M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non, monsieur Mézard, cet amendement n’est pas un cavalier. Pour autant, cela ne signifie pas que la commission y soit favorable ! (Sourires.)

Votre proposition constitue une nouvelle remise en cause des choix effectués par la Haute Assemblée lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales en deuxième lecture.

Un tel amendement ne saurait donc être soutenu par la commission des lois, qui émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Cet amendement me paraît extrêmement pertinent. J’étais résolument opposé au changement de seuil décidé lors de l’élaboration de la loi du 16 décembre 2010 : il s’agissait à mes yeux d’une véritable manipulation. Il ne faut pas se voiler la face : l’objectif était d’empêcher la présence au second tour de candidats du Front national.

Pour ma part, je considère que le Front national doit être traité comme les autres partis, auxquels il appartient de faire en sorte d’attirer davantage de suffrages s’ils veulent écarter ses candidats du second tour. Il n’est pas acceptable de trafiquer le mode de scrutin pour cela, comme s’y essaie une nouvelle fois la majorité actuelle.

Je voterai donc cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le mode de représentation proportionnelle garantit le pluralisme et la parité dans les assemblées élues.

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Nous entendons insister une fois encore sur l’urgence démocratique de mettre en œuvre le scrutin proportionnel pour l’élection de toutes les assemblées, seul ce mode de scrutin permettant une juste représentation du peuple. C’est là une question centrale.

Pour l’heure, tous les observateurs notent l’existence d’un décalage entre la composition de l’Assemblée nationale et la réalité politique et sociologique du pays. Le Sénat, grâce à une dose de proportionnelle, est même devenu un tout petit peu plus représentatif que l’Assemblée nationale : il compte par exemple une proportion plus forte de femmes.

Je rappelle qu’à diverses reprises, que ce soit lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007, dans son discours d’Épinal ou dans différentes lettres de mission à MM. Balladur et Fillon au moment de la révision constitutionnelle de 2008, le candidat puis Président de la République Nicolas Sarkozy avait demandé l’instauration d’une dose de proportionnelle.

Ce n’était pas là faire preuve d’une grande audace. Pourtant, alors que l’élection présidentielle de 2012 se profile, nous n’avons toujours rien vu venir ! Pis, nous allons même reculer, puisque les conseillers territoriaux seront élus selon le même mode de scrutin que les conseillers généraux actuels. Nous savons pourtant que l’ampleur de l’abstention aux élections cantonales de mars dernier s’explique au moins en partie par le sentiment qu’ont nos concitoyens de n’être pas représentés par les assemblées, lesquelles ont pourtant précisément cette vocation.

Quant à la parité, à l’évidence, le recours à la proportionnelle est une condition nécessaire pour la rendre effective. Nous ne le répéterons jamais assez : l’élection des conseillers territoriaux au scrutin uninominal fera mécaniquement reculer la parité dans les régions, et ce dans des proportions très importantes.

Les femmes représentent aujourd’hui 47 % des membres des conseils régionaux, alors que, à la suite des élections cantonales de mars dernier, les conseils généraux comptent seulement 13,8 % de femmes, aucune avancée n’ayant été constatée.

Si nous insistons sur l’instauration de la proportionnelle, c’est parce que ce mode de scrutin est la garantie du pluralisme politique, d’une juste représentation du peuple dans sa diversité, et donc de la parité. Il est aussi la garantie du renouvellement des générations d’élus, et donc d’un recul de la notabilisation et du clientélisme. Bref, la proportionnelle, c’est la démocratie !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s’agit là d’un amendement purement déclaratoire, que la Haute Assemblée a déjà rejeté lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. La commission émet donc de nouveau un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour l'élection des membres de l'assemblée délibérante de collectivités différentes, l'électeur doit se prononcer par autant de votes correspondants.

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Aux termes de l’article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus.

Ainsi que nous l’avons déjà fait valoir à l’occasion de la présentation de notre motion de procédure, nous estimons que ce principe impose que chaque collectivité possède un organe délibérant qui lui soit propre.

Or, de fait, les domaines de compétence des collectivités étant distincts, le conseiller territorial ne pourra pas traiter simultanément des affaires régionales et des affaires départementales.

Ainsi, il convient, à notre sens, de distinguer ce qui relève de l’intérêt départemental et ce qui relève de l’intérêt régional. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s’agit d’un amendement dénué de toute portée normative et qui est en outre contraire à la position du Sénat. En soutenant la création des conseillers territoriaux, la Haute Assemblée a évidemment considéré que des élus représentant des catégories différentes de collectivités territoriales pouvaient être désignés par le biais d’un même vote. Cette position a d’ailleurs été validée par le Conseil constitutionnel.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région
Article 2 et annexe (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

(Non modifié)

Après l’article 5 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, il est rétabli un article 6 ainsi rédigé :

« Art. 6. – Le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région est fixé par le tableau annexé à la présente loi. »

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.

M. Bernard Vera. Le Gouvernement n’a eu de cesse de dénoncer l’accroissement des dépenses locales et des impôts locaux. Il l’a pourtant lui-même programmé au travers d’une politique sociale et économique désastreuse, du désengagement de l’État, de transferts de compétences mal compensés, comme l’a confirmé récemment la Cour des comptes.

Cette démarche se retrouve également dans la réduction des dotations nationales aux collectivités, dans la fin du pacte de stabilité et de croissance, dans la révision générale des politiques publiques, ainsi que dans la suppression de la taxe professionnelle.

Aux yeux du Gouvernement, cette restructuration des compétences des collectivités avait pour objectif de faire des économies en dépeçant le fameux « millefeuille budgétivore ». Or, il n’en est rien. Il est aujourd’hui avéré – on pouvait aisément le prédire – que le coût de la mise en œuvre de cette réforme sera très important.

L’Association des régions de France a estimé le surcoût induit par la réforme à 1 milliard d’euros en frais de fonctionnement et d’équipement supplémentaires. Les travaux d’agrandissement des hémicycles coûteraient en moyenne 30 millions d’euros par région.

Lorsque ces prévisions ont été exposées à l’Assemblée nationale par le président de cette instance, M. Alain Rousset, vous avez répondu, monsieur le ministre, que cette estimation était biaisée, car elle traduisait une appétence des régions pour le « haut de gamme »…

Haut de gamme ou non, ces travaux sont rendus nécessaires par votre réforme, qui entraînera des dépenses que l’État n’assumera pas.

Ainsi que l’a souligné le Conseil d’État dans l’avis qu’il a rendu sur ce projet de loi en 2009, « l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi présente des insuffisances notables, […] notamment quant aux conséquences financières attendues du projet ».

Mais, au-delà du coût qu’engendrera la restructuration des hémicycles, le conseiller territorial, en plus de brouiller les cartes sur le plan de la citoyenneté et de remettre en question l’objectif de parité, créera lui aussi des dépenses publiques supplémentaires.

L’économie attendue de cette mesure en matière d’indemnités versées aux élus s’élève à 45 millions d’euros, mais il en coûtera demain 134 millions d’euros par an aux finances locales, l’essentiel de la dépense étant pris en charge par les régions, contre 179 millions d’euros aujourd’hui.

L’économie est certes réelle, mais on est loin des sommes annoncées lors de la remise du rapport Balladur, qui a servi de base aux projets du Gouvernement.

Cela tient d’abord au fait qu’il y aura plus de conseillers territoriaux, mal répartis, qu’on ne l’avait estimé au début de la discussion parlementaire, ensuite à ce que si les indemnités des présidents et des conseillers territoriaux de base resteront inchangées, celles des vice-présidents et des membres des commissions permanentes, qui discutent les textes avant leur adoption en assemblée plénière, augmenteront respectivement de 20 % et de 5 %.

De plus, lorsque, durant le débat sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, nous avions appelé l’attention du Gouvernement sur l’impossibilité, pour les conseillers territoriaux, de se dédoubler physiquement et sur le sabordage de la démocratie de proximité lié à l’éloignement géographique des nouveaux élus, il nous avait répondu que les suppléants feraient l’affaire. Or il faudra bien les indemniser, et ce sera là une dépense supplémentaire !

Vous aviez donc tout prévu, mais rien n’a été budgétisé ! De fait, il s’agit bien d’une réforme dispendieuse et inefficace, dont l’absurdité nous force à la combattre.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.

M. Jean Louis Masson. Lors de la discussion générale, j’ai évoqué la triste expérience que nous avons vécue en Moselle avec le charcutage des circonscriptions législatives.

On peut désormais craindre que les mêmes tripatouillages ne se reproduisent, dans certains départements, avec les nouveaux cantons, pour avantager untel ou nuire à tel autre… C’est un problème fondamental, car il touche à la base de la démocratie.

Je ne ferai pas à M. le ministre l’injure de le comparer à son prédécesseur, mais on retrouve un peu, dans ses propos, les assurances lénifiantes que nous donnait M. Marleix lors du redécoupage des circonscriptions législatives. On nous avait alors fait toutes sortes de promesses, notamment celle que les élus seraient largement consultés…

J’ignore comment les choses se sont passées dans d’autres départements, mais mon collègue Todeschini peut témoigner que, en Moselle, si l’on a eu la politesse de faire semblant de nous écouter, les décisions ont été prises en petit comité !

Je reste donc assez dubitatif. Les découpages électoraux doivent être réalisés par des commissions indépendantes, et certainement pas par le pouvoir politique majoritaire, quel qu’il soit, car il est manifestement juge et partie.

Ce qui s’est passé pour les circonscriptions législatives peut donc, je le répète, se renouveler pour le découpage des cantons servant de ressort à l’élection des conseillers territoriaux.

Certes, en prévoyant que les nouveaux cantons seront redécoupés à l’intérieur des circonscriptions législatives, il faut reconnaître que la loi a posé un garde-fou : les marges de manœuvre, les possibilités de tripatouillages ou de magouilles seront tout de même un peu réduites !

Cependant, cette démarche présente l’inconvénient de pérenniser les anomalies, les charcutages invraisemblables, les injustices commis lors du redécoupage des circonscriptions législatives.

Par ailleurs, la censure de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales par le Conseil constitutionnel a montré que les auteurs de ce redécoupage avaient très probablement pour objectif de trafiquer aussi les bases démographiques ! C’est tout de même extraordinaire : tout le monde savait quels étaient les critères du Conseil constitutionnel, mais, c’était plus fort que lui, il a fallu que M. Marleix essaie quand même de magouiller ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

C’est en Lorraine que l’on constate, au détriment du département de la Moselle, la pire injustice à l’échelon national.

M. Jean-Marc Todeschini. C’est incroyable !

M. Jean Louis Masson. C’est en effet en Lorraine que l’on relève l’écart du quotient électoral d’un département à la moyenne régionale le plus important, puisqu’il atteint 41,5 % pour la Meuse, soit presque le double du second plus grand écart constaté par le Conseil constitutionnel, à savoir 22,6 % pour le Cantal. La contrepartie de cette surreprésentation de la Meuse a été une sous-représentation très importante du département de la Moselle. En effet, on comptait 10 000 habitants par siège dans la Meuse, contre plus de 20 000 en Moselle. C’est tout à fait anormal !

M. Thierry Repentin. C’est vrai !

M. Jean Louis Masson. Dans une telle matière, l’équité totale est impossible, mais il y a tout de même un minimum de règles à respecter, la première, la plus élémentaire d’entre elles étant de répartir les sièges de conseiller régional entre les départements non pas sur la base d’un tableau trafiqué au fin fond du bureau de M. Marleix, mais tout simplement au prorata de la population de chaque département,…

M. Claude Biwer. Et en fonction du territoire !

M. Jean Louis Masson. … avec un minimum de quinze par département, conformément aux observations du Conseil constitutionnel.

Si l’on avait procédé ainsi, il n’y aurait pas eu de problème ! La même règle de répartition des sièges au prorata de la population devrait prévaloir, au sein des départements, pour l’élection des conseillers territoriaux. Cela éviterait toute contestation, tout risque de manipulation.

M. Jean-Marc Todeschini. M. Masson a le mérite de la constance dans son argumentation !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le découpage a été voté par le Parlement et validé par le Conseil constitutionnel.

M. Jean Louis Masson. Ce n’est pas vrai ! Le Conseil constitutionnel a censuré la loi !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il a validé le découpage !

Monsieur Masson, traiter ministres et parlementaires de magouilleurs, comme vous le faites, c’est passer les bornes ! Mais cela ne m’étonne pas de vous : je vous connais depuis très longtemps ! À l’Assemblée nationale, vous aviez déjà le même comportement, persuadé que vous êtes d’avoir raison contre tout le monde !

Quant au tableau de répartition que vous critiquez, ce n’est pas celui du Gouvernement : nous avions estimé qu’un effort supplémentaire pouvait être fait en faveur des petits départements. Telle est la réalité !

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est pour cette raison que nous avions accepté que l’écart du quotient électoral à la moyenne régionale soit un peu supérieur à 20 % pour de petits départements. C’est le Sénat qui l’a décidé !

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Conseil constitutionnel a ensuite estimé que nous étions allés trop loin. Nous sommes donc maintenant obligés de revenir à la position du Gouvernement et de modifier le tableau en conséquence.

Vouloir avantager un peu les petits départements me semblait défendable.

M. Bruno Sido. C’était une bonne idée !

M. Jean Louis Masson. Il ne s’agit pas d’« un peu » !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’avait rien de scandaleux, il ne s’agissait pas d’une magouille ! Je rappelle que certains départements étaient très peu représentés au sein du conseil régional.

Monsieur Masson, vous êtes très intelligent, chacun le sait, et vous avez toujours raison contre tout le monde, mais respectez vos collègues et la dignité des fonctions ministérielles ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, sur l'article.

M. Jean-Marc Todeschini. Je tâcherai de suivre les recommandations de M. Hyest, même si je donnerai en partie raison à M. Masson, surtout à propos du découpage qui a été réalisé en Moselle.

Ne nous y trompons pas : si le texte discuté aujourd’hui nous est présenté comme un simple correctif, un ajustement purement technique afin de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre dernier, cela ne doit pas pour autant faire oublier que la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales met sérieusement à mal la démocratie locale.

Le présent débat nous donne l’occasion d’exprimer une nouvelle fois notre ferme opposition à la volonté gouvernementale de créer des conseillers territoriaux, qui va vraiment à l’encontre de l’objectif de parité. Je tiens à le redire, ce texte pose plus de difficultés qu’il n’en lève s’agissant des prétendus problèmes de la gouvernance locale.

On voudrait nous faire croire que cette réforme permettra de réaliser des économies. Mais c’est faux ; je vous renvoie aux propos de M. Adnot de cet après-midi ! Le Gouvernement le reconnaît lui-même, puisqu’il revoit sans cesse à la baisse le montant des économies réalisées avec la création des conseillers territoriaux.

Pis, je crains que cette réforme ne soit finalement très coûteuse pour les contribuables. En effet, les futurs conseillers territoriaux, qui siégeront dans deux assemblées à la fois et qui deviendront de véritables « parlementaires locaux » à plein temps, seront fondés à réclamer un statut, une protection sociale et un régime de prévoyance et de retraite. Et je n’évoque même pas le futur statut des suppléants, qui seront peut-être conduits à participer activement au mandat et qui pourront à ce titre légitimement prétendre à des indemnités d’élus !

Cette loi ne parvient pas non plus à redresser le déséquilibre traditionnel de représentation entre territoires ruraux et territoires urbains ; nous venons d’en avoir une démonstration, avec l’intervention du président de la commission des lois. Au contraire, le texte contribue à une véritable désintégration électorale de la ruralité et signe la fin des élus de proximité dans ces territoires.

C’est le cas, par exemple, en Lorraine. La Meuse va quasiment disparaître de la carte électorale française en ne conservant que quinze élus territoriaux, contre trente et un conseillers généraux et six conseillers régionaux actuellement. Où est l’équilibre des territoires dans une telle configuration ? Comment ces conseillers territoriaux, élus au scrutin uninominal dans un territoire rural, réussiront-ils à s’investir dans les projets d’envergure régionale sans lien avec le développement de leur propre territoire d’élection ? En dissociant totalement territoire d’élection et territoire d’action, une telle réforme aboutira au mieux à l’immobilisme, au pire au clientélisme.

Le nouveau tableau de répartition des conseillers territoriaux par département montre une nouvelle fois toute l’aberration de la réforme, qui résulte davantage de véritables comptes d’apothicaires, c'est-à-dire de « calculs compliqués dont le résultat n’a aucun intérêt » – c’est la définition précise de cette expression –, que de la prise en compte des réalités économiques et démographiques des territoires. D’ailleurs, comme le soulignait notre collègue Jean Louis Masson pendant la discussion générale, le projet de loi n’est même pas encore adopté par le Parlement que déjà foisonnent les calculs électoraux et les consultations au sein de la majorité en prévision du découpage des futurs cantons élargis.

Il s’agit là d’un véritable « hold-up électoral », d’un déni de démocratie locale, avec des découpages politiques réalisés en fonction des gouvernances locales. Sur ce dernier point, il faut bien le reconnaître, la majorité est en parfaite cohérence avec sa réforme de la carte des intercommunalités, qui a déjà donné lieu en certains endroits à de véritables découpages politiques et partisans des territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 12 est présenté par MM. Collombat, Bérit-Débat, Mirassou, Mazuir, Repentin, Teston, Godard et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collomb, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Peyronnet, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 29 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 12.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, pour trois raisons.

La première, vous la connaissez, c’est parce que nous sommes opposés à l’institution du conseiller territorial.

La deuxième raison – je l’ai évoquée tout à l’heure – tient à la répartition incohérente des conseillers territoriaux par département. Elle créera certainement des difficultés en pratique !

La troisième raison, qui fait suite à la discussion que nous avons eue tout à l’heure, est liée au nouveau découpage des cantons. Je voudrais d’ailleurs insister sur ce point.

Je remercie M. le ministre de nous avoir apporté des précisions sur la manière dont les nouveaux cantons seront découpés à l’intérieur de chaque département. Reste, et je le dis pour l’avenir, qu’il ne faut pas reproduire ce qui s’est passé pour le découpage des circonscriptions législatives où les arrière-pensées politiques et surtout les incohérences techniques ont prévalu, comme j’ai moi-même pu le constater dans mon département.

En outre, le principe, auquel certains souscrivent, selon lequel les cantons devront être entièrement compris dans le périmètre géographique des circonscriptions législatives, compliquera considérablement la tâche, en fractionnant certaines intercommunalités.

Il n’est pas très cohérent de prôner, d’un côté, le développement de l’intercommunalité, arguant qu’il doit s’agir du nouveau maillage de l’administration territoriale, et de refuser, de l’autre, de donner aux intercommunalités une véritable représentation politique ou administrative. Dans ma communauté d’agglomération, par exemple, qui relève de trois circonscriptions, se poseront évidemment des difficultés pour le découpage des cantons.

Voilà pourquoi nous souhaitons supprimer l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l'amendement n° 29.

M. Jean-François Voguet. Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, nous demeurons fermement opposés à la mise en place des conseillers territoriaux. Leur instauration ne fait qu’accroître la complexité du dédale de l’organisation territoriale et la mission qui leur est confiée est strictement impossible à réaliser.

La décentralisation n’a de sens qu’avec des élus proches de leurs concitoyens et de leur territoire. Or, de notre point de vue, cette réforme ne fait qu’éloigner encore les citoyens de la décision publique, en plus d’éloigner les élus de la réalité du terrain et des besoins sociaux de la population.

Une telle opération de « fusion-acquisition » des élus locaux ne fait qu’avaliser une vaste opération de recentralisation de la décision publique. Nous continuerons à la dénoncer.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces deux amendements de suppression sont contraires à la position de la commission. En effet, il est nécessaire de compléter la loi de réforme des collectivités territoriales afin de remédier à la censure prononcée par le Conseil constitutionnel le 9 décembre 2010.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Ces deux amendements visent à supprimer des dispositions qui sont absolument indispensables à la cohérence du texte.

Le Gouvernement ne peut donc émettre qu’un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 29.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 30, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’effectif des assemblées départementales et les modifications des limites territoriales des cantons sont soumis à l’avis de chaque conseil général concerné.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aux termes de l’article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, « Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d’État après consultation du conseil général ».

Nous le savons tous, le tableau qui figure ici en annexe n’a fait l’objet d’aucune consultation auprès des départements et il demeure inadapté à la diversité de nos territoires. Or la consultation du conseil général est requise par la loi !

Au regard des enjeux d’une telle réforme, nous estimons qu’il n’y a pas lieu de déroger, fût-ce par circulaire, à ce principe consacré par le code général des collectivités territoriales.