut aussi se concevoir comme un signal fort de soutien aux règles de fair-play financier vers lesquelles s’oriente l’UEFA.

Voilà pourquoi nous vous proposons que cette mesure de plafonnement redevienne une obligation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Humbert, rapporteur. Cet amendement, qui a pour objet d’obliger les fédérations à fixer un quota de joueurs formés localement et un plafond salarial dans les clubs professionnels, est un peu contraire à ce que nous avons dit jusqu’à maintenant.

Je crois, quant à moi, qu’il faut laisser à chaque discipline et à chaque fédération le soin de définir les conditions permettant d’assurer la meilleure équité sportive, ces conditions pouvant être différentes selon chaque sport.

Par ailleurs, il leur serait extrêmement aisé de fixer un montant si élevé qu’il serait inapplicable. Il ne sert donc à rien de forcer la main des fédérations. Il faut, au contraire, les responsabiliser et leur faire confiance. Aussi, je rends un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, ministre. Même avis, monsieur le président.

J’en profite pour vous dire que Gaël Monfils a gagné !

M. le président. C’est une bonne nouvelle !

Plusieurs sénateurs. Excellente !

M. le président. Excellente même, selon les connaisseurs ! (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lozach. Permettez-moi de rappeler l’importance et l’originalité du dispositif qui nous est proposé aujourd’hui. Je souhaite m’attarder plus particulièrement sur les dispositions qui ont été retirées de l’ancien article 5 et ajoutées à la fin de cet article 3.

Les règlements d’accès aux compétitions des fédérations pourront dorénavant déterminer, outre le nombre de sportifs formés localement, le fameux salary cap, c’est-à-dire, comme cela est expliqué dans le texte de la proposition de loi, le « montant maximal, relatif ou absolu, de la somme des rémunérations versées aux sportifs par chaque société ou association sportives ».

La précision des termes est essentielle. Là où le texte initial prévoyait une obligation de limitation des rémunérations, la proposition de loi, telle qu’elle est issue des travaux de la commission, précise bien que les règlements « peuvent » contenir des dispositions sur ce point.

On peut craindre alors que les fédérations ne prennent pas le risque d’instaurer un salary cap, souvent très impopulaire parmi leurs dirigeants. Cela va considérablement limiter la portée de cette proposition de loi.

Il existe, je l’admets, plusieurs limites à ce système.

On peut redouter, tout d’abord, un développement des rémunérations non déclarées, qui échapperaient donc au salary cap, mais aussi à tout impôt. Toutefois, nous avons en France un dispositif de contrôle de gestion presque unique en Europe et, si leurs moyens le permettent, j’espère que, le cas échéant, ces services seraient en mesure de déceler des comportements de ce type.

On me rétorquera également que, si les sportifs professionnels voient leur salaire limité à la hausse, ils risquent de céder aux sirènes des championnats étrangers.

J’en reviendrai alors à l’argumentation que j’avais développée dans mon intervention de discussion générale : c’est précisément à cause de ce biais qu’il faut convaincre nos partenaires européens d’aller vers une harmonisation économique et fiscale dans le domaine du sport. L’action de Michel Platini est, dans ce domaine, tout à fait exemplaire au sein de l’UEFA. Il faut mettre fin aux dérives encouragées par les plus grands clubs de football du monde.

M. Bastien Drut, doctorant à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, rappelait récemment que les salaires des joueurs de foot représentent parfois plus de 100 % des revenus des clubs... Situation parfaitement ubuesque !

L’endettement cumulé des clubs européens représente aujourd’hui près de 15 milliards d’euros, dont presque 1 milliard pour le seul club de Manchester United, qui disputait ce week-end la finale de la Ligue des Champions.

L’endettement de Manchester United ou du Real Madrid ne permettrait pas à ces clubs d’évoluer en championnat professionnel en France (Mme la ministre opine.) ; la DNCG prononcerait purement et simplement leur rétrogradation administrative !

Créer un salary cap obligatoire, c’est faire preuve d’une volonté de mettre fin à l’endettement structurel des clubs professionnels, essentiellement de football. Le faire à l’échelle européenne, c’est aussi mettre les clubs sur un pied d’égalité.

Le championnat de France de rugby, dénommé Top 14, a bien mis en place ce type de système dans notre pays, ainsi que la division 2 italienne de football, et cela, semble-t-il, avec succès. Inspirons-nous de cette initiative et ayons le courage de moraliser le sport.

En résumé, il nous paraît possible de concilier excellence des résultats et salaires raisonnables des sportifs concernés. Ne sommes-nous pas champions du monde et champions olympiques de handball avec un salaire moyen mensuel de 4 500 euros dans le championnat national de première division ?

Notre souci est d’accroître le pouvoir de régulation des fédérations. À elles de fixer le seuil optimal de la masse salariale au sein du budget du club. Bien sûr, ce niveau ne saurait être identique pour les différents sports. Nous rejoignons le souci du fair-play financier, plusieurs fois rappelé par nos collègues dans cette enceinte. Nous recherchons une exigence de transparence, d’équité sportive et financière. Le risque des rémunérations non déclarées est bien réel, mais il ne doit pas nous tétaniser, nous paralyser et nous empêcher d’aller de l’avant.

Le risque est réel, celui de la bulle financière appliquée à certains sports professionnels, par manque de vigilance, d’anticipation et de régulation. C’est la raison pour laquelle je regrette que l’obligation ne soit pas retenue.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Chantal Jouanno, ministre. Juste un petit mot de précision : nous partageons les objectifs qui sont les vôtres avec cet amendement.

Puisque vous avez évoqué effectivement la dimension européenne, il faut savoir que, sur l’initiative de la France, la dernière résolution qui a été adoptée en Conseil des ministres européen sur le plan d’action européen dans le domaine du sport prévoit bien un travail à l’échelle européenne sur ces différents sujets, notamment sur le salary cap.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)