Sommaire

Présidence de M. Roland du Luart

Secrétaires :

Mme Anne-Marie Payet, M. Bernard Saugey.

1. Procès-verbal

2. Communication relative à une commission mixte paritaire

3. Équilibre des Finances publiques. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi constitutionnelle modifié

Article additionnel avant l'article 1er

Amendement n° 68 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Bernard Vera, Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois ; François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. – Rejet.

Article 1er

MM. Jacques Legendre, président de la commission de la culture ; Yves Daudigny, Dominique Braye, Pierre-Yves Collombat.

Amendements identiques nos 13 rectifié de M. Bernard Frimat et 57 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Bernard Frimat, Bernard Vera, le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Bricq, M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 61 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Bernard Vera.

Amendement n° 1 rectifié de la commission et sous-amendement no 77 de M. Jean-Paul Emorine. – MM. le rapporteur, Jean-Paul Emorine.

Amendement n° 7 rectifié de M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. – Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.

Amendement n° 29 de M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. – M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances.

Amendements identiques nos 41 de M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis, et 74 de M. Jacques Legendre. – Mme Catherine Morin-Desailly.

Amendement n° 58 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Bernard Vera.

Amendement n° 62 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 59 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 51 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Jacques Mézard.

Amendement n° 60 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 52 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi.

Amendement n° 53 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi.

MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Fourcade, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Dominique Braye, Bruno Retailleau, Hervé Maurey, Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Charles Guené, Jean Arthuis, rapporteur pour avis ; Jean-Paul Emorine, Jean Desessard, Bernard Frimat, Mme Catherine Morin-Desailly, M. le ministre. – Retrait des amendements nos 41 et 74.

Suspension et reprise de la séance

Rejet de l’amendement no 61 ; adoption du sous-amendement no 77 et de l'amendement no 1 rectifié modifié, les amendements nos 7 rectifié, 29, 58, 62 rectifié, 59, 51 rectifié, 60, 52 et 53 devenant sans objet.

Amendement n° 36 de M. Christian Cointat. – MM. Christian Cointat, le rapporteur, Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. – Retrait.

Amendement n° 69 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 39 de M. Christian Cointat. – MM. Christian Cointat, le rapporteur, le garde des sceaux. – Retrait.

MM. Bernard Frimat, Jean Desessard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. François Fortassin.

Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

Article 2

Amendements identiques nos 14 rectifié de M. Bernard Frimat et 63 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Bernard Frimat, Mme Éliane Assassi. – Devenus sans objet.

Amendement n° 70 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi.

MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet de l’amendement no 70 rectifié.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 2

Amendement n° 64 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Nicole Bricq, M. Bernard Frimat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean Arthuis, rapporteur pour avis ; Jean Desessard. – Rejet.

Article 2 bis (nouveau)

Amendements identiques nos 2 de la commission, 8 de M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, 15 rectifié de M. Bernard Frimat, 31 de M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis, 42 de M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis, et 54 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. –M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales ; MM. Bernard Frimat, Jean Arthuis, rapporteur pour avis ; Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis ; le garde des sceaux. – Adoption des six amendements supprimant l'article.

Article 3

Amendement n° 16 rectifié de M. Bernard Frimat. – M. Bernard Frimat. – Devenu sans objet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 3

Amendement n° 9 de M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. – Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales ; MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Bernard Frimat, le président, Jean Arthuis, rapporteur pour avis ; Mme la présidente de la commission des affaires sociales. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 4

Amendement n° 17 rectifié de M. Bernard Frimat. – M. Bernard Frimat. – Devenu sans objet.

Adoption de l'article.

Article 5

Amendements identiques nos 18 rectifié de Mme Nicole Bricq, 48 rectifié de M. Yvon Collin et 65 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Devenus sans objet.

Amendement n° 71 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 6

Amendements identiques nos 19 rectifié de M. Yves Daudigny, 49 rectifié de M. Yvon Collin et 75 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Yves Daudigny, Guy Fischer. – Devenus sans objet.

Adoption de l'article.

Article 6 bis (nouveau)

Amendement n° 20 rectifié de M. Bernard Frimat. – Devenu sans objet.

Adoption de l'article.

Article 7

Amendements identiques nos 21 rectifié de M. Bernard Frimat et 66 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Devenus sans objet.

Amendement n° 37 de M. Christian Cointat. – MM. Christian Cointat, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean Desessard, François Fortassin.

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

MM. Christian Cointat, le garde des sceaux. – Rejet de l’amendement no 37.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 7

Amendement n° 40 de M. Christian Cointat. – Devenu sans objet.

Article 8

Amendements identiques nos 22 rectifié de M. Bernard Frimat et 67 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Devenus sans objet.

Adoption de l'article.

Article 9

Amendement n° 23 rectifié de M. Bernard Frimat. – M. Bernard Frimat. – Devenu sans objet.

Amendement n° 72 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Bernard Vera.

Amendement n° 32 de M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. – M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.

Amendement n° 3 de la commission. – M. le rapporteur.

MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Jean Arthuis, rapporteur pour avis ; Bernard Frimat. – Rejet de l’amendement no 72 ; adoption des amendements nos 32 et 3.

Adoption de l'article modifié.

Article 9 bis (nouveau)

M. Bernard Vera.

Amendements identiques nos 4 de la commission, 10 de M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, 24 rectifié de M. Bernard Frimat, 33 de M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis, et 43 de M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales ; MM. Bernard Frimat, le garde des sceaux. – Adoption des cinq amendements supprimant l'article.

Article 10

Amendement n° 25 rectifié de Mme Nicole Bricq. – Devenu sans objet.

Adoption de l'article.

Article 11

Amendements identiques nos 26 rectifié de Mme Nicole Bricq et 50 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Nicole Bricq, MM. François Fortassin, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 5 de la commission, 11 de M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis, et 44 de M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. – M. le rapporteur.

Amendement n° 73 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Guy Fischer.

Suspension et reprise de la séance

MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Adoption des amendements identiques nos 5, 11 et 44 rédigeant l’article, l’amendement no 73 devenant sans objet.

M. le président.

Article 12

Amendement n° 55 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 56 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Bernard Vera.

Amendement n° 27 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Bernard Frimat.

Amendement n° 6 de la commission. – M. le rapporteur.

Amendement n° 12 de M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. – Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales.

MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet des amendements nos 56 et 27 rectifié ; adoption de l’amendement no 6, l’amendement no 12 devenant sans objet.

Amendement n° 34 de M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. – MM. Jean Arthuis, rapporteur pour avis ; le rapporteur, le garde des sceaux. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 13. – Adoption

Intitulé du projet de loi constitutionnelle

Amendement n° 28 rectifié de M. François Marc. – MM. François Marc, le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.

Vote sur l'ensemble

MM. Jean-Pierre Bel, Guy Fischer, François Fortassin, Christian Cointat, Jean Desessard.

Adoption, par scrutin public, du projet de loi constitutionnelle.

M. le garde des sceaux.

4. Mise au point au sujet d'un vote

MM. François Zocchetto, le président.

5. Communication relative à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

6. Communication du Conseil constitutionnel

7. Nouvelle-Calédonie. – Discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi organique dans le texte de la commission modifié

Discussion générale : Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois.

MM. Bernard Frimat, Denis Detcheverry, Guy Fischer, Simon Loueckhote, Robert Laufoaulu.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 1 du Gouvernement. – Mme la ministre.

Amendement n° 3 de la commission. – M. le rapporteur.

Mme la ministre, M. Bernard Frimat. – Retrait de l’amendement no 1 ; adoption de l’amendement no 3.

Amendement n° 2 du Gouvernement et sous-amendement no 4 de la commission. – Mme la ministre, M. le rapporteur, M. Bernard Frimat, Mme Annie David. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 2. – Adoption

Vote sur l’ensemble

Mme Anne-Marie Payet.

Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaires :

Mme Anne-Marie Payet,

M. Bernard Saugey.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

3

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques
Article additionnel avant l'article 1er

Équilibre des finances publiques

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi constitutionnelle modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’équilibre des finances publiques (projet n° 499, rapport n° 568, avis nos 578, 591 et 595).

Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques
Article 1er

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article premier de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle garantit à tous les citoyens les besoins vitaux, tels que l’eau, la nourriture, le logement, la santé, l'éducation, l’énergie, les transports et les télécommunications, dont ils ne peuvent être privés. »

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que notre pays soit considéré comme étant riche, il compterait au moins 8 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale souligne que, parmi elles, 1,8 million de Français vivent avec moins de 600 euros par mois.

La vérité, c’est que la France se paupérise. Les pauvres sont de plus en plus pauvres et les salariés qui ne parviennent plus à vivre dignement du fruit de leur travail ne cessent d’augmenter. Cela tient naturellement à l’explosion du chômage, mais aussi aux réformes imposées par la majorité en matière de droit du travail. Pour satisfaire le patronat, à commencer par le MEDEF, qui exige un marché du travail toujours plus souple, flexible, vous faites de la précarité le nouveau mode d’organisation du travail. Les travailleurs pauvres étaient 1,9 million en 2007, soit 6,7 % des salariés. En 2005, ils étaient déjà 1,7 million, soit 7 % des travailleurs. Ce taux ne cesse de croître.

Les contrats à durée déterminée, l’intérim, les stages, les emplois à temps partiel, voire très partiel, qui étaient jusqu’alors l’exception, tendent à se généraliser. Les salariés ne parviennent pas à vivre dans de telles conditions, avec des salaires beaucoup trop bas. Après tout, comme vous vous plaisez à le dire, ce qui compte, c’est qu’ils travaillent, quitte à ce qu’ils ne profitent pas des richesses qu’ils contribuent à créer…

Si nous souhaitons que cet amendement soit adopté et que les dispositions qu’il tend à introduire aient valeur constitutionnelle, c’est parce que nous considérons qu’une Constitution, c’est d’abord et avant tout la transcription en droit du modèle de société que le peuple veut se donner. À plusieurs reprises, ce dernier a fait la démonstration de son attachement au principe d’une république sociale. Or vos politiques, monsieur le ministre, en réduisent toujours la portée.

En effet, comment considérer que notre république est sociale alors que près de 1,5 million de personnes ont eu recours à l’aide du Secours catholique en 2009, soit 80 000 personnes de plus qu’en 2008 ? Comment accepter que le devenir de nos concitoyens repose, pour l’essentiel, sur le travail des associations, de leurs donateurs et de leurs bénévoles ?

À l’heure, monsieur le ministre, où vous entendez faire de la rigueur la règle normale s’imposant à tous et en tous temps, il nous paraît urgent que la nation reconnaisse enfin un certain nombre de droits fondamentaux et universels.

Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend à inscrire à l’article 1er de la Constitution une nouvelle liste de droits sociaux fondamentaux que la France devrait garantir.

Je relève que cette garantie ne viserait d’ailleurs que les citoyens, alors que le préambule de la constitution de 1946 mentionne, pour les droits sociaux, les femmes et les hommes. La Déclaration de 1789 évoque quant à elle les hommes et les citoyens.

Les droits évoqués sont déjà garantis par le préambule de la constitution de 1946 et par celui de la constitution de 1958, ainsi que par un corpus législatif très développé. La modification des grands principes visés à l’article 1er de la Constitution, qui affirme en particulier le principe d’égalité, n’est pas l’objet du projet que nous examinons, même s’il s’agit bien au fond de préserver les capacités d’action de l’État, notamment auprès des plus démunis.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques
Article 2

Article 1er

L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Au cinquième alinéa, les mots : « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; » sont supprimés ;

2° Le dix-septième alinéa est ainsi rédigé :

« – du droit du travail, du droit syndical et, sous réserve du vingtième alinéa, de la sécurité sociale. » ;

3° Après le dix-neuvième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale fixent les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature et les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale.

« Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d’évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Ces lois-cadres fixent, pour chaque année, un objectif constitué d’un maximum de dépenses et d’un minimum de recettes qui s’impose aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Les écarts constatés lors de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale sont compensés dans les conditions prévues par une loi organique. Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques peuvent être modifiées en cours d’exécution dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Une loi organique précise le contenu des lois-cadres d’équilibre des finances publiques et peut fixer celles de leurs dispositions, autres que celles prévues à la deuxième phrase du présent alinéa, qui s’imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. » ;

4° L’avant-dernier alinéa est supprimé.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir sur cet article afin de faire entendre la voix de la commission de la culture. Elle ne s’est pas saisie pour avis de ce texte, mais je me fais le porte-parole de la majorité des membres de son bureau, qui craignent que l’article 1er n’instaure un monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière fiscale.

Nous partageons tous l’objectif de stabilité des finances publiques qui sera défini par les lois-cadres fixant les objectifs de dépenses pour trois ans, mais il nous paraît inacceptable que les membres de la commission soient privés de la possibilité de discuter de mesures fiscales dans les textes qui lui sont soumis. Il y aurait ainsi deux catégories de parlementaires. Or nous sommes nous aussi responsables et soucieux de préserver l’avenir des générations futures. Nous souhaitons donc pouvoir pleinement nous exprimer.

Une telle disposition aurait interdit, par exemple, l’examen dans toute leur globalité par la commission de la culture d’un grand nombre des propositions de loi déposées dans ses secteurs de compétences depuis la réforme constitutionnelle, que ce soit la proposition de loi relative au service civique, la proposition de loi relative au prix du livre numérique, la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État ou celle visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.

De la même façon, la commission de la culture n’aurait pu discuter ni du montant, ni de l’assiette de la redevance, ni des taxes destinées à compenser la suppression de la publicité sur France Télévisions, alors que nos amendements visaient à trouver de nouvelles recettes. Et que dire des réformes de l’université, de l’archéologie ou du mécénat, qui comportaient évidemment de nombreuses dispositions fiscales ?

On nous objectera sans doute qu’il nous est possible de nous saisir pour avis de toutes les lois à caractère financier. Nous le faisons déjà bien souvent. Mais l’expérience prouve que les dispositions que nous faisons adopter au Sénat sont la plupart du temps balayées en commission mixte paritaire, où nous ne sommes, hélas, pas représentés ! J’ai encore en mémoire l’amendement de la commission de la culture sur le financement des écoles numériques en zone rurale, adopté dans le projet de loi de finances, mais qui n’a pas survécu au cours de la navette.

La commission des lois, saisie au fond, et la commission des affaires sociales ont adopté un amendement visant à supprimer ce monopole et je m’en réjouis ; mais elles proposent une validation obligatoire en loi de finances. La commission des finances a adopté un amendement tendant à prévoir que lorsqu’une loi comporte des mesures financières, le Gouvernement dépose simultanément un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Toutes ces solutions vont dans le sens d’une multiplication des débats, alors que le calendrier parlementaire est déjà restreint.

Telle est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement identique à celui qu’a présenté la commission de l’économie. Il tend à permettre l’application, au 1er janvier de l’année suivante, de toute disposition votée ayant une incidence financière, afin de permettre à tous les parlementaires de conserver leur pouvoir d’initiative, tout en donnant aux commissions des finances et des affaires sociales la possibilité de contrôler chaque année le cadrage financier général des évolutions législatives. Ces commissions auraient ainsi la possibilité d’intervenir pour prendre les mesures d’économie nécessaires pour rester dans l’équilibre défini par la loi-cadre ou, le cas échéant, pour revenir sur une mesure jugée trop coûteuse.

Une telle disposition permettrait de conserver la cohérence des réformes introduites dans des lois ordinaires en ne dissociant pas systématiquement l’examen d’une politique de la discussion sur les moyens qu’elle suppose et sur les coûts ou les économies qu’elle induit.

L’enjeu est de taille : il y va ni plus ni moins de l’exercice du droit d’amendement par chaque parlementaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici, avec cet article 1er, au cœur des problématiques évoquées hier au cours de la discussion générale.

À cet instant, monsieur le ministre, je voudrais vous remercier. Dans la réponse que vous avez bien voulu adresser aux orateurs hier soir à l’issue de la discussion générale, enfin à ceux d’entre eux qui appartiennent à la majorité, vous avez largement confirmé ce que j’ai démontré avant vous à cette même tribune.

J’ai en effet dit au préalable ma volonté, vous vous en souvenez, de ne pas user dans mon argumentation de la facilité consistant à caricaturer les positions des uns et des autres, à opposer ceux qui seraient pour les déficits à ceux qui seraient contre. J’ai regretté que cette méthode archaïque de débattre ait encore des adeptes sur certaines travées. Il semble malheureusement, monsieur le ministre, que vous en fassiez partie.

J’ai procédé hier à une analyse de fond du dispositif proposé et de ses conséquences pour en conclure qu’il posait de nombreux problèmes de mise en œuvre, qu’il recelait le danger majeur de réduire l’initiative parlementaire à presque rien, enfin qu’il ne pouvait suffire, à lui seul, à atteindre l’équilibre recherché.

Votre réponse sur tous ces points a été très claire. Vous l’avez même dit et répété, pour être bien compris et pour convaincre : « Il faut réduire les déficits ». Dommage que le système ne marche pas à l’incantation !

Ajoutons à cela que, la plus grande incertitude régnant sur l’avenir de ce texte, qui sera vraisemblablement abandonné, ici ou à Versailles, il est aisé de conclure que ce projet de loi constitutionnelle n’a d’autre utilité que de vous fournir des arguments de campagne. Je prends ici les paris que, d’ici peu, tout un chacun pourra entendre sur la place publique que, décidément, la gauche en tient pour les déficits alors que la droite était toute prête à agir.

Non, monsieur le ministre, non, mes chers collègues, les clivages ne sont pas ceux-là, même s’il est vrai que, des clivages, il y en a.

Il y a celles et ceux qui pensent que l’action publique est un pilier du renforcement et du maintien de notre pacte social. Il y a celles et ceux qui pensent que les valeurs de solidarité issues du Conseil national de la Résistance ne sont pas aujourd'hui obsolètes. Il y en a d’autres qui pensent que le dieu « concurrence » commande absolument le transfert de la totalité, ou presque, de nos services vers le secteur marchand.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous soutiendrons l’amendement de suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, sur l'article.

M. Dominique Braye. L’article 1er me pose problème car ses deux dispositions fondamentales tendent à rendre quelque peu schizophrène le parlementaire que je suis !

La première concerne les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, auxquelles je suis profondément attaché et qu’il est essentiel que nous adoptions au plus vite. La deuxième a trait au monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale sur les principales dispositions relatives aux prélèvements obligatoires, auquel je suis très opposé et qu’il est impératif que le Sénat n’adopte pas.

J’estime en effet qu’il est essentiel – et urgent – de lutter contre les déficits, mais je ne vois pas le rapport entre cette lutte et le monopole institué par le projet de loi constitutionnelle. Pourquoi retirer au législateur ordinaire le droit de toucher à la fiscalité, alors qu’il n’est à l’origine que de 16 % des pertes de recettes sur les dix dernières années ? Pourquoi lui supprimer la possibilité d’augmenter ou de créer des taxes qui iraient dans le sens de ce que souhaite le Gouvernement ?

Par ailleurs, le monopole vide la réforme constitutionnelle que nous avons adoptée il y a moins de trois ans d’une grande partie de ses acquis. Que signifie encore le droit d’initiative s’il ne peut plus du tout s’exercer en matière fiscale ?

Enfin, le monopole affaiblit considérablement – vous le savez – la place du Sénat, en remettant en cause sa priorité d’examen pour les textes concernant l’organisation des collectivités territoriales puisque les dispositions sur les compensations du transfert de charges devront être renvoyées dans un projet de loi de finances, examiné en premier lieu par l’Assemblée nationale.

Je ne veux pas entrer dès maintenant dans le détail des amendements qui nous seront proposés, mais il me semble, d’ores et déjà, que deux positions assez proches sont en présence. Les amendements proposés par nos commissions permettent en effet de lever les préoccupations des uns et des autres en maintenant les droits du Parlement, tout en renforçant le contrôle des mesures fiscales par les lois financières.

L’amendement n° 41 présenté par M. Emorine au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et l’amendement n° 74 présenté par M. Legendre prévoient que les dépenses fiscales ne pourront entrer en vigueur qu’au 1er janvier, c'est-à-dire après l’examen de la loi de finances. Le législateur financier pourra donc les supprimer ou les modifier, ce qui satisfait totalement à l’exigence de la lutte contre les déficits par le respect des lois-cadres que nous souhaitons tous voir entrer en vigueur.

Les amendements nos 1 rectifié et 7 rectifié, présentés respectivement par la commission des lois et la commission des affaires sociales, inversent la charge de la preuve en prévoyant une validation systématique en loi de finances. De plus, ils s’appliquent à toutes les mesures fiscales, y compris à celles qui créent des recettes. L’inconvénient de ce dispositif, me semble-t-il, est qu’il oblige le Parlement à voter deux fois les mêmes dispositifs dans l’année, ce qui est de nature à affaiblir la portée de son vote. On voterait une fois pour de faux, une deuxième fois pour de vrai, si j’ose dire !

Je suis néanmoins persuadé qu’il existe un point d’accord possible. Toutefois, ce point d’accord est rendu plus difficile par la rectification adoptée hier, qui aboutit à inscrire un délai obligatoire de quatre mois. Autrement dit, toutes les dispositions fiscales qui seront adoptées début juillet – et vous savez qu’elles sont nombreuses – tomberont automatiquement, puisque le projet de loi de finances n’est adopté définitivement qu’au 31 décembre, soit plus de quatre mois après leur vote.

M. Hervé Maurey. Tout à fait !

M. Dominique Braye. C’est pourquoi il me semble essentiel que nous trouvions un autre système que ce délai de quatre mois. Je comprends la volonté d’aller vite, mais dans ce cas, il suffirait de prévoir que l’entrée en vigueur se fasse dès la prochaine loi de finances, le Gouvernement et le Parlement ayant tout pouvoir pour programmer une loi de finances aussi rapidement qu’ils le jugent utile afin de rendre les mesures fiscales votées effectives.

Mes chers collègues, j’en appelle à votre sens du respect des pouvoirs du Parlement. L’enjeu est fondamental pour la conservation du droit de tous les parlementaires, même si nous acceptons, compte tenu de la situation de notre pays, que notre pouvoir soit encadré par des lois-cadres.

Il faudra donc soutenir les amendements que je viens de mentionner. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Hervé Maurey. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce qui me révulse dans les débats d’hier et, je le crains, d’aujourd'hui, ce n’est pas tant le mépris avec lequel vous traitez nos arguments, monsieur Baroin – nous connaissons les mœurs de la société de cour –, que la légèreté drapée dans une fausse rigueur avec laquelle vous abordez cette question du déficit budgétaire et de la dette publique.

Vous la limitez à la seule question du courage politique et de la morale. Soyons rigoureux, et le déficit budgétaire et la dette, qui atteignent effectivement des niveaux préoccupants, s’évanouiront !

Vous vous refusez obstinément à envisager ce que seront les conséquences inévitables de cette politique sur l’endettement privé, sur la croissance économique et l’emploi, et donc sur les recettes fiscales ou les cotisations des organismes sociaux, ainsi que sur les dépenses en matière de prestations sociales compensatoires.

Vous ne voulez pas voir que l’endettement public ou privé n’est pas qu’une facilité à laquelle s’abandonnent les parlementaires et les gouvernements, mais aussi, fondamentalement, le moyen de soutenir la consommation et l’investissement, autant dire les débouchés de la production nationale quand le niveau de l’emploi et des revenus du travail, au nom de la compétitivité, ne le permettent plus.

Je ne dis pas – et personne ne dit ici – que l’endettement public est une bonne chose. Nous disons que s’en passer a des conséquences sur le niveau d’activité économique, sur l’emploi et indirectement sur les recettes et les dépenses de l’État comme des organismes sociaux, ce qui en retour a un impact sur l’équilibre budgétaire.

Par quoi remplacerez-vous le déficit pour maintenir un niveau suffisant d’activité économique et d’emploi ? Cette question ne mérite pas votre silence, monsieur le ministre.

Pour être cornélien, le dilemme n’en est pas moins simple. Soit l’on compense la baisse, voire la suppression du déficit public par de l’endettement privé, une augmentation des revenus du travail ou un excédent extérieur, et les niveaux d’activité et d’emploi se maintiendront. Soit l’on se résigne à voir ces niveaux baisser.

Ce que nous aimerions savoir, ce sont vos choix !

Ce qui me navre aussi, c’est que vous refusiez de voir que le mode de gouvernance de l’Europe et plus encore de la zone euro n’est plus tenable en l’état, ou en tout cas ne le sera pas bien longtemps. Si vous en doutez, observez les résultats électoraux depuis quelques années : échec du traité constitutionnel en 2005, montée de l’extrême droite partout en Europe, raclée administrée aux formations sortantes, quelle que soit leur couleur. Et je ne parle pas des manifestations diverses, ni des rebellions d’État comme en Islande ou en Hongrie !

L’Europe qui devait unir les peuples et les économies est en train de les désunir. Si on avait plus de temps, on pourrait s’attarder en particulier sur la politique de l’Allemagne, grand donneur de leçons mais grand bénéficiaire des déficits commerciaux ou sociaux des autres pays.

Je ne dis pas qu’il faut abandonner l’euro, bien sûr. Au point où nous en sommes, le remède serait pire que le mal. Je dis simplement qu’on ne peut plus le laisser sous la surveillance d’une Banque centrale européenne, ou BCE, dont la seule phobie est l’inflation, qui ne se soucie pas de l’emploi et que l’on oblige à des contorsions pour faire le travail des banques centrales des pays souverains. Je pense notamment – je l’avais évoqué lors de mon intervention d’hier – à la monétisation de la dette souveraine, à laquelle elle ne peut avoir recours que sous le manteau !

La moindre des choses, monsieur le ministre, serait que vous essayiez au moins de répondre à ces questions autrement que par le silence ou en essayant de nous faire croire qu’il suffira d’une loi pour régler ce problème complexe pour lequel personne, effectivement, n’a de solutions, mais qui mérite que nous en cherchions. On ne peut pas se contenter de solutions simplistes comme celle que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Bricq. Tout à fait !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 13 rectifié est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 46 rectifié est présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Vendasi et Mézard.

L'amendement n° 57 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 13 rectifié.

M. Bernard Frimat. Comme nous l’avons expliqué depuis que le débat a commencé hier, au travers des interventions d’Yves Daudigny, de Pierre-Yves Collombat ou de Nicole Bricq, nous sommes en désaccord complet avec cet article. Nous le sommes même avec cette révision constitutionnelle en carton qui veut opposer des arguments juridiques à un problème économique et qui prétend régler ce problème par l’invention des lois-cadres !

L’article 1er est le cœur du débat. Il contient tous les défauts.

Le premier défaut tient à ce que la loi-cadre dont il est fait mention renvoie à une loi organique dont nous ne savons rien et qui pourra donc, une fois franchi l’obstacle de la majorité des trois cinquièmes, permettre à la majorité d’organiser en interne sa petite « tambouille », même si l’on s’aperçoit qu’elle est déjà difficile à mettre en place aujourd'hui au sein de la majorité !

Le deuxième défaut a trait au monopole que la révision instituerait. Relisons le rapport de Jean-Jacques Hyest, écoutons les différents présidents de commission : tout le monde dans cet hémicycle est contre le monopole ! Seulement, le groupe socialiste sera contre le monopole jusqu’au bout, alors que les groupes de la majorité, dans le courant de l’après-midi, vont se féliciter d’avoir en quelque sorte inventé le fil à couper le beurre en trouvant – et en sanctifiant ! – une rédaction qui ne réglera rien et qui maintiendra, de facto, ce monopole !

J’ai expliqué hier en quoi le constituant n’avait pas à abandonner son pouvoir. Il n’a pas à l’abandonner à une majorité qui adopterait une loi organique et à laisser le Conseil constitutionnel en juger. Nous ne multiplierons pas une nouvelle fois les exemples qui montrent que le Conseil constitutionnel a déjà, par le passé, avalisé des lois organiques qui contredisaient l’esprit du constituant. Nous ne voulons donc pas prendre ce risque de nouveau.

La raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 1er est que vous êtes, mes chers collègues, dans une position de dévotion.

La semaine dernière, dans cet hémicycle, vous faisiez vos dévotions à vos convictions personnelles et détruisiez la recherche sur l’embryon, infligeant ainsi un gigantesque camouflet à la totalité des chercheurs et revenant même sur les lois précédentes !

Aujourd'hui, vous avez changé, non pas de religion, mais d’objet de dévotion ! Aujourd'hui, vous faites vos dévotions à sainte Constitution ! De la Constitution viendra le salut ! La Constitution nous préservera du déficit. Vivement que nous l’inscrivions dans la Constitution ! Nous sommes tous d’accord !

Non ! Nous ne sommes pas tous d’accord ! Ce n’est pas la fonction de la Constitution !

La politique d’un Gouvernement est de définir une stratégie précise de maîtrise des finances publiques, ce n’est pas de faire du cirque en demandant à la Constitution de régler ce problème. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. L’amendement n° 46 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 57.

M. Bernard Vera. Avec l’article 1er, nous entrons dans le vif du sujet.

Il détaille en effet ce qui constitue le fondement de cette révision constitutionnelle, c’est-à-dire la négation du droit parlementaire dans notre pays, l’abandon de souveraineté populaire que représenterait cette nouvelle hiérarchie des lois et des normes, définie par des lois-cadres des finances publiques qui s’imposeraient aux lois de finances comme aux lois de financement de la sécurité sociale.

Ces lois-cadres mettraient également un terme à la moindre initiative parlementaire, au seul motif que toute disposition de caractère fiscal ne pourrait trouver place que dans le cadre d’une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

Jean-Pierre Chevènement, dans une émission de télévision, a même pu parler de « 10 juillet 1940 » à propos du contenu de ce projet de loi constitutionnelle et de son article 1er en particulier.

C’est effectivement un peu de cela qu’il s’agit : une révolution conservatrice dont le fondement est de priver les députés et les sénateurs, représentants du peuple et de la nation, de la moindre capacité d’initiative dans l’exercice de leur mandat, laissant tout le pouvoir au Gouvernement, sans parler de ceux qui donneront de toute manière la marche à suivre, c’est-à-dire les commissaires européens et l’aréopage de leurs conseillers techniques !

Cet article 1er dépossède clairement la représentation nationale de toute capacité d’intervention sur les choix budgétaires et donc, in fine, sur les politiques à l’œuvre dans le pays.

C’est un peu comme si l’on disait aux citoyens, déjà de plus en plus circonspects sur le bien-fondé de toute participation électorale, que cela ne servira désormais pas à grand-chose d’opérer le moindre choix, puisque, de toute façon, tenu par des engagements supérieurs, tout gouvernement français devra respecter et se conformer de manière exclusive à ces engagements.

Cet article 1er limite l’alternance au changement d’équipe sans alternative possible quant au contenu des politiques menées !

Voilà une vision pour le moins restrictive du rôle du Parlement ! On a peine à y trouver la moindre trace de cohérence avec les discours de l’été 2008, lorsque les promoteurs de la révision constitutionnelle entendaient renforcer les pouvoirs du Parlement !

À quoi servira donc la semaine de contrôle de l’action gouvernementale ? Sans doute à nous borner à constater l’exécution du programme de stabilité européen et à flétrir tout dépassement éventuel de dépenses !

À quoi servira la semaine d’initiative parlementaire ? À voter des propositions de loi de déclaration d’intention, sans portée normative ! Les seules propositions de loi qui seront a priori acceptées par le Gouvernement seront celles qui auront simplement pour objet d’accélérer l’insertion des directives européennes dans notre droit national !

Par conséquent, notre groupe s’oppose clairement à cet article 1er, qui constitue une véritable négation de nos valeurs républicaines. Nous en proposons donc la suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme cela a été souligné à juste titre, l’article 1er est très important ; il est même au cœur du dispositif !

M. Bernard Frimat. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les autres articles ne sont que de simples mesures de conséquence.

Mes chers collègues, en présentant vos motions tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, la question préalable et le renvoi en commission, vous avez manifesté votre opposition générale au présent projet de loi constitutionnelle, et vous la déclinez à présent par vos amendements de suppression de l’article 1er.

Cet article est effectivement fondamental ; sans lui, pas de révision constitutionnelle ! Or nous soutenons la création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, qui garantiront une pratique budgétaire vertueuse,…

M. Bernard Frimat. Pas du tout !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … indispensable au redressement de nos comptes publics. Par conséquent, nous sommes hostiles aux amendements de suppression de l’article 1er.

Bien entendu, nous aurons l’occasion de revenir sur la question du monopole accordé aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale lors de l’examen des prochains amendements.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 13 rectifié et 57.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. J’ai noté que M. le ministre du budget avait ignoré les trois orateurs du groupe socialiste en répondant hier aux intervenants. Peut-être s’agit-il d’un oubli de sa part… J’espère au moins qu’il ne s’agit pas d’une marque de mépris à l’égard de l’opposition. Comme viennent de le souligner mes collègues Yves Daudigny et Bernard Frimat, nous, nous avons pris le soin d’argumenter.

Monsieur le ministre, on juge un gouvernement sur ses actes, et non sur « l’emballage » ou sur les intentions affichées !

Alors que nous discutons aujourd'hui du projet de loi constitutionnelle, la commission des finances examinait ce matin le projet de loi de finances rectificative, et la commission des affaires sociales devrait examiner cet après-midi le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Or ces deux textes maintiennent les niches, en créent une nouvelle et alourdissent encore la facture pour nos finances publiques !

Sur le fond, et j’espère que, cette fois-ci, M. le ministre nous écoutera, je vous indique que l’objectif de la réduction du poids de la dette – je parle bien de la dette – est un véritable sujet pour les socialistes. Je vous renvoie à nos interventions lors du débat annuel sur la dette.

Mais nous n’approuvons ni la méthode que vous prônez, ni le rythme que vous envisagez, ni les moyens que vous comptez mobiliser !

De notre point de vue, c’est le débat électoral qui doit porter sur la stratégie de redressement. Nous sommes à moins d’un an d’une élection cardinale. C’est à cette occasion que les Français se prononceront sur l’ajustement entre les recettes et les dépenses et, surtout, sur la nature de ces recettes et dépenses !

S’il y a une discipline à respecter, il y a aussi des choix politiques et, surtout, des choix économiques à faire ! Pour nous, il est grand temps de mettre la politique budgétaire au service d’objectifs économiques.

Le problème est que vous n’aviez aucune stratégie économique, hormis une baisse massive d’impôts pour les plus aisés, lors de votre arrivée aux responsabilités en 2007 !

Et vous ne tracez aucune perspective pour réduire le poids de la dette et parvenir à une situation financière stable ! D’ailleurs, il faudrait un horizon suffisamment éloigné pour ne pas pénaliser la croissance pendant la période d’ajustement des finances publiques. Mais vous ne dites rien sur le sujet !

Le projet de loi constitutionnelle prévoit une programmation sur trois années alors qu’il faudrait la caler sur la durée d’une législature ou d’un mandat présidentiel ! Et la correction des écarts devrait dès maintenant faire explicitement l’objet d’un contrôle sous l’œil vigilant du Parlement avec des modalités propres permettant d’assurer la flexibilité par rapport aux cycles économiques.

Enfin, il faudrait définir des projections budgétaires réalistes, pertinentes et incontestables, donc sincères et crédibles.

C’est pourquoi j’ai proposé hier de nous inspirer de deux pays, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, qui font appel à un organisme indépendant dont personne ne conteste l’évaluation. Cela éviterait au Gouvernement de se faire reprendre sévèrement, comme cela a récemment été le cas, par la Commission européenne et la commission des finances du Sénat. Je vous renvoie aux débats sur le programme de stabilité.

Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à toutes ces interrogations. Voilà pourquoi nous défendons, peut-être pour la dernière fois dans ce texte, la suppression de cet article 1er que vous voulez nous imposer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je constate une nouvelle fois que l’on ne répond pas à mes questions.

Premièrement, quelles dispositions comptez-vous prendre pour pallier les mesures déflationnistes que cet article institue ? Que comptez-vous faire pour ne pas aggraver le niveau du chômage ? Vous n’en dites rien !

Deuxièmement, comment envisagez-vous l’évolution des institutions européennes et de la gouvernance de l’euro pour nous permettre de sortir de manière pérenne de la situation actuelle ? Comment comptez-vous nous mettre à l’abri des spéculateurs et des marchés, qui décident selon leur bon vouloir si l’on peut ou non faire confiance à tel ou tel pays ?

Voici comment nous interprétons votre absence de réponse : soit votre sonotone est débranché, soit vous n’avez pas envie de nous répondre et, dans ce cas, on peut se demander à quoi sert le Parlement – certes, la question se pose souvent ! –, soit vous ne connaissez pas la réponse, ce qui est un peu fâcheux pour un gouvernement !

Encore une fois, il ne s’agit pas d’apporter des solutions « clé en mains » ; personne n’en a. Mais on peut au moins rechercher des pistes pour que notre pays ne se trouve pas dans quelques mois dans la même situation qu’aujourd'hui !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié et 57.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 61, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 6

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

1° Après le dix-septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. L’adoption du projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis entraînerait une série de conséquences.

Sur le fond, la grande innovation du texte est bel et bien de conduire à créer une nouvelle hiérarchie dans l’importance des textes législatifs, qui fait des lois-cadres sur les finances publiques, des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale les rendez-vous obligés et déterminants de chaque session unique et, au-delà, de chaque législature.

Pour le solde, nous devrons nous en remettre au seul ordre du jour fixé par le Gouvernement.

Toutefois, une telle hiérarchie des normes est porteuse de risques majeurs pour la qualité du droit dans notre pays.

Déjà, la fréquence et l’intensité du recours à la procédure accélérée ont multiplié les textes péremptoires connaissant des difficultés évidentes de mise en œuvre. Avec ce texte, les règles proposées ajouteront une difficulté nouvelle.

La moindre disposition législative d’ordre fiscal adoptée dans la plus discrète proposition de loi ou dans le plus important projet de loi devra attendre le feu vert de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale la plus proche pour pouvoir entrer en application.

On n’ose d’ailleurs penser en quelles conjectures et controverses l’on se perdra pour peu que la mesure votée dans l’enthousiasme d’une séance publique se trouve recalée lors des débats budgétaires au seul motif qu’elle serait inopérante, insuffisamment rentable ou trop coûteuse !

C’est pourtant ce type d’effets que l’on peut attendre de la modification de l’article 34 de la Constitution qui est ici proposée.

Pour nous, il est temps que la question du domaine de la loi soit abordée d’une manière nouvelle, plus ouverte. C’est en ce sens que nous avons déposé cet amendement, qui accompagne notre proposition de réécriture des dispositions de l’article 34 relatives aux lois de finances, à leur définition et à leurs objectifs.

Mes chers collègues, laissons respirer le débat parlementaire, tout simplement parce qu’il constitue l’un des éléments clés de la démocratie et qu’il est donc logique que nous le facilitions !

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

II. Alinéas 6 et 7

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Les dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature ainsi que les modifications apportées à ces dispositions n'entrent en vigueur que si elles ont été approuvées, dans les quatre mois suivant leur promulgation, par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale. Les dispositions relatives aux principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale et les modifications apportées à ces dispositions n'entrent en vigueur que si elles ont été approuvées, dans le même délai, par une loi de financement de la sécurité sociale. 

« Les lois-cadres d'équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d'évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques. Elles fixent, pour chaque année, un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles ne peuvent être modifiées en cours d'exécution que dans les conditions prévues par une loi organique. Une loi organique précise le contenu des lois-cadres d'équilibre des finances publiques et peut déterminer celles de leurs dispositions, autres que celles prévues à la deuxième phrase du présent alinéa, qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle définit les conditions dans lesquelles sont compensés les écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s’agit à l’évidence du point le plus important de notre débat.

En effet, je pense qu’il y a un accord, en particulier avec la commission des finances, sur les améliorations rédactionnelles de l’alinéa relatif aux lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Le Gouvernement devrait, me semble-t-il, considérer qu’il s’agit d’une amélioration ; j’ai lu ses déclarations lors du débat à l’Assemblée nationale.

Le véritable débat porte sur la question du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires, auquel nous proposons de substituer un monopole de l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux recettes sous peine de caducité.

Le monopole que le projet de révision constitutionnelle attribue aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale présente de multiples inconvénients. Je les ai déjà évoqués lors de la discussion générale.

L’initiative parlementaire serait pratiquement réduite à néant.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien entendu, cela n’a aucune importance eu égard aux enjeux planétaires de la révision constitutionnelle. (Marques d’ironie.)

Les procédures d’irrecevabilité et d’inconstitutionnalité qui sont prévues respectivement par les articles 2 bis et 9 bis ne nous paraissaient pas répondre au problème que je viens de soulever.

Aucune discussion parlementaire sur la fiscalité ou les ressources de la sécurité sociale ne pourrait avoir lieu en dehors du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui seraient évidemment examinés en premier lieu par l’Assemblée nationale.

Cependant, la préoccupation qui sous-tend le monopole mérite d’être prise en considération, car il s’agit d’une véritable question.

Au cours des dernières années, trop de mesures intégrées dans d’autres lois que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale sont venues contrarier les équilibres prévus par des lois financières. Il convient de porter un regard d’ensemble sur les mesures de dépenses fiscales et d’exonérations ou de niches qui contribuent à la dégradation de nos finances publiques.

L’amendement tend à atteindre l’objectif visé par le projet de loi constitutionnelle tout en évitant les inconvénients du monopole.

D’ailleurs, le dispositif proposé s'inspire largement d’une proposition de loi organique adoptée par le Sénat le 22 janvier 2008 sur l’initiative de MM. Alain Vasselle et Nicolas About. À l’époque, seules les cotisations sociales étaient concernées. Nous proposons d’étendre le champ d’application d’une telle mesure à l’ensemble des impositions de toute nature et des recettes de la sécurité sociale.

Nous suggérons que toutes les dispositions relatives aux impositions ne puissent entrer en vigueur qu’en cas d’adoption dans une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale. L’approbation devrait intervenir dans les quatre mois suivant la promulgation des dispositions relatives aux recettes, sous peine de caducité.

Le président de la commission des finances et M. Marini avaient déposé un amendement tendant à rendre obligatoire le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative pour examiner des dispositions de nature fiscale.

Au vu des calendriers, il ressort de l’articulation entre vos propositions et les nôtres qu’il conviendrait de prévoir un délai de quatre mois plutôt qu’un délai de trois mois. M. Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, a jugé hier soir en commission des lois que cette proposition était de nature à résoudre, comme nous le souhaitons tous, le problème posé par le monopole brutal et sans accommodement des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, car c’est bien un monopole « accommodé » que nous proposons.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances. C’est un bon compromis !

M. le président. Le sous-amendement n° 77, présenté par MM. Emorine, Legendre, Bizet, Braye, Sido, Hérisson, Cornu, César, J.L. Dupont, A. Dupont et Carle, Mmes Morin-Desailly et Mélot, M. Plancade, Mme Dumas et MM. Retailleau et Maurey, est ainsi libellé :

Alinéa 5 de l’amendement n° 1 rectifié

1° Première phrase

Remplacer les mots :

, dans les quatre mois suivant leur promulgation, par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale

par les mots :

au plus tard par la première loi de finances ou loi de financement de la sécurité sociale, dont le projet est déposé après leur promulgation

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

dans le même délai

par les mots :

dans les mêmes conditions

La parole est à M. Jean-Paul Emorine.

M. Jean-Paul Emorine. Si vous m’y autorisez, monsieur le président, pour la clarté de nos débats, je souhaiterais également présenter, à l’occasion de ce sous-amendement, l’amendement n° 41 de la commission de l’économie.

Tous les arguments contre le monopole ont été, je crois, exprimés hier avec force par beaucoup de nos collègues, et nous devons les entendre. Je n’y reviendrai pas.

Si je mets à part l’amendement présenté par la commission des finances, deux solutions nous sont proposées par les autres commissions à cet article 1er, qui ont un point commun : la suppression du monopole.

Je me réjouis, ainsi, de la convergence de vues entre la commission des lois, saisie au fond, la commission des affaires sociales, la commission de l’économie et, à travers son président, la commission de la culture. Je crois que la volonté exprimée est claire : la réduction des déficits ne doit pas passer par un tel affaiblissement du Parlement.

Nous avons également tous été animés du même souci : celui de renforcer le contrôle des mesures fiscales par les lois financières. Au moment où le législateur financier va être soumis à une contrainte constitutionnelle à travers la loi-cadre, il faut absolument lui donner les moyens de tenir ses objectifs.

Les amendements identiques nos 41 et 74, présentés respectivement par la commission de l’économie et par M. Legendre, ne divergent que sur deux points des amendements présentés par la commission des lois et par celle des affaires sociales.

Premier point, ils ne concernent que les dépenses fiscales. En effet, le législateur financier devra respecter un plancher de recettes et il n’apparaît donc pas nécessaire de contraindre le législateur ordinaire s’il souhaite augmenter les recettes.

Deuxième point, dans un souci de simplicité, ces amendements inversent la charge de la preuve. Ils tendent à différer ainsi au 1er janvier l’entrée en vigueur des dépenses fiscales afin de permettre au législateur financier de modifier ou de supprimer toute disposition. Cette solution nous paraît préférable au choix d’une validation systématique en loi de finances.

Toutefois, il me semble que nous avons tous le souci de nous rassembler et de rapprocher nos positions. Pour cette raison, l’amendement de validation pourrait être la solution de compromis, en dépit des difficultés que j’ai évoquées.

En revanche, et j’en viens à la présentation du sous-amendement n° 77, l’amendement n° 1 de la commission des lois a été rectifié, hier, afin de prévoir que les dispositions devront être validées dans un délai de quatre mois. Cela, mes chers collègues, vide, selon moi, la mesure d’une grande partie de sa portée et risquerait de nous ramener au monopole.

En effet, rien n’obligera le Gouvernement ou les divers gouvernements à venir – je ne veux pas jeter la suspicion sur celui-ci – à déposer des projets de loi de finances rectificatives.

Avec toute la meilleure volonté du monde, comment ferons-nous pour valider les dispositions qui auront été promulguées au début du mois de juillet alors que le projet de loi de finances est adopté fin décembre ?

C’est pourquoi le sous-amendement n° 77 vise à prévoir que la validation intervienne au plus tard dans la prochaine loi de finances. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Quelle démagogie !

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature ainsi que les modifications apportées à ces dispositions n’entrent en vigueur que si elles ont été approuvées, dans les quatre mois suivant leur promulgation, par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale. Les dispositions relatives aux principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale ainsi que les modifications apportées à ces dispositions n’entrent en vigueur que si elles ont été approuvées, dans le même délai, par une loi de financement de la sécurité sociale.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, a été extrêmement clair en présentant l’amendement n° 1 rectifié. Néanmoins, j’insisterai de nouveau.

Le projet de loi constitutionnelle prévoit la mise en place d’un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale pour les mesures relatives aux impositions de toute nature et aux autres ressources de la sécurité sociale. Un tel monopole, de très nombreux orateurs l’ont souligné, présenterait de sérieux inconvénients.

Tout d’abord, le Parlement ne pourrait plus appréhender les réformes dans leur globalité, les conséquences financières de celles-ci étant systématiquement renvoyées aux lois financières.

Ensuite, l’initiative parlementaire serait drastiquement limitée par ce dispositif qui viendrait s’ajouter à l’article 40, et à l’irrecevabilité des cavaliers budgétaires et des cavaliers sociaux.

Par ailleurs, aucune discussion parlementaire sur la fiscalité ou les ressources de la sécurité sociale ne pourrait avoir lieu en dehors du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le présent amendement tend donc, comme celui présenté par la commission des lois, à atteindre l’objectif visé par le projet de loi constitutionnelle en évitant les inconvénients du monopole.

Il prévoit que toutes les dispositions relatives aux impositions de toute nature ou aux autres recettes de la sécurité sociale n’entrent en vigueur que si elles ont été approuvées par une loi de finances ou par une loi de financement de la sécurité sociale dans un délai de quatre mois suivant leur promulgation.

Ainsi, il pourra être vérifié dans le cadre de l’examen des lois financières que les mesures votées en cours d’année ne remettent pas en cause les règles définies par les lois-cadres d’équilibre des finances publiques.

Il s’agit d’une proposition raisonnable dans laquelle les sénateurs de l’ensemble des commissions du Sénat devraient pouvoir se retrouver. Je souhaite saluer les efforts inlassables du président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, pour parvenir à dégager une solution capable de nous rassembler sur un sujet essentiel pour le fonctionnement du Parlement.

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa : 

« Les lois-cadres d'équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d'évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d'assurer l'équilibre des comptes des administrations publiques. Elles fixent, pour chaque année, un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles ne peuvent être modifiées en cours d'exécution que dans les conditions prévues par une loi organique. Une loi organique précise le contenu des lois-cadres d'équilibre des finances publiques et peut déterminer celles de leurs dispositions, autres que celles prévues à la deuxième phrase du présent alinéa, qui s'imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle définit les conditions dans lesquelles sont compensés les écarts constatés lors de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. » ;

La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la vérité, cet amendement a été très largement repris, sinon intégralement, par M. Hyest, Mme Dini et M. Vasselle.

Cette nouvelle rédaction de l’alinéa 7 de l’article 1er vise à bien préciser que les mesures nouvelles sont afférentes aux recettes. En d’autres termes, il s’agit de mesures d’augmentation de prélèvements obligatoires ou de suppressions de niches. Cette nouvelle rédaction fixe un montant minimum qui devra être respecté. Il me semble donc que nous n’aurons pas de difficultés à nous mettre d’accord.

Pour avoir écouté attentivement les débats, il m’apparaît qu’un mot heurte les esprits : celui de monopole. Chers collègues, les lois de finances ou les lois de financement de la sécurité sociale sont soumises à l’Assemblée dans son ensemble. Bien sûr, elles sont instruites par la commission des finances et par la commission des affaires sociales. Néanmoins, les amendements qui prennent en compte les attentes parlementaires ne sont pas nécessairement ceux qui sont présentés par ces commissions, ce sont plutôt les amendements présentés par l’ensemble des sénateurs.

Je voudrais redire à quel point la situation de nos finances publiques est préoccupante et fragile. Il ne s’agit pas, ici, de porter atteinte aux prérogatives des parlementaires, car de toute façon, lorsque nous souhaitons augmenter les dépenses, il est possible de nous opposer l’article 40 de la Constitution. N’ayons donc pas la nostalgie de ne pas pouvoir augmenter les dépenses à notre guise, d’autant que ce serait un risque difficilement supportable par la France !

En tout état de cause, en prenant rendez-vous autour de l’examen d’une loi de finances, d’une loi de finances rectificative ou d’une loi de financement rectificative de la sécurité sociale, nous nous donnons simplement les moyens d’être lucides et d’avoir une vue globale de la situation.

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis de la commission de l’économie. C’est ce que nous proposons !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Est-il inconvenant de poser le principe d’un examen sinon concomitant du moins dans un intervalle de temps aussi bref que possible des lois de finances ou de financement et du projet de loi qui prévoit un supplément de dépenses, une remise en cause des dispositions fiscales ou des prélèvements obligatoires sociaux ? N’est-il pas préférable de consacrer notre décision en ayant une vue globale de la situation ?

Notre intention est seulement de donner de la lucidité au Parlement et d’imposer au Gouvernement une sorte d’article 40 afin qu’il se protège lui-même de ses pulsions dépensières. Il ne s’agit que d’éviter l’embardée du déficit public.

À défaut de prévoir de telles dispositions, nous risquons d’apparaître bien pusillanimes et de proclamer des objectifs malheureusement contradictoires.

Tels sont les quelques commentaires que je croyais devoir faire, en exprimant le souhait que nous puissions voter un texte qui ait du sens et qui ne soit pas une gesticulation supplémentaire.

M. le président. Les amendements nos 41 et 74 sont identiques.

L'amendement n° 41 est présenté par M. Emorine, au nom de la commission de l'économie.

L'amendement n° 74 est présenté par MM. Legendre, J.L. Dupont, A. Dupont et Carle, Mmes Morin-Desailly et Mélot, M. Plancade et Mme Dumas.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 6 

Rédiger ainsi cet alinéa : 

« Lorsqu’elle a pour conséquence une diminution des ressources publiques, une disposition relative aux règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ou aux principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale entre en vigueur au plus tôt le 1er janvier de l’année suivant celle de la promulgation de la loi dans laquelle elle figure. Cette disposition ne s’applique ni aux lois de finances ni aux lois de financement de la sécurité sociale.

L’amendement n° 41 a déjà été défendu.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° 74.

Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement a été excellemment défendu par M. Emorine.

Par ailleurs, M. Legendre, lors de sa prise de parole sur l’article 1er, a rappelé très précisément les raisons qui l’avaient conduit, avec un certain nombre de collègues de la commission de la culture, à le déposer.

M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Alors même que le texte que nous examinons exige la confection d’une nouvelle loi organique relative aux lois-cadres des finances publiques, on nous propose, avec l’alinéa 2 du présent article, de mettre un terme au processus, tout de même essentiel sur le plan constitutionnel, qui veut qu’il incombe au législateur de fixer les règles d’assiette et de recouvrement de l’impôt.

Car c’est bien ainsi qu’il faut lire le contenu de l’article 1er, qui s’apparente clairement à la négation de la tradition républicaine posée depuis plus de deux siècles qui veut que l’impôt soit la contrepartie de la participation des citoyens à la charge publique et que les représentants des citoyens soient habilités à en fixer les règles. Avec ce texte, ce ne serait plus le cas puisqu’une loi organique, sous certains aspects, viendrait se substituer, ni plus ni moins, au texte d’une loi de finances.

L’article 1er, comme l’ensemble du texte, d’ailleurs, apparaît comme un étrange avatar de la loi organique sur les lois de finances et du traité de Lisbonne, dans son expression la plus amère et la plus brute, c'est-à-dire celle de l’injonction indiscutable et indiscutée de réduire les déficits budgétaires ou sociaux, sans autre forme de procès, quitte à transformer littéralement le Parlement en spectateur des décisions d’ordre réglementaire que la Commission européenne, pour non-respect éventuel du pacte de stabilité et de croissance, serait amenée à préconiser et à imposer à la France.

Nous aurions, pour prendre une image assez rapidement compréhensible par chacun, un Parlement qui serait comme un conseil municipal votant son budget primitif en déficit et qui verrait le préfet, ici Bruxelles, régler son budget à sa place.

Nous ne voulons pas déroger, dans le respect de la tradition démocratique et républicaine, au principe qui veut qu’il incombe aux représentants du peuple de fixer les règles de l’impôt. C’est bien ce qui est en question ici.

M. le président. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

1° Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le dix-huitième alinéa de l'article 34 est ainsi rédigé :

« Les lois de finances déterminent les conditions budgétaires générales de l’action de l’État en application des dispositions prévues par une loi organique. » ;

2° Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au dix-huitième alinéa, après le mot : « déterminent », sont insérés les mots : « chaque année ».

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il est également défendu.

M. le président. L'amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Vendasi et Mézard, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Au début, insérer les mots :

Nonobstant le droit d'initiative conféré aux membres du Parlement sur tous les projets de loi et les propositions de loi en vertu des articles 39 alinéa 1er et 44 alinéa 1er,

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de repli de notre amendement n° 46 rectifié visant à la suppression de l’article 1er. Nous voulons ainsi protéger le droit d’initiative parlementaire en prévoyant que, hormis le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale édicté par l’article 1er, les parlementaires pourront garder toutes leurs prérogatives en matière d’amendement et de proposition de loi.

Nous voulons protéger ce qui était présenté à l’époque comme un acquis de la réforme constitutionnelle de 2008 – même si la pratique peut nous faire douter de cela, notamment en termes de niches parlementaires –, créatrice d’initiatives et de débats indispensables au bon déroulement démocratique de nos institutions.

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Supprimer les mots :

, pour au moins trois années,

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’Assemblée nationale a modifié l’article 1er du présent projet de loi en conférant aux lois-cadres pluriannuelles une portée temporelle minimum. Ainsi, selon le texte qui est maintenant soumis au Sénat, une loi-cadre devra-t-elle s’imposer durant au moins trois ans.

Cette modification n’est pas anodine. Il s’agit d’une incitation à proposer des plans budgétaires s’imposant au-delà d’un mandat présidentiel ou d’une législature. Notre collègue Mme Des Esgaulx s’est elle-même étonnée en commission de cette contrainte nouvelle en disant : « j’éprouve un malaise à l’idée que les lois-cadres s’appliquent au moins à trois exercices : autant j’accepterais que la loi-cadre couvre la durée du quinquennat, autant je suis gênée par un dispositif qui permettrait à une majorité de déborder sur la mandature suivante. »

Cette réflexion s’oppose frontalement à la logique profonde du projet, appuyée et applaudie par nos deux rapporteurs de la commission des finances : la politique doit s’effacer devant la règle comptable. Le Parlement et même le Gouvernement doivent s’effacer devant les choix financiers de la Commission européenne, fût-ce en dépit de choix nouveaux des électeurs.

Cette disposition viole de façon manifeste la souveraineté populaire. En votant ce texte en l’état, vous acceptez de facto une contrainte par anticipation nonobstant la volonté émise par le corps électoral.

Le choix d’une politique économique nouvelle, opposée aux dogmes libéraux qui inspirent le principe de la « règle d’or », exigerait une réforme constitutionnelle et donc une majorité des trois cinquièmes ou l’organisation d’un référendum.

L’inscription dans la Constitution d’une durée minimale d’application d’une loi-cadre d’équilibre des finances publiques, ou plutôt de cette loi-cadre d’austérité, symbolise à mes yeux l’autoritarisme des marchés financiers.

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots :

pour au moins trois années

par les mots :

durant une même législature

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à préciser qu’une majorité politique ne peut imposer à une autre ses choix politiques et donc budgétaires. Nous contestons fondamentalement la règle édictée par MM. Marini et Arthuis : « une règle souple indifférente aux majorités politiques ».

Pour nous, la démocratie ne relève pas d’une conception comptable et technocratique, surtout quand cette conception comptable vise à faire valider des choix ultralibéraux pris au niveau européen sous la pression directe des marchés financiers.

Cette conception qui vise à ravaler le débat politique au second plan et qui réduit à la portion congrue les conséquences des choix électoraux d’une population est particulièrement dangereuse pour l’évolution de nos institutions. Croyez-vous un seul instant que la défiance de nos compatriotes à l’égard des élus, des dirigeants va diminuer avec ce genre d’attitude qui témoigne d’un profond mépris envers le peuple ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 61 tend à supprimer le monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de recettes. Nous y serions favorables si nous n’avions pas proposé une autre solution. Notre amendement n° 1 rectifié étant beaucoup plus complet, je ne peux que donner un avis défavorable à celui de Mme Borvo Cohen-Seat.

Nous étions parvenus hier, en commission des lois, à un accord avec la commission des finances, qui a retiré son amendement, lequel prévoyait que « toute loi comportant des mesures fiscales » – ou, comme le dirait le garde des sceaux, une loi formelle mais de politique publique – « devait être accompagnée d’une loi de finances ou d’une loi de financement de la sécurité sociale ». Cela nous a paru un peu compliqué et, pour alléger la tâche immense des grands services de l’État chargés de la préparation de ces textes, nous avons jugé préférable de prévoir que, si, dans un délai de trois mois, puis, après réflexion, de quatre mois, ces dispositions n’avaient pas été approuvées par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale, elles deviendraient caduques.

Cette disposition présente un avantage considérable. D’abord, on ne parle plus du problème de l’initiative parlementaire ni de la priorité donnée ou non au Sénat puisque l’on reste dans le cadre actuel de la Constitution. Par ailleurs, cela permet à la fois de répondre à l’objectif, auquel je souscris, de la nécessité d’une cohérence entre les dispositions fiscales, surtout qu’il existe désormais des lois-cadres. Il n’est pas question de faire n’importe quoi toute l’année, en essayant de surcroît de faire rentrer la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale dans une loi-cadre. Ce n’est certainement pas l’objectif de la réforme. Il faut donc s’efforcer d’être cohérent.

Le sous-amendement n° 77, défendu par Jean-Paul Emorine, s’inscrit, on ne peut le nier, dans la logique de l’amendement n° 1 rectifié de la commission et évoque donc une piste intéressante : les dispositions relatives aux recettes deviennent caduques, à défaut d’être validées « au plus tard par la première loi de finances ou loi de financement de la sécurité sociale, dont le projet est déposé après leur promulgation ». Le couperet de l’approbation serait donc maintenu, mais en dehors du délai de quatre mois que nous avons prévu.

Le délai de quatre mois est-il réaliste, si l’on considère la suspension des travaux parlementaires pendant l’été ? N’est-il pas trop contraignant pour le Gouvernement ? Ces questions se posent.

M. Dominique Braye. Absolument ! Ce sont de vraies questions !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le sous-amendement conserve au dispositif son efficacité, qu’il rend même plus opérationnel. Compte tenu du débat que nous avons eu hier en commission avec le rapporteur général de la commission des finances, je m’en tiendrai bien entendu à l’accord qui a été passé, …

Mme Nicole Bricq. Avec qui ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … car je n’ai pas pour habitude de modifier ma position au fur et à mesure des débats. La commission des finances pourra toutefois nous dire s’il existe vraiment une différence importante entre le sous-amendement et la position commune que nous avons adoptée hier soir.

Je m’en remettrai volontiers à la sagesse du Sénat…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … mais dans la mesure où la commission n’a pas été saisie, je dois normalement donner un avis défavorable. Hier soir, un accord, a été trouvé, le président Emorine en a été témoin, entre la commission des finances et la commission des lois.

M. Dominique Braye. Le président de la commission, ce n’est pas la commission !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’émets donc un avis défavorable, n’ayant pas mandat de la commission pour donner un accord.

Mme Nicole Bricq. Dans ce cas, demandez une suspension de séance !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Attendez ! Il faut être honnête ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Laissez s’exprimer le président Hyest !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Hier soir, la commission des lois a été saisie d’une proposition fixant un délai de trois, puis de quatre mois. La commission des lois m’a fait savoir que, dans le cas où la commission des finances serait favorable au sous-amendement modificatif, elle approuverait l’amendement ainsi rectifié.

M. Bernard Frimat. Exactement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je m’en tiens donc à cela, car j’y suis bien obligé.

Ensuite, intervient le débat, et je pense que le sous-amendement de M. Emorine, qui est intéressant, justifie que chacun puisse s’exprimer, notamment ceux qui, comme moi, ont fait un effort pour trouver un accord avec la commission des finances.

L’amendement n° 7 rectifié est satisfait par l’amendement de la commission des lois.

L’amendement n° 29 de MM. Arthuis et Marini reprend les améliorations proposées par la commission des lois. Il est donc satisfait par l’amendement n° 1 rectifié de la commission. Nous avions d’ailleurs travaillé ensemble sur ce sujet.

Sur les amendements identiques nos 41 et 74, j’ai expliqué les raisons pour lesquelles je ne pouvais pas y donner un avis favorable : j’en demande donc le retrait au bénéfice de la solution proposée par la commission des lois.

L’amendement n° 58 est également satisfait par l’amendement de la commission, qui vise à remplacer le monopole des lois financières par un monopole de l’entrée en vigueur.

J’ai eu du mal à saisir l’objet de l’amendement n° 62 rectifié. La rédaction proposée pour le dix-huitième alinéa de l’article 34 de la Constitution n’est guère différente du texte actuel ; elle est moins complète et moins claire. La commission a donc émis un avis défavorable.

Sur l’amendement n° 59, le principe d’annualité budgétaire se déduit de l’article 47 de la Constitution et est affirmé par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. Il ne semble pas nécessaire de le mentionner à l’article 34. L’avis est défavorable.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 51 rectifié de M. Collin, car l’amendement qu’elle a proposé permet le maintien du droit d’initiative des parlementaires.

Sur l’amendement n° 60, qui vise à la suppression des lois d’équilibre des finances publiques, l’avis est défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 52, la question de la durée d’application des lois-cadres a été posée lors des auditions. Il semble peu probable que la loi organique nécessaire à l’adoption d’une loi-cadre puisse être adoptée assez rapidement pour entrer en application avant les prochaines échéances électorales. Le Gouvernement pourra peut-être nous éclairer sur le sujet.

Monsieur le ministre, la durée prévue est actuellement de trois ans, mais c’est un minimum. On pourrait concevoir que les lois-cadres d’équilibre soient – mais je n’ai pas encore très bien compris ce que cela voulait dire – glissantes ou non.

Mme Nicole Bricq. Nous, nous ne comprenons plus rien ! Vous devez reprendre vos explications !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Commencez à écouter, ce sera plus facile !

Mme Nicole Bricq. Mais nous écoutons !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. De toute façon, vous faites maintenant exprès de ne plus comprendre ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Sur l’amendement n° 53, l’avis est défavorable, pour les raisons déjà explicitées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ? (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. On attendait ce moment !

M. François Baroin, ministre. Monsieur Hyest, j’espère que vous voudrez bien me le pardonner, mais j’ai l’impression d’avoir un peu plus de succès auprès de Mme Bricq que vous-même ! (Rires.)

Nous sommes effectivement là dans le noyau dur de nos discussions. Je voudrais prendre quelques instants pour rappeler, avant d’exposer la position du Gouvernement, le compromis auquel nous sommes parvenus à l’Assemblée nationale, après plusieurs heures de débat, sur les problématiques qui vous animent, notamment sur ce que l’on appelle le monopole des dispositions fiscales ou sociales, sur ce que l’on pourrait communément appeler l’exclusivité de la discussion des mesures d’initiative parlementaire ou gouvernementale de nature fiscale ou sociale dans les textes financiers.

En tout cas, cette idée correspond à l'objectif recherché par le Gouvernement avec cette révision constitutionnelle : il nous faut des règles supplémentaires, et ce pour plusieurs raisons.

Avec notre niveau de déficit, nous en avons besoin pour nous aider à tenir nos engagements, européens comme mondiaux, qui font partie de la signature française. C'est le cas pour notre pays comme pour d’autres. Le statu quo n'est pas possible. Nous devions donc trouver le juste milieu entre la préservation du droit d'initiative parlementaire renforcé par la réforme de 2008 et la nécessité d’une plus grande vertu.

Le texte initial du Gouvernement n'a pas été produit par des services administratifs qui ne connaissent rien au Parlement. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai vingt ans de vie parlementaire derrière moi ! J’ai rédigé des textes de loi comprenant des dispositifs de nature fiscale aussi bien comme ministre que comme parlementaire. Nous parlons le même langage, nous utilisons le même vocabulaire et nous avons la même expérience de ce qui nous paraît être juste pour l'intérêt général.

Nous avons eu les mêmes discussions à l'Assemblée nationale. Pour être clair, c’est la commission des finances contre le reste du monde ! Nous sommes bien là au cœur du débat. Cela revient en quelque sorte à confier les pleins pouvoirs à une commission alors que la Constitution lui confère de toute façon un droit de regard prioritaire sur les textes financiers présentés par le Gouvernement – ceux qui sont débattus à la fin de l'année, ainsi que les collectifs budgétaires et sociaux du mois de juin. Rien ne change en réalité, si ce n’est que nous réservons à ces textes financiers l'exclusivité de l'examen des mesures qui sont de nature à dégrader nos comptes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous partagez, me semble-t-il, notre objectif, qui est de réduire nos déficits et notre dette, de « tenir » nos comptes et de revenir à l'équilibre.

Pour cela, nous proposons trois pistes.

Les lois-cadres, tout d’abord, ne posent pas de difficultés : elles forment indiscutablement la colonne vertébrale du dispositif.

Le rendez-vous annuel avec le Parlement sur le projet de programme de stabilité, autrement dit les engagements de la France à l’égard de ses partenaires européens, ne pose pas non plus de difficulté particulière. Un débat a d’ores et déjà été organisé cette année dans chacune des chambres.

Il nous reste enfin la problématique du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires.

À l'Assemblée nationale, nous avons réussi à répondre tout à la fois aux objectifs des députés, qui souhaitaient le maintien d'une forme d'initiative parlementaire, et à ceux du Gouvernement, qui étaient déterminés – je le rappelle – sur la base du travail effectué non pas par des hauts fonctionnaires isolés dans leur bulle, mais par une mission rassemblant, sous l'autorité de M. Camdessus, d’honorables parlementaires de différentes commissions et de sensibilités diverses qui se sont mis d’accord sur une proposition, celle du monopole fiscal.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. M. Cahuzac n’est-il pas socialiste ?

Mme Nicole Bricq. Certes, mais ce n’était pas à ce titre qu’il faisait partie de cette commission !

M. François Baroin, ministre. M. Cahuzac est le président – socialiste – de la commission des finances de l'Assemblée nationale, un homme de grande qualité, au verbe tonique.

Nous avons eu avec lui des débats vertueux qui ont permis d'éclairer l'Assemblée nationale afin de lui permettre de se prononcer en connaissance de cause. Mais, que je sache, il ne s’engage pas pleinement aux côtés du Gouvernement à chacun de ses votes… Ou alors cela m'aurait échappé ! Car nous avons eu des désaccords manifestes, la semaine dernière, lors des jours et des nuits – qui se sont même prolongées jusqu’à sept heures du matin ! – passés dans l’hémicycle de l’assemblée à débattre de la réforme fiscale, dont nous discuterons au Sénat dans quelques jours.

Sur la question de l’initiative parlementaire, nous avons trouvé à l'Assemblée nationale un point d'équilibre, qui convient à toutes les commissions, notamment à la commission des lois et à la commission des finances. Ce point d'équilibre est inspiré d'un article de la Constitution qui permet au président de l’assemblée concernée ou au Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité d’un amendement qui ne relève pas du domaine de la loi, c'est-à-dire qui est de nature réglementaire. On doit à la vérité de dire que cet article n’a été que rarement utilisé. De mémoire, je parle sous le contrôle du président Hyest, il ne l’a été qu’une seule fois, sous le gouvernement Raffarin lors de la grande réforme des retraites.

Je me souviens que nous avions passé des jours et des nuits à discuter de ce sujet. Le développement des nouvelles technologies avait rendu possible le dépôt de dizaines de milliers d'amendements. Le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, avait saisi le Conseil constitutionnel pour faire déclarer irrecevables un très grand nombre d'amendements inutiles, qui relevaient simplement de la flibusterie parlementaire traditionnelle.

Puisque nous avons réussi à trouver avec l'Assemblée nationale un point d'équilibre acceptable, alors que les débats ont été de même nature et de même intensité qu’ici et tout aussi respectables, je ne vois pas pourquoi il n’en irait pas de même avec le Sénat.

Monsieur Hyest, je tiens à saluer votre implication dans la défense légitime des intérêts de la commission des lois, particulièrement en matière constitutionnelle. Vous avez proposé une formule de compromis, à laquelle semble s’être rallié le rapporteur général de la commission des finances. Je respecte votre position, mais le Gouvernement ne peut être favorable à votre amendement, et ce pour plusieurs raisons.

Vous proposez d’instituer un rendez-vous qui, certes, correspond à notre souhait d’attribuer aux textes financiers un monopole ou une exclusivité de l’examen des mesures fiscales ou sociales, mais qui, en réalité, nous en éloignera grandement. En effet, si l’on prend le cas de figure de textes qui seraient votés, sous votre impulsion, en janvier ou en février, ils ne pourront entrer en vigueur que quatre mois plus tard, lors de l’adoption d’un texte financier.

Imaginez un instant, mesdames, messieurs les sénateurs, l'instabilité juridique, fiscale, voire sociale, engendrée par un tel dispositif ! Une telle disposition contribue-t-elle vraiment au renforcement du travail parlementaire ? Je ne le crois pas. D’autant que ce véritable trou noir de quatre mois accentuera les difficultés que nous avons justement en matière fiscale à créer un environnement durable et stable.

Vous voulez renforcer le travail parlementaire et veiller au droit d’initiative. L'histoire récente le montre, le Gouvernement a désormais un rendez-vous avec le Parlement au mois de juin pour examiner un projet de loi de finances rectificative ou un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Nous sommes actuellement en plein dans cette période. Si nous devions être dans l'obligation de rédiger des textes pour valider ou non des dispositions votées quelques mois auparavant, je ne suis pas certain que le travail parlementaire en serait renforcé.

Quant au sous-amendement présenté par M. Emorine, il supprime le seul élément qui allait le sens du monopole, c'est-à-dire le délai de quatre mois au-delà duquel les dispositions devenaient caduques. Il faut être clair, il n'y aurait alors plus d'exclusivité des dispositifs de nature fiscale ou sociale dans les lois de finances. Je vois bien à leur mine réjouie que certains le souhaitent, y compris au sein de la majorité. Mais nous ne pouvons être d’accord avec une telle proposition, car – je le répète – nous devons poursuivre la mise en place de normes supplémentaires contraignantes.

Permettez-moi de vous faire remarquer, mesdames, messieurs les sénateurs, que si vous avez l’impression que ces contraintes vous visent, elles s’imposent en réalité d'abord et avant tout au Gouvernement puisque l'essentiel ou, en tout cas, une proportion exorbitante – 80 %, 90 %, voire 95 % – des dispositifs de nature fiscale est d’origine gouvernementale.

Ces contraintes s’imposeront donc au Gouvernement actuel et naturellement à ses successeurs puisqu’il y aura à l’avenir d'autres gouvernements, comme il y aura certainement d'autres présidents de commissions. C'est ainsi, la roue tourne…

Ce qui nous rassemble aujourd'hui, c’est la situation de nos finances publiques : elle exige que, dans l’intérêt général, nous soyons d’accord sur les trois objectifs à poursuivre en commun.

Il s’agit de fixer trois éléments : d’abord, un cadre lisible, triennal, avec des rencontres régulières pour suivre la trajectoire de réduction des déficits et atteindre l'équilibre ; ensuite, un rendez-vous au printemps pour discuter des économies envisageables pour atteindre nos objectifs en termes de déficits publics, ce qui renforcerait le rôle du Parlement ; et une méthode, car c'est bien de cela qu’il s’agit, qui confère une exclusivité aux textes financiers pour l’examen des mesures de nature fiscale.

Notre idée n’est pas d’accorder un monopole pour se débarrasser de telle ou telle proposition en toutes circonstances, mais simplement de renvoyer à l’examen des textes financiers – en juin ou à l’automne – les dispositions fiscales qu’un parlementaire aura toujours la possibilité de faire figurer dans les propositions de loi qu’il déposera.

Est-ce vraiment si grave ? Au regard de la situation de l’Europe et des finances publiques de notre pays, une telle proposition est-elle si éloignée de la conception que l’on peut se faire de l’initiative parlementaire ?

Voilà le sens de la révision de la loi fondamentale que nous proposons. À ce stade du débat, autant acter que nous sommes en désaccord. Nous reviendrons devant l'Assemblée nationale pour rediscuter de ce texte, mais le Gouvernement ne s'éloignera pas de sa position. Nous devrons de toute façon, sous une forme ou sous une autre, trouver des modalités de consensus. Nous y sommes parvenus à l'Assemblée nationale, nous devrions pouvoir y parvenir au Sénat. Mesdames, messieurs les sénateurs, j'entends votre message, je l’interprète plutôt comme un appel à un dialogue interne. Je fais confiance à votre honorable assemblée pour, après encore quelques journées de travail et de réflexion commune, trouver, le moment venu, les modalités d’un accord.

En toute logique, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 61.

Sur l'amendement n° 1 rectifié, je précise que je suis favorable à la disposition concernant les lois-cadres, qui ne pose pas de difficultés, mais défavorable à celle qui porte sur le monopole ou l’exclusivité des textes financiers. Je me permets d’ailleurs de vous indiquer que celle-ci menace de façon sous-jacente l’équilibre global des pouvoirs entre le Gouvernement et le Parlement : le Parlement est dépendant de la date de dépôt des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour l'entrée en vigueur des dispositions fiscales. Avec cet amendement, la situation serait inversée et l’on s’éloignerait de l'esprit général du rôle de l'exécutif dans la préparation des textes financiers.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 7 rectifié, porté par M. Vasselle et défendu par Mme Dini. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 29, notamment sur la nouvelle formulation concernant le plancher de mesures nouvelles.

Pour finir, il est défavorable aux amendements nos 41 et 74, 58, 62 rectifié, 59, 51 rectifié, 60, 52 et 53. Emporté par mon élan, j’allais dévoiler que nous sommes également défavorables à l'amendement n° 36, ce qui est ainsi fait !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre réponse. Votre argumentation est convaincante, mais vous pouvez, me semble-t-il, modifier votre position sur deux points.

Le premier, c'est qu'il faut faire une distinction dans le texte entre les projets de loi déposés par le Gouvernement et les propositions de loi émanant des parlementaires. Votre texte ne permet pas suffisamment de faire la distinction, ce qui nous conduit à tout mélanger. Je vous suis lorsque vous proposez d’imposer la rigidité et la vertu financières au Gouvernement puisque, vous l'avez dit, plus de 85 % des modifications fiscales proviennent de son initiative.

La solution proposée par le président de la commission des finances, avec le synchronisme entre le dépôt d'un projet de loi et le dépôt d'un projet de loi de finances ou de loi de financement de la sécurité sociale, me semble parfaite.

En tout cas, en ce qui concerne les obligations du gouvernement, la situation me paraît claire.

Pour ce qui est des propositions de loi, je souscris au dispositif qui consiste à discuter d’une proposition de loi tout en prévoyant que les dispositions fiscales ou sociales entraînant des dépenses ou des recettes supplémentaires seront avalisées par la prochaine loi de finances, à même de bien distinguer l’initiative gouvernementale de l’initiative parlementaire.

Le deuxième point, c’est que nous avons, dans la pénultième révision de la Constitution, obtenu que les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales soient soumis en premier lieu au Sénat. Or le texte que vous nous proposez supprime, de fait, cette disposition.

Par conséquent, il serait souhaitable que le Gouvernement répète clairement, par référence à l’article 39, que les textes relatifs aux collectivités territoriales, avec leur volet financier, continuent d’être examinés d’abord par le Sénat.

Sur ces deux points, la distinction entre projets et propositions de loi et le maintien de la priorité d’examen du Sénat sur les textes intéressant les collectivités territoriales, nous pourrions trouver un compromis qui nous permette d’approuver votre objectif de rigueur et de retour à l’équilibre.

Il me semble que, dans ces conditions, l’amendement présenté par M. Arthuis peut, s’il reçoit quelques compléments, servir de base pour arriver à une solution satisfaisante. Monsieur le ministre, tel est en tout cas mon vœu.

M. Alain Fouché. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, en refusant jusqu’à l’amendement de la commission des lois qui tentait de remédier à un défaut du projet que nous considérons majeur, à savoir son irrecevabilité, vous avez particulièrement éclairé le problème que pose votre projet de loi.

Un projet de loi constitutionnelle peut, lui aussi, dans certaines circonstances, faire l’objet d’une irrecevabilité. Je le dis à ceux qui n’en seraient pas convaincus. Cela pose un énorme problème. Vos propos, monsieur le ministre, le confirment.

D’abord, le projet s’assoit sur le principe d’annualité budgétaire, qui est tout de même un principe issu de pratiques anciennes. C’est pour moi un motif de surprise ; mais c’est aussi, sans doute, un motif d’irrecevabilité.

Pis, vous vous asseyez sur ce qui fonde la légitimité du Parlement, de la majorité parlementaire et du Gouvernement qui en est issu, c’est-à-dire la volonté populaire.

En effet, votre projet tend à instituer, non de simples lois de programmation, mais de véritables lois-cadres, ayant donc une valeur supérieure aux lois, y compris aux lois de finances. Vous considérez par conséquent qu’il est possible de déterminer des règles contraignantes sur une période qui pourrait excéder la législature issue d’un choix populaire. Cela me paraît irrecevable.

Le peuple décide ; il élit des majorités censées répondre à la volonté populaire qu’il exprime et qui déterminent la composition des gouvernements. Il est donc impossible que le Parlement, non seulement aliène sa liberté, mais s’assoie en quelque sorte sur sa légitimité. On se retrouverait dans une situation où un changement de majorité, et donc de gouvernement, n’aurait aucune incidence parce qu’il aurait précédemment été décidé que, pendant une période donnée, on ne peut rien changer au cadre budgétaire. Cela me paraît irrecevable. Telle n’est pas, en effet, la mission des parlementaires.

Peut-être faudrait-il d’ailleurs consulter le peuple pour savoir s’il est d’accord avec le fait que des parlementaires puissent ainsi se débarrasser de la légitimité qui est la leur, c’est-à-dire la légitimité populaire.

En outre, s’agissant des collectivités locales, que vous voulez faire passer sous les fourches caudines de ces lois concernant les prélèvements fiscaux et sociaux, se pose également un gros problème : comment accepter qu’une assemblée élue localement, et qui tire donc, elle aussi, sa légitimité d’une élection, renonce à sa liberté et à la représentativité qu’elle tient du peuple du fait d’une loi, décidée par une autre majorité, qui encadre son action ?

La commission des lois, et notamment son président, ont essayé de pallier, tant bien que mal, ce redoutable inconvénient. Or, monsieur le ministre, vous nous expliquez que vous ne voulez pas d’un tel aménagement !

Je le répète, j’estime que, sur ce point, votre projet est totalement irrecevable. Il serait grave que des parlementaires s’aliènent de la sorte. Ce point doit absolument être tranché. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.

M. Dominique Braye. Monsieur le ministre, vous nous avez déclaré, et nous partageons votre point de vue, que nous devions nous doter de règles supplémentaires. Notre groupe est unanimement d’accord avec vous sur ce point.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Acceptez alors d’augmenter les recettes !

M. Dominique Braye. Le statu quo n’est pas possible. La situation de nos finances publiques exige une réaction. Nous en sommes tout à fait d’accord. En revanche, M. le rapporteur a déclaré, à juste titre d’ailleurs, qu’il fallait être cohérent et avoir une vision d’ensemble.

Or, c’est bien ces différents objectifs que notre groupe essaie de concilier : comment, mes chers collègues, être cohérents et avoir une vision d’ensemble si nous discutons d’une loi ordinaire sans en aborder le volet fiscal ou financier ?

Vous avez été très nombreux à démontrer qu’une loi ordinaire sans volet fiscal et financier n’aurait pas de sens. Nous pouvons en trouver d’innombrables exemples.

Si, comme nous l’avons affirmé, nous sommes d’accord sur le principe de la création des lois-cadres, nous estimons que ces dernières doivent être encadrées. Il s’agit de savoir selon quelles modalités nous pouvons nous fixer de telles contraintes.

Nous voyons bien que la solution proposée par M. Hyest dans son amendement, à savoir l’approbation, dans un délai de quatre mois, des dispositions fiscales contenues dans une loi ordinaire par une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, n’est pas souhaitable. Monsieur le ministre, vous l’avez vous-même reconnu, bien souvent, l’encombrement de l’ordre du jour du Parlement ne nous permettra pas de respecter ce délai.

Or, pouvons-nous accepter que des dispositions discutées pendant des heures dans notre hémicycle soient balayées d’un revers de main, sous prétexte que nous n’aurions pas le temps de les approuver, ou peut-être aussi – on peut l’imaginer – parce qu’un Gouvernement malintentionné déciderait de jouer la montre et de faire en sorte que le processus parlementaire n’aboutisse pas… Je ne parle pas, bien entendu, de l’actuel Gouvernement ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Ce n’est pas raisonnable ! Il en va du fonctionnement et de l’autorité de notre Parlement, et notamment du Sénat. Ce point est extrêmement important.

Naturellement, nous sommes favorables à la maîtrise des dépenses publiques. Nous pourrions dès lors tout à fait nous accorder autour de la solution proposée par le président Emorine, qui nous paraît la meilleure. Nous sommes un certain nombre à nous rallier, comme Jean-Pierre Fourcade, au sous-amendement n° 77 et à estimer que les dispositions prises dans le cadre de lois ordinaires devront tout simplement être validées par la première loi de finances ou de financement de la sécurité sociale dont le projet sera déposé après leur promulgation.

Une telle solution est de nature à satisfaire tout le monde. Il s’agit certes d’un recul par rapport à ce qui était souhaitable – monsieur le rapporteur pour avis, je vous prie de m’en excuser ! – mais la vie est faite de concessions, afin d’arriver au moins mauvais des chemins, à défaut d’aboutir au meilleur. C’est la logique du sous-amendement de M. Emorine, auquel nous nous rallierons.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, je soutiens totalement le Gouvernement dans sa volonté d’instituer une martingale constitutionnelle. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Monsieur le ministre, je pense en effet, comme vous, que notre addiction collective à la dépense publique, depuis plus de trente ans, est si profonde qu’il nous faut des règles fortes. J’avais moi-même déposé, en octobre 2010, une proposition de loi constitutionnelle visant à créer une règle d’or. Elle différait quelque peu du projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, mais prévoyait comme lui un pilotage trisannuel des finances publiques.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle est restée inaperçue !

M. Bruno Retailleau. L’instauration d’une règle d’or est nécessaire pour les générations futures. La dette actuelle est, pour ces générations, une bombe à retardement.

M. François Marc. Qui l’a créée ?

M. Bruno Retailleau. Les travaux économiques les plus récents sur les liens entre la croissance et l’endettement dans quarante-quatre pays ont en outre montré assez clairement que la dette, lorsqu’elle franchit un certain seuil, étouffe la croissance. Il s’agit d’un constat objectif, et c’est la raison pour laquelle je soutiens cette partie du projet de loi constitutionnelle.

Permettez-moi néanmoins d’affirmer que les dispositions du texte en matière d’exclusivité et de monopole de l’initiative ne sont pas satisfaisantes, en tout cas dans les modalités que vous nous soumettez.

Deux points, en effet, me choquent.

Premièrement, je suis choqué par une réalité politique : à refuser les amendements des uns et des autres, et singulièrement ceux de nos présidents de commission, vous laissez penser que les parlementaires sont de dangereux démagogues. Quel déni politique ! C’est bien mal connaître la Ve République que de demander au Parlement et aux parlementaires d’endosser la responsabilité des déficits budgétaires qui se sont succédé depuis plus de trente ans.

M. Yves Daudigny. C’est vrai !

M. Bruno Retailleau. Sous la Ve République, ce sont les Gouvernements, de tous bords, qui ont créé ces déficits.

Mme Nicole Bricq. Il y a Gouvernement et Gouvernement !

M. Bruno Retailleau. Deuxièmement, je suis choqué par une réalité institutionnelle. Votre texte tend à remettre en cause rien de moins qu’une forme de bicamérisme en matière de textes relatifs à l’organisation des collectivités territoriales, et, en tout cas, la priorité qui est donnée au Sénat sur ces textes. C’est ce que rappelait M. Fourcade voilà quelques instants.

Cela revient, en effet, à donner à l’Assemblée nationale un droit de priorité systématique sur le volet financier, y compris pour les textes touchant à l’organisation des collectivités locales.

Pour ces deux raisons, qui me choquent, je suis totalement d’accord avec M. Jean-Paul Emorine, qui préside la commission dont je suis membre : je pense comme lui que l’on peut réussir à trouver une voie, entre une rigueur dans les règles, la martingale, le dispositif de rendez-vous… Je pense que l’on peut concilier les choses, à condition d’être un peu ouverts.

Le dispositif proposé par M. Emorine dans son amendement est plus favorable, pour trois raisons : d’abord, il est subtil ; ensuite, il est cohérent et équilibré ; enfin, il est très efficace.

C’est d’abord un dispositif subtil, dans la mesure où il différencie les dispositions qui tendraient à augmenter les ressources de celles qui viseraient à les baisser. Pourquoi interdire à un parlementaire d’augmenter les ressources, notamment fiscales, dans le contexte difficile où nous nous trouvons ?

C’est ensuite un dispositif équilibré, qui articule de manière satisfaisante le droit individuel des parlementaires en matière de dépôt d’amendements avec le droit de contrôle reconnu au profit tant de la commission des finances que de la commission des affaires sociales.

Enfin, il s’agit d’un dispositif plus efficace, parce qu’il est global, et, j’en suis désolé, parce que la règle des quatre mois n’est qu’un faux-semblant ! Un dispositif qu’on a chassé par la porte revient par la fenêtre. On le sait bien : il suffirait au Gouvernement de ne pas déposer de projet de loi financière rectificative pour rendre caduque toute disposition votée dans les quatre mois précédents. Mes chers collègues, c’est d’une clarté si limpide !

Je pense que l’approbation des dispositions fiscales contenues dans une loi ordinaire par la première loi de finances ou de financement de la sécurité sociale déposée après sa promulgation procède d’une vision globale et qu’elle est compatible avec votre objectif de pilotage par des lois-cadres.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Pour conclure, monsieur le ministre, je pense que seul un recul suffisant permettra le pilotage efficace de nos finances publiques, et que vos desseins peuvent être conciliés avec la priorité des parlementaires, qui est de préserver leurs droits. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Les présidents de commission ont déposé des amendements, ce dont je me réjouis. Comme je l’ai dit hier, autant nous devons mener un combat sans merci pour réduire les déficits publics, autant j’admets la nécessité de lois-cadres pour encadrer les lois de finances sur un minimum de trois exercices, autant je considère qu’il est impossible que les parlementaires, de droite, de gauche ou du centre, se fassent hara-kiri au nom de déficits budgétaires dont ils ne sont pas responsables puisque, chacun l’a reconnu – et même M. le ministre –, la situation financière du pays résulte de la gestion des divers gouvernements passés, qu’ils soient de droite ou de gauche. Je suis donc très heureux que des parlementaires éminents, présidents de commission, conscients de cette situation, aient déposé un certain nombre d’amendements pour trouver une solution.

L’amendement présenté par le président Hyest me paraît aller dans la bonne direction puisque, s’il était adopté, nous pourrions continuer d’adopter des propositions de loi comportant des dispositions financières, de déposer des amendements de caractère financier sur des projets de loi ordinaires, comme nous l’avons fait lors de la discussion de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ou de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité. Nous pourrions ainsi continuer de mener des débats cohérents sur les grandes politiques publiques.

Cependant, un aspect me paraît peu satisfaisant, comme d’autres collègues l’ont déjà souligné : si les dispositions ainsi adoptées ne sont pas « ratifiées » dans les quatre mois qui suivent par un projet de loi de finances, elles deviennent caduques. J’y vois une sorte de leurre, qui risque de nous faire déchanter. Nous savons tous parfaitement que les projets de loi de finances, par définition, relèvent exclusivement de l’initiative du Gouvernement. L’adoption d’un tel dispositif reviendrait ipso facto à accorder au Gouvernement un droit de veto tacite. Les gouvernements sont déjà responsables de la situation de nos finances publiques et nous devrions, en plus, leur reconnaître un droit de veto sur les initiatives des parlementaires !

Une telle solution me paraît difficilement acceptable, d’autant plus que, même si le Gouvernement dépose à temps des projets de loi de finances rectificative, il faudrait qu’il ait véritablement la volonté de les faire aboutir dans un délai de quatre mois ! Quatre mois pour rédiger un projet de loi de finances, le soumettre au Conseil d’État, le présenter en conseil des ministres et le faire adopter par les deux assemblées : il faudrait vraiment que le Gouvernement soit extrêmement motivé pour faire aboutir une initiative parlementaire ! Je ne suis qu’un jeune parlementaire, mais il me semble que très peu de gouvernements seraient prêts le faire… Il est donc évident que ce dispositif recèle, en l’état, un réel danger.

Par ailleurs, même si un gouvernement faisait preuve d’une telle bonne volonté, les impératifs de calendrier ne lui permettraient pas d’aboutir. Que se passerait-il si le Parlement adoptait au mois de juillet des dispositions emportant des conséquences financières ? Comment voulez-vous qu’elles soient ratifiées dans les quatre mois par un projet de loi de finances ? C’est tout simplement impossible !

Nous ne devons donc pas nous laisser leurrer par cet amendement : même si sa rédaction est meilleure que celle qu’a adoptée l’Assemblée nationale, il me semble tout à fait insuffisant. C’est pourquoi je soutiens pleinement le sous-amendement déposé par le président Emorine qui tend à préciser que les dispositions à caractère financier sont ratifiées par la première loi de finances soumise au Parlement après leur adoption. M. le ministre nous objecte que cette solution pourrait entraîner des retards : il appartiendra au Gouvernement de déposer dans de brefs délais des projets de loi de finances rectificative pour faire en sorte que ces dispositions prennent leur plein effet.

Pour conclure, j’exprimerai plusieurs regrets. Tout d’abord, je regrette que tous les dispositifs présentés portent atteinte au droit d’initiative parlementaire alors que, nous l’avons dit, ce sont les gouvernements qui sont à l’origine de la situation de nos finances publiques. Sur ce point, je souscris à la suggestion de Jean-Pierre Fourcade : il faudrait dissocier les projets de loi des propositions de loi, puisqu’un projet de loi peut être accompagné d’un projet de loi de finances rectificative, ce qui n’est pas le cas d’une proposition de loi.

Il faudrait également établir une distinction, au sein des mesures fiscales, entre celles qui créent des dépenses et celles qui créent des recettes. Quand on crée des recettes supplémentaires, comme nous l’avons fait dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité et de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, je ne vois pas en quoi la situation de nos finances publiques serait aggravée ! Il est vrai que je n’ai pas la chance d’être membre de la commission des finances, mais quelque chose m’échappe dans ce raisonnement !

Enfin, je regrette l’absence totale d’ouverture du Gouvernement. M. le ministre nous dit, une fois de plus : « Circulez ! Il n’y a rien à voir ! » Ses propositions sont intangibles, nous n’avons qu’à les voter ou à nous taire ! Cette attitude ne me paraît pas convenable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Où en sommes-nous, à cet instant du débat ?

À l’origine, le Gouvernement a présenté un projet de loi de révision constitutionnelle qui donne compétence exclusive, dans certaines conditions, aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Si ce texte était parvenu à notre assemblée dans sa rédaction initiale, j’aurais préconisé un vote conforme.

L’Assemblée nationale, où s’est déroulé, mutatis mutandis, le même débat que dans cet hémicycle, a préféré substituer à la version initiale du Gouvernement, qui était claire, un autre dispositif, lequel a fait l’objet des critiques tout à fait fondées, en droit et en procédure, de notre commission des lois. Je souscris à ces critiques.

Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’ai renvoyé dos à dos la solution peu élégante consistant à adopter deux articles se répondant et créant une irrecevabilité qui serait une inconstitutionnalité – solution que le président Hyest a qualifiée comme il convient –…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est une solution barbare !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances. … et celle que j’ai qualifiée de « voiture-balai ». Il s’agit, dans ce dernier cas, d’une loi financière soumise au Parlement après l’adoption de divers textes, d’origine gouvernementale ou parlementaire, et chargée d’en tirer les conséquences financières dans le tableau d’équilibre des finances publiques. Telle est la solution que nous proposent le président de la commission de l’économie et ses collègues.

Je répète qu’il n’est pas possible à une commission des finances, raisonnant normalement en tant que commission des finances, de souscrire à une telle solution. En effet, il serait ainsi possible, sur l’initiative du Gouvernement ou de parlementaires, de créer des exonérations fiscales, des dépenses fiscales supplémentaires ou des allégements de charges sociales, agréables bien entendu aux catégories ou aux intérêts qui en bénéficieraient, et de ne régler la note, dans le cadre de l’équilibre d’ensemble des finances publiques, que plusieurs mois plus tard, lors de la discussion d’une loi de finances ou d’une loi de financement de la sécurité sociale.

La commission des finances a la culture de la négociation et du compromis : nous nous efforçons de ne jamais pratiquer la politique du pire – c’est bien ainsi que vous dirigez notre commission, monsieur le président Arthuis ! Quand nous sentons des contradictions fortes, nous nous efforçons d’en tenir compte et d’aller à la rencontre de nos collègues qui défendent d’autres positions. C’est ce que nous avons fait hier au cours de la réunion de la commission des lois : nous avons accepté de retirer l’amendement préparé par la commission des finances, qui créait une simultanéité entre la discussion d’une loi ordinaire et d’un texte financier, ce qui eût permis aux rapporteurs de travailler ensemble, de créer plus de transversalité entre nos commissions qui, sans doute, auraient intérêt à communiquer davantage plutôt que de s’opposer de manière factice dans l’hémicycle et de donner ainsi une image qui n’est pas conforme à la réalité !

François Baroin connaît bien notre situation car, mutatis mutandis et de manière bien plus éminente, sa position est actuellement la même au sein du Gouvernement : la commission des finances est toute seule ! Elle a très peu de pouvoirs et beaucoup de devoirs (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), elle a en particulier le devoir de vous dire ce qu’elle estime être la vérité sur les responsabilités que nous prenons et sur la situation de notre pays !

L’annonciateur de mauvaises nouvelles doit être cloué au pilori, car il est jugé coupable de ce qu’il annonce !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On croit rêver !

M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ce rôle de bouc émissaire, nous le jouons en victimes consentantes, puisque telle est notre fonction au sein de cette assemblée et puisque d’autres jouent des rôles beaucoup plus valorisants, beaucoup plus brillants, dans toutes sortes de domaines de l’action publique.

Monsieur le ministre, j’exprime le regret que le Gouvernement n’ait pas accepté de faire un pas en direction de notre compromis, car cette décision n’a pas été facile à prendre. Nous avons recherché une formule juridiquement correcte qui apporte le plus possible de garanties ; certes, elle est moins bonne et moins efficace que le texte initial du Gouvernement, mais elle s’expose à beaucoup moins de reproches que la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. C’est donc avec un immense regret que je me tourne vers vous, monsieur le ministre, car j’ai été surpris, et désolé, que le Gouvernement ne vienne pas conforter notre accord.

Que faire dans ces conditions, mes chers collègues ? J’appelle bien entendu au rejet des amendements et sous-amendements déposés par MM. Emorine et Legendre, au profit de l’amendement déposé par M. Hyest, qui est parfaitement fidèle à l’analyse que nous avons menée en commun. Ce vote sera particulièrement important : en fonction de son issue, je crois que nous pourrons porter un jugement différent sur le cheminement de ce texte de révision constitutionnelle et, en d’autres termes, sur le succès de l’initiative excellente qui avait été prise en soumettant cette réforme au Parlement.

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Je souscris entièrement à l’articulation du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques. Par ailleurs, le principe des lois-cadres ne m’inspire aucune angoisse métaphysique.

En tant que membre de la commission des finances, je sens que la question du monopole pose un problème : je crois donc que nous devons crever l’abcès. Permettez-moi de vous le dire tout de go : au départ, j’ai rêvé que nous acceptions que lorsque le Parlement discute un texte au fond, il discute en même temps de son volet financier. La plus petite commune de France peut le faire : cela s’appelle une délibération modificative, ou DM, et n’a rien d’extravagant ! Je pensais que nous aurions pu trouver un accord sur ce point, mais, puisque des questions de susceptibilité sont visiblement en jeu, nous n’y parviendrons sans doute pas !

Je souhaite cependant rappeler à mes collègues que l’ordre du jour du Parlement est relativement encombré. Or l’adoption du compromis qui nous est proposé nous obligera à tenir deux débats sur une question identique, ce qui me paraît regrettable. Si nous acceptions que les deux débats, sur les aspects financiers et sur le fond, puissent se tenir en même temps, nous permettrions aux honorables parlementaires que nous sommes d’assumer leurs responsabilités en toute connaissance de cause, car le travail des parlementaires consiste non pas seulement à décider, mais à le faire en connaissance de cause.

À ce stade du débat, il convient de sortir de la nasse où nous nous sommes enfermés. M. Fourcade nous a indiqué une voie intéressante, qui représente un juste milieu entre les amendements déposés par les présidents de commissions et la commission des finances. Il a suggéré de distinguer les projets de loi des propositions de loi, car le Gouvernement peut toujours ajouter un volet financier à ses projets de loi, de préserver la priorité du Sénat dans l’examen des textes relatifs aux collectivités locales et de retenir les délais actuellement observés entre la discussion du projet de loi de finances initial et des projets de loi de finances rectificative, soit six mois. Cette solution médiane me paraît digne d’intérêt.

Dans ces conditions, peut-être faudrait-il que les présidents de commission et, éventuellement, le rapporteur général de la commission des finances s’accordent pour demander une suspension de séance, afin d’établir un texte que nous pourrions tous voter. Cela permettrait sans doute de ménager l’ensemble des susceptibilités. De fait, je ne suis pas certain que, en l’état, le vote que nous nous préparons à émettre nous grandira.

M. Alain Fouché. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, ce projet de réforme constitutionnelle a au moins une vertu : il nous permet de débattre en séance publique, toutes les commissions permanentes étant représentées, de la situation de nos finances publiques.

C’est peu dire qu’il nous faut sans doute parfaire nos méthodes de discussion des projets et propositions de loi. À cet égard, si je comprends bien la distinction entre projets et propositions de loi que propose Jean-Pierre Fourcade, je lui répondrai toutefois qu’un certain nombre de propositions de loi ne viennent en discussion que parce que nous sommes tolérants : en effet, nous ne faisons pas application de l’article 40 de la Constitution. Cela n’est certes pas grave dans la mesure où, en tout état de cause, ces propositions de loi, qu’elles soient ou non adoptées par le Sénat, ne sont pas examinées par l’Assemblée nationale.

Toutefois, après ce moment de débat et d’échange, au cours duquel ont été formulées des propositions, j’attire votre attention, chers collègues, sur ce point important : ce n’est que par une tolérance de notre pratique sénatoriale que nous n’examinons pas la recevabilité des propositions de loi au regard de l’article 40 de la Constitution (M. Jean-Pierre Fourcade opine.), et ce afin de préserver le droit à la discussion dans le cadre de la semaine d’initiative parlementaire. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)

Concernant la distinction, qui a également été proposée, entre les recettes et les dépenses, selon laquelle le Sénat pourrait à tout moment discuter de l’augmentation des recettes, j’attire votre attention sur la nécessité de trouver le bon équilibre entre tous les prélèvements obligatoires.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. De fait, si nous ne disposons pas de cette vision globale qui constitue la garantie du maintien d’une cohérence minimale entre les prélèvements obligatoires, nous risquons de commettre des erreurs d’appréciation, et donc de ne pas atteindre les objectifs que nous visons.

Plusieurs de nos collègues ont déclaré que le projet du Gouvernement leur semblait insupportable, dans la mesure où il porterait atteinte à la souveraineté nationale. Cependant, mes chers collègues, et vous en particulier, madame Borvo Cohen-Seat, voulez-vous me dire quelle est la souveraineté d’un État surendetté ? Croyez-vous que la Grèce soit aujourd'hui en mesure d’exercer sa souveraineté ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez-en plutôt à vos amis ! Nous, nous n’avons pas de problème avec la démocratie !

M. Pierre-Yves Collombat. Au Japon, la dette atteint 200 % du PIB !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Croyez-vous que les institutions démocratiques y possèdent encore le pouvoir de décision ? Lorsqu’on aggrave le déficit, on a recours à l’endettement, et lorsqu’on s’endette, on est dans la main de ses créanciers. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) J’attire votre attention sur ce point, mes chers collègues.

En outre, du point de vue de la démocratie, reporter sur les générations futures le poids du remboursement de la dette ne correspond pas vraiment à l’idée que je me fais de la solidarité intergénérationnelle, pardonnez-moi ! (MM. François Trucy et Alain Fouché applaudissent.)

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Jean-Pierre Bel. Aucune autocritique !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Nous avons un problème de méthode, ai-je dit. De fait, monsieur le ministre, je pense que nous étions parvenus à un compromis avec la commission des lois, en prévoyant ce délai de quatre mois au-delà duquel les dispositions votées deviennent caduques.

Au fond, ne sommes-nous pas victimes de l’abaissement à 5,5 % du taux de TVA dans la restauration ?

Mme Nicole Bricq. Il y avait longtemps !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est certain !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Auparavant, en effet, on ne s’était pas posé tant de questions. Si nous sommes dans cette situation, c’est parce que, un jour, le Gouvernement s’est laissé aller et que les majorités, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), lui ont emboîté le pas. Mais y a-t-il eu tant d’opérations qui aient mis en péril nos finances publiques ? Pour ma part, je n’en suis pas certain.

En tout cas, l’exercice auquel nous nous livrons me paraît être un bon moment pour réfléchir à une méthode (M. François Marc s’exclame.) qui donnerait au Parlement la lucidité dont il a besoin avant de décider. J’attire votre attention sur ce point : c’est à l’occasion de la présentation de l’article d’équilibre d’une loi de finances, d’une loi de finances rectificative ou d’une loi de financement de la sécurité sociale que le Parlement dispose d’une vision globale des finances publiques. J’espère d’ailleurs que sera un jour adoptée une révision constitutionnelle créant un article d’équilibre unique, intégrant tant les finances de l’État que celles de la sécurité sociale : le Parlement aurait alors une vision véritablement globale des finances publiques.

Monsieur le ministre, je crains que votre attitude ne nous conduise à des votes difficilement lisibles. Je demande donc, rejoignant en cela Charles Guené, qui m’a devancé, une suspension de séance…

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. … d’au moins un quart d’heure, afin que nous examinions les conditions dans lesquelles nous pourrions exprimer un vote qui donne du sens à la présente révision constitutionnelle. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUnion centriste et sur quelques travées de lUMP.)

M. Alain Fouché. Très bien !

M. le président. Si vous le permettez, nous achèverons d’abord ces débats.

La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque j’ai présenté le sous-amendement n° 77, j’ai précisé que, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, je retirerai l’amendement n° 41 au profit de l’amendement n° 1 rectifié présenté par Jean-Jacques Hyest. Je le retire donc bien volontiers.

M. le président. L’amendement n° 41 est retiré.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jean-Paul Emorine. Monsieur le ministre, je voudrais vous rassurer : nous partageons tout à fait votre analyse quant à la nécessité d’une règle d’or sous forme de lois-cadres d’équilibre des finances publiques.

Le rôle de la commission de l'économie du Sénat étant de veiller à ce que notre économie soit la plus compétitive possible, elle étudie régulièrement des dispositions financières. Au travers du sous-amendement n° 77, je propose que la commission des finances, lors de l’examen des lois de finances, et la commission des affaires sociales, lors de l’examen des lois de financement de la sécurité sociale, puissent étudier à nouveau ces dispositions. Les commissions des finances devront respecter ce cadre. Les autres commissions peuvent, elles aussi, tout à fait le respecter.

Je voudrais dire au président Arthuis comme au rapporteur général Philippe Marini que, lorsqu’un projet ou une proposition de loi contient des dispositions ayant une incidence financière, la commission des finances peut tout à fait s’en saisir. Nous pouvons donc travailler en bonne harmonie ; cette dernière est même souhaitable.

Monsieur le ministre, si je propose que les dispositions soient approuvées par la loi de finances ou de financement de la sécurité sociale la plus proche, c’est également pour ne pas encombrer l’agenda parlementaire. De fait, aujourd'hui déjà, la commission des finances, lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, et la commission des affaires sociales, au cours de l’examen de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, se penchent sur des dispositions adoptées antérieurement.

Avec le sous-amendement que je propose, nous respectons donc les objectifs fixés par le Gouvernement, en laissant toute latitude aux commissions pour faire des propositions. Puisque l’article 40 de la Constitution vous donne, monsieur le ministre, la garantie que ces propositions ne peuvent entraîner ni une diminution des recettes publiques ni une augmentation des dépenses publiques, laissons un peu d’initiative aux parlementaires : nous sommes responsables, me semble-t-il.

M. Jean-Paul Emorine. Je tiens enfin à rendre hommage à Jean-Jacques Hyest, qui a eu la courtoisie d’inviter, pour les entendre, l’ensemble des présidents de commission, qu’ils se soient ou non saisis pour avis. Il est certain que la plupart d’entre nous se retrouvent dans le sous-amendement que je présente. Soyez sûr, monsieur le ministre, que ce dernier ne va pas à l’encontre de la volonté de Gouvernement de réduire les déficits publics. Nous sommes tous bien conscients que c’est l’avenir de notre pays qui se joue à cet instant.

L’article 1er est un article majeur, mais je pense que, si mon sous-amendement à l’amendement de M. Hyest est adopté, cet article pourra être mis en œuvre assez rapidement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela discute, cela discute, mais c’est normal : lorsqu’on mange son chapeau, il faut beaucoup de salive… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Philippe Dallier s’exclame.)

De fait, mes chers collègues, nous allons manger notre chapeau ! Nous serons obligés d’assister à une perte de pouvoir du Parlement. Nous autres sénateurs de l’opposition, nous sommes certes habitués, puisque nous sommes minoritaires, à ne pas disposer du pouvoir de décision en matière budgétaire, mais il en ira désormais de même pour vous, chers collègues de la majorité. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) De recul en recul, de sous-amendement en suspension de séance, et ainsi de suite, vous serez bien obligés de l’accepter !

En effet, la présente loi possède quatre facettes.

La première est l’affichage. À un an de l’élection présidentielle, le Président Sarkozy veut pouvoir dire qu’il est aux manettes, aux commandes, que c’en est fini des dépenses et du gaspillage…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il vient pourtant d’alléger l’ISF !

M. Jean Desessard. … et qu’avec lui les choses seront remises au pas !

Un sénateur du groupe socialiste. Voilà !

M. Jean Desessard. Non seulement il le promet, mais en plus il l’inscrit dans la Constitution !

La deuxième facette est la contrainte. Lors de la discussion du budget, les parlementaires ont toujours tendance à réclamer telle ou telle mesure en faveur de leur collectivité, d’une entreprise, d’une catégorie sociale. Quant aux ministres, ils veulent « montrer des choses » et incitent donc eux aussi à la dépense. Cela n’est plus possible, nous dit le Président de la République ! La contrainte qui s’applique à l’exécutif doit également s’appliquer au Parlement !

La troisième facette est la volonté de rassurer les marchés financiers européens et les agences de notation. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Le Président Sarkozy clame que, c’est vrai, nous avons trop dépensé, mais que ce temps est fini désormais !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis le bon élève des marchés financiers !

M. Jean Desessard. L’équilibre des finances publiques sera inscrit dans la Constitution ! Même si beaucoup de dispositions figurent déjà dans la Constitution, on rassure les marchés financiers et les agences de notation.

Un sénateur du groupe socialiste. On essaie de rassurer !

M. Jean Desessard. La quatrième et dernière facette est la prolongation de la politique que mène la droite depuis une dizaine d’années. On s’adapte à la compétition internationale.

Un sénateur de l’UMP. C’est tant mieux !

M. Jean Desessard. Le modèle social européen – la sécurité sociale, les services publics, etc. – coûte trop cher. Il faut en finir avec toutes ces dépenses, nous dit le Président de la République ! On n’arrive pas à prendre de décisions, on n’arrive pas à lutter contre les associations ni contre les corporations, les syndicats nous font de l’ombre… Inscrivons donc l’austérité dans la Constitution : celle-ci sera ainsi obligatoire et s’appliquera de manière automatique ! Nul besoin d’attendre que la France soit dans la même situation que la Grèce. On va faire en sorte que la France perde son modèle social.

Tout est programmé ! L’austérité est en effet nécessaire puisque l’actuel gouvernement refuse d’augmenter les impôts, ce qui apporterait des recettes nouvelles. Il faut diminuer les dépenses, ce qui signifie moins de services publics – moins d’écoles, par exemple –, et donc davantage de problèmes dans les banlieues. Mais cela n’est pas le plus important pour vous, chers collègues de la majorité : votre priorité est l’adaptation à la compétition internationale !

Toutefois, dès lors que vous renoncez ainsi à mener une politique de solidarité, il est inéluctable que vous mangiez votre chapeau pendant l’examen de ce projet de loi, en acceptant que les décisions soient désormais prises non plus par le Parlement, mais par les marchés financiers, au travers d’une disposition figurant dans la Constitution ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Que d’énergie pour un projet de loi qui ne sera jamais examiné par le Congrès à Versailles, à la grande satisfaction secrète de nombre d’entre vous, chers collègues de la majorité (M. Paul Blanc s’exclame.), qui nous faites cette confidence dans les couloirs alors même que, par prudence, vous voterez le texte que nous examinons aujourd'hui !

Le problème me semble extrêmement simple. Il ne s’agit pas, contrairement à ce que vient de dire le président de la commission des finances, dans un élan généreux et grandiloquent, de savoir si nous voulons que la France se trouve dans une situation semblable à celle de la Grèce. Le débat ne porte pas sur la maîtrise du déficit public ; ce n’est pas un débat entre déséquilibre budgétaire et déficit. Il ne porte pas sur l’état de nos finances publiques, que vous avez critiqué avec une sévérité et une lucidité que je salue, mais vous êtes bien placés pour connaître la situation puisque vous l’avez créée.

M. Alain Fouché. Pas tout à fait !

M. Bernard Frimat. Du reste, vous continuez d’aggraver notre déficit : comme l’a rappelé Nicole Bricq, dans le projet loi de finances rectificative, en allégeant l’ISF et, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en instaurant une nouvelle niche, sous forme d’exonérations de cotisations sociales.

Le débat ne porte pas, je le répète, sur le déficit public. L’amendement de Jean-Jacques Hyest comporte en réalité deux éléments : d’une part, le problème du monopole et, d’autre part, le problème des lois-cadres.

Notre position est limpide : nous considérons que les lois-cadres sont un chiffon de papier, une fausse solution, qui ne définit pas de stratégie politique. Si vous estimez qu’il faut faire telle ou telle chose, agissez donc, présentez des propositions fiscales et financières qui ramèneront nos finances publiques à l’équilibre, plutôt que d’implorer le secours de la Constitution !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Vous avez raison.

M. Bernard Frimat. Vous criez : « Vive la réforme constitutionnelle, qui va nous protéger ! », mais vous profitez du fait que cette protection ne soit pas encore effective pour construire quelques niches supplémentaires et aggraver le déficit. Vous nagez en pleine contradiction ! Vous vous gargarisez de votre vertu, et votre règle d’or – ou plutôt de plaqué or, et c’est encore trop dire – veut créer l’illusion que vous êtes fidèles à vos discours, mais, dans la pratique, vous menez une politique qui poursuit la dégradation des finances publiques.

Les dispositions de l’article 1er posent un deuxième problème, celui du monopole. Là encore, nous sommes clairs : nous sommes opposés à ce dispositif, et nous l’avons dit. C’est pour cette raison que, étant hostiles aux deux points essentiels du mécanisme prévu, nous avons déposé un amendement de suppression de cet article.

Chers collègues de la majorité, vous vous trouvez dans une situation délicate. Depuis une heure et demie, nous vous écoutons débattre entre vous, comme vous le faites d’habitude lors des suspensions de séance, à cette différence près que, cette fois, nous assistons au film en direct, avec calme et attention d'ailleurs.

Le spectacle est intéressant : les échanges sont courtois ; le Gouvernement essaye de convaincre sa majorité, qui elle-même fait entendre ses dissonances. Toutefois, chers collègues, prenez vos responsabilités ! Si vous êtes hostiles au monopole, adoptez une position qui soit conforme avec cette opposition, même si Jean-Jacques Hyest vous a déclaré que ce dispositif était adouci, allégé, en quelque sorte light. Comme le Canada Dry, il ressemble à un monopole, il a le goût d’un monopole, mais ce n’est pas vraiment un monopole, ce qui permet de satisfaire à la fois le Gouvernement et les parlementaires ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je le répète : prenez vos responsabilités ! J’espère que vous n’allez pas vous réfugier dans une suspension de séance (M. Jean Desessard s’esclaffe.) pour nous livrer ensuite un texte nègre-blanc, qui satisferait tout le monde sans régler aucun problème. Voulez-vous que les parlementaires gardent leur droit d’initiative, oui ou non ? Si votre réponse est positive, refusez ce monopole que l’on veut nous imposer.

Le cas est d’autant plus intéressant que la situation financière dans laquelle nous nous trouvons est largement imputable à l’exécutif. Je rappelle que, comme nous l’avons vu lors de l’examen préalable de ce texte, pour lequel trois commissions ont été saisies, les niches fiscales sont essentiellement d’origine gouvernementale, même quand ces dispositifs se cachent dans une proposition de loi sur le tourisme, comme pour la baisse de la TVA dans la restauration. Il serait donc urgent de contraindre le Parlement et de le priver de son droit d’initiative pour protéger le Gouvernement contre lui-même ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Notre position est claire : nous pensons que cette réforme ne réglera rien et que ce monopole constitue une atteinte aux droits les plus élémentaires du Parlement. Nous maintenons par conséquent notre opposition à cet article et nous vous appelons, chers collègues de la majorité, à faire preuve – je ne serai pas très exigeant – d’un minimum de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. M. Emorine a signalé qu’il retirait l’amendement n° 41, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 77, qu’il a déposé à l’amendement n° 1 rectifié. Je souhaite l’indiquer, au nom de Jacques Legendre – il ne peut être présent en cet instant car il est retenu par une réunion de commission –, je ferai de même pour l’amendement identique n° 74, que j’ai cosigné, ainsi que certains de mes collègues de la commission de la culture, de même d'ailleurs que j’ai cosigné le sous-amendement à l’amendement n° 1 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 74 est retiré.

Une suspension de séance est-elle toujours nécessaire ?

M. Bernard Frimat. M. le ministre ne souhaite pas s’exprimer ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission des lois a dit ce qu’elle avait à dire. Il est possible de suspendre la séance, mais certainement pas pour que la commission des lois se prononce à nouveau.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Je renonce à cette demande de suspension.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Chacun vient de réaffirmer ses positions.

Monsieur Maurey, si vous avez compris dans mes propos que je demandais aux sénateurs de voter ce dispositif sans se poser de question, je vous prie de m’en excuser. Cependant, je trouve tout de même un peu fort de café que vous résumiez mes propos de cette façon dans la conclusion de votre intervention.

Au contraire, je pense avoir sincèrement mis en lumière les vertus du débat. Je respecte les positions des uns et des autres. J’accepte votre désaccord. Souffrez que je fasse entendre le mien quand vous défendez votre point de vue. Nous n’avons pas la même vision du problème. Prenons-en acte, mais sans – passez-moi l’expression – nous envoyer notre opposition mutuelle à la figure. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Sur le fond, au nom du Gouvernement, je maintiens à regret – j’insiste sur ce terme – mon avis défavorable sur l’amendement rectifié présenté par M. Hyest, soutenu par M. Marini et sous-amendé par M. Emorine.

Cette disposition, même si elle n’est pas contraire à l’esprit du texte initial du Gouvernement, en est tout de même assez éloignée, afin d’affirmer le caractère essentiel de l’initiative parlementaire. Or elle ne fonctionnera pas.

Prenons le cas de figure suivant : une loi comportant des mesures fiscales est votée et doit donc, en quelque sorte, être ratifiée par un texte financier.

De deux choses l’une. Soit ce texte financier ne vise qu’à ratifier, et il est par conséquent inutile et devient une « voiture-balai », ce qui nous éloigne des positions défendues par M. Marini, par le président de la commission des finances et par le Gouvernement. (M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis de la commission de l’économie protestent.) Soit il tend à remettre complètement en cause le travail parlementaire, et, dans ce cas, non seulement nous nous trouvons dans une situation politique proprement ubuesque, mais personne n’y gagne, ni le Gouvernement, en termes de lisibilité, ni le Parlement, en termes d’impulsion et d’initiative.

C'est pourquoi, sur le fond comme sur la forme, et avec le regret, le Gouvernement maintient son avis défavorable. Le débat se poursuivra, et l’Assemblée nationale aura à se prononcer.

Néanmoins, je reprends à mon compte la demande formulée tout à l’heure par le président Arthuis et sollicite une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président.

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Je salue l’arrivée de M. le garde des sceaux, qui remplace M. le ministre du budget.

Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 77.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 7 rectifié, 29, 58, 62 rectifié, 59, 51 rectifié, 60, 52 et 53 n'ont plus d'objet.

M. Alain Fouché. On n’a pas mangé notre chapeau !

M. Jean Desessard. Attendez !

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le treizième alinéa de l’article 34 de la Constitution, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - du régime budgétaire des instances représentatives des Français établis hors de France ; »

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Après un débat d’une telle envergure, je suis un peu désolé, et je vous prie de m’excuser, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de revenir sur le terrain du quotidien. Mais, on le sait très bien, l’enjeu de nos débats, c’est, en réalité, de nous occuper de nos concitoyens, et c’est surtout sur le quotidien et le terrain qu’on les trouve.

La rédaction de l’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter est explicite. Il vise à combler une lacune en permettant aux Français établis hors de France d’être traités comme tous les autres Français, y compris en matière budgétaire, y compris dans les domaines aussi difficiles que nous traitons, afin d’assurer l’égalité entre les citoyens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Notre collègue Cointat a beaucoup de constance, mais il a tout de même tendance à nous proposer des dispositions constitutionnelles qui, pour être d’ordre constitutionnel, n’en dépassent pas moins largement le cadre du projet de révision qui nous est soumis ! Je vous renvoie à une jurisprudence constante qui exclut de l’examen par le Parlement les dispositions qui n’entrent pas dans le champ de la révision constitutionnelle. Il reste, certes, dans la Constitution, beaucoup de choses que l’on pourrait améliorer !

Je vous le rappelle, mon cher collègue, nous avons inscrit à l’article 34 de la Constitution que la loi fixe les règles concernant le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France (M. Christian Cointat opine.), ce qui est important,…

M. Christian Cointat. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … fondamental même !

Quant au régime budgétaire de ces instances et au régime fiscal des Français établis hors de France, ils relèvent, à mon avis, des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale et entrent donc dans le champ de l’article 34. Dans ces conditions, votre amendement ne me paraît vraiment pas indispensable. Vous pourriez le retirer s’il apparaissait que le Gouvernement partage ce sentiment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur Cointat, votre amendement est extrêmement intéressant.

M. Christian Cointat. Je vous remercie ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Néanmoins, il est un peu éloigné du sujet. Je suis heureux que le Gouvernement soit d’accord avec la commission sur un sujet, certes, annexe, mais c’est un début d’accord qu’il faut bien bâtir petit à petit.

Si vous vouliez bien retirer votre amendement, monsieur le sénateur, ce serait bien pour tout le monde.

M. Jean Desessard. Chapeau, chapeau…

M. le président. Monsieur Cointat, l’amendement n° 36 est-il maintenu ?

M. Christian Cointat. Il est important de rappeler régulièrement qu’il y a encore des zones dans lesquelles les Français établis hors de France ne sont pas traités comme les autres. Le débat financier, budgétaire ou autre, sur les équilibres de la nation touche tout le monde, y compris les Français établis hors de France. C’est pourquoi cet amendement a un lien direct avec l’objet du débat : il faut combler les lacunes.

Puisque vous me le demandez si gentiment, je vais retirer cet amendement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mais je pense qu’il est nécessaire d’arriver à rétablir, pas à pas, l’équilibre pour tous les citoyens français.

M. le président. L’amendement n° 36 est retiré.

L'amendement n° 69, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le vingtième alinéa est ainsi rédigé :

« Les lois de financement de la sécurité sociale définissent les objectifs nécessaires à la réalisation du Préambule de la Constitution de 1946, de la Déclaration de 1789 ainsi qu’à l’article 1er de la présente Constitution et déterminent en conséquence les prévisions de recettes dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Avec cet amendement, mes chers collègues, nous proposons une nouvelle rédaction du vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution.

Comme vous le savez, celui-ci prévoit, dans sa forme actuelle, que « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Autrement dit, l’objectif principal des lois de financement de la sécurité sociale est l’équilibre financier de celle-ci.

Pour notre part, si l’équilibre peut être une situation comptable naturellement préférable à la situation de déséquilibre financier, il ne peut pas être un objectif en soi.

Les lois de financement de la sécurité sociale doivent avoir pour seul objectif la satisfaction des besoins sociaux et médicaux de nos concitoyens. Les lois de financement ne doivent être que les outils techniques d’une politique dont nous souhaitons qu’elle continue à se référer à la Déclaration de 1789 et au préambule de la Constitution de 1946.

Or cela n’est actuellement pas possible du simple fait que la première étape dans la rédaction des lois de financement de la sécurité sociale réside non dans l’évaluation des besoins, mais dans la recherche de l’équilibre. Il faut donc renverser la logique. C’est ce que nous proposons au travers de cet amendement puisque nous souhaitons que les lois de financement de la sécurité sociale commencent par définir ces finalités au regard des besoins de nos concitoyens et de nos ambitions collectives pour définir ensuite les financements qui sont nécessaires à la réalisation de ces objectifs.

Les besoins en santé ou en accompagnement social ne peuvent plus être des variables d’ajustement. Ce qui doit évoluer, ce n’est pas la forme ou l’importance de la solidarité, c’est la forme et l’importance de son financement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je trouve drôle de vouloir rappeler dans la Constitution ce qui figure dans le préambule !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parce qu’il n’est pas respecté, vous le savez !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais, madame la présidente, ce n’est pas parce que vous aurez inscrit ce principe dans l’article 34 de la Constitution qu’il sera mieux respecté ! Cela ne change strictement rien !

De plus, les principes inscrits dans les principes constitutionnels sont bien plus importants. Ils peuvent même dégager des jurisprudences constitutionnelles. Se limiter à l’article 34, cela paraît totalement insuffisant.

Je vais être amené à émettre, sur cet amendement comme sur l’amendement précédent, un avis défavorable. Je comprends très bien que vous souhaitiez rappeler les principes en permanence, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut les faire figurer à cet endroit de la Constitution.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je partage tout à fait l’avis de M. le rapporteur et vous invite, monsieur le sénateur, à bien vouloir retirer cet amendement, qui est déjà satisfait par la Constitution. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Si ! Et il figure aussi dans la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. C’est un principe général de notre droit. Il est largement satisfait.

Si cet amendement n’était pas retiré, je ne pourrais qu’inviter le Sénat à le rejeter.

M. le président. Monsieur Vera, l'amendement n° 69 est-il maintenu ?

M. Bernard Vera. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

5° Après le dernier alinéa est inséré l’alinéa suivant :

« L’État assure le respect des principes d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, de sécurité juridique et de confiance légitime dans la règle de droit. »

La parole est à M. Christian Cointat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il va le retirer !

M. Christian Cointat. Vous le savez, beaucoup de promesses faites par le candidat Nicolas Sarkozy ont déjà été tenues par le Président de la République. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Rappelez-les !

M. Christian Cointat. Mais il lui en reste encore quelques-unes à réaliser. Parmi celles-ci, l’une est très importante : il s’agit de l’inscription dans la Constitution du principe de confiance légitime.

Or je crois que d’ici à la fin du mandat présidentiel, seul le véhicule que nous examinons aujourd’hui peut permettre au Président de la République de remplir cette promesse. Tel est en effet l’objet de cet amendement.

Je vais vous lire deux déclarations du Président de la République.

Première déclaration : « Je défendrai le principe de non-rétroactivité de la loi fiscale. C’est un engagement que je prends devant vous. À plusieurs reprises, d’ailleurs, j’ai déjà indiqué que je souhaitais inscrire dans notre Constitution les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. »

Deuxième déclaration : « Nous devons retrouver une certaine rigueur dans l’élaboration des textes législatifs » – nous sommes tous d’accord sur ce point – « avec, en particulier, l’inscription du principe de confiance légitime dans la Constitution. Aussi curieux que cela puisse paraître, » – disait Nicolas Sarkozy – « ce principe oblige tout simplement l’État à respecter sa parole. » Cela serait une bonne chose !

C’est pourquoi je me suis permis de déposer cet amendement qui, je l’espère, mes chers collègues, donnera l’occasion au Président de la République de tenir sa parole.

M. Jean Desessard. Quelle audace !

M. Charles Gautier. Cela frise l’impertinence !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Après ce plaidoyer éloquent, je serais d’autant plus tenté de donner un avis favorable que l’auteur de cet amendement s’inspire des propos du Président de la République ! (Sourires.) Sauf que ce n’est vraiment ni l’endroit ni le moment ! Pourtant, la proposition est tout à fait intéressante.

Les principes d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, consacrés par le Conseil constitutionnel, et les autres principes évoqués, celui de sécurité juridique, reconnu par le Conseil d’État, et de confiance légitime, consacré par la Cour de justice de l’Union européenne – Vous le voyez, des concepts qui sont bien nationaux sont de plus en plus européens, voire anglo-saxons –, doivent-ils être inscrits dans la Constitution ?

Tous les droits et principes protégés ou garantis par notre ordre juridique ne sont pas inscrits dans la Constitution. Ils ont été, pour beaucoup d’entre eux, dégagés par le juge, le juge judiciaire, d’abord, le juge administratif, ensuite, et, depuis un certain nombre d’années, le juge constitutionnel. Rappelez-vous les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qui ne figurent pas explicitement dans la Constitution.

Je le dis franchement, la démarche que vous proposez relèverait plutôt d’une modification du Préambule. En effet, l’article 34 de la Constitution se contente d’énumérer les matières du domaine législatif : « La loi fixe les règles concernant… ». C’est cela, l’article 34, mon cher collègue !

À l’exclusion de principes particuliers comme l’égalité entre les hommes et les femmes et la reconnaissance d’un certain nombre de droits, la Constitution n’affirme pas les principes. Ceux-ci figurent généralement dans les préambules des lois fondamentales.

Les principes évoqués nous semblent suffisamment garantis. En tout état de cause, si votre amendement venait à être voté, il y aurait un hiatus entre le début l’article 34 selon lequel « La loi fixe les règles concernant… » et le dernier alinéa aux termes duquel « l’État assure le respect des principes d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, de sécurité et de confiance légitime dans la règle de droit. » En fait, l’article 34, jusqu’à présent, détermine les domaines respectifs de la loi et du règlement.

On l’a un petit peu « arrangé » avec la règle d’or d’aujourd’hui. J’aurais d’ailleurs préféré que la règle d’or figurât plutôt dans des articles autonomes pour bien clarifier les problèmes d’ordre financier et budgétaire. Mais j’ai compris ce qu’on m’a dit, à savoir que la loi était parfaite en arrivant au Sénat et qu’il ne fallait surtout pas y apporter trop d’améliorations ! Je me suis contenté de proposer celles qui me paraissaient indispensables pour préserver l'initiative du Parlement. (M. Hervé Maurey applaudit.)

Au regard de ces explications, je souhaite que notre collègue Christian Cointat attende que le Président de la République, qui, je l'espère, va disposer de beaucoup de temps encore (Sourires.), puisse convoquer le Parlement en congrès à Versailles pour faire adopter une réforme constitutionnelle consensuelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est toujours avec plaisir que je m'adresse à vous, monsieur Cointat. Dans votre intervention, j’ai relevé certains éléments importants. Le Président de la République propose et, à ce titre, il faut tenter de lui donner satisfaction. (M. Martial Bourquin s’exclame.) Je rappelle que le présent projet de loi constitutionnelle est présenté au nom du Président de la République, par le Premier ministre et, subsidiairement, par le garde des sceaux. Pourriez-vous avoir le même raisonnement pour l'ensemble des dispositions que le Gouvernement vous soumet ?

M. Pierre-Yves Collombat. Cela n'a rien à voir !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Collombat, laissez-moi terminer, je vous prie : vous aurez sûrement l'occasion de parler à bon escient quand votre tour viendra.

M. Bernard Frimat. Il parle toujours à bon escient !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour autant, il peut me laisser poursuivre. Je viens juste d'arriver qu'il m'interrompt déjà !

Ce dont vous nous parlez, monsieur Cointat, le Conseil constitutionnel, dans sa jurisprudence comme dans sa sagesse, l’a qualifié d'objectifs, et non pas de règles.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il les rattache au bloc de constitutionnalité, dans lequel il inclut la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Il faut faire confiance à cette instance. Je suis d’ailleurs sûr que c'est votre cas.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C'est la raison pour laquelle vous accepterez certainement de retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 39 est-il maintenu ?

M. Christian Cointat. Monsieur le garde des sceaux, j'observe que vous me demandez souvent de retirer mes amendements. (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est dramatique ! Vous n'arrêtez pas ! Pourquoi participez-vous à cela ?

M. Christian Cointat. Je souhaite faire un bref rappel. La fameuse règle d'or dont nous débattons n'est absolument pas nécessaire. Pour ma part, je n'ai guère besoin d’une telle règle d’or pour savoir que je ne dois pas dépenser plus que ce que je gagne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Et, puisque je me trouve aux côtés de notre excellent collègue Jean-Pierre Fourcade, je tiens à souligner que, lui non plus, quand il était ministre des finances, n'avait pas besoin d’une règle d'or pour produire un budget en équilibre.

Monsieur le garde des sceaux, puisque vous reconnaissez, en tant que cosignataire de ce texte, qu'il est nécessaire et utile d’inscrire dans la Constitution une règle de vertu à l'égard des finances, je demande, moi, qu’il y soit porté aussi une règle de vertu à l'égard des citoyens : quand l'État dit, l'État fait ; quand l'État s'engage, l'État respecte. Malheureusement, l'expérience montre que ce n'est pas toujours le cas (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.), ce qui nous met souvent en porte-à-faux vis-à-vis de nos partenaires de l'Union européenne et nous expose à leurs critiques.

C'est la raison pour laquelle j’ai tenu à rappeler dans cet hémicycle les déclarations du Président de la République que j’avais beaucoup appréciées. J’espère qu’il demandera au Gouvernement de présenter au Parlement, le moment venu, cette modification constitutionnelle. Toutefois, dans la mesure où une telle décision relève effectivement du chef de l’État et comme je n’ai pas l’intention de marcher sur ses plates-bandes, je retire bien volontiers cet amendement, monsieur le président.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, et M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien !

M. Bernard Frimat. On l’a échappé belle ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 39 est retiré.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'article.

M. Bernard Frimat. Je salue votre arrivée dans cet hémicycle, monsieur Michel Mercier. Nous avons été un peu surpris, et c’est pourquoi mon ami Pierre-Yves Collombat vous a interrompu. En effet, les ministres se suivent, mais ne se ressemblent pas. M. Baroin ne parle pas à l'opposition, ne répond jamais à ses argumentations : il est atteint d’hémiplégie intellectuelle sur ce plan. Je souhaite qu'il guérisse rapidement, parce que ce n'est pas une façon courtoise de se conduire. Même s’il juge nos propos stupides – mais la réciproque peut être vraie –, cela ne doit pas l'empêcher de tenter de nous répondre et de donner un peu de qualité à ce débat, au lieu de jouer les adolescents attardés mutiques. (Mme Éliane Assassi rit.)

Au-delà de ces quelques mots d'amitié (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), je souhaite exposer notre position sur l'article 1er et expliquer pourquoi nous voterons contre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On l’a compris !

M. Bernard Frimat. Nous avons assisté tout à l'heure à une assez longue discussion interne à la majorité et, je l’ai dit, nous avons apprécié qu’elle se déroulât dans cet hémicycle et non à huis clos, comme c’est le cas habituellement ; nous avons apprécié d’assister au film en direct. Pour une fois, la majorité s'exprime dans un débat en séance publique : c'est un progrès qu’il faut saluer ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Vous l’avez sans doute remarqué, les groupes de gauche n'ont pas participé aux votes qui vous permettaient de réaliser vos petits agencements, au travers du sous-amendement Emorine. Pour notre part, nous vous avions dit que notre position était claire, puisque nous demandions la suppression de cet article (M. Martial Bourquin opine.), et que nous ne voyions pas l'intérêt de procéder à de tels ravaudages qui vous permettront de faire croire à des esprits simples que vous êtes les vaillants défenseurs du monopole, alors qu'en réalité il n'en est rien. Vous avez cédé, fait preuve d’une opposition de façade et nous verrons bien d’ailleurs quel sort l'Assemblée nationale réservera à tout cela.

Sur cette question, notre position est très claire et très simple. Nous pensons que les lois-cadres dont vous vous êtes abondamment réjouis ne sont pas une solution au problème et que ces admirables discours de vertu – on est toujours émerveillé devant la vertu ! – ne sauraient seuls suffire : il faut comparer les intentions aux actes. Or vos actes contredisent vos dires. Ainsi, les textes que vous nous présenterez dans les semaines à venir sont contraires aux principes que vous énoncez aujourd'hui et qui sont supposés guider de manière merveilleuse votre attitude pour enfin lutter contre les déficits. Évidemment, le Gouvernement et votre majorité sont étrangers à ces déficits depuis 2002. Ils les ont vus s'abattre telle la huitième plaie d'Égypte, mais, là, il ne s'agissait pas de sauterelles.

Nous ne croyons pas à ces résolutions de carton, ou de papier selon l'épaisseur que vous voulez leur donner.

Concernant le monopole, je le répète : si la rédaction à laquelle vous êtes parvenus semble constituer un progrès par rapport à la rédaction initiale, elle ne remet pas en cause in fine le monopole que le Gouvernement souhaite installer.

Pour toutes ces raisons et afin que ne subsiste aucune ambiguïté, malgré la gymnastique confuse qui vous a conduit à ce texte, nous voterons contre l'article 1er.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J'ai rappelé hier en quoi une crise majeure, qu’elle soit écologique, financière, économique ou sociale, pourrait justifier des investissements massifs. Si une telle décision s’imposait, nous serions coincés d’un point de vue constitutionnel et serions confrontés à cette seule alternative : ne rien faire ou faire sans la Constitution, ce qui serait dramatique. Voilà pourquoi je voterai contre cet article.

Malgré les discussions qui ont eu lieu, je suis un peu déçu par les arguments de la majorité.

Je comprends la position des centristes. Ils considèrent, avec François Bayrou, que, depuis près de cinq ans, le Gouvernement fait un peu n'importe quoi, qu’il est irresponsable – ils ne qualifient pas ainsi le Président de la République –, qu’il dépense trop. Par conséquent, ils veulent un garde-fou et demandent que des mesures contraignantes soient inscrites dans la Constitution. Je ne partage pas ce point de vue, mais il n’est pas dépourvu de logique ou de cohérence.

En revanche, je ne comprends pas la position de l’UMP. Mes chers collègues, alors que, depuis quatre ans, vous votez des déficits,...

Mme Nicole Bricq. Pas seulement depuis quatre ans ! (M. Jean Desessard opine.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On vote les déficits depuis vingt-cinq ans !

M. Jean Desessard. ... qu'est-ce qui vous pousse aujourd'hui à adopter ce texte ?

Mme Nicole Bricq. Les élections !

M. Jean Desessard. Vous pourriez très bien, à l'instar de M. Cointat, déclarer qu’il suffit de faire une addition, une soustraction, pour constater que l’État dépense trop et décider d'arrêter.

Je n'ai pas entendu de votre part un seul argument valable en faveur de ce projet de loi constitutionnelle. Certes, nous sommes tous contre la dette, contre les déficits : nous l’avons tous dit. Pourtant, vous, contrairement aux centristes, vous avez confiance dans le Président de la République, vous souhaitez sa réélection, par conséquent pourquoi jugez-vous nécessaire d'inscrire cette règle d'or dans la Constitution ? Vous n'avez qu'à décider, au mois de décembre prochain, avec le Président de la République et François Fillon, de remettre les choses en ordre. (M. Christian Cointat s’esclaffe.) Décidément, je ne vous comprends pas !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Frimat a parlé au nom de l'opposition. Pour ma part, je rappelle que nous sommes contre l’article 1er. Je m’en suis déjà longuement expliquée : je ne conçois pas que le Parlement aliène sa liberté et sa légitimité.

On comprend bien que, vous, sénateurs de la majorité, qui êtes en campagne électorale, ayez besoin de quelques cautions, car, pour beaucoup, les élus locaux ne sont pas très contents de la politique que mène le Gouvernement. Par conséquent, il vous faut leur montrer que vous défendez le Parlement. J’ai d’ailleurs remarqué que vous défendiez surtout le Sénat. Or, lorsqu'on défend la souveraineté du peuple, il faut aussi s'intéresser à l'Assemblée nationale, dont les membres sont élus au suffrage universel direct.

On sent bien que vous agissez ainsi en raison des prochaines échéances électorales et que vous vous dites que, l'année prochaine, bientôt, comme vous aurez milité pour la réélection du Président de la République, vous ferez passer tout cela très facilement.

En fait, vous vous parez de vertus, mais vous faites exactement le contraire ! Ainsi, dès la semaine prochaine, vous serez nombreux à voter la diminution de l'impôt de solidarité sur la fortune, privant ainsi l’État de moyens très importants.

M. Jean Desessard. Eh oui ! Exactement !

M. Christian Cointat. On en trouvera ailleurs !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, monsieur Cointat, qui êtes fidèle à vos électeurs et qui voulez un Parlement tout aussi fidèle, je suis sûre que vous voterez également en ce sens, privant par conséquent les finances publiques de sommes d'argent très importantes.

M. Christian Cointat. Cela ne rapporte pratiquement rien et cela fait partir l'argent à l'étranger !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous interviendrez certainement dans ce débat. Peut-être alors ne retirerez-vous pas vos amendements !

Vous prétendrez tenir vos engagements vis-à-vis des électeurs, notamment en termes d'équilibre des finances publiques, mais vous allez aggraver les déficits publics pas plus tard que la semaine prochaine !

La cohérence des sénateurs de la majorité pose tout de même problème, mais vous vous en expliquerez devant vos électeurs.

M. Christian Cointat. C’est à vous que cela pose un problème, pas à nous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Arthuis, vous m'avez interpellée. Permettez-moi de vous répondre.

Vous déclarez penser aux générations futures, mais que leur direz-vous ? Que leur dirai-je, moi ? Que vais-je leur laisser, une fois que vous aurez cassé les services publics, l'école publique, l’hôpital, la santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne voulez pas leur laisser de dette, mais que leur restera-t-il ?

Ce n'est pas moi qui vote les lois actuellement en vigueur. Or, depuis 2002, tous les textes adoptés vont à l'encontre de l'intérêt de la grande majorité de nos concitoyens. Par conséquent, monsieur Arthuis, ne me faites pas ce reproche et permettez-moi de vous rappeler qu’il existe d'autres moyens de réduire la dette publique, en augmentant les recettes, que vous n'avez cessé de baisser ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Jean Desessard. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Nous sommes vraiment dans une situation cocasse !

On fait appel à la vertu en créant une loi-cadre ! Comme si elle allait empêcher les déficits !

Par ailleurs, le fait de laisser croire qu’en muselant le Parlement on va régler le problème de l’équilibre des finances publiques revient à se bercer d’illusions ou à se moquer du monde,…

M. Jean Desessard. Les deux !

M. François Fortassin. … peut-être les deux à la fois.

À l’évidence, le Gouvernement serait plus inspiré de dire la vérité aux Français. En présence de déficits très importants et d’une dette abyssale, il faut, bien entendu, réduire les dépenses. Mais qu’a fait essentiellement le Gouvernement au cours de ces dernières années ? Il s’est privé de recettes qui auraient pu atténuer cette dette,…

M. Charles Gautier. Il faut rembourser !

M. François Fortassin. … comme le président Arthuis l’a signalé. Voilà le cœur du problème. Tout le reste n’est qu’artifice pour faire « passer la pilule » auprès de gens peu avertis. Il est parfaitement illusoire et mensonger de prédire un retour rapide à l’équilibre des finances publiques lorsqu’on a une dette comme la nôtre.

Mme Nicole Bricq. C’est effectivement mensonger !

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 244 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l’adoption 176
Contre 152

Le Sénat a adopté.

Article 1er
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Article additionnel après l'article 2

Article 2

La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution est ainsi rédigée :

« Les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 14 rectifié est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 63 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié.

M. Bernard Frimat. Cet amendement est en cohérence avec notre refus de la loi-cadre. À partir du moment où celle-ci existe, cet amendement tombe. Nous ne demandons pas l’abandon de la priorité d’examen à l’Assemblée nationale, telle qu’elle est prévue par la Constitution.

M. le président. Madame Assassi, je pense que vous partagez le même raisonnement…

Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 14 rectifié et 63 n’ont plus d’objet.

L'amendement n° 70 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

, après avis des organisations représentatives des salariés et des employeurs

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’article 39 de la Constitution prévoit que les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale, comme le seront les projets de loi-cadre d’équilibre budgétaire.

Bien évidemment, nous n’entendons pas revenir sur ce principe, mais nous considérons que les partenaires sociaux doivent être associés à l’élaboration de ces lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.

Je vous rappelle que l’article 1er de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social prévoit expressément que « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle, et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ».

Certes, cette loi de 2007 est loin d’être parfaite. Nous regrettons par exemple qu’elle n’ait pas donné lieu à une négociation sur le partage des richesses produites dans les entreprises ou qu’elle ait totalement exclu la question de la représentation collective des salariés des très petites entreprises, à qui vous avez d’ailleurs réservé un bien mauvais sort.

Nous regrettons également que le Gouvernement ait pris l’habitude de contourner cette obligation, en favorisant le dépôt par les groupes majoritaires de propositions de loi, en lieu et place d’un projet qui entraînerait obligatoirement cette consultation.

Le dispositif est donc perfectible. Le président Larcher a d’ailleurs souhaité contribuer, à sa manière, à son amélioration en proposant l’élaboration d’un protocole de concertation préalable des partenaires sociaux en cas de proposition de loi à caractère social. Afin de « faire sortir le dialogue social de l’adolescence », il assigne un double objectif à ce protocole : il s’agit de concilier la concertation sociale avec l’indépendance et l’efficacité du législateur, tout en respectant le droit d’initiative et d’amendement des parlementaires.

Notre amendement s’inscrit pleinement dans cette démarche, puisque nous proposons que les projets de loi de financement de la sécurité sociale comme les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques et les projets de loi de finances soient obligatoirement précédés d’une phase de dialogue avec celles et ceux qui représentent les intérêts tant des salariés que des employeurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à soumettre les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques à l’avis des organisations syndicales et patronales.

De telles consultations sont organisées pour les textes qui le nécessitent.

Par ailleurs, l’article 10 du projet de loi constitutionnelle prévoit que le Gouvernement pourra consulter le Conseil économique, social et environnemental sur les projets de loi-cadre. Les partenaires sociaux seraient alors en mesure d’exprimer leur position.

Aussi, l’avis est défavorable.

La généralisation de la consultation des partenaires sociaux à toutes les lois relatives aux finances publiques nous ferait entrer dans un autre système politique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je pense à peu près la même chose que le président-rapporteur de la commission des lois.

Madame Assassi le sait, l’amendement est sans lien avec la réforme qui est soumise à la Haute Assemblée. Je rappelle que les syndicats sont naturellement consultés dans d’autres cadres prévus par la loi.

Par conséquent, l’avis est défavorable.

M. le président. Madame Assassi, l’amendement n° 70 rectifié est-il maintenu ?

Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 2 bis (nouveau)

Article additionnel après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 64, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 40 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je tiens à rappeler qu’il y a quelque temps le président Arthuis avait déposé, dans un débat de nature assez proche – il s’agissait de la révision constitutionnelle de 2008 –, un amendement tendant à la suppression du fameux article 40 de la Constitution, qui dispose qu’aucune mesure ne peut être proposée par voie d’amendement parlementaire si elle entame l’équilibre général des ressources de l’État, notamment en créant une charge nouvelle non compensée par une recette correspondante.

L’exposé des motifs de cet amendement, que nous confessons avoir repris pour une bonne part, mettait en évidence quelques aspects essentiels du débat, notamment le fait que l’existence de l’article 40 n’avait empêché ni l’émergence d’une dette publique inégalée en temps de paix civile ni l’apparition de déficits, et encore moins la floraison ininterrompue des niches fiscales et règles dérogatoires.

Il faut dire que nous avons été largement accoutumés à ces exercices, nombre de nos débats budgétaires des dernières années ayant exclusivement consisté à discuter à l’infini de niches fiscales les plus diverses et parfois les plus incongrues, de l’instauration du bouclier fiscal à l’exonération des œuvres d’art au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, en passant par le régime de taxation des plus-values ou celui des stock-options !

L’article 40 fait partie, faut-il le rappeler, de l’arsenal des dispositions dont peut user et parfois abuser le Gouvernement pour faire passer, même en force, une partie des dispositions qu’il entend intégrer dans une loi de finances.

Force est de constater qu’il est souvent invoqué pour éviter qu’un débat ne puisse trouver place au milieu de la discussion budgétaire, ce qui constitue de fait un rempart efficace contre les sujets susceptibles de créer des clivages, y compris parmi ceux qui sont censés apporter leur soutien au texte de la loi de finances.

Cela dit, au vu du débat que nous venons d’avoir dans le cadre de l’article 1er du projet de loi, on peut se demander si l’article 40 peut encore avoir la moindre utilité, puisque le verrou que l’on vient de poser sur la discussion budgétaire avec les lois-cadres semble encore plus solide et efficace.

Nous aurions, en quelque sorte, un article 40 tombant comme une feuille morte, devenu quasiment inutile puisque l’on vient de trouver, par la lettre de l’article 34, un outil plus puissant encore à l’égard de l’initiative parlementaire.

Cela dit, franchement, en dernier lieu, plutôt que de se focaliser sur la recevabilité financière, ne serait-il pas temps de partir de l’idée simple qui veut que le débat suffit à donner quitus à quelques propositions, même budgétaires, et que c’est la force de persuasion de ceux ou de celles qui les portent qui permettra, le cas échéant, de les fixer dans le texte de la loi ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faisons confiance, une bonne fois pour toutes, à l’intelligence et à la responsabilité des élus de la nation que sont les parlementaires, et supprimons l’article 40 ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Pierre Bel applaudissent.)

M. Bernard Frimat. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq et M. Bernard Frimat. Favorable !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, cela pourrait être le cas si le Sénat votait une « super-disposition » en termes de monopole des finances publiques.

Mme Nicole Bricq. C’est ce que vous avez fait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah non, justement pas !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On a beau dire tout ce que l’on veut sur l'article 40, il est nécessaire.

Mme Nicole Bricq. Plus maintenant !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et il a toujours fonctionné, même si le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 14 décembre 2006, a rappelé au Sénat la nécessité d’instaurer un contrôle immédiat et sans discussion de la recevabilité financière des amendements, autrement dit une procédure analogue à celle qui existe à l’Assemblée nationale.

Je comprends parfaitement, monsieur le président de la commission des finances, qu’il vous soit extrêmement désagréable d’assumer cette lourde responsabilité constitutionnelle. (M. Jean Arthuis sourit.) Mais, je l’ai dit, depuis le temps, vous devez vous y être habitué, d’autant que cela va de pair avec votre sens de la rigueur budgétaire, qui ne vous empêche pas de dormir ! En tout cas, vous veillez à régler les problèmes en douceur, en apportant, quand il le faut, des explications à nos collègues.

Bien sûr, on peut toujours se fonder sur l’esprit de responsabilité des parlementaires, mais la suppression de l'article 40 pourrait ouvrir la voie à une multiplication d’amendements de portée financière. Il n’est qu’à se rappeler toutes les fois où ont été proposées par cette voie des mesures qui n’étaient pas financées. À mon sens, l'article 40 permet aux parlementaires, si ce n’est au Gouvernement, de garder une certaine vertu.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 64.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mesdames Assassi et Borvo Cohen-Seat, vous comprendrez aisément que le Gouvernement ne puisse en aucune façon être favorable à votre amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, je ne comprends pas !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je suis sûr au contraire que vous avez compris, car la raison est toute simple : il faut un minimum d’instruments de discipline.

M. Charles Gautier. Ah, la discipline !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais qui n’est pas discipliné ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Dès lors que le Sénat ne semble pas vouloir du monopole fiscal des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, le seul instrument de discipline qui nous reste est l'article 40 de la Constitution.

Ce dernier a montré ses vertus, même si, c’est vrai, le fait d’avoir à obéir à une certaine discipline et de se trouver ainsi enserré dans des règles strictes peut parfois poser problème. Il reste que l’article 40 est tout à fait nécessaire à une bonne gestion des finances publiques.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne pouvez pas nous faire cela, monsieur le ministre !

Mme Éliane Assassi. C’est incohérent !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, alors, là, je ne comprends pas vos explications respectives !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ne nous étonne pas !

Mme Nicole Bricq. Vous avez plaidé pendant deux heures pour un dispositif double, couplant l’instauration des lois-cadres d’équilibre des finances publiques à celle du monopole fiscal. Car même dans la version proposée par la commission des lois et approuvée par la commission des finances, ce monopole, vous l’acceptez ! C’est tout de même ce que vous nous expliquez depuis le début de l’après-midi !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’article 40, on en parle depuis 1958 !

Mme Nicole Bricq. Vous soutenez qu’un tel dispositif est propice à sauvegarder nos finances publiques, à empêcher de ce point de vue tant les embardées parlementaires que les sorties de route gouvernementales. Encore faudrait-il arriver à l'équilibre ; nous n’y sommes pas, j’en ai longuement parlé.

Si vous êtes conséquents et que vous croyez réellement en l’efficacité du dispositif que vous avez fait voter à l'article 1er, vous n’avez plus aucune raison de continuer à défendre ce qui devient un archaïsme dans la procédure législative, c'est-à-dire l’article 40 de la Constitution.

Nous avons eu effectivement un débat analogue il y a deux ans. Aujourd'hui, a fortiori, il est devenu encore plus nécessaire d’abandonner l'article 40 en rase campagne. Si vous ne le faites pas, c’est la preuve que vous ne croyez pas à la vertu de ce que vous avez voté il n’y a même pas une demi-heure !

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Ce problème de l'article 40 est suffisamment important pour que l’on y insiste.

Je garde pour ma part un souvenir particulier de la révision constitutionnelle de 2008, qui nous avait permis d’avoir un très beau débat sur le maintien – ou la suppression – de l'article 40 de la Constitution.

Au groupe socialiste, nous étions partisans de la seconde solution, trouvant là un point d’accord avec le président du groupe de l’Union centriste de l’époque. Ce dernier, si ma mémoire est bonne, avait expliqué que le Gouvernement disposait déjà d’arguments et de moyens en si grand nombre qu’il n’était vraiment pas utile d’en ajouter : autres temps, autres mœurs...

Le vote sur cette question avait finalement été relativement serré, et cela peut s’expliquer : l'article 40 avait fait la démonstration par l’absurde qu’il ne nous protégeait en aucun cas du déficit.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Un petit peu, tout de même !

M. Bernard Frimat. Cette mesure « magique » de contrainte à l’égard du Parlement avait montré toute son inefficacité.

Depuis, la majorité a réfléchi et a trouvé – enfin ! – de merveilleux éléments à inscrire dans la Constitution pour nous préserver d’une telle malédiction. Cependant, une demi-heure après s’être réjouie d’avoir inventé les lois-cadres d'équilibre des finances publiques et une version très adoucie du monopole, qui, en définitive, revient à le maintenir, force est de constater que l'article 40 devient sans objet.

M. Bernard Frimat. Ou si l'article 40 a encore un objet, c’est que la révision constitutionnelle n’en a aucun !

M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, il faut choisir.

M. Bernard Frimat. Si vous nous proposez des réformes en peau de lapin, il est tout de même extraordinaire de nous en faire l’aveu aussi vite, alors que la loi n’est même pas encore votée. Que de discours enflammés avons-nous entendus au nom du bon sens : devant la nécessaire maîtrise des finances publiques, la calamité du déficit, le fait que nous allions nous retrouver dans la situation de la Grèce, le poids des agences de notation, nous aurions trouvé la parade extraordinaire qui allait nous protéger à tout jamais, je veux parler de cette réforme constitutionnelle et de l’insertion du ixième alinéa de l'article 34 !

M. Didier Guillaume. Il a raison !

M. Bernard Frimat. Éliane Assassi et ses collègues tirent donc, avec beaucoup d’opportunité, les conséquences d’une telle modification.

Si votre nouvel instrument est aussi merveilleux, pourquoi maintenez-vous cette procédure, source de désagrément permanent pour le président de la commission des finances ?

Je regrette, à cette heure, que mon ami Pierre-Yves Collombat ait dû nous quitter. Chacun connaît le combat titanesque qu’il livre avec Jean Arthuis sur l'article 40 : les épisodes qui l’émaillent – ô combien douloureux, mais toujours empreints d’une réelle courtoisie ! – alimentent régulièrement nos débats et sont ponctués, de temps à autre, par un rappel au règlement.

Nous avions l’occasion de nous détacher d’un élément douloureux et perturbant. Voilà une occasion que, je le sens, vous allez rater.

M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, en hommage à ce que vous venez de voter, pour ne pas vous désavouer en une demi-heure de temps, ralliez-vous à l’amendement n° 64. Ce faisant, puisque nous savons maintenant que le texte repartira à l’Assemblée nationale, vous permettrez aux députés d’avoir, eux aussi, la possibilité d’un débat sur ce sujet de l'article 40, qui serait alors non pas encore abrogé, mais en voie de l’être.

M. Bernard Frimat. Redonnez au Parlement tout son rôle, laissez-le débattre de ses initiatives financières.

Je m’arrêterai là, monsieur le président. Sinon, j’ai tellement de raison de plaider pour la suppression de l'article 40 que je craindrais de dépasser mon temps de parole !

M. Jean Desessard. Continuez, il vous reste quarante secondes ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le garde des sceaux, je suis au regret de vous dire que nous n’allons évidemment pas retirer notre amendement. Nous avons d’ailleurs trouvé tout à fait curieux que vous vous y opposiez, tant, en réalité, l'article 40 de la Constitution n’a plus de raison d’être : il tombe,…

M. Jean Desessard. Comme un fruit mûr, comme un abricot !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … faute de ne plus avoir la moindre utilité.

Dans ces conditions, ou la majorité vote votre texte ou elle ne le vote pas ; mais si elle le vote, elle se doit évidemment, par cohérence, de supprimer l'article 40.

Je suis par ailleurs très étonnée que M. le président Arthuis, qui s’est pourtant prononcé pour cette suppression, n’ait pas enfin trouvé dans le nouveau dispositif la parade pour ce faire et qu’il ne soutienne pas notre amendement.

M. Charles Gautier. Il devrait être le premier à l’approuver !

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour une fois que nous pouvons être d’accord, monsieur Arthuis, tout de même !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Je remercie Éliane Assassi d’avoir rappelé le débat que j’avais suscité lors de la discussion du projet de loi de réforme constitutionnelle de 2008.

Par un souci de provocation qui avait finalement assez bien fonctionné, j’avais déposé un amendement tendant à supprimer l'article 40 de la Constitution.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était donc une plaisanterie !

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas de l’humour corrézien, c’est de l’humour mayennais !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On entend décidément beaucoup de plaisanteries en ce moment !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Je voulais mettre en évidence que l’accumulation de déficits et l’endettement étaient le fait non pas du Parlement, mais des initiatives des gouvernements successifs.

Aujourd'hui, le Gouvernement nous propose une réforme constitutionnelle qui équilibre les contraintes, puisqu’il s’impose à lui-même un article 40.

Si, à l’époque, l’on avait supprimé l'article 40, je me serais au fond privé d’une succession d’échanges avec Pierre-Yves Collombat.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. C’eût été dommage, car, au fil de nos rencontres, lui et moi avons pu confronter nos idées et établir une compréhension mutuelle.

Un sénateur du groupe socialiste. Très bien !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Me priver d’une telle opportunité eût été une sorte de punition. (M. Didier Guillaume s’exclame.)

Je remercie donc l'ensemble de mes collègues qui n’avaient pas rendu possible une telle suppression, laquelle m’aurait privé, en outre, d’une correspondance assez abondante avec Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres de son groupe. Sur un certain nombre de textes, je dois en effet avouer que leur créativité est sans limite, ce qui me contraint à faire application de l'article 40.

Les mesures que le Sénat vient de voter, tendant à repousser la présentation d’une loi financière, m’amènent à penser que l'article 40 est absolument indispensable (Mme Nicole Bricq s’exclame.), faute de quoi nous risquerions de nous retrouver, au bout de quelques semaines ou de quelques mois, avec une corbeille bien pleine de dispositions coûteuses. Tout arbitrage serait alors extrêmement difficile. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incompréhensible !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Mettez-vous à la place de nos concitoyens : comment pourraient-ils lire les intentions du Parlement…

M. Bernard Frimat. Quel aveu !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. … et se rendre compte des moyens engagés pour les concrétiser ?

Ce que nous venons de voter m’amène à penser que l'article 40 a sa place dans notre Constitution et peut nous aider à prévenir certaines formes d’addiction à la dépense publique.

Mme Nicole Bricq. Alors, vous n’y croyez pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Parlement ne pourra plus débattre !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Chers collègues de la majorité, c’est tout de même incroyable :…

M. Jean Desessard. … je n’ai pratiquement entendu de votre part que le mot « vertu » et ses multiples déclinaisons depuis le début de l’après-midi ! Ainsi, le Premier ministre serait vertueux en plus d’être formidable, le Président de la République encore davantage ! Et quel adjectif employez-vous pour parler de vous-mêmes, les sénateurs de la majorité ? Vertueux, bien évidemment !

Mais, alors, votre vertu, qu’est-ce que vous la défendez : un cadenas par-ci, un verrou par-là, un autre encore là, et ainsi de suite ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Une ceinture de chasteté !

M. Jean Desessard. À croire que vous ne seriez pas si vertueux. Si encore vous vous disiez emplis de désirs, prêts à tout dépenser, on comprendrait votre ardeur à vouloir poser des verrous partout ! (Nouveaux sourires.)

Mais c’est tout le contraire qui se produit : vous vous parez de toutes les vertus tout en verrouillant chaque strate du dispositif ; dès lors, comment peut-on vous croire ?

J’en viens à la seconde partie de mon intervention, et c’est à vous que je m’adresserai, monsieur le rapporteur, car ce que vous avez dit est grave. Je reprends vos propos : « À force de dépenser ici ou là, regardez où nous en sommes. » Comme si c’étaient les dépenses induites par les parlementaires qui avaient conduit au déficit.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai jamais dit cela !

M. Jean Desessard. C’est formidable de refaire ainsi l’histoire.

D’abord, si de telles mesures ont été votées dans l’hémicycle, avec le soutien de la majorité, c’est le signe, me semble-t-il, qu’elles étaient de bon sens et justifiées (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) et que chacun, en toute vertu, a pris la bonne décision. Il est tout de même un peu facile de soutenir, quelques années après, que l’on a dépensé allégrement !

Non, monsieur le rapporteur ! Le déficit est le fruit d’une politique économique et fiscale.

Il ne faut pas laisser croire que ce sont les sénatrices et les sénateurs qui ont décidé, à un moment donné, de dépenser de l’argent en votant telle subvention ou en soutenant tel projet, car c’est faux : ce qui nous prive des recettes nécessaires permettant d’équilibrer les finances publiques, c’est votre politique fiscale ! (M. Didier Guillaume applaudit.)

M. Charles Gautier. Très bien !

M. Didier Guillaume. Il a quasiment convaincu l’hémicycle !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme Nicole Bricq. Vous n’êtes pas cohérents, mes chers collègues !

Article additionnel après l'article 2
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques
Article 3

Article 2 bis (nouveau)

Au premier alinéa de l’article 41 de la Constitution, les mots : « ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38 » sont remplacés par les mots : «, est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38 ou est contraire au vingtième alinéa de l’article 34 ou au deuxième ou au quatrième alinéa de l’article 72-2 ».

M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

L’amendement n° 8 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.

L’amendement n° 15 rectifié est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 31 est présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission des finances.

L’amendement n° 42 est présenté par M. Emorine, au nom de la commission de l'économie.

L’amendement n° 54 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement visant à substituer au monopole des lois financières un dispositif de validation des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires par les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.

Ce dispositif de validation rend inutile une procédure d’irrecevabilité, pour le moins bizarre, à l’égard des amendements et propositions de loi qui ne respecteraient pas le monopole, et qui plus est rattachée à l’article 41 de la Constitution, alors qu’il s’agit d’une inconstitutionnalité.

Je rappelle qu’aux termes de l’article 41 de la Constitution le Gouvernement peut opposer l’irrecevabilité lorsqu’une proposition n’est pas du domaine de la loi, mais du domaine du règlement. En l’occurrence, cet article 2 bis tend à ajouter une excroissance bizarre et incompréhensible.

Il convient donc de supprimer l’article 2 bis, et, par coordination, l’article 9 bis, qui sont inutiles. Tel est l’objet de cette série d’amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales, pour présenter l’amendement n° 8.

Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales. Il a été défendu.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.

M. Bernard Frimat. Je considère, pour ma part, que notre amendement, bien que identique, n’a pas été défendu.

Je conviens que l’argumentation de M. le rapporteur est cohérente par rapport à l’amendement qu’il a fait adopter. Pour ce qui nous concerne, tout en étant défavorables aux lois-cadres, nous avions manifesté notre accord, en commission des lois, pour supprimer l’article 2 bis, car cet article, que nous tenons pour un compromis boiteux issu de l’Assemblée nationale, est, je tiens à le répéter, une scorie, une lapalissade constitutionnelle.

Je ne veux pas que l’on puisse supposer que nous demandons la suppression de l’article 2 bis parce que nous nous sommes ralliés à la position du président de la commission des lois. Nous poursuivons le même objectif, mais pour des raisons différentes.

Nous avons considéré que la proposition de M. Hyest de supprimer l’article 2 bis évitait au Sénat de sombrer dans le ridicule en adoptant une disposition, issu, je le répète, d’un compromis boiteux voté par les députés, qui signifie en substance : fermons les yeux sur l’irrecevabilité, et nous pourrons, dans le temps du débat parlementaire, faire perdurer l’opération et conserver le monopole – tout en ayant une pratique permettant d’y échapper ! –, à la seule condition de nous assurer, comme nous le reverrons à l’article 9 bis, que l’inconstitutionnalité soit déclarée.

On poussait le ridicule, dans la rédaction initiale, jusqu’à dire que le Conseil constitutionnel devait déclarer contraire à la Constitution ce qui est contraire à la Constitution...

Je pense que l’on peut se débarrasser de ces scories, tout en étant en profond désaccord avec le rapporteur sur les raisons d’opérer ce nettoyage juridique élémentaire.

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 31.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Cet amendement a été défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 42.

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. Il a été défendu.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 54.

Mme Éliane Assassi. Je considère qu’il a été défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. L’article 2 bis représentait, pour l’Assemblée nationale, un dispositif permettant d’équilibrer la loi constitutionnelle, en préservant l’initiative parlementaire tout en adoptant le principe du monopole fiscal.

Compte tenu de la position que vient d’adopter le Sénat sur cette question du monopole fiscal au travers de ces six amendements, je m’en remettrai, sur ce point, à la sagesse du Sénat.

Toutefois, il est évident que le débat devra se poursuivre lors de la deuxième lecture, dans l’objectif commun de trouver un véritable accord entre les deux chambres du Parlement et le Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 8, 15 rectifié, 31, 42 et 54.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 2 bis est supprimé.

Je constate par ailleurs que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.

Article 2 bis (nouveau)
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Article additionnel après l'article 3

Article 3

L’article 42 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, après le mot : « constitutionnelle, », sont insérés les mots : « des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques, » ;

2° À la seconde phrase du dernier alinéa, après les mots : « non plus », sont insérés les mots : « aux projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques, ».

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. C’est un amendement de cohérence par rapport à la suppression des lois-cadres : il est donc devenu sans objet. (M. le rapporteur et M. le garde des sceaux opinent.)

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 3.

(L’article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 43 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques sont envoyés pour examen à une commission spécialement désignée à cet effet composée à parité de membres de la commission chargée de l’examen des projets de loi de finances et de la commission chargée de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à prévoir le renvoi systématique des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques à une commission spéciale composée à parité de membres de la commission des finances et de membres de la commission des affaires sociales.

Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques auront une portée contraignante pour les lois de finances comme pour les lois de financement de la sécurité sociale. Ces lois feront désormais l’objet d’un contrôle de constitutionnalité simultané pour vérifier leur compatibilité avec la trajectoire définie par la loi-cadre d’équilibre.

Dans ces conditions, il ne paraît pas possible de conserver l’actuelle procédure d’examen des projets de loi de programmation des finances publiques, qui se traduit par un renvoi du projet à la commission des finances, la commission des affaires sociales ne pouvant se saisir que pour avis.

La commission des affaires sociales est favorable aux lois-cadres, mais souhaite pouvoir y apporter sa contribution dans les mêmes conditions que la commission des finances.

Évidemment, il pourrait m’être objecté que cette précision relève davantage de la loi organique ou du règlement, mais je m’inscris immédiatement en faux contre cet argument : si nous n’inscrivons pas cette disposition dans la Constitution, la rédaction actuelle de l’article 43 ne nous permettra pas de la prévoir dans une loi organique ou dans le règlement de notre assemblée. L’absence d’une telle précision marquerait un premier pas vers l’absorption des lois de financement de la sécurité sociale par les lois de finances. En effet, la commission des affaires sociales, lorsqu’elle examinerait les lois de financement de la sécurité sociale, serait tenue par des objectifs de dépenses et de recettes fixés par une loi-cadre sur laquelle elle n’aurait pu donner qu’un avis.

Un travail en commun des deux commissions financières du Sénat à l’occasion de l’élaboration des lois-cadres serait très fructueux et permettrait des échanges approfondis. Il paraît donc indispensable que les parlementaires spécialistes du budget de l’État et des finances sociales travaillent ensemble sur les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je comprends bien les objectifs visés par les auteurs de cet amendement. De plus, ce serait un tel plaisir que de voir travailler ensemble les deux rapporteurs généraux. (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Ils sont partis en campagne !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est vrai que, selon moi, une telle disposition relevait davantage du domaine du règlement. Il semble naturel que les deux commissions travaillent de façon concertée : tous les arguments développés par Mme Payet à cet égard sont légitimes.

Il apparaît cependant qu’on ne peut le prévoir dans le règlement, en vertu de l’article 43 de la Constitution, qui dispose : « Les projets de loi et propositions de loi sont envoyés pour examen à l’une des commissions permanentes », ou, « [...] à la demande du Gouvernement ou de l’assemblée qui en est saisie, [...] à une commission spécialement désignée à cet effet. »

On ne pourrait donc décider d’inscrire cette disposition dans le règlement sans d’abord modifier la Constitution. La question est par conséquent celle de l’opportunité de faire figurer dans la Constitution une règle prévoyant la saisine systématique d’une commission spéciale, comme le souhaitent M. Vasselle et Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales s’exclame.) Vous savez, madame la présidente de la commission des affaires sociales, je n’aime pas beaucoup m’immiscer dans des débats financiers qui me dépassent un peu, même si, je le crois, je tombe assez juste quand il s’agit de la Constitution et des droits du Parlement. Aussi, j’émettrai un avis de sagesse positive.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Selon le Gouvernement, l’article 43 de la Constitution, tel qu’il est rédigé, permet de choisir entre la saisine de la commission permanente ou celle d’une commission spéciale. Le Gouvernement ne souhaitant pas intervenir dans un débat qui concerne l’organisation interne du Parlement, je m’en remets également à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Il s’agit d’un problème de positionnement d’une commission par rapport à une autre.

Je peux concevoir le patriotisme local de chacune de nos commissions, mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’ajouter dans notre Constitution, d’ores et déjà si encombrée de dispositions inutiles, cette règle tout aussi inutile.

Laissons au Sénat la liberté de créer une commission spéciale, s’il le juge nécessaire ! L’article 43 de la Constitution prévoit d’ailleurs cette possibilité.

Ne nous dessaisissons pas de ce pouvoir, entier, pleinement détenu par le Sénat, pour le figer dans la Constitution !

Cette discussion est pour ainsi dire sans objet, dans la mesure où nous n’irons pas à Versailles. Toutefois, si nous menons à son terme le raisonnement intellectuel sur ce sujet précis, et si les lois-cadres sont adoptées, notamment avec « l’élément glissant » évoqué par le rapporteur général de la commission des finances, c’est la nature même de la loi de finances qui changera. Il est à craindre alors que le débat portant sur la loi de finances ne se déplace vers un débat de régulation par rapport à la loi-cadre.

Et n’insultons pas l’avenir ! Quelle position adopterons-nous, demain, en ce qui concerne la CSG ou l’impôt sur le revenu des personnes physiques ? De nouvelles modifications ne rendront-elles pas nécessaire l’émergence d’une nouvelle approche, différente de celle qui nous paraît aujourd’hui opportune ?

Cet amendement peut être satisfait par décision du Sénat, qui a la possibilité de créer une commission spéciale. Aussi, dans ce Parlement que l’on veut déjà tant caporaliser, préservons, mes chers collègues, un peu de maîtrise sur l’organisation de nos travaux et de nos commissions !

Pourquoi se précipiter pour figer ce qui existe déjà, alors que rien ne nous y oblige ? Je peux comprendre votre objectif ; que je le partage ou non est un autre problème... Je salue d’ailleurs le retour de la charge héroïque des membres de la commission des affaires sociales, qui viennent de nous rejoindre dans un grand élan de passion constitutionnelle dont il nous faut saluer avec admiration l’immédiate énergie...

M. Guy Fischer. Nous étions en réunion de commission !

M. Didier Guillaume. C’est bien ce que M. Frimat a dit !

M. Bernard Frimat. Ne vous méprenez pas sur mes propos, cher collègue Fischer. Je signalais simplement que tous les membres de la commission des affaires sociales rejoignaient ensemble l’hémicycle.

Pour conclure, puisque le règlement permet d’ores et déjà de créer une commission spéciale, nous ne devons pas bloquer l’organisation du Sénat.

M. le président. Il ne m’appartient pas de prendre parti dans le débat. Il me semble néanmoins utile de préciser, pour éviter tout malentendu, que la commission dont la création est demandée par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, serait une commission issue de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, et non pas une commission spéciale constituée en application du règlement du Sénat.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, et Mme Annie David. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Sur ce point particulier, je comprends d’autant mieux l’inspiration dont procède l’amendement présenté par la commission des affaires sociales que nous nous sommes interrogés en commission des finances quant à l’opportunité de déposer un amendement identique ; nous y avons renoncé, considérant qu’une telle disposition relevait du règlement du Sénat, éventuellement de la loi organique, mais assurément pas de la Constitution.

Je rassure Mme la présidente de la commission des affaires sociales : il n’est pas question que nos deux commissions ne travaillent pas conjointement. Que nous travaillions ensemble est la volonté profonde de la commission des finances, et je tiens d’ailleurs à exprimer de nouveau devant le Sénat mon souhait qu’un jour nous votions un article d’équilibre qui intègre les prélèvements obligatoires votés tant en loi de finances qu’en loi de financement de la sécurité sociale.

Pour ma part, je ne crois donc pas judicieux d’inscrire dans la Constitution, sauf à ce que celle-ci ait un volume tel qu’elle constituera un corset insupportable, des règles de fonctionnement interne du Parlement : laissons à celui-ci le soin de les fixer.

Aussi, je ne voterai pas l’amendement n° 9.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne suis pas, loin de là, constitutionnaliste, mais j’ai cru comprendre que, si nous n’inscrivions pas cette disposition dans la Constitution, la rédaction actuelle de l’article 43 ne nous permettra de la prendre ni dans une loi organique, ni dans le règlement de notre assemblée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. En tout état de cause, pour ma part, j’insisterai sur le fond. Dans le cadre du texte que nous examinons aujourd'hui, il me paraît extrêmement important que les deux commissions qui traitent l’une et l’autre de budgets considérables travaillent ensemble.

Si, d’une part, une solution – évidemment la meilleure possible – était trouvée pour instituer une commission pérenne, qui ne soit donc pas remise en cause chaque année, et si, d’autre part, le règlement du Sénat, qui éventuellement instituerait cette commission, était rapidement amendé afin que ses nouvelles dispositions soient immédiatement applicables, je ne demanderais pas mieux, mais, je suis désolée d’avoir à le dire, je n’ai pas une absolue confiance en ce qui n’est pas formalisé…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi constitutionnelle, après l'article 3.

Article additionnel après l'article 3
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Article 5

Article 4

Après l’article 46 de la Constitution, il est inséré un article 46-1 ainsi rédigé :

« Art. 46-1. – Le Parlement vote les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques dans les conditions prévues par une loi organique. Si le Gouvernement le décide, il est fait application de la procédure prévue au deuxième alinéa de l’article 47. »

M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Notre amendement visant à empêcher l’instauration des lois-cadres n’ayant pas été adopté, cet amendement n’a plus d’objet.

M. le président. L’amendement n° 17 rectifié n’a en effet plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

L’article 47 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il ne peut être adopté définitivement de loi de finances en l’absence de loi-cadre d’équilibre des finances publiques applicable à l’exercice concerné. » ;

1° bis (nouveau) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le projet de loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice est déposé au plus tard le 15 septembre de l’année qui précède cet exercice. » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « de loi de finances » ;

3° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il est procédé de même en l’absence de loi-cadre d’équilibre des finances publiques applicable à l’exercice concerné. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 18 rectifié est présenté par Mme Bricq, MM. Daudigny, Frimat, Collombat, Yung, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 48 rectifié est présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Vendasi et Mézard.

L'amendement n° 65 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Ces amendements n’ont plus d’objet. (Mme Nicole Bricq, M. François Fortassin et Mme Éliane Assassi opinent.)

L'amendement n° 71, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa, après les mots : « Le Parlement vote » est inséré le mot : « annuellement » ;

La parole est à M. Guy Fischer, dont nous n’avions pas encore entendu la voix et que nous sommes heureux d’entendre !

M. Guy Fischer. Monsieur le président, il nous faut être au four et au moulin ! Comment voulez-vous que nous fassions ?

M. Bernard Frimat. C’est insupportable !

M. Guy Fischer. Il est insupportable, inadmissible de travailler dans des conditions aussi détestables. Tout cela est la faute du Gouvernement…

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cela ne m’étonne pas de vous, monsieur Fischer ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. … et en particulier de M. Mercier. (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est parce que nous avons perdu du temps hier soir !

M. Guy Fischer. Plus sérieusement, cet amendement pourrait paraître inutile tellement il est évident, mais, parfois, les évidences méritent, pour être comprises de tous, d’être clairement explicitées.

Or, si la Constitution prévoit que le Parlement vote les lois de financement de la sécurité sociale, si son article 39 précise que c’est à l’Assemblée que revient la priorité d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, si son article 47-1 prévoit que c’est au Gouvernement que revient l’initiative de l’élaboration de ces derniers, si le deuxième alinéa de ce même article 47-1 indique que « si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat », elle reste curieusement muette quant à la périodicité de ce vote. Les constitutionnalistes répondront certainement à mes interrogations sur ce point…

Certes, l’article L.O. 111-3-1 du code de la sécurité sociale, tel qu’il résulte de la rédaction de la loi organique du 22 juillet 1996, dispose que, « chaque année », la loi de financement de la sécurité sociale « approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale ».

Or, comme vous le savez, les processus d’adoption ou, plus précisément, de modification des lois organiques et des lois constitutionnelles diffèrent sensiblement.

Si les lois constitutionnelles, c'est-à-dire les lois qui modifient la Constitution, nécessitent, pour être validées, la réunion du Parlement en congrès à Versailles, tel n’est pas le cas pour les lois organiques.

Rappelons qu’une majorité absolue des suffrages à l’Assemblée suffit pour qu’un projet de loi organique soit adopté, alors qu’une loi constitutionnelle doit obtenir les trois cinquièmes des suffrages pour être adoptée par le Congrès.

Compte tenu de son importance, il nous semble que le principe d’annualité devrait être inscrit dans la Constitution, et non pas seulement dans une loi organique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement est une curiosité. En effet, si nous devions voter « annuellement », cela signifierait que les lois de finances rectificatives sont interdites, ce qui irait complètement à contresens de ce nous faisons depuis de très nombreuses années !

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je ne sais pas ce qu’a fait M. Fischer entre le four et le moulin, mais cela m’étonne, venant de lui, qu’il présente un amendement redondant, car déjà satisfait, l’article 1er de la loi organique prévoyant un vote annuel. Je lui demande donc de bien vouloir retirer son amendement.

M. Guy Fischer. Jamais ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
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Article 6 bis (nouveau)

Article 6

L’article 47-1 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il ne peut être adopté définitivement de loi de financement de la sécurité sociale en l’absence de loi-cadre d’équilibre des finances publiques applicable à l’exercice concerné. » ;

1° bis (nouveau) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui détermine les conditions générales de son équilibre financier pour un exercice est déposé au plus tard le 1er octobre de l’année qui précède cet exercice. » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « de loi de financement de la sécurité sociale ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 19 rectifié est présenté par M. Daudigny, Mme Bricq, MM. Frimat, Collombat, Yung, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Vendasi et Mézard.

L'amendement n° 75 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il tombe !

M. Yves Daudigny. L’article 1er étant voté, cet amendement perd évidemment beaucoup de son sens, mais je veux néanmoins marquer, monsieur le ministre, les conséquences particulières de cet article 6, qui subordonne l’adoption des projets de loi de financement de la sécurité sociale à l’existence d’une loi-cadre d’équilibre des finances publiques.

Les lois de financement sont en effet de matière et de périmètre différents des lois de finances. Or il n’en est pas tenu compte dans ce projet.

Devra-t-on suspendre le paiement des retraites en cas de dégradation de la conjoncture ? Que se passera-t-il si l’ONDAM n’est pas respecté ?

En tout état de cause, le seul exemple du non respect de la loi organique relative à la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, suffit à démontrer l’inefficacité du dispositif, dont l’effet le plus certain sera d’amoindrir la démocratie parlementaire.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l’amendement n° 49 rectifié.

M. François Fortassin. Cet amendement tombe !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 75, bien qu’il n’ait plus d’objet…

M. Guy Fischer. Je vais faire comme M. Daudigny ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est nouveau : on défend des amendements sans objet !

M. Guy Fischer. Cet amendement, mes chers collègues, avait pour objet la suppression de l’article 6 du projet de loi, article qui prévoit que ne peut être adoptée définitivement une loi de financement de la sécurité sociale en l’absence de loi-cadre d’équilibre des finances publiques.

Ces lois qui auront vocation à traiter des dépenses et des recettes de l’État et de la sécurité sociale sur une durée de trois ans auront une valeur supérieure aux lois de financement de la sécurité sociale dites « ordinaires », c’est-à-dire annuelles, au point que le Conseil Constitutionnel pourrait décider d’invalider des dispositions contenues en loi de financement de la sécurité sociale qu’il estimerait être contraires aux lois-cadres.

Or, ces lois-cadres n’ont qu’une finalité : fixer sur trois ans les efforts budgétaires que la France devra fournir pour parvenir au retour à l’équilibre ou, plus simplement, définir le plan de rigueur sur les trois années à venir.

L’article 6, s’il était maintenu, aurait pour conséquence que le Parlement ne déciderait plus réellement des orientations politiques de la France, bien que débattant chaque année des lois de financement de la sécurité sociale : les véritables moments de décisions budgétaires, de choix en matière de protection sociale et de financement n’auraient en fait lieu que tous les trois ans.

Dans ce contexte, comment parler de démocratie et de souveraineté ? Cela nous semble inacceptable, raison pour laquelle nous avons proposé cet amendement, et je vous remercie, monsieur le président, d’avoir eu la mansuétude de me le laisser défendre. (Sourires.)

M. le président. Les amendements nos 19 rectifié, 49 rectifié et 75 n’ont en effet plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Article 7

Article 6 bis (nouveau)

À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 47-2 de la Constitution, après le mot : « contrôle », sont insérés les mots : « de la mise en œuvre des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, ».

M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n'a plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 6 bis.

(L'article 6 bis est adopté.)

Article 6 bis (nouveau)
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Article additionnel après l'article 7

Article 7

Au troisième alinéa de l’article 48 de la Constitution, après les mots : « l’examen », sont insérés les mots : « des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques, ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 21 rectifié est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 66 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Ces amendements n’ont plus d’objet.

L'amendement n° 37, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une assemblée saisie d'une proposition de loi adoptée par l'autre assemblée dont le Gouvernement n'a pas demandé l'inscription à l'ordre du jour prioritaire délibère sur ce texte dans les six mois. Ce délai est suspendu dans l'intervalle des sessions et pendant leurs interruptions. »

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Jean Desessard. Un retrait se prépare !

M. Christian Cointat. Non, je le dis d’emblée, ce n’est pas un amendement que je compte retirer !

Chacun le sait, la Constitution précise que l’initiative législative appartient concurremment au Gouvernement et au Parlement. Or, comme j’ai déjà eu l’occasion de m’en expliquer lors du dernier débat constitutionnel, tout cela n’est qu’un leurre.

En effet, si le Gouvernement peut effectivement, et à juste titre, présenter et faire adopter des projets de loi, il est extrêmement difficile pour les parlementaires de faire de même, car, une fois passé le cap de son adoption dans une des deux assemblées, les propositions de loi sont, en général, oubliées…

On m’avait répondu qu’il n’était pas possible de s’occuper de l’organisation d’une assemblée.

Je rappellerai que la République compte non pas deux assemblées, mais un Parlement composé de deux assemblées. Ce n’est pas la même chose !

Une loi devant impérativement être votée par les deux assemblées, il doit par conséquent exister un lien entre celles-ci. C'est pourquoi l’amendement n° 37 me paraît indispensable. Il a un rapport direct avec notre débat. En effet, depuis le début de l’examen du présent projet de loi constitutionnelle, de nombreux collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont fait observer que l’adoption en l’état de ce texte conduirait à réduire les pouvoirs du Parlement, notamment l’initiative législative parlementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais c’est fini, cela !

M. Christian Cointat. Pas entièrement, monsieur le rapporteur ! Malgré certaines améliorations, que je reconnais bien volontiers, tout n’est pas réglé, loin s’en faut.

C'est la raison pour laquelle il faut au moins prévoir que les quelques propositions de loi qui arriveront à survivre dans une chambre puissent être examinées par l’autre, à défaut d’y être adoptées.

Garantir que les propositions de loi examinées par une chambre le soient également par l’autre : tel est le véritable débat démocratique ! Qu’elles ne soient pas adoptées relève du jeu démocratique normal.

M. Jean Desessard. Bien sûr !

M. Christian Cointat. Je tiens beaucoup à cet amendement, extrêmement important pour rétablir l’équilibre au sein du projet de loi constitutionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est toujours avec plaisir que la commission des lois examine les propositions de M. Cointat, qui fait preuve d’une belle persévérance…

M. Christian Cointat. C’est vrai, je ne lâche pas !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cependant, il existe une règle : le Gouvernement est maître de l’ordre du jour de chaque assemblée, sauf – ce fut une évolution considérable de la révision constitutionnelle de 2008 – pour ce qui concerne les semaines d’initiative parlementaire au sein desquelles, d’ailleurs, un jour de séance est réservé aux groupes d’opposition ou minoritaires.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Exactement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En réalité, c’est soit l’assemblée concernée qui, lors de la conférence des présidents, décide, en toute liberté, d’inscrire ou non une proposition de loi à son ordre du jour, soit le Gouvernement qui, s’il considère une proposition de loi intéressante, en demande l’inscription sur son ordre du jour prioritaire. Heureusement, un tel cas de figure arrive. À titre d’exemple, je vous citerai la réforme de la prescription en matière civile.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Prochainement, nous allons examiner, et sans doute adopter, une proposition de loi relative aux sapeurs-pompiers volontaires, texte qui a déjà été voté par l’Assemblée nationale.

Cependant, monsieur Cointat, constitutionnellement, on ne peut rien imposer. L’inscription par une assemblée à son ordre du jour de propositions de loi émanant de l’autre assemblée relève d’un échange de bons procédés.

Mais les groupes peuvent également prendre l’initiative. Ainsi, le groupe socialiste de l’Assemblée nationale peut fort bien demander l’inscription à l’ordre du jour de l'Assemblée nationale d’une proposition de loi du groupe socialiste du Sénat.

Vous le savez bien, mon cher collègue, l’adoption par le Sénat de propositions de loi émanant de l'Assemblée nationale fait l’objet de négociations et obéit, en quelque sorte, à la règle du donnant-donnant. Je pourrais faire un pointage, mais je sais que, du moins pour ce qui concerne les textes relevant de la compétence de la commission des lois, nous arrivons à un résultat assez équilibré.

Mon cher collègue, je comprends votre préoccupation, mais, constitutionnellement et à mon grand regret, je ne peux pas, au nom de la commission des lois, émettre un avis favorable sur l’amendement n° 37.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. L’article 48 de la Constitution établit le principe de la souveraineté des assemblées parlementaires sur leur ordre du jour, sous réserve du respect des deux semaines de séance réservées chaque mois par priorité à l’examen des textes et débats dont le Gouvernement a demandé l’inscription. Ces dispositions sont protectrices au premier chef du Sénat, qui doit en avoir pleinement conscience.

Comme l’a rappelé de façon allusive M. Hyest, la commission des lois du Sénat ne manifeste pas toujours un très grand enthousiasme en faveur de l’inscription à l’ordre du jour de la Haute Assemblée de certains textes votés par l’Assemblée nationale, sauf s’ils agréent au président de ladite commission. (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. En réalité, il y va de la souveraineté et du respect de chaque assemblée.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 37. Monsieur Cointat, oserais-je vous demander une nouvelle fois, dans l’intérêt même du Sénat, de le retirer ?

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, lorsqu’une proposition de loi a été adoptée par une assemblée, il est logique qu’elle soit examinée au plus tard dans les six mois suivants par l’autre assemblée. Sinon, nos débats ne servent à rien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certaines propositions de loi étudiées par une assemblée ne sont jamais inscrites à l’ordre du jour de l’autre assemblée !

M. Jean Desessard, rapporteur. Votre argument selon lequel les groupes peuvent prendre l’initiative est irrecevable. Certes, ils jouent un rôle lors de l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi en première lecture dans la première assemblée. Mais ensuite doit se dérouler un cheminement logique jusqu’au terme de l’examen du texte.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Jean Desessard. C’est rabaisser le rôle parlementaire de la première assemblée que de laisser le choix à la seconde d’inscrire ou non la proposition de loi à son ordre du jour.

L’amendement n° 37 instaurant une sorte de suivi parlementaire, je le voterai.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Moi aussi, j’ai envie de voter cet amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ne va pas durer !

M. François Fortassin. « Les assemblées sont souveraines », nous dit-on. Certes, mais n’y aurait-il pas un télescopage avec le bicamérisme ? Si les propositions de loi d’une assemblée peuvent être réduites à néant par l’autre assemblée, alors il faut supprimer l’une des deux assemblées – personne ne souhaite –, ou admettre que les propositions de loi n’ont pas de raison d’être.

Un moyen terme consisterait peut-être, tout en reconnaissant la souveraineté de chaque assemblée, à fixer un délai - un an ou deux ans – pour que la seconde assemblée examine la proposition de loi de la première. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle la votera.

M. Jean Desessard. Très bien !

(M. Roger Romani remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 37 est-il maintenu ?

M. Christian Cointat. J’ai beaucoup d’estime pour M. Mercier – il le sait, d’ailleurs –, mais j’ai annoncé tout à l’heure la couleur, si je puis dire, et, pour une fois, je ne retirerai pas cet amendement. Ce serait d’ailleurs rendre un mauvais service au Sénat, et au Parlement, que de ne pas l’adopter.

En effet, comme l’a fort justement souligné M. Fortassin, le bicamérisme a une réalité essentielle : la coordination entre deux chambres qui forment un Parlement. À partir du moment où une autonomie prétendument totale serait donnée à chaque chambre, il y aurait non plus un Parlement mais deux chambres, et ce n’est plus du tout la même chose. (M. le rapporteur s’exclame.)

Monsieur le rapporteur, constitutionnellement, dites-vous, vous ne pouvez pas émettre un avis favorable. Mais c’est justement pour cette raison qu’il faut modifier la Constitution ! Sinon, l’article 48 de la Constitution, qui donne l’initiative de l’inscription à l’ordre du jour des textes au Parlement et au Gouvernement reste lettre morte, et ce en violation de l’esprit de la Constitution.

Il n’est absolument pas acceptable, alors que l’initiative des textes législatifs est reconnue conjointe, que les uns puissent, et les autres pas !

C’est au contraire grandir le Parlement que de donner à une proposition de loi débattue dans une assemblée la possibilité d’être au moins examinée par l’autre assemblée, même si c’est pour être repoussée.

Mes chers collègues, trouvez-vous normal de vous lier les mains une fois de plus ? On invoque les vertus de la négociation, qui permet en effet à certaines propositions de loi d’être examinées par chacune des assemblées. Mais tous les auteurs de propositions de loi ne sont pas égaux sur ce point : certains sont plus égaux que d’autres, ce qui est scandaleux et inacceptable ! (M. Jean Desessard applaudit.) Ne nous faisons pas hara-kiri ! Ayez le courage d’adopter le présent amendement, mes chers collègues, et nous verrons bien dans la navette si l’Assemblée nationale le maintient.

Nous devons faire preuve de responsabilité car, je le répète, s’il y a deux chambres, il n’y a qu’un Parlement, lequel doit pouvoir travailler dans le respect de tous les termes de la Constitution française, initiative parlementaire comprise !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont pris la parole avec une certaine solennité pour soutenir l’amendement présenté par M. Cointat.

Pour ma part, je souhaite en revenir au droit positif et vous rappeler les dispositions de l’article 48 de la Constitution.

Premièrement, chaque assemblée fixe son ordre du jour.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Deuxièmement, deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité à l’examen des textes dont le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour.

Troisièmement, l’examen des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale est, à la demande du Gouvernement, inscrit à l’ordre du jour par priorité.

Quatrièmement, une semaine de séance sur quatre est réservée, dans chaque assemblée, au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques.

Cinquièmement, un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l’initiative des groupes d’opposition ou des groupes minoritaires.

Sixièmement, enfin, une séance par semaine au moins est réservée aux questions des membres du Parlement.

Pour que l’amendement n° 37 puisse prospérer, monsieur Cointat, il faudrait indiquer clairement sur quel ordre du jour serait inscrit le texte voté par l’autre assemblée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Christian Cointat. Excellente idée, monsieur le garde des sceaux ! Proposez-le !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Cointat, il s’agit ici de la Constitution et des droits du Parlement. Vous n’indiquez pas sur quel ordre du jour seront inscrites les propositions de loi. En tout état de cause, il ne peut pas s’agir de l’ordre du jour prioritaire.

Si certains groupes sont prêts à renoncer à une partie du temps dont ils disposent, fort bien. Il leur suffit de s’entendre avec les auteurs du texte de l’autre assemblée, comme l’a rappelé M. Hyest.

M. Christian Cointat. Cela ne se fait pas !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement, de principe, n’a pas de portée opératoire. C'est pourquoi le Gouvernement, je le confirme, émet un avis défavorable, et même très défavorable !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis bien las de ces débats répétitifs !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
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Article 8

Article additionnel après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :

Après l’article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 48 de la Constitution, il est inséré un article 48-1 ainsi rédigé :

« Art. 48-1. – Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa des articles 39 et 47 et de l’article 48, tout projet de loi comportant des dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature ou des modifications apportées à ces dispositions est déposé et discuté dans les conditions prévues au présent article.

« Ce projet de loi est accompagné d’un projet de loi de finances ayant pour unique objet d’approuver les mesures précitées et d’en tirer les conséquences sur l’équilibre des finances publiques.

« Les deux projets sont déposés le même jour sur le bureau de la même assemblée. Dans chaque assemblée, le projet de loi de finances est discuté à la suite du projet de loi ordinaire adopté en première lecture, et, le cas échéant, lors des lectures suivantes. Le projet de loi ne peut être adopté définitivement qu’en cas d’adoption définitive du projet de loi de finances qui l’accompagne. En cas de rejet définitif de l’un de ces projets, l’autre est réputé caduc.

« Lorsque les projets sont déposés en première lecture au Sénat et que cette assemblée ne s’est pas prononcée dans un délai quinze jours sur le projet de loi de finances, le Gouvernement saisit l’Assemblée nationale qui doit statuer dans un délai de quarante-cinq jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45.

« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa des articles 39 et 47-1 et de l’article 48, les dispositions du présent article sont également applicables aux projets de loi comportant des dispositions relatives aux principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale ainsi que les modifications apportées à ces dispositions et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale qui les approuvent.

« Une loi organique détermine, en tant que de besoin, les dispositions du présent article. »

Cet amendement n'a plus d’objet.

Article additionnel après l'article 7
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Article 9

Article 8

À la première phrase du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « de loi-cadre d’équilibre des finances publiques, ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 67 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Ces amendements n'ont plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
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Article 9 bis (nouveau)

Article 9

L’article 61 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « organiques », sont insérés les mots : « et les lois-cadres d’équilibre des finances publiques » ;

2° (nouveau) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, avant leur promulgation, doivent être soumises au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la loi-cadre d’équilibre des finances publiques. » ;

3° (nouveau) Au début de la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, » sont supprimés ;

4° (nouveau) Au début du dernier alinéa, les mots : « Dans ces mêmes cas, » sont supprimés.

M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. À partir du moment où les lois-cadres d’équilibre des finances publiques existent, cet amendement n’a plus d’objet.

M. le président. Cet amendement n’a effectivement plus d’objet.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 72, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Nous souhaitons revenir sur une disposition lourde de conséquences adoptée par l’Assemblée nationale.

Les nouveaux alinéas de l’article 9 exigent que les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale soient soumises, dans le cadre donc d’une saisine automatique, au Conseil constitutionnel, qui se prononce sur leur conformité à la loi-cadre d’équilibre des finances publiques adoptée précédemment.

Cette disposition est inacceptable à plusieurs titres.

Tout d’abord, le principe même d’encadrer un débat budgétaire par une loi supérieure apparaît antidémocratique. C’est là une remise en cause de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, comme cela a déjà été dit.

Ensuite, une telle disposition permettra au Conseil constitutionnel, constitué en tout ou en partie par une majorité précédente, de juger du travail législatif d’une nouvelle majorité. Il s’agit là indirectement d’une remise en cause du suffrage universel.

Enfin, cet article pose une nouvelle fois la question, grave, de la légitimité du Conseil constitutionnel. Au nom de quel principe des hommes et des femmes, quelles que soient leurs compétences, désignés de manière arbitraire, peuvent-ils dicter leur loi, au propre comme au figuré, aux députés et aux sénateurs ?

Ces trois motifs, brièvement exposés, justifient pleinement à notre sens le rejet des alinéas 3 à 6 de l’article 9 du projet de loi constitutionnelle.

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Une loi organique détermine les conditions d’application du présent alinéa.

La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de préciser ce qu’il adviendra dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel censurerait une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale.

En effet, dans le contexte actuel de réduction du déficit public, une censure pourrait conduire à mettre en œuvre une politique moins vertueuse que les textes censurés si ne sont pas précisées les dispositions devant être prises en cas de censure pour non-conformité avec la loi-cadre.

En cas de censure, l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances s’applique.

Autrement dit, dans le cas des recettes, le droit en vigueur continue de s’appliquer. Concrètement, aucune des mesures d’augmentation des recettes n’entre en vigueur, ce qui est en contradiction avec l’objectif, recherché par hypothèse, de réduction du déficit public.

Dans le cas des dépenses, le Gouvernement prend des décrets ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés, c’est-à-dire qu’il applique en gros le « zéro valeur » à l’ensemble des dépenses de l’État. Cela permet, certes, de faire des économies par rapport au « zéro volume » actuellement utilisé, mais il n’est pas certain que les lois de finances appliqueront toujours cette norme. Par ailleurs, une faible inflation pourrait réduire le montant des économies correspondantes.

La censure de la loi de finances pourrait ainsi conduire à la mise en œuvre d’une politique moins vertueuse que le texte jugé non conforme à la loi-cadre. Il convient de prévenir une situation aussi paradoxale.

En outre, en cas de censure de la loi de financement de la sécurité sociale, le droit en vigueur sur les recettes et les dépenses continuera de s’appliquer. Il n’y a pas de dispositions identiques à la LOLF concernant les lois de financement de la sécurité sociale. Autrement dit, toutes les mesures d’économies sur les dépenses et les recettes seraient purement et simplement annulées !

Ainsi, si l’on ne précise pas dans la loi organique ce qui se passera en cas de non-conformité à la loi-cadre de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, les conséquences d’une non-conformité ne seront pas neutres par rapport à la stratégie de réduction du déficit public.

En fait, il suffirait qu’un gouvernement décide d’appliquer le « zéro valeur » à l’ensemble des dépenses de l’État pour qu’une censure n’ait pour lui aucune conséquence ou conduise à une moindre réduction du déficit. Une telle situation serait pour le moins paradoxale.

Par ailleurs, si un gouvernement annonçait un plan de réduction du déficit et que celui-ci était annulé par le Conseil constitutionnel, l’effet pourrait être catastrophique sur les marchés. Cette censure ne manquerait pas de susciter une hausse des taux d’intérêt, lesquels ne baisseraient pas forcément une fois les mesures prises dans de nouveaux textes.

C’est pour ces raisons, qui relèvent non pas de la seule technique constitutionnelle mais de la mécanique des lois financières, que la commission des finances vous propose de renvoyer à la loi organique le soin de préciser les conséquences d’une non-conformité à la loi-cadre des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Vous trouverez dans le rapport de la commission quelques pistes de réflexion, qui méritent évidemment d’être approfondies d’ici à la discussion de la loi organique.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. - Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le Conseil constitutionnel examine conjointement, avant le 31 décembre de l’année au cours de laquelle elles ont été adoptées, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale fixant les ressources et les charges d’un exercice. »

II. - Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° Au début de la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, » sont remplacés par les mots : « Sauf dans le cas prévu à l’alinéa précédent, » ;

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 72 et 32.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement vise à aménager les modalités de contrôle de la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale initiales à la loi-cadre.

En effet, les lois-cadres d’équilibre des finances publiques fixeront des normes d’évolution en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques.

Le contrôle systématique prévu par l’Assemblée nationale est une bonne chose, mais il se pourrait que le Conseil constitutionnel se prononce d’abord sur la loi de financement de la sécurité sociale, puis sur la loi de finances, ce qui risquerait d’aboutir à une absence d’équilibre global. Un examen simultané de ces deux lois est donc nécessaire.

Cet amendement est donc notre apport, modeste, aux mécanismes de contrôle de conformité par le Conseil constitutionnel.

Pour ce qui est de l’amendement n° 32, les explications du président Arthuis m’ont paru tellement élevées que je ne les ai pas toutes comprises ! Il faut dire que les membres de la commission des lois ont, eux, des raisonnements tellement basiques...

Pourquoi souhaitez-vous une nouvelle loi organique, monsieur le président de la commission des finances, alors qu’il existe déjà une loi organique relative aux lois de finances ?

Si une telle loi vous paraît véritablement indispensable, j’estime, pour ma part, que les textes existants – la loi organique relative aux lois de finances, les dispositions constitutionnelles – sont suffisants.

Ces éléments vous permettront, monsieur Arthuis, de modifier la loi organique afin d’éviter les horreurs que vous nous annoncez !

J’avoue cependant que je ne comprends pas comment la censure d’une loi de finances pour non-conformité pourrait être moins vertueuse que l’absence de censure. À ce compte-là, il ne faut plus rien censurer, et il faut abandonner tous les projets que vous aviez !

Sans doute faudrait-il que j’effectue un stage d’au moins dix ans au sein de la commission des finances pour comprendre vos préoccupations et entrer dans la finesse de vos raisonnements, monsieur Arthuis…

La commission des lois s’en remet, sur l’amendement n° 32, à la sagesse du Sénat.

L’amendement de M. Vera est, quant à lui, en contradiction avec le texte que nous venons de voter. Il vise à supprimer les alinéas 3 à 6 de l’article 9. Or l’ensemble du dispositif est indispensable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 72. Il s’en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 32 et 3.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Tout d’abord, je remercie M. le président de la commission des lois, par ailleurs rapporteur, d’avoir bien voulu s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 32.

Je le prie de me pardonner d’avoir été à ce point confus qu’il n’ait pas bien compris mon argumentation.

Pour faire plus simple,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Surtout pas !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. … il pourrait arriver qu’une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale contienne des dispositions qui ne permettent pas de respecter la loi-cadre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La loi sera alors censurée !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Le Conseil constitutionnel censurera ladite loi au motif qu’il y a insuffisance d’effort par rapport à la loi-cadre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Que se passera-t-il dans ce cas particulier ? On reviendra à la situation antérieure, et c’est la pire des situations. Imaginez que les marchés nous observent … S’ils constatent cette censure, ils nous sanctionneront immédiatement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si le budget n’est pas voté le 31 décembre, c’est pareil !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Je ne sais pas si j’ai été suffisamment clair, monsieur Hyest, mais c’est pour prévenir de telles occurrences que la commission des finances a jugé opportun de proposer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l’amendement n° 32.

M. Bernard Frimat. J’ai hésité en écoutant le M. Arthuis, mais le dernier point de son argumentation a emporté ma conviction : je voterai contre les amendements nos 32 et 3, et je vais expliquer pourquoi !

Les lois-cadres dont nous venons d’adopter la création autoriseront le Conseil constitutionnel à vérifier si les hypothèses macroéconomiques et la stratégie économique choisies sont bonnes. Elles le plongeront au cœur de ce qui fait la décision politique et lui permettront, le cas échéant – situation tout à fait grotesque – de censurer les lois de finances et de financement.

Les deux lois étant examinées en même temps, on risque, à la fin de l’année, de se retrouver sans loi de finances et sans loi de financement de la sécurité sociale. Quels progrès pour la clarté ! Quels progrès vis-à-vis des agences de notation ! Que diront-elles d’un pays incapable de produire une loi de finances qui ne soit pas censurée par son Conseil constitutionnel ?

Les marchés nous observent, monsieur Arthuis, et même par le trou de la serrure ! Nous leur offrons là une magnifique occasion de constater l’incurie d’un gouvernement dont ils verront qu’il n’est même pas capable d’adopter une loi de finances qui franchisse le cap de l’examen par une instance dont on ne sait plus d’ailleurs si elle est encore une cour suprême juridique ou si elle n’est pas plutôt une cour suprême économique !

C’est là une preuve supplémentaire que votre système vertueux, qui vous a réjoui et qui a donné lieu à tellement de professions de foi sur la maîtrise des dépenses publiques, est un leurre.

La réalité impose tout au contraire de mener une politique qui réponde aux objectifs de maîtrise des dépenses publiques, qui permette de moins gaspiller, de moins brader les recettes en consentant de véritables cadeaux à certains. Ce qu’il faut, c’est définir une stratégie politique. Rien de tout cela n’est inscrit dans la Constitution.

Puisque vous prévoyez que le Conseil constitutionnel doit s’en mêler – c’est votre logique –, quelle est la solution ? C’est la solution miracle : une loi organique. Or que connaissons-nous de cette loi aujourd'hui ? Rien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par définition ! Il faut tout d’abord modifier la Constitution.

M. Bernard Frimat. Quand bien même vous passeriez la barre des trois cinquièmes - mais vous n’y parviendrez pas, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous le savez tous, et certains d’entre vous s’en réjouissent d’ailleurs en secret - dans quelle situation vous serez-vous mis ?

Avec la loi organique, la majorité peut tout à fait tordre le cou à l’esprit de la révision, mais, pour notre part, nous n’y prêterons pas la main !

Nous voterons contre cet amendement et le suivant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Article 9
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Article 10

Article 9 bis (nouveau)

Après l’article 61-1 de la Constitution, il est inséré un article 61-2 ainsi rédigé :

« Art. 61-2. – Lorsqu’il est saisi d’une loi autre que celles mentionnées au vingtième alinéa de l’article 34, dans les conditions prévues à l’article 61, le Conseil constitutionnel examine la conformité à la Constitution des dispositions qui méconnaissent le domaine réservé à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale tel qu’il est défini en application des articles 34, 47 et 47-1. »

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.

M. Bernard Vera. Notre groupe votera contre l’article 9 bis. Il constitue en effet une violente mise en cause de l’initiative parlementaire. Il résulte d’un amendement gouvernemental, sous-amendé et adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Cette nouvelle disposition prévoit une saisine automatique du Conseil constitutionnel pour lui demander de vérifier que toute loi respecte le domaine réservé aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Comme à propos de l’article 9, notre opposition se fonde donc sur notre rejet d’une entrave au droit d’initiative parlementaire et sur le défaut de légitimité du Conseil constitutionnel, consolidé dans son rôle de censeur de l’action et des décisions des élus du peuple.

L’article 9 évoquait la conformité des lois budgétaires à la Constitution. Avec l’article 9 bis, toutes les lois seraient soumises à un contrôle de conformité à la loi-cadre.

Imaginons une loi-cadre courant sur cinq ans. Pendant toute cette durée, aucune décision souveraine du Parlement ne pourrait échapper à l’irrecevabilité prévue à l’article 2 bis, puis aux inconstitutionnalités prévues aux articles 9 et 9 bis.

On le voit, aux yeux de certains, tous les moyens sont bons pour imposer les choix européens décidés dans les conclaves de Bruxelles, y compris la mise sous tutelle du Parlement.

L’article 9 bis, qui renforce considérablement les prérogatives du Conseil constitutionnel, érigé en gardien de l’orthodoxie budgétaire, est dangereux pour la démocratie. Il est d’autant plus dangereux que, comme cela a déjà été dit, le Conseil constitutionnel pourrait censurer les textes votés par une majorité porteuse de nouvelles options économiques et sociales, résultant d’un choix populaire souverain.

C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre l’article 9 bis.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 10 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 33 est présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° 43 est présenté par M. Emorine, au nom de la commission de l'économie.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 4.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour une fois, je vais donner satisfaction à M. Vera, puisque je propose la suppression de cet article !

M. Bernard Vera. C’est très bien !

M. Guy Fischer. Pour une fois !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. M. Vera avait sans doute oublié de déposer un amendement en ce sens !

Cet article était cohérent avec l’article 2 bis. Puisque l’article 2 bis a été supprimé, on ne va pas laisser subsister cet article 9 bis, qui est une franche bizarrerie !

Dans cet article, en effet, on demande au Conseil constitutionnel – M. Frimat l’a démontré beaucoup mieux que je ne saurais le faire ! – de surtout bien veiller à censurer les dispositions qui ne sont pas conformes à la Constitution !... Et le tout dans un style… Un article écrit avec les pieds, si je puis me permettre !

Nous supprimons donc l’article 9 bis comme nous avons supprimé le 2 bis, cela me semble cohérent.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales, pour présenter l’amendement n° 10.

Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales. Cet article tend à insérer dans la Constitution un article 61-2 prévoyant que le Conseil constitutionnel examine la conformité à la Constitution des dispositions qui méconnaissent le domaine réservé aux lois financières.

D’une part, il est en effet paradoxal, monsieur Hyest, de demander au Conseil constitutionnel de vérifier la conformité à la Constitution de dispositions qui la méconnaissent.

D’autre part, la commission des affaires sociales étant opposée à l’introduction du monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires, elle est a fortiori opposée à la création d’une procédure de déclaration d’inconstitutionnalité des dispositions qui méconnaîtraient ce monopole.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié.

M. Bernard Frimat. Je rejoins pleinement M. Hyest sur la bizarrerie que constitue cet article !

Je signale tout de même que M. Baroin nous avait expliqué avec presque des trémolos dans la voix que cet article était le résultat d’un compromis essentiel et fondamental trouvé par l’Assemblée nationale…

Il faudra lui demander de travailler encore sur le sujet afin qu’il évite à l’avenir de nous présenter une telle lapalissade constitutionnelle !

Nous voterons donc avec grand plaisir non seulement notre amendement, mais aussi celui de M. Hyest ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 33.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Cet amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 43.

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. Cet amendement est également défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces cinq amendements identiques de suppression ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Naturellement, le Gouvernement est hostile sur le fond aux amendements de suppression, mais il conçoit qu’il est cohérent pour le Sénat, après avoir supprimé l’article 2 bis, de supprimer l’article 9 bis.

Je ne peux dès lors qu’inviter le président-rapporteur Jean-Jacques Hyest ainsi que ses collègues à avancer dès maintenant sur la voie de la recherche d’un accord avec l’Assemblée nationale !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 10, 24 rectifié, 33 et 43.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.

L'article 9 bis est donc supprimé.

Article 9 bis (nouveau)
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Article 11

Article 10

À la fin de la deuxième phrase de l’article 70 de la Constitution, les mots : « loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles » sont remplacés par les mots : « loi-cadre d’équilibre ».

M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par Mme Bricq, MM. Daudigny, Frimat, Collombat, Yung, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 10
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Article 12

Article 11

L’article 72-2 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, à la fin de la première phrase, les mots : « toutes natures » sont remplacés par les mots : « toute nature » et, au début de la seconde phrase, les mots : « La loi » sont remplacés par les mots : « La loi de finances » ;

2° À la fin de la seconde phrase du quatrième alinéa, les mots : « la loi » sont remplacés par les mots : « la loi de finances ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 26 rectifié est présenté par Mme Bricq, MM. Frimat, Collombat, Yung, Marc, Frécon, Daudigny, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 50 rectifié est présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Vendasi et Mézard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour défendre l’amendement n° 26 rectifié.

Mme Nicole Bricq. Cet article étend le principe du monopole des lois de finances aux impositions locales et aux transferts de ressources compensant les transferts de compétences aux collectivités territoriales. Il est donc important !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On a supprimé le monopole !

Mme Nicole Bricq. Il s’oppose donc au dépôt d’une proposition de loi relative aux collectivités locales ou à la décentralisation. C’est donc une restriction de l’initiative parlementaire.

On retrouve, au sein de cet article, l’idée qui sous-tend tout ce projet de loi constitutionnelle : l’irresponsabilité des parlementaires.

Tout à l’heure, chers collègues de la majorité, je vous ai entendus, les uns et les autres, vous élever contre le monopole. Celui-ci s’imposera aux textes concernant les collectivités locales, et notamment tous ceux qui ont trait à la décentralisation.

Je ne comprendrais pas que vous ne souteniez pas cet amendement, si j’en juge aux diatribes dans lesquelles vous vous êtes lancés en début d’après-midi. Cela a même occupé le Sénat pendant près de deux heures !

J’en appelle à votre responsabilité et à votre solidarité pour défendre avec nous les collectivités territoriales et la décentralisation, à laquelle vous êtes attachés.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l'amendement n° 50 rectifié.

M. François Fortassin. Je ne reprendrai pas les arguments excellemment développés par Mme Bricq.

Je voudrais simplement ajouter que cette restriction de l’initiative parlementaire accrédite l’idée que les parlementaires seraient irresponsables en matière de dépenses publiques. Ce reproche est inacceptable, notamment à l’égard du Sénat.

De plus, je croyais que, quelles que soient nos sensibilités, nous étions tous fortement attachés à la décentralisation et en particulier à la liberté des collectivités locales.

En réalité, il n’en est rien ! Cet article n’a en effet d’autre vocation que de corseter davantage le Parlement en réduisant ses marges de manœuvre de façon à faire régner sur les finances locales une politique de contrainte et d’austérité, au mépris des collectivités territoriales, qui sont administrées de façon – il faut bien le dire – assez cohérente et même plutôt bonne.

En effet, si l’État a une dette que je qualifierais d’abyssale – mais tout le monde s’accorde à le reconnaître –, les collectivités territoriales, très globalement, ne sont pas endettées.

Ainsi, vouloir brider leur liberté est, à mon sens, totalement inacceptable.

Nous vous demandons donc d’adopter notre amendement de suppression de l’article 11.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques de suppression ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces amendements auraient dû tomber puisque le monopole a été supprimé !

Ils seront néanmoins satisfaits par l’amendement n° 5 de la commission des lois tendant à supprimer par coordination le monopole de la loi de finances pour la fiscalité locale.

Mme Nicole Bricq. Vous ne l’avez pas supprimé !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On ne se comprendra donc jamais, madame Bricq !

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements, par conséquence ! (Sourires.)

M. Bernard Frimat. Par inconséquence !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 rectifié et 50 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 5 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 11 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 44 est présenté par M. Emorine, au nom de la commission de l'économie.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

À la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, les mots : « toutes natures » sont remplacés par les mots : « toute nature ».

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 5.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la suppression du monopole fiscal des lois financières à l’article 1er. Il n’y a pas lieu de maintenir ce monopole pour la fiscalité locale.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales, pour défendre l’amendement n° 11.

Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis, pour défendre l’amendement n° 44.

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. L’amendement est également défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :

« Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales, toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi permettant leur compensation ou leur financement.

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 73.

M. Guy Fischer. Cet amendement pourrait paraître hors sujet. Néanmoins, nous entendons par ce moyen réformer les conditions de compensation par l’État aux départements en matière sociale.

Depuis les lois de décentralisation du 2 mars 1982 et du 13 août 2004, la solidarité collective repose, dans une large mesure, sur les collectivités territoriales et en particulier sur les départements. Vous l’aurez compris, nous sommes mécontents du désengagement progressif de l’État.

Or les règles de compensations sont très différentes selon qu’il s’agisse d’un transfert de compétences, d’un élargissement des compétences déjà dédiées aux départements ou d’une création de compétences. Il n’en demeure pas moins que, dans tous les cas, ce sont bien les départements qui financent partiellement ou totalement des allocations nécessaires à nos concitoyens mais relevant d’une logique de solidarité nationale, comme l’atteste le fait que c’est encore à l’État que revient la charge de définir les normes. Et c’est tant mieux !

Ainsi, pour justifier son rejet de la proposition de loi tendant à la compensation des allocations individuelles que nous avions déposée, le rapporteur comme le Gouvernement ont fait savoir que le transfert du RMI aux départements en 2004 a bien été qualifié, au regard de l’article 72-2 de la Constitution, de « transfert de compétences ».

Il en résulte que l’État a eu l’obligation de transférer aux départements des ressources équivalant à celles qu’il consacrait à cette compétence avant son transfert. Ce principe, bien que posé, n’a malheureusement pas été respecté. D’où mon coup de gueule, chers collègues !

De son côté, la généralisation du RSA a été qualifiée, en 2009, de simple « extension de compétences » des départements et non de « transfert ». L’État n’a donc pour obligation constitutionnelle que de transférer des ressources permettant de préserver le principe de libre administration des collectivités territoriales. Autant dire que la compensation n’a été que très partielle !

Les financements de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, obéissent à une troisième logique, différente.

Pas plus que la généralisation du RSA, les créations de l’APA en 2002 et de la PCH en 2006 n’ont constitué des transferts de compétences. Par conséquent, seul l’objectif constitutionnel de préservation du principe de libre administration s’applique. Aucun dispositif de compensation des charges par transfert de fiscalité n’a été mis en place. C’est la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, qui participe au financement de ces dispositifs à la charge des départements.

Tout cela conduit à une asphyxie financière des départements. Pour éviter de s’endetter, ceux-ci n’ont d’autres choix que d’augmenter leur financement par l’impôt. De son côté, le Gouvernement poursuit le désengagement qu’il a entrepris depuis des années, tout en imposant des règles financières insupportables pour les départements et en tentant de circonscrire leurs actions à des compétences très limitées.

De gauche comme de droite, les présidents de conseil général, et ils sont nombreux dans cette assemblée, soulignent que la situation n’est pas tenable à long terme. D’aucuns, à commencer par le président du Sénat, emploient l’expression – abusive – de « dépôt de bilan » de certains départements.

Afin de remédier à une telle situation et de garantir l’égalité de traitement entre nos concitoyens, nous proposons par cet amendement de prévoir une compensation intégrale pour les transferts, les extensions ou les créations de compétences qui doivent logiquement relever de la solidarité nationale.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur le président, je sollicite une courte suspension de séance.

M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 73 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Avis défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements en discussion commune ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Par cohérence, le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements identiques nos 5, 11 et 44, même s’il comprend la position du Sénat, qui est dans sa logique.

L’amendement n° 73 est extrêmement intéressant, mais il est complètement hors sujet !

M. Guy Fischer. Je l’avais précisé par avance !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 11 et 44.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 11 est ainsi rédigé et l'amendement n° 73 n'a plus d'objet.

Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à cette heure, nous avons le choix : interrompre maintenant nos travaux pour les reprendre à vingt et une heures trente ou les poursuivre jusqu’à la fin de l’examen du projet de loi constitutionnelle.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est à la disposition du Sénat.

M. le président. Dans ces conditions, je vous propose de continuer nos travaux et d’achever l’examen du projet de loi constitutionnelle.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Article 11
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Article 13

Article 12

Le titre XV de la Constitution est complété par un article 88-8 ainsi rédigé :

« Art. 88-8. – Le Gouvernement transmet chaque année à l’Assemblée nationale et au Sénat, au moins deux semaines avant sa transmission aux institutions de l’Union européenne, le projet de programme de stabilité établi au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l’Union européenne.

« Ce projet est soumis pour avis à l’une des commissions permanentes.

« À la demande du Gouvernement ou d’un groupe parlementaire au sens de l’article 51-1, ce projet donne lieu à un débat en séance, puis fait l’objet d’un vote sans engager la responsabilité du Gouvernement. »

M. le président. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Au début de cet article

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Au premier alinéa de l’article 88-4 de la Constitution, après les mots : « les projets d’actes législatifs européens », sont insérés les mots : «, les projets de programme de stabilité chaque année au titre de la coordination économique des États membres de l’Union européenne ».

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement vise non pas à substituer une autre rédaction à celle de l’article 12 qu’a adoptée l’Assemblée nationale, mais à la compléter.

En effet, notre proposition vise à bien préciser que les projets de programme de stabilité peuvent faire l’objet, dans le cadre de leur élaboration par les instances européennes, de résolutions parlementaires.

Le vote prévu à l’article 12 recueille notre approbation, mais nous estimons que l’importance du pacte de stabilité exige une intervention du Parlement beaucoup plus en amont. Nous regrettons toujours que les résolutions de l’article 88-4 n’aient pas une valeur contraignante.

C’est pour renforcer le rôle du Parlement dans la construction européenne que nous vous proposons d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La procédure de l’article 88-4 porte sur des documents communautaires transmis aux assemblées, et n’obéit pas à la même logique qu’une procédure relative à un document national élaboré par le Gouvernement et transmis aux institutions communautaires.

Ainsi, il convient de respecter les prérogatives du Gouvernement dans la négociation avec les institutions communautaires.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 56, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. 88-8. - Le Gouvernement soumet chaque année au vote de l’Assemblée nationale et du Sénat, (le reste sans changement) »

II. – Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement vise à clarifier le projet de loi constitutionnelle s’agissant de la question de la consultation du Parlement sur les projets de programme de stabilité.

D’un point de vue démocratique, il est indispensable que notre peuple et ses représentants puissent refuser un tel projet.

C’est d’autant plus nécessaire que ce programme de stabilité intervient dans le cadre du « pacte pour l’euro plus » signé par les États membres de la zone euro et par six autres États membres de l’Union.

Ce pacte prévoit ceci : « Les États membres de la zone euro s’engagent à traduire dans leur législation nationale les règles budgétaires de l’Union européenne figurant dans le pacte de stabilité et de croissance. Les États membres conserveront le choix de l’instrument juridique à utiliser au niveau national mais veilleront à ce qu’il soit par nature suffisamment contraignant et durable. »

Dans ce contexte d’autoritarisme et de grande contrainte, l’Assemblée nationale et le Sénat devraient donc pouvoir non seulement émettre un avis, mais accepter ou refuser le projet de programme de stabilité.

L’article 12 prévoit, dans son dernier alinéa, de soumettre au vote le projet de pacte. Mais, suite au débat intervenu à l’Assemblée nationale sur l’utilisation des articles 34-1 ou 50-1 de la Constitution, il me semble préférable de préciser sans aucune ambiguïté que le projet de programme de stabilité est soumis au vote des assemblées et que celles-ci peuvent l’accepter ou le refuser.

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Collombat, Frimat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer le mot :

transmet

par le mot :

soumet

II. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

l'une des commissions permanentes

par les mots :

une ou plusieurs des commissions compétentes

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement est très proche de l’amendement n° 6, qui va être présenté par M. le rapporteur.

D’abord, nous souhaitons que le projet de programme de stabilité soit soumis, et non transmis, au Parlement. Il faut préciser clairement qu’il y aura un vote.

Ensuite, nous proposons que le projet soit soumis non pas à une, mais à plusieurs commissions.

Enfin, nous proposons que soient saisies les commissions « compétentes », et non les commissions « permanentes ». En effet, il ne nous paraît pas choquant que la commission des affaires européennes puisse éventuellement se prononcer sur le pacte de stabilité européen… Or la référence aux commissions « permanentes » lui ferme cette possibilité. Mais je me garderai bien à cet instant de faire tout commentaire supplémentaire sur la commission des affaires européennes.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer le mot :

transmet

par le mot :

soumet

II. - Alinéa 3

Remplacer les mots :

l'une des

par les mots :

une ou plusieurs

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour ma part, outre une amélioration rédactionnelle, je me contente de remplacer les mots : « l’une des » commissions par l’expression : « une ou plusieurs ».

Je ne souhaite pas ouvrir ici le débat sur le rôle de la commission des affaires européennes, mais je pense que nous devons respecter l’architecture actuelle, avec les commissions permanentes, d’un côté, et la commission des affaires européennes, de l’autre.

Certes, chacun peut donner son avis, y compris la commission des affaires européennes, mais il me semble nettement préférable d’adopter la rédaction que je propose.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

l’une des

par les mots :

une ou plusieurs

La parole est à Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales.

Mme Anne-Marie Payet, au nom de la commission des affaires sociales. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 56, 27 rectifié et 12 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 56, dont l’adoption irait à l’encontre des prérogatives du Gouvernement dans la conduite des relations internationales.

Comme je l’ai expliqué, je préfère la rédaction de l’amendement n° 6 à celle de l’amendement n° 27 rectifié.

M. Bernard Frimat. C’est votre droit !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne veux pas ouvrir un débat sur les rôles respectifs de la commission des affaires européennes et des commissions permanentes. Par ailleurs, je suis évidemment favorable au fait de remplacer « transmet » par « soumet ».

Enfin, l’amendement n° 12 serait satisfait par l’adoption de mon amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements en discussion commune ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 56.

J’ai bien compris qu’il y avait un accord non encore tout à fait abouti entre M. Frimat et M. le rapporteur sur l’amendement n° 27 rectifié…

M. Bernard Frimat. Cela s’appelle un désaccord !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet donc un avis de sagesse sur l’amendement n° 6.

Quant à l’amendement n° 12, il serait satisfait par l’adoption de l’amendement n° 6.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 12 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 34, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, qui peuvent proposer l’adoption d’une résolution sur le programme de stabilité mentionné à l’alinéa précédent, selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée

La parole est à M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis.

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Cet amendement concerne le projet de programme de stabilité, qui est transmis à l’une des commissions.

L’article 12 prévoit que les commissions peuvent exprimer un avis. Nous souhaitons qu’il puisse y avoir une appréciation plus nuancée qu’un simple avis et que la commission ait la possibilité de proposer l’adoption d’une résolution sur le programme de stabilité.

Par cet amendement, nous suggérons donc que l’avis puisse déboucher sur une proposition de résolution.

À l’instar des résolutions européennes mentionnées à l’article 88-4 de la Constitution, desquelles elles se rapprochent par leur objet et pourront s’inspirer sur le plan de la procédure, ces résolutions d’un type nouveau seraient élaborées dans des conditions prévues par le règlement de chaque assemblée, qui serait libre de s’organiser selon ses souhaits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les résolutions européennes n’ont rien à voir avec ce que vous proposez, monsieur Arthuis !

Je ferai le même commentaire que sur l’amendement de M. Fischer : par une résolution européenne, nous donnons notre avis sur des projets d’actes européens, directives ou règlements etc. Ici, il s’agit de donner notre avis sur un document que le gouvernement français transmettra aux institutions de l’Union européenne.

Monsieur Arthuis, l’avis prévu à l’article 12 peut être tout à fait explicite et contenir tout ce que vous voudrez qu’il contienne. Il s’agit, d’ailleurs, d’un apport de l’Assemblée nationale. Mais prévoir que cet avis débouche sur une résolution au sens de l’article 34-1 de la Constitution risque de handicaper le Gouvernement dans les éventuelles négociations qu’il aura à conduire à l’échelon européen.

Je dois avouer que j’avais pensé à une disposition similaire, mais je pense que votre amendement met à mal l’équilibre, auquel nous avons eu déjà bien du mal à parvenir, entre les résolutions de l’article 34-1 et les résolutions européennes de l’article 88-4. Je souhaiterais que vous le retiriez. À défaut, j’émettrai un avis très défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je comprends tout à fait le souhait de M. Arthuis, mais le terme de « résolution » est déjà utilisé dans un sens bien précis à l’article 34-1 de la Constitution.

Vous voulez donner une forme plus solennelle à l’avis prévu à l’article 12 et faire jouer un rôle aux commissions permanentes, si j’ai bien compris votre intention. Or les résolutions prévues à l’article 34-1 de la Constitution donnent plutôt la part belle aux groupes politiques.

Il est donc préférable de ne pas utiliser le même terme pour faire référence à deux procédures différentes. Dans la mesure où les deux assemblées mettront un peu de temps avant de s’accorder sur une rédaction commune, je vous propose, monsieur Arthuis, à ce stade du débat, de retirer votre amendement, qui n’est visiblement pas en l’état prêt à être adopté. Nous pourrions alors travailler à une solution susceptible de vous donner satisfaction d’ici à la deuxième lecture. Le Gouvernement s’y engage.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 34 est-il maintenu ?

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, de la proposition que vous venez de formuler.

Peut-être serait-il convenable, néanmoins, de voter cette disposition pour que la navette nous offre l’occasion de rechercher une rédaction plus satisfaisante ?

Si je retire maintenant cet amendement, ce que je propose disparaît purement et simplement.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’ai pris un engagement devant vous, monsieur Arthuis !

M. Jean Arthuis, rapporteur pour avis. Dans ce cas, je retire cet amendement et je prends date pour la deuxième lecture, en vous faisant une confiance totale, monsieur le garde des sceaux.

M. le président. L'amendement n° 34 est retiré.

Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Article 12
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Intitulé du projet de loi constitutionnelle

Article 13

Le vingt et unième alinéa de l’article 34, les articles 39 et 42, les premier, troisième et cinquième alinéas de l’article 47, les premier et troisième alinéas de l’article 47-1 et les articles 48, 49, 61 et 70 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, et l’article 46-1 de la Constitution entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois organiques nécessaires à leur application.

Le 4° de l’article 1er de la présente loi constitutionnelle entre en vigueur dans les mêmes conditions. – (Adopté.)

Article 13
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé du projet de loi constitutionnelle

M. le président. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Marc, Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Frécon, Daudigny, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l’intitulé de ce projet de loi :

Projet de loi constitutionnelle relatif à la communication gouvernementale sur l’équilibre des finances publiques

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement est une sorte d’anticipation sur les explications de vote, puisqu’il a vocation à substituer à l’intitulé actuel : « Projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques », un nouvel intitulé : qui se lit ainsi : « Projet de loi constitutionnelle relatif à la communication gouvernementale sur l’équilibre des finances publiques. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

En effet, nous avons entendu depuis quelques heures des déclamations particulièrement probantes sur la nécessité qu’il y avait à faire preuve d’une grande vertu budgétaire. Si, comme Diderot, on peut penser que l’habitude de la sagesse dispense presque toujours de la vertu, voit-on pour autant que le Gouvernement nous a habitués à faire preuve de sagesse budgétaire ces dernières années ? Incontestablement, non !

Toutes les niches fiscales et tous les cadeaux accordés aux uns et aux autres font qu’aujourd'hui la France souffre d’une perte de substance de la ressource fiscale.

Peut-on aujourd'hui parler d’un virage,…

M. Bernard Frimat. D’une impasse !

M. François Marc. … d’un changement d’attitude, d’une conversion du Gouvernement à la vertu ?

M. François Marc. La réponse, très clairement, mes chers collègues, est négative !

La commission des finances n’a-t-elle pas examiné ce matin un texte dont nous débattrons prochainement dans lequel le Gouvernement prévoit de continuer à amenuiser les recettes de la fiscalité en France, puisque l’impôt sur la fortune va être délesté annuellement de 2 milliards d’euros de recettes ?

M. Guy Fischer. Dès la semaine prochaine !

M. François Marc. Incontestablement, monsieur le garde des sceaux, nous avons le sentiment que le présent projet de loi constitutionnelle n’est que l’habillage d’une opération de communication gouvernementale.

Vos ambitions affichées et vos propositions ne sont pas crédibles. Indéniablement, le vice est toujours présent puisque, dès la semaine prochaine, il nous sera proposé de réduire encore les recettes et de déséquilibrer le budget de l’État.

Cet amendement tend à apporter un éclairage pertinent sur le sens du projet de loi constitutionnelle qui nous est présenté. C'est la raison pour laquelle il paraît opportun de l’adopter.

M. Bernard Frimat. Imparable !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous remercions M. Marc de sa participation à ce débat et de son humour, il est vrai un peu particulier.

M. Jean-Claude Frécon. Il n’est pourtant pas de Corrèze ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il peut y avoir de l’humour ailleurs qu’en Corrèze !

Mme Nicole Bricq. En Seine-et-Marne, par exemple ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je l’espère, bien que certains en soient moins convaincus ! (Nouveaux sourires.)

En tout état de cause, je ne peux approuver cet amendement, car l’équilibre des finances publiques est une référence indispensable dans cette révision constitutionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Intitulé du projet de loi constitutionnelle
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les débats sur le projet de loi constitutionnelle au sein de la Haute Assemblée l’ont clairement mis en lumière : le groupe socialiste, que j’ai l’honneur de présider, juge sévèrement cette initiative et ne s’y associe aucunement.

M. Jean-Pierre Bel. Mes collègues ont explicitement exprimé nos réserves de fond au cours de la discussion générale. Vous me permettrez, à présent, au nom de notre groupe, de procéder à l’explication de vote.

Avec ce texte, la Constitution, norme suprême de notre édifice juridique, est utilisée comme support à une opération aux préoccupations partisanes. C’est là une conception de l’action réformatrice – en l’occurrence, de l’agitation réformatrice - que nous ne partageons pas et qui nous paraît tout à fait préjudiciable.

La vraie question, la seule question qui compte, est celle de la situation de nos finances publiques. C’est à celle-là qu’il nous faut répondre ; c’est contre la constante dégradation des comptes de l’État depuis maintenant bientôt dix années que nous devons agir. Or le projet de loi constitutionnelle ne réglera aucune des graves difficultés que connaît notre pays.

En effet, sur le fond, le texte qui nous est proposé n’apportera aucune amélioration concrète. Surtout, il ne pourra pas suppléer ce qui restera toujours indispensable : je veux parler de la volonté politique. Et ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes qui le dénonce, dans son dernier rapport public : « L’existence de nombreuses règles n’a pas empêché la dégradation structurelle des finances publiques françaises au cours des dernières années. À l’inverse, les pays qui ont le mieux traversé la crise ou qui ont engagé les actions les plus vigoureuses pour redresser leurs comptes publics n’ont pas tous eu besoin d’en afficher. »

Même en Allemagne, que vous aimez citer en exemple, la règle introduite dans la loi fondamentale ne s’appliquera qu’à compter de 2016, alors même que la situation financière de ce pays s’est déjà améliorée.

Nous l’avons dit tout au long de cette discussion, que n’avez-vous respecté les règles vertueuses que vous voulez édicter aujourd’hui !

Des finances publiques saines reposent sur des choix politiques adaptés, non sur l’adoption incessante de règles nouvelles. En jouant ainsi au pompier pyromane, vous ne parvenez pas à masquer l’échec de vos politiques et vous ne réussissez pas plus à camoufler les conséquences financières des cadeaux fiscaux que vous avez octroyés tout au long du dernier quinquennat.

Je ne doute pas personnellement de la sincère volonté du président de la commission des finances de mettre fin aux déficits publics ni même de celle de certains collègues de la majorité qui constatent bien que l’on ne peut continuer ainsi. Cependant, nos débats ne sont tout de même pas une histoire des institutions et des mécanismes financiers racontée aux enfants !

La victime collatérale de votre projet de loi constitutionnelle, monsieur le garde des sceaux, est une nouvelle fois le Parlement, et singulièrement le Sénat, comme mes collègues l’ont souligné dans leurs interventions.

L’essence même de la démocratie réside dans le fait que le Parlement a pour principale prérogative de voter la loi, de consentir l’impôt et d’adopter le budget. Avec le texte qui nous est présenté, le droit d’initiative est encadré au point de s’en trouver bridé. Je note, au passage, que c’est la prétendue volonté de renforcer le Parlement qui avait guidé la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008…

Je souligne également qu’il nous est proposé de supprimer les lois de programmation des finances publiques introduites par la même révision constitutionnelle il y a moins de trois ans. Il est vrai qu’il n’en a pas été fait grand usage !

Mes chers collègues, je suis au regret de devoir affirmer avec force que ce projet de loi constitutionnelle est rempli d’arrière-pensées. En réalité, il constitue une tentative de diversion…

M. Jean-Pierre Bel. … pour détourner l’attention de vos échecs successifs et incriminer un prétendu laxisme de la gauche, de cette même gauche qui a géré avec rigueur les comptes de la nation, notamment entre 1997 et 2002,…

M. Didier Guillaume. Et c’était autre chose !

M. Jean-Pierre Bel. … et qui gère les finances locales avec le souci constant que chaque euro dépensé soit un euro utile !

Monsieur le garde dans sceaux, le Gouvernement, depuis quelques semaines, est dans la repentance mal assumée. Il en a été ainsi encore la semaine dernière, à l’Assemblée nationale, lorsque vous avez décidé, enfin, de renoncer au bouclier fiscal, mesure pourtant emblématique du mandat de Nicolas Sarkozy. Aujourd'hui, ici, au Sénat, vous voulez effacer d’un coup de baguette magique la mauvaise image que vous avez donnée en accumulant les déficits publics depuis plus de neuf ans.

Nous n’avons donc pas de leçon à recevoir en matière de finances publiques. En revanche, nous ne nous prêterons pas au jeu de dupes qui nous est proposé. C’est pourquoi je vous confirme solennellement que notre groupe s’opposera à ce projet de loi constitutionnelle. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre ce projet de loi constitutionnelle instaurant une loi-cadre d’équilibre des finances publiques.

Nous avons expliqué tout au long de cette discussion les raisons de notre opposition. Nous refusons l’intégration dans notre Constitution des règles d’orthodoxie budgétaire, si chère à la Commission européenne. En fait, nous refusons la camisole financière européenne, véritable camisole budgétaire constitutionnalisée par ce texte.

Nous refusons cette prétendue « règle d’or » qui vise à inscrire dans le marbre l’hyper-austérité pour l’immense majorité de notre peuple et le maintien des privilèges pour quelques-uns.

Quel symbole ! Une semaine après l’adoption de cette « règle d’or », nous examinerons l’allégement considérable de l’ISF pour deux milliards d’euros financés par la collectivité et, bien entendu, inscrits en déficit.

Les cadeaux aux plus riches, les exonérations fiscales et sociales massives, les niches fiscales ne sont pas remises en cause par le Gouvernement, elles sont mêmes encouragées depuis 2002 et leur création est accélérée par Nicolas Sarkozy depuis quatre ans.

Vous nous parlez de « règle d’or », alors que le premier geste du nouveau chef de l’État en juillet 2007 a été d’accorder 10 milliards d’euros aux plus favorisés, notamment au travers du fameux bouclier fiscal.

Et M. Sarkozy finit son septennat comme il l’a commencé, en accordant un nouveau cadeau aux grandes fortunes, trois fois plus important que le bouclier fiscal, dont l’abrogation ne dupe personne.

Aujourd’hui, ce sont 100 milliards d’euros de recettes fiscales qui manquent à l’appel et, plutôt que de les réclamer à ceux qui peuvent les payer, vous réduisez massivement la dépense publique en cassant le service public, en démantelant les trois fonctions publiques, en supprimant des dizaines de milliers de postes de fonctionnaire.

Nous refusons donc l’inscription de l’austérité comme valeur constitutionnelle.

Nous voterons contre ce projet de loi constitutionnelle, car le principe même de la loi-cadre porte atteinte aux droits du Parlement. Comment accepter qu’un vote engage le Parlement pour trois, quatre, cinq ou dix ans?

C’est inacceptable sur le plan du droit de chaque parlementaire à amender, à proposer, droit constitutionnel par excellence.

C’est inacceptable sur le plan de la démocratie, puisqu’une majorité pourra influencer, encadrer, corseter, les choix d’une nouvelle majorité qui tiendrait pourtant sa légitimité du suffrage universel. Le suffrage universel ne doit-il pas rester la valeur cardinale de la République ?

Enfin, nous contestons la confirmation du Conseil constitutionnel comme gardien de l’orthodoxie budgétaire libérale, puisqu’il examinera la conformité de toute loi à ces lois-cadres d’austérité.

La mise sous tutelle du Parlement prend vraiment de multiples formes qui sont autant de raisons pour nous de voter contre ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet mériterait un long développement, mais je vais très volontairement abréger mon intervention, puisque mes collègues se sont déjà exprimés dans le même sens. La majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen et la totalité des radicaux de gauche en son sein s’opposeront à ce projet de loi constitutionnelle.

Les raisons sont multiples, mais celle qui, au premier chef, justifie notre opposition, c’est le numéro d’illusionniste auquel le Gouvernement se livre ici. Il est tout de même assez cocasse que, dans un projet de loi sur les finances, il ne soit jamais question de recettes ni de dépenses. Pourtant, on le sait très bien, pour parvenir à l’équilibre financier, il faut prendre en considération les dépenses incompressibles et celles sur lesquelles des économies sont possibles. Or il n’y a aucune ligne directrice en ce sens dans le présent texte.

Par ailleurs, il a été fait grand usage d’un mot que l’on a semble-t-il redécouvert pour l’occasion, celui de « vertu ». Qu’à cela ne tienne : que des couventines viennent donc vertueusement siéger à notre place - si nous en cherchons, nous en trouverons dans le pays -, et alors la vertu sera la règle dans cette maison ! (Sourires.)

On a aussi inventé des expressions, comme le « rabot fiscal », qui est d’ailleurs devenu une lime à ongles au fil des semaines et des mois. (Nouveaux sourires.)

Monsieur le garde des sceaux, être souriant comme vous l’êtes ne vous empêche pas selon moi d’être autiste. Il est en effet très difficile de vous faire vous écarter de votre ligne directrice – on a d’ailleurs du mal à la saisir – et vous préférez camper sur des positions idéologiques sans jamais écouter les propositions de l’opposition. C’est là une attitude qui me paraît anormale.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’en parlerai au préfet… (Sourires.)

M. François Fortassin. Vous pourrez en parler à M. le préfet. Faites votre travail pour que vos amis soient élus, mais, soyez sans crainte, nous essaierons de les contrecarrer localement ! (Nouveaux sourires.)

Enfin, je vois dans ce texte une volonté de corseter le Parlement,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !

M. François Fortassin. … qui n’est pas acceptable. C’est également un coin enfoncé dans l’idée forte, que nous devons tous partager, de décentralisation. On a le sentiment que l’État veut tout régenter, sentiment que l’on a connu dans d’autres temps, mais on croyait cette ère révolue. En tout cas, comptez sur nous pour ne pas vous laisser faire ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission des lois, grâce à l’impulsion et aux propositions de son président-rapporteur, a considérablement amélioré un texte qui était totalement inacceptable à mes yeux quand il a été transmis au Sénat.

J’ai voté tous les articles, mais je l’ai fait plus par solidarité que par conviction. Je vais même dire toute la vérité : je ne l’ai fait que par solidarité et non par conviction. (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

En effet, par nature, je suis très méfiant envers ceux qui veulent nous emmener à marches forcées vers la vertu, surtout si, à l’arrivée, ce sont des menottes qui nous attendent. À trop vouloir imposer la vertu, on ne fait que prouver qu’elle n’est pas naturelle.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Christian Cointat. Je préfère le courage et la responsabilité à l’obligation et à la contrainte…

M. Didier Guillaume. Il a raison !

M. Christian Cointat. … et, surtout, à la magie des mots en politique. Car, comme le disait Rivarol, « tout doit être à proportion, y compris la vertu ».

Alors, je resterai solidaire, donc je ne voterai pas contre ce texte, mais, comme je ne suis pas convaincu, je m’abstiendrai.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Lors de la discussion générale, j’ai expliqué pourquoi nous considérions que ce texte était une mauvaise réponse à la très bonne question que pose la dette. Nous sommes particulièrement alarmés de voir que, s’estimant lui-même incapable de résister aux clientélismes fiscaux, le Gouvernement préfère abandonner ses responsabilités et s’en remettre entièrement à l’illusoire protection de la Constitution.

Au-delà de ce dramatique affaiblissement du politique, il est frappant de constater dans ce projet de loi constitutionnelle que vous avez choisi les seules finances comme pivot de votre projet politique, monsieur le garde des sceaux. Équilibrer les finances publiques est une nécessité, je l’ai clairement exposé en discussion générale. Mais cela n’est pas la seule nécessité ! Il y a urgence environnementale et urgence sociale.

Permettez-moi de prendre un exemple.

Il n’est désormais plus raisonnablement contesté que, s’il n’est pas brutalement endigué, le dérèglement climatique aura des conséquences terribles. Pour ne prendre que le seul angle comptable, je souligne que le rapport Stern chiffrait le coût de l’inaction climatique à 5 500 milliards d’euros à l’échelle de la planète, soit, à proportion du PIB, 231 milliards d’euros pour la France. Pour l’instant... Car chaque retard pris aujourd’hui dans la réduction des émissions de CO2 alourdit la facture de demain. Le temps joue contre nous. Il est donc crucial non seulement d’agir, mais d’agir dès maintenant !

Dès lors, si l’on veut inscrire tous les risques dans la Constitution, ne faudrait-il pas plutôt inscrire la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Ne faudrait-il pas plutôt créer des lois-cadres de réduction des émissions publiques, soumettre tout projet ou toute proposition de loi à leur monopole et saisir systématiquement au fond la commission de l’économie ?

Ni l’imminence du danger ni ses conséquences ne rendent cette proposition moins logique que la vôtre aujourd'hui. Pourtant, les deux propositions sont incompatibles...

Que faut-il en conclure ? Tout simplement que le modèle à l’aide duquel vous appréhendez le monde d’aujourd’hui est étriqué, dépassé, archaïque. Il vous empêche de saisir le monde dans sa complexité, dans son interdépendance. Il vous empêche de comprendre que nous ne sortirons de cette crise systémique qu’avec un projet de société global et non simplement financier.

Il vous empêche de comprendre que réduire la dette en accroissant les inégalités et en détruisant les solidarités crée une société de tensions, et que ces tensions finiront toujours par se retourner, pacifiquement ou violemment, dans dix ans ou dans vingt ans, contre l’oligarchie qui les a engendrées – les révolutions arabes en témoignent aujourd’hui.

Il vous empêche enfin de comprendre qu’une société, même paisible et solidaire, ne peut survivre dans un environnement par trop dégradé et que toutes ces dimensions de la politique sont indissociables.

Alors non, monsieur le garde des sceaux, la finance n’est pas l’économie et l’économie n’est pas la politique ! La politique, c’est la complexité, et c’est la responsabilité, celle qui vous a précisément fait défaut ces quatre dernières années, quand la dette a dramatiquement augmenté de 40 % !

Les sénatrices et sénateurs écologistes voteront contre ce texte, virtuel quant à son efficacité mais bien réel quant à l’atteinte aux pouvoirs du Parlement qu’il consacre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 245 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 331
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 180
Contre 151

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce long débat, je voudrais remercier la présidence du Sénat, l’ensemble des participants, notamment le rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest, et les rapporteurs pour avis, ainsi que les fonctionnaires de la Haute Assemblée.

Un grand pas a été franchi ce soir puisque, sur les trois points majeurs du texte, deux ont été acceptés dans des termes proches de ceux de l'Assemblée nationale. Reste un point sur lequel, comme nous nous en doutions, il faudra trouver un accord : c’est celui du « monopole fiscal », une expression qui ne me plaît guère. Il s’agit simplement de rappeler que les lois fiscales, qui sont des lois formelles et non matérielles, ne peuvent être confondues avec les autres lois en ce qu’elles ont un caractère particulier : ce sont elles qui permettent de frapper une matière imposable, de déterminer l’impôt et de fixer l’équilibre entre les recettes et les dépenses de l’État.

Nous avons donc encore beaucoup de travail à faire pour trouver la voie d’un accord entre les deux chambres sur ce point. Mais je suis certain que nous y parviendrons, car l'Assemblée nationale et le Sénat ont le même but. Et le Gouvernement ne manque pas de volonté pour les aider à parvenir à un texte identique ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de l’UMP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques
 

4

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet du scrutin public n° 245.

Je tiens à préciser que M. Pierre Jarlier et Mme Nathalie Goulet n’ont pas pris part au vote.

Je vous remercie donc par avance de bien vouloir prendre en compte cette rectification, monsieur le président.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

5

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de Mme Monique Papon.)

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 15 juin 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-160 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

7

 
Dossier législatif : projet de loi organique modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
Discussion générale (suite)

Nouvelle-Calédonie

Discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi organique dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi organique modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi organique modifiant l’article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (projet n° 554, texte de la commission n° 587, rapport n° 586).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la devise dont s’est dotée la Nouvelle-Calédonie le 18 août 2010, « Terre de parole, terre de partage », résume mieux qu’un long discours l’identité de ce territoire.

Nul n’ignore en effet le lien des Kanaks à la terre de leurs ancêtres.

Nul n’ignore non plus que la parole est au fondement de la société kanake, culture de l’oralité, bien sûr, mais aussi respect de la parole donnée, partage, enfin, entre toutes les composantes de la société calédonienne, pour que ces dernières trouvent leur juste place sur le territoire qu’elles ont contribué à façonner.

En Nouvelle-Calédonie, l’État est d’abord l’acteur d’une réconciliation. C’est aussi le partenaire et le garant du processus de Matignon et de Nouméa.

Cette responsabilité de l’État, en tant que ministre chargée de l’outre-mer, je la mesure et l’assume tous les jours. Je sais également combien elle pèse sur le Premier ministre et sur le Président de la République.

Le poids des événements, le souvenir des grands hommes, le maintien de la paix civile, la construction d’un futur partagé, tout converge pour aborder la Nouvelle-Calédonie avec une profonde humilité.

Le Parlement partage avec le Gouvernement la responsabilité historique que les signataires des accords de Matignon, en 1988, puis de Nouméa, en 1998, nous ont confiée.

L’implication particulière du Premier ministre dans le dossier calédonien l’atteste : il s’est déplacé en Nouvelle-Calédonie en juillet 2010 ; il a reçu personnellement tous les groupes politiques calédoniens du 17 au 19 mai dernier.

François Fillon préside personnellement, à l’hôtel Matignon, chaque année depuis 2007, le comité des signataires de l’accord de Nouméa, tandis que le Président de la République, à chaque fois, a tenu à recevoir les délégations calédoniennes à l’issue des travaux du comité.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Mon implication particulière dans le dossier calédonien en témoigne également.

Je me suis rendue à deux reprises à Nouméa depuis le début de la crise politique, pour nourrir le dialogue et faire émerger la solution politique et juridique qui doit permettre de la dénouer.

Au total, je suis allée cinq fois en Nouvelle-Calédonie depuis ma nomination au Gouvernement en juin 2009.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 est la feuille de route du Gouvernement.

Sa lettre s’impose à nous : dans sa décision du 15 mars 1999, le Conseil constitutionnel a reconnu aux orientations qu’il a définies une valeur constitutionnelle.

Son esprit nous guide, parce qu’il est le fruit d’une solution négociée, de nature consensuelle, et parce qu’il inscrit notre action dans le temps.

L’esprit de l’accord, c’est la recherche permanente du consensus. C’est aussi la collégialité. C’est, enfin, une juste place pour tous, dans la société comme dans les institutions calédoniennes.

Être fidèle à l’esprit de l’accord est tout simplement une nécessité qui résulte de sa lettre.

N’oublions pas en effet que l’accord de Nouméa a défini un processus et une organisation politique pour une durée limitée à vingt ans. Il s’agit d’une solution partielle et provisoire. Il appartient encore aux Calédoniens d’écrire leur destin commun, et à l’État de les accompagner.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la Nouvelle-Calédonie connaît depuis le 17 février 2011 une instabilité institutionnelle inédite. Quatre gouvernements se sont succédé, dont les pouvoirs étaient limités à l’expédition des affaires courantes.

Au fondement de cette crise, il y a incontestablement des divergences d’approche, nouvelles, entre les forces politiques calédoniennes, ainsi qu’une recomposition politique. Il ne saurait être question d’interférer dans cette dernière : elle leur appartient, et c’est tout simplement l’expression de la démocratie.

Ces divergences ne pouvaient toutefois en aucun cas justifier le blocage des institutions.

Le déplacement que j’ai effectué en Nouvelle-Calédonie, du 14 au 17 avril dernier, m’a permis de consulter l’ensemble des forces politiques et de proposer à mon retour au Premier ministre quatre principes d’action déclinant une solution à la fois juridique et politique.

Il s’agit tout d’abord de ne pas provoquer de nouvelles élections : en effet, une dissolution du Congrès, loin de donner une issue à la crise, aurait pu exacerber les tensions.

Il s’agit ensuite d’engager une modification limitée de la loi organique, visant à empêcher que l’article 121 du statut ne soit utilisé de manière contraire à l’esprit de cette dernière. C’est l’objet du texte que j’ai l’honneur de vous présenter, au nom du Premier ministre.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Il s’agit encore de rappeler avec force les principes de collégialité et de proportionnalité qui président au fonctionnement du gouvernement calédonien.

Il s’agit enfin de réunir le comité des signataires à l’échéance prévue afin de remettre le processus de Nouméa au cœur des priorités de travail.

Les entretiens qu’a conduits personnellement le Premier ministre du 17 au 19 mai dernier ont confirmé que les forces politiques calédoniennes adhéraient à la démarche proposée, et qu’elles étaient aujourd’hui désireuses de sortir de la crise politique, avec l’aide d’un l’État qui serait, non seulement, un partenaire, mais aussi, et surtout, le garant de l’accord de Nouméa.

Un nouveau gouvernement calédonien a ainsi été élu le 10 juin 2011.

Le projet de loi que je présente aujourd’hui vise donc à modifier de manière limitée le statut de la Nouvelle-Calédonie. Il s’agit en effet uniquement de corriger l’article 121 de la loi organique du 19 mars 1999.

Cet article prévoit que, lorsqu’un membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie cesse d’exercer ses fonctions, le candidat suivant de la liste le remplace. Lorsqu’il n’existe pas de suivant de liste susceptible de le remplacer, le gouvernement, dans son ensemble, est démissionnaire de plein droit et assure l’expédition des affaires courantes jusqu’à l’élection d’un nouveau gouvernement.

Le législateur organique n’avait cependant pas prévu – les débats de l’époque devant la Haute Assemblée l’attestent – que cet article soit utilisé comme substitut à la motion de censure, par le biais de démissions collectives ayant pour seul objet de faire tomber le gouvernement.

Ni la lettre du texte, ni la jurisprudence administrative n’interdisent une telle pratique. De fait, ce mécanisme a été utilisé pour renverser le gouvernement en 2002, en 2004, en 2007, ainsi qu’en février 2011.

Les forces politiques locales sont, en réalité, aujourd’hui très attachées à ce mécanisme, qui offre à la minorité politique une capacité d’expression supplémentaire, à savoir la possibilité de faire tomber un gouvernement sans recourir à la motion de censure qui, elle, nécessite une majorité.

Ce mécanisme, c’est aussi, pour les institutions calédoniennes, un espace de souplesse et, dans certaines circonstances, de respiration politique.

En revanche, l’instabilité institutionnelle est née, cette année, de l’utilisation répétée de ce mécanisme, dans le seul but d’empêcher le fonctionnement normal des institutions et de créer les conditions d’une dissolution.

Ce détournement de l’article 121 n’est pas acceptable. Il est clairement contraire à l’esprit du texte et, plus globalement, à celui du statut de la Nouvelle-Calédonie. Le Conseil d’État, statuant au contentieux, l’a sévèrement qualifié, le 8 avril 2011, de « manœuvre ».

Il est donc nécessaire, pour préserver le fonctionnement normal des institutions calédoniennes, de ne plus permettre une telle utilisation de l’article 121, sans pour autant supprimer le mécanisme lui-même.

Garantir une stabilité institutionnelle pendant un délai raisonnable est l’objectif premier du texte qui vous est soumis.

Le projet de loi prévoit, pour ce faire, l’instauration d’un délai de carence de dix-huit mois, pendant lequel, lorsque les membres d’un groupe ont démissionné en bloc et fait démissionner d’office le gouvernement, le mécanisme est donc privé d’effet : les démissions collectives restent possibles, mais elles perdent pendant dix-huit mois leur effet paralysant sur le fonctionnement du gouvernement.

Cette disposition comporte toutefois une limite : si le nombre de membres du gouvernement à remplacer est égal ou supérieur à la moitié de l’effectif, le gouvernement est en tout état de cause démissionnaire de plein droit. Dans cette hypothèse, en effet, le gouvernement ne peut plus valablement fonctionner. Empêcher qu’il ne tombe n’est plus légitime.

Je rappelle à ce stade que l’élection du gouvernement à la proportionnelle est une originalité du statut de la Nouvelle-Calédonie : il s’agit d’associer à l’exécutif les principales forces politiques représentées au congrès, de façon équilibrée.

La collégialité et la proportionnalité du gouvernement sont des principes directement issus de l’accord de Nouméa. Elles ont, à ce titre, valeur constitutionnelle.

Pour cette raison, il est indispensable que, à l’issue d’une crise politique, la représentation équilibrée du gouvernement soit restaurée. C’est le deuxième objectif du projet de loi qui vous est soumis.

Ce dernier prévoit ainsi la possibilité pour un groupe démissionnaire de réintégrer le gouvernement, par simple notification d’une nouvelle liste de représentants, à tout moment du délai de carence de dix-huit mois.

Laisser la porte ouverte au groupe démissionnaire, ne pas l’exclure du gouvernement si telle n’est plus sa volonté : c’est l’esprit même du statut.

Enfin, le texte prévoit une disposition transitoire qui permet de rendre immédiatement applicable le délai de carence de dix-huit mois, en prenant en compte les démissions de plein droit antérieures à l’entrée en vigueur de la réforme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, lors des entretiens à l’hôtel Matignon, les groupes politiques calédoniens ont unanimement adhéré à l’objectif de stabilité du Gouvernement. Ils ont approuvé cette réforme dans son principe.

Le texte du Gouvernement, issu d’une très large consultation politique, a repris in extenso la rédaction du Conseil d’État, dont je veux souligner devant vous la qualité des avis rendus sur un sujet sensible et complexe.

Le Gouvernement est très attaché à ce que ce texte, discuté longuement dans son principe, ciselé dans sa rédaction,…

M. Bernard Frimat. Mal ciselé, toutefois !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. … recueille un large accord de la représentation nationale.

Je suis, bien sûr, très attentive au travail réalisé par la commission et par son rapporteur, M. Christian Cointat, qui connaît parfaitement la Nouvelle-Calédonie. Pour autant, le contexte particulier de l’élaboration de ce texte me conduira, au nom du Gouvernement, à présenter deux amendements afin de revenir au texte initial, dont je ne suis que la dépositaire.

On pourra toujours considérer que le dispositif comporte encore des limites. Malgré le délai de carence, le gouvernement calédonien pourra toujours être perturbé dans son fonctionnement par des démissions collectives, en raison par exemple de la redistribution des portefeuilles qui en découlera. D’autres failles, qui nous sont encore inconnues, pourront toujours être trouvées par un groupe politique qui chercherait l’obstruction à tout prix. On ne peut se prémunir contre tout !

C'est la raison pour laquelle j’ai toujours indiqué que la solution à la crise était certes juridique, mais qu’elle était aussi, et surtout, politique. Les discussions difficiles qui président actuellement à la répartition des portefeuilles au sein du nouveau gouvernement en témoignent.

Nous avons travaillé avec respect, franchise et confiance avec l’ensemble des forces politiques calédoniennes et, comme le Premier ministre l’a indiqué à l’issue des entretiens politiques qu’il a conduits, nous sommes capables de trouver ensemble les ressources pour continuer à bâtir cet avenir partagé qu’ont voulu les signataires des accords de Matignon et de Nouméa.

Cette œuvre historique pour la Nouvelle-Calédonie fait honneur à la France, au Gouvernement français et à l’ensemble des partenaires de l’accord.

C’est donc avec confiance, mesdames, messieurs les sénateurs, que j’engage avec vous ce débat. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cointat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les accords de Matignon, puis de Nouméa, ont apporté à la Nouvelle-Calédonie une stabilité institutionnelle qui lui permet de construire son avenir avec confiance.

Ces accords mettent en avant une idée force, le « rééquilibrage ». Ce rééquilibrage comporte de multiples facettes, puisqu’il concerne aussi bien l’économique que le social, le culturel ou le politique. C’est la raison pour laquelle, sur ce dernier point, l’accord de Nouméa prévoit que l’exécutif de la Nouvelle-Calédonie est constitué par un gouvernement collégial, élu par le congrès et responsable devant lui. Ce gouvernement est collégial pour que toutes les composantes représentatives du congrès soient conduites à travailler ensemble.

Lors d’une mission en Nouvelle-Calédonie menée en septembre 2010 au nom de la commission des lois, notre excellent collègue Bernard Frimat et moi-même avons pu observer que cette organisation institutionnelle permettait effectivement au territoire de mettre en œuvre avec efficacité les transferts de compétences, ainsi que le rééquilibrage entre le Nord et le Sud.

La collégialité, qui renvoie au « consensus océanien » –pour reprendre une formule utilisée par l’un de nos interlocuteurs de Nouvelle-Calédonie –, est un principe fondateur de l’équilibre défini par l’accord de Nouméa. Aussi la loi organique a-t-elle précisé les conséquences de la démission des membres du gouvernement, au-delà du dispositif classique et démocratique permettant au congrès de renverser le gouvernement par l’adoption d’une motion de censure à la majorité absolue de ses membres.

L’article 121 de la loi organique du 19 mars 1999 prévoit en effet que, lorsqu’un membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie démissionne, « le candidat suivant de la liste sur laquelle il a été élu le remplace ». S’il n’existe pas de suivant de liste, le gouvernement, dans son ensemble, est démissionnaire de plein droit, car la collégialité n’est plus assurée, et un nouveau gouvernement doit être élu dans un délai de quinze jours.

Or, force est de constater que cette disposition a été détournée de son esprit ces derniers mois, avec pour conséquence une crise institutionnelle, commencée en février 2011.

C’est pourquoi, confronté à une impasse, alors que, pour la troisième fois en six semaines, la démission de l’ensemble des membres d’une liste avait provoqué la démission de plein droit du gouvernement calédonien, le congrès a adopté, le 1er avril 2011, une résolution demandant « au Gouvernement de la République de proposer au Parlement, dans les meilleurs délais possibles, une modification de l’article 121 de la loi organique susvisée du 19 mars 1999 visant à encadrer et à limiter la possibilité de provoquer la démission du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par démission de l’un ou plusieurs de ses membres ». C’est ce qui nous conduit à légiférer aujourd’hui, le Gouvernement ayant donné suite à cette demande en déposant un projet de loi organique.

Votre rapporteur a souhaité s’assurer, par différentes auditions, que la modification envisagée par ce texte rassemblait un large accord et respectait le mieux possible l’esprit de l’accord de Nouméa. Tel est le cas pour l’essentiel.

Pour mieux comprendre l’origine de la crise institutionnelle, il convient de rappeler que le point 1.5 de l’accord de Nouméa prévoit que « des signes identitaires du pays, nom, drapeau, hymne, devise, graphismes des billets de banque, devront être recherchés en commun, pour exprimer l’identité kanak et le futur partagé entre tous ». Si la devise, l’hymne et le graphisme des billets ont pu être choisis sans trop de difficultés, la question du drapeau fut beaucoup plus épineuse. Aussi notre collègue député Pierre Frogier, président de la province Sud et président du Rassemblement-UMP, a-t-il proposé, au début du mois de février 2010, d’associer le drapeau tricolore au drapeau du FLNKS.

Reprenant cette idée, le Comité des signataires de l’accord de Nouméa, lors de sa réunion du 24 juin 2010, a recommandé que le drapeau tricolore et celui du FLNKS flottent côte à côte en Nouvelle-Calédonie, « dans la perspective des prochains jeux du Pacifique et dans l’esprit de la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou ». Je précise que, à l’occasion de l’un de mes passages en Nouvelle-Calédonie, Pierre Frogier m’a montré une photographie où Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur se serrent effectivement la main, chacun tenant le drapeau correspondant à sa vision des choses.

Lors de sa visite en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre, M. François Fillon, a assisté à la levée des deux drapeaux dans l’enceinte du haut-commissariat de la République, le 17 juillet 2010.

Toutefois, les deux drapeaux qui flottent désormais au fronton des édifices publics ne font pas l’unanimité au sein de la classe politique calédonienne ; il faut en être conscient. Certains élus considèrent en effet que cette solution ne répond pas à l’objectif d’un drapeau commun tel que prescrit par l’accord de Nouméa.

En janvier 2011, des élus de l’Union calédonienne ont reproché au président du gouvernement de l’époque de ne pas être d’accord avec le choix des deux drapeaux comme emblème de la Nouvelle-Calédonie. Ils considéraient qu’il portait une responsabilité dans l’absence du drapeau du FLNKS au côté du drapeau tricolore au-dessus des édifices publics de trois communes de la province Sud.

Le 17 février 2011, les trois membres du gouvernement élus sur la liste présentée par le groupe UC-FLNKS, ainsi que l’ensemble des suivants de cette liste, ont démissionné, provoquant la chute du gouvernement et le début de la crise. En effet, les représentants du groupe Calédonie Ensemble ont ensuite décidé de procéder à des démissions collectives à répétition, après chaque élection d’un nouveau gouvernement, pour le faire chuter systématiquement, dans le dessein « de bloquer les institutions afin d’obtenir un décret de dissolution du congrès pour susciter de nouvelles élections », comme l’indique l’étude d’impact jointe au projet de loi organique.

La situation est ainsi devenue très préoccupante, d’autant que les importants transferts de compétences qui restent à réaliser dans des délais relativement brefs exigent que les prérogatives du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne soient pas limitées à l’expédition des affaires courantes.

Les institutions de la Nouvelle-Calédonie connaissent donc un véritable blocage, dans tous les sens du terme, car il est évidemment exclu de porter atteinte aux principes de consensus et de pluralité politique qui fondent l’équilibre institutionnel défini par l’accord de Nouméa, préservent les droits des minorités et assurent la participation des loyalistes et des indépendantistes au gouvernement.

Ainsi, la démission de plein droit du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, telle que la prévoit l’article 121 de la loi organique, permet, comme l’a rappelé Mme la ministre, à un groupe minoritaire au sein du congrès de faire démissionner l’exécutif, par dérogation à la règle de majorité prévue pour l’adoption d’une motion de censure par l’article 95 de la même loi.

La coexistence, dans le statut de la Nouvelle-Calédonie, de deux procédures aussi différentes pour renverser le gouvernement – à savoir la démission d’une liste ou l’adoption d’une motion de censure – n’est nullement incohérente. La première se fonde sur l’obligation de respect de la collégialité au sein du gouvernement, la seconde sur le fonctionnement démocratique du congrès.

Il s’agit de deux concepts différents, mais complémentaires et non concurrentiels. Cette approche originale montre que seule une atteinte au fondement même de la collégialité peut justifier le recours à la démission de l’ensemble des membres d’une liste pour faire chuter le gouvernement. Dans tous les autres cas, la motion de censure s’impose, car elle s’inscrit dans le respect des normes démocratiques.

Avant février 2011, ce mécanisme de démission collective a déjà été appliqué, mais de manière sporadique, ne remettant pas en cause l’esprit de l’accord de Nouméa : le gouvernement de M. Pierre Frogier est tombé en 2002 après la démission des élus du parti de l’Union calédonienne, qui dénonçaient les difficultés de mise en œuvre de la collégialité ; le premier gouvernement de Mme Marie-Noëlle Thémereau a été renversé en juin 2004, sur l’initiative du Rassemblement-UMP ; quant au gouvernement de M. Harold Martin, il est tombé, en 2007, après la démission collective des élus de la liste unique indépendantiste.

C’est donc pour la première fois, cette année, que le mécanisme de la démission de plein droit a été utilisé par un groupe politique de façon répétée et totalement indépendante de difficultés liées à l’exercice de la collégialité, afin d’empêcher le fonctionnement normal des institutions calédoniennes et de créer ainsi les conditions d’une dissolution du congrès. Il s’agit d’un détournement manifeste de la procédure définie à l’article 121 de la loi organique, qui ne correspond nullement à l’esprit de l’accord de Nouméa ni à la volonté exprimée par le législateur organique, car on ne peut lire l’article 121 indépendamment de l’article 95, relatif à la motion de censure, ou de l’article 110, portant sur la désignation du gouvernement.

Certes, une lecture littérale du texte n’interdit pas explicitement de telles pratiques – je rejoins sur ce point l’analyse de Mme la ministre. Toutefois, ainsi que je l’ai rappelé précédemment, l’article relatif à la motion de censure n’aurait aucun sens si la minorité, pour des raisons purement politiques, étrangères au fonctionnement de la collégialité, pouvait, par simple démission, renverser le gouvernement. De telles pratiques ne pouvaient être envisagées, par simple respect de la démocratie. Si la collégialité protège la minorité, les règles démocratiques garantissent, elles, le fait majoritaire.

Cette analyse rend donc souhaitable non seulement une modification, mais aussi une clarification de l’article 121, pour que le mécanisme qui vise à assurer une représentation équilibrée des forces politiques du congrès demeure compatible avec la stabilité gouvernementale comme avec les principes fondamentaux de la démocratie.

Le projet de loi organique qui nous est soumis réécrit donc l’article 121 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, afin de maintenir la possibilité, pour un groupe politique, de démissionner du gouvernement, tout en empêchant que des démissions collectives répétées ne fassent obstacle à l’exercice par l’exécutif de ses prérogatives.

Aussi l’article 1er du projet de loi organique prévoit-il que si les membres d’une liste démissionnent collectivement et provoquent ainsi la démission de plein droit du gouvernement, ce dispositif ne peut plus être mis en œuvre pendant un délai de dix-huit mois. Pendant ce délai, toute nouvelle démission qui ne pourrait être compensée par l’arrivée au gouvernement des suivants de liste des membres démissionnaires n’entraînerait donc pas la démission d’office du gouvernement.

Afin de préserver la participation des différentes forces politiques calédoniennes au gouvernement, l’article 1er du projet de loi organique permet aux groupes démissionnaires qui auraient perdu leur représentation au sein de l’exécutif de la rétablir, malgré l’absence d’élection d’un nouveau gouvernement pendant au moins dix-huit mois.

À cette fin, le groupe qui ne serait plus représenté au gouvernement pourrait déposer à tout moment une nouvelle liste de candidats et rétablir sa participation. S’il ne faisait pas usage de cette faculté, le gouvernement serait de toute façon réputé complet, dans la mesure où le nombre de postes vacants reste minoritaire. Ainsi, le Gouvernement entend respecter le principe de collégialité prévu par l’accord de Nouméa et donne toute possibilité à chaque courant politique d’être représenté, même si ses représentants démissionnent.

La commission des lois approuve largement le dispositif proposé par le Gouvernement, car il concilie l’encadrement du mécanisme permettant à un groupe minoritaire au congrès de provoquer la chute du gouvernement et la garantie d’une représentation de la minorité au sein du gouvernement calédonien.

Toutefois, madame la ministre, il ne faudrait pas que ces dispositions visant à limiter les abus n’altèrent quelque peu l’esprit de l’accord de Nouméa. Il serait inopportun que le mécanisme proposé puisse apparaître, en définitive, comme une « incitation à la débauche » – je vous prie d’excuser la trivialité de cette expression –, en ouvrant tous les dix-huit mois un « droit de tirage » sur la démission du gouvernement. Cela reviendrait à dénaturer l’essence même de l’article 121, ainsi que sa cohérence avec l’article 95 relatif à la motion de censure.

La commission des lois a donc adopté un amendement de clarification pour bien préciser, afin d’éviter toute équivoque, que le recours à la démission simultanée des membres d’une liste ne peut intervenir que dans le cadre d’une atteinte au principe de collégialité, car la voie normale, pour « renverser » un gouvernement, ne peut qu’être – et se doit de rester – la motion de censure.

Cette modification permet, en outre, d’inscrire explicitement dans la loi organique l’objectif initial de la procédure de démission de plein droit du gouvernement, tel qu’il a été confirmé à votre rapporteur par plusieurs signataires de l’accord de Nouméa.

Cependant, pour éviter toute imprécision juridique dans les termes retenus, la commission des lois a déposé un amendement de modification de son propre texte, pour insister, en définitive, sur l’obligation de motivation de toute démission collective, à la lumière de la lecture conjointe des articles 95 et 121 qui viennent d’être rappelés.

La commission des lois a également adopté un amendement de précision, afin de lever une ambiguïté quant à la procédure permettant à un groupe de rétablir sa participation au gouvernement. Il importe, en effet, d’indiquer clairement que la liste présentée par le groupe ayant démissionné est réputée adoptée à l’issue des contrôles de légalité.

Avec ces quelques aménagements, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à approuver ce projet de loi organique, pour que ce beau pays qu’est la Nouvelle-Calédonie puisse enfin fonctionner normalement ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sur ce sujet difficile, il ne faut jamais oublier de rappeler le contexte historique. Bien qu’enseignant les sciences économiques, j’avais coutume de dire à mes étudiants que s’ils ne connaissaient pas l’histoire, ils ne pourraient rien comprendre.

En l’occurrence, d’où vient-on ? M. Cointat faisait allusion, à l’instant, à la mission que nous avons menée ensemble en Nouvelle-Calédonie, en septembre 2010. Je tiens à évoquer, en présence de Simon Loueckhote, la visite que nous avons effectuée à Ouvéa à cette occasion, pour y déposer, au nom du Sénat, deux gerbes, l’une à la gendarmerie, en présence des représentants kanaks de la commune, l’autre au pied du monument à la mémoire des victimes kanaks des événements de 1988. Il s’agissait, de part et d’autre, de jeunes hommes qui avaient leur vie à construire mais ont trouvé la mort, à Ouvéa, dans des circonstances qui les dépassaient. Par ce geste de paix, nous avions le sentiment de représenter la République dans ce qu’elle a de plus généreux.

La Nouvelle-Calédonie a cette caractéristique d’être, au Sénat, notre bien commun – j’utilise ce terme à dessein –, que nous siégions à droite ou à gauche de cet hémicycle. On ne peut évoquer la Nouvelle-Calédonie sans rappeler le rôle joué par les Premiers ministres Michel Rocard et Lionel Jospin dans les accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa, ou celui qu’a tenu notre ancien collègue Louis Le Pensec.

Voilà d’où l’on vient. Les hommes ont su dépasser leurs divergences, leurs oppositions, pour essayer de construire un destin commun, un destin de paix. Les difficultés étaient pourtant nombreuses et les différences importantes, par exemple entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur.

Je sais gré aux différents gouvernements qui ont succédé à celui de Lionel Jospin et que j’ai pourtant, sur nombre d’autres sujets, combattus avec la plus grande détermination, d’avoir tenu le cap s'agissant de la Nouvelle-Calédonie, d’avoir été fermes sur le gel du corps électoral, sur le respect des transferts de compétences, d’avoir su procéder, récemment, à des aménagements des articles 21 et 23 de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, tout en restant fidèles à l’esprit des accords. Ils ont considéré qu’il y avait là un trésor à conserver pour la République. C’est grâce à cette fidélité que nous pouvons trouver un point d’accord.

Nous savons donc d’où l’on vient, mais où va-t-on ? La période 2014-2018 est marquée par une interrogation : une fois les transferts de compétences achevés, en 2014, procèdera-t-on à des transferts de compétences régaliennes, se dirigera-t-on ou non vers l’indépendance ? Quelle voie les Calédoniens choisiront-ils, par le biais du référendum, pour construire leur avenir ? Ce débat est devant nous : personne ne peut le préempter, ni le trancher d’avance ; il appartient d’abord aux Calédoniens de le mener.

Nous sentons bien que plus on se rapproche de cette échéance, plus l’enjeu pèse sur les comportements. À mon sens, cela explique pour partie l’instabilité récente constatée en Nouvelle-Calédonie, ce détournement de procédure – appelons les choses par leur nom – consistant à utiliser la démission de membres du gouvernement pour renverser ce dernier, qui a la particularité d’être collégial. Mais c’est bien ce principe de collégialité du gouvernement qui a permis de maintenir l’accord entre les différentes parties, en évitant qu’une majorité puisse écraser une minorité.

À l’issue des dernières élections au congrès de la Nouvelle-Calédonie, une alliance s’est nouée entre le Rassemblement-UMP, Avenir ensemble et Calédonie ensemble, donnant lieu à une répartition des postes de pouvoir. Or nous constatons aujourd'hui que, sans que le peuple ait été consulté, un changement d’alliances est survenu de facto : les présidences du congrès, du gouvernement et de la province Sud sont désormais assurées respectivement par un membre de l’Union calédonienne, un membre d’Avenir ensemble et M. Pierre Frogier, du Rassemblement-UMP. Le déclenchement de la crise, provoqué par la démission collective des élus de la liste Union calédonienne pour renverser le gouvernement Gomès, relève de la même logique. Un gouvernement a été élu la semaine dernière : on voit bien que la répartition des portefeuilles amène à s’interroger sur la réalité de la collégialité. Or si les Calédoniens ne parviennent pas à faire vivre une réelle collégialité, les difficultés réapparaîtront bientôt. Des désaccords politiques fondamentaux ne peuvent pas être réglés par une solution institutionnelle.

Le groupe socialiste soutiendra la position de la commission des lois. L’article 121 de la loi organique du 19 mars 1999 ne saurait devenir une machine à renverser les gouvernements, au prix d’une instabilité permanente.

Nous appuyons l’idée d’instaurer une période de latence, durant laquelle les membres du gouvernement démissionnaires auraient la possibilité de retrouver leur siège, sans qu’il soit besoin de procéder à une nouvelle élection par le congrès. Ce moyen de limiter l’instabilité pourrait certes être lui-même détourné de sa fin si telle est la volonté des différents acteurs, mais il s’agit néanmoins d’une démarche pragmatique.

Nous approuvons également les légères amodiations apportées par la commission des lois, qui nous paraissent s’inscrire parfaitement dans l’esprit de l’accord de Nouméa. En particulier, la rédaction proposée au travers de l’amendement n° 3, visant à préciser que, pour provoquer la démission de plein droit du gouvernement, la démission collective des membres d’une liste devra être « motivée », me semble meilleure que celle qu’avait adoptée la commission le 8 juin dernier, faisant référence à une démission « en cas d’atteinte au principe de collégialité ». Cette dernière formulation était en effet plus déclaratoire que normative. (M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur acquiescent.)

Sachons distinguer le fond politique de ce qui peut n’être qu’un prétexte. À cet égard, la question du drapeau, qui a été l’instrument du conflit, doit à mon sens être relativisée. Si faire flotter côte à côte les deux drapeaux peut être perçu comme un signe de paix, cela peut être aussi interprété, par certains acteurs, comme un renvoi de chaque camp au drapeau qu’il reconnaît être le sien, pouvant mener à une sclérose des positions. Or le drapeau de la République ne saurait être celui d’un camp. Quant au drapeau kanaky, il a droit au même respect. Mais la recherche d’un drapeau commun, symbolisant le destin collectif de la Nouvelle-Calédonie, me semble être une étape incontournable. L’épreuve des faits permettra rapidement de distinguer entre alliances réelles et arrangements politiques.

Notre préoccupation est de respecter la volonté des Calédoniens, de leur reconnaître la maîtrise de leur destin, dans l’esprit du combat que nous avons mené, d’éviter l’apparition, de manière diffuse, dissimulée, d’une perspective néocoloniale qui se parerait d’habits sympathiques pour mieux passer inaperçue. En un mot, il s’agit à nos yeux de respecter pleinement les citoyens calédoniens.

Tel est le défi qui attend la représentation nationale dans les années à venir. Je forme le vœu qu’elle soit en mesure de continuer à faire vivre l’esprit des accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa, qui à ce jour n’a pas été trahi, en dépit de quelques tentatives heureusement avortées. À cet égard, le Sénat a un rôle particulier à jouer.

C’est dans cet esprit que nous voterons ce texte. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Detcheverry.

M. Denis Detcheverry. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quinze jours à peine après la discussion du projet de loi organique relative aux institutions de la Polynésie française, le Sénat est saisi, au travers du présent texte, d’un problème similaire – l’instabilité gouvernementale –, à propos cette fois de la Nouvelle-Calédonie. Les mêmes causes appelant les mêmes effets, ce nouveau débat institutionnel relatif à une collectivité d’outre-mer ne constitue pas véritablement une surprise.

Les élus ultramarins rappellent, année après année, que le modèle de gouvernance est non pas une fin en soi, mais un outil, qui devrait être uniquement dédié au développement économique et social.

Pour autant, il faut comparer ce qui peut l’être. La situation de la Nouvelle-Calédonie est tout à fait singulière dans la République par rapport à celle des autres territoires ultramarins. Cette collectivité bénéficie d’un régime juridique unique au sein de nos institutions, puisqu’elle est la seule à faire l’objet d’un titre spécifique dans notre Constitution.

L’originalité de la Nouvelle-Calédonie par rapport aux autres collectivités d’outre-mer tient aussi à sa structure démographique. Les vagues successives d’immigration de peuplement ont créé une société très composite, où la population kanake, sans être majoritaire, constitue le groupe ethnique le plus important, avec 40 % des habitants. Les personnes d’origine européenne, que leur implantation soit ancienne ou plus récente, représentent quant à elles près de 30 % de la population.

Cette cohabitation n’a pas toujours été aisée, mais l’objectif de l’accord de Nouméa fut précisément d’instituer un véritable partenariat entre habitants de toutes origines, afin de rendre possible une vision commune de l’avenir.

À cette singularité démographique s’ajoute un modèle économique qui ne peut être comparé à ceux des autres territoires ultramarins. Les grandes réformes économiques qui ont été engagées depuis une quinzaine d’années commencent à porter leurs fruits. Elles placent la Nouvelle-Calédonie sur le chemin vertueux d’un développement économique endogène, grâce, notamment, à l’exploitation des ressources minières de l’archipel.

Les usines d’extraction de cobalt et de nickel de Goro au sud et de Koniambo au nord devraient être prochainement opérationnelles, permettant, de surcroît, un rééquilibrage de l’économie entre le nord et le sud de l’archipel. Il faut aussi rappeler que le PIB par tête de la Nouvelle-Calédonie est l’un des plus élevés de la région : en 2008, il atteignait 37 000 dollars, contre 36 000 dollars pour l’Australie et 26 000 dollars pour la Nouvelle-Zélande, ce qui place ce territoire parmi les soixante-cinq pays bénéficiant des revenus les plus élevés au monde.

Sans revenir sur une histoire récente complexe et douloureuse pour toutes les parties, nous ne pouvons pas non plus abstraire notre débat du référendum d’autodétermination qui, selon les termes de l’accord de Nouméa, devra se tenir entre 2014 et 2019.

Dans cette perspective, comme l’a rappelé M. le rapporteur, l’existence d’un gouvernement collégial oblige les forces politiques représentées au congrès à travailler ensemble, pour l’avenir du territoire. Ce consensus apparent a pourtant volé en éclats en raison de la querelle du double drapeau.

Sans vouloir interférer dans un débat très important pour nos concitoyens néo-calédoniens et dont eux seuls détiennent les clefs, il me semble pour ma part dommageable pour l’avenir que l’équilibre institutionnel de ce territoire soit affecté par le détournement de la procédure de démission d’office du gouvernement.

Si le principe de collégialité, inhérent au caractère composite de la société néo-calédonienne, correspond bien à l’esprit de l’accord de Nouméa, tout abus de la majorité ou d’une partie de celle-ci doit être prohibé, afin de préserver un pacte politique qui a été si long à se construire. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur le recours déposé devant le Conseil d’État contre la gestion des affaires courantes assurée par le gouvernement démissionnaire. Cette démarche montre bien selon nous que la priorité des requérants n’est pas de construire l’avenir de la Nouvelle-Calédonie !

Un nouveau gouvernement a été investi vendredi dernier, avec toujours l’espoir d’un retour à la stabilité après quatre mois de crise. Toutefois, des incertitudes subsistent encore quant à sa durée de vie, dès lors que la répartition des portefeuilles, qui interviendra demain 16 juin, entretient la polémique.

Le mouvement Calédonie Ensemble, déjà à l’origine de trois démissions collectives, a une nouvelle fois menacé de quitter le gouvernement si « les principes fondateurs de collégialité et de proportionnalité » n’étaient pas respectés dans l’attribution des secteurs de compétence. Autre augure guère encourageant, les élus de Calédonie Ensemble ont boycotté la fin de la séance du congrès.

À mes yeux, et je crois que cette opinion est partagée sur nombre de nos travées, la querelle des drapeaux n’est en réalité qu’un prétexte purement politicien, qui ne fait pas honneur aux élus qui en usent. Je comprends parfaitement l’importance symbolique de cette question, notamment au regard de la nécessité de forger une communauté de destin pour toutes les composantes de la société néo-calédonienne. En appeler au peuple, comme le voulait la frange contestataire de la majorité, est in fine le seul moyen légitime de régler les conflits dans une démocratie. Pour autant, je ne suis pas convaincu, tout comme mes collègues du RDSE, que la paralysie du congrès depuis le mois de février dernier soit le meilleur moyen de donner à la Nouvelle-Calédonie les outils de son développement. Ces difficultés d’ordre institutionnel et relationnel ne doivent pas obérer la dynamique de développement de l’archipel.

Madame la ministre, mes collègues du groupe RDSE et moi-même sommes fermement convaincus de la nécessité de mettre fin à ces gesticulations, dont les auteurs oublient complètement l’intérêt général. Votre projet de loi organique, qui modifie l’article 121 de la loi organique du 19 mars 1999, répond-il correctement à la situation ? En partie, à nos yeux.

Ce texte conforte le principe indispensable de collégialité, en limitant à dix-huit mois le délai entre deux démissions collectives qui affecteraient l’ensemble du gouvernement. Néanmoins, cette nouvelle rédaction sera-t-elle suffisante pour faire véritablement vivre la collégialité ? Nous n’en sommes pas sûrs, tant on en reste ici au registre déclaratoire, sans régler la question au fond.

Les enjeux essentiels sont aujourd’hui ailleurs. Comme le relevaient nos collègues Bernard Frimat et Christian Cointat à l’issue de leur mission d’information, il sera bien difficile, pour certaines compétences de premier ordre, de tenir le calendrier des transferts de compétences prévu par l’accord de Nouméa et complété en 2009, même si le congrès a accompli un travail remarquable jusqu’à présent.

Il importe à nos yeux que les lois de transfert ne soient pas irrémédiablement figées et qu’elles prévoient des critères d’évaluation pour permettre des ajustements le cas échéant. Tel ne semble pas être le cas aujourd’hui, puisqu’il apparaît que le suivi par l’État de ces transferts n’est pas suffisant. Il subsiste aussi, malheureusement, des problèmes de compensation financière de ces derniers.

Madame la ministre, un travail important a été réalisé pour ouvrir à la Nouvelle-Calédonie un meilleur avenir, en particulier au Parlement. Nos collègues Christian Cointat et Bernard Frimat, au-delà de leurs sensibilités politiques différentes, partagent une vision commune des valeurs de la République. Un travail considérable a également été accompli par l’ensemble des élus néo-calédoniens, pour faire progresser l’idée d’une communauté de destin apaisée. Il faut ici leur rendre hommage.

Nous voterons naturellement en faveur de ce texte, en songeant à l’intérêt de nos compatriotes néo-calédoniens et en accordant notre confiance à l’esprit de responsabilité des élus de l’archipel. (Applaudissements.)

M. Charles Revet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord louer le travail accompli par Christian Cointat et Bernard Frimat.

Nous savons combien il est important, pour le pouvoir politique, de ne pas subvertir des outils juridiques à des fins personnelles, ni, surtout, contre l’intérêt général.

Nous savons aussi que le pouvoir doit à un moment donné savoir mettre fin aux dérives du pouvoir. Nous avons malheureusement souvent eu l’occasion de rappeler ce principe en ces lieux ; aujourd’hui nous est donnée l’occasion de le mettre en pratique.

La Nouvelle-Calédonie, possession française du Pacifique Sud depuis 1853, est un territoire profondément marqué par les événements historiques qui s’y sont déroulés. Les mouvements de population successifs, ainsi que les rapports de domination coloniale dans lesquels ils s’inscrivaient, ont peu à peu composé la richesse de cette société pluriethnique.

L’archipel a néanmoins longtemps été marqué par de forts clivages entre ethnies autochtones et allochtones, qui ont eu pour effet d’y entretenir des troubles sociaux et politiques durables.

De plus, reniée dans son identité par le code de l’indigénat jusqu’en 1946, la Nouvelle-Calédonie a connu une extraordinaire profusion de statuts juridiques, qui lui ont octroyé plus ou moins d’autonomie selon les gouvernements en place en métropole, sans réelle lisibilité prospective.

À la suite d’une série d’événements dramatiques, est intervenu l’accord de Nouméa, qui a contribué à dénouer la situation en apportant une certaine paix politique aux Néo-Calédoniens.

Cet accord a inscrit la restitution de son identité au peuple kanak, ainsi que la reconnaissance de la souveraineté de l’archipel. Celle-ci se matérialise par des transferts de compétences, qui sont encore en cours et que nous avons le devoir de faciliter. Néanmoins, l’utilisation regrettable qui a été faite de l’article 121 de la loi organique de 1999 est venue rompre l’équilibre politique prévu par l’accord de Nouméa.

En effet, cette disposition a ouvert une possibilité de manœuvre à un parti qui souhaiterait recomposer le gouvernement, quand bien même il n’y compterait qu’un élu : il lui suffit de faire démissionner l’ensemble de ses colistiers et de leurs remplaçants éventuels. Cette pratique évite de recourir à la motion de censure prévue à l’article 95, qui constitue, en théorie, la procédure normale pour renverser le gouvernement.

Une telle technique a été utilisée à répétition, et de façon malveillante, par le parti Calédonie Ensemble, afin d’obtenir de l’État la dissolution du congrès. Depuis lors, cet abus de droit a été mis en échec par le Conseil d’État, qui y a vu une manœuvre électorale. Dans sa décision du 8 avril 2011, la haute juridiction a estimé que les démissions « visaient à vicier la régularité de l’élection du président et du vice-président et avaient, en conséquence, le caractère d’une manœuvre électorale qui doit demeurer sans incidence sur la régularité du scrutin ».

Il nous appartenait de réagir. Cette modification de la loi organique est devenue indispensable, et nous la soutiendrons en vertu du respect des principes républicains.

En 2011, la Nouvelle-Calédonie se verra transférer de nouvelles compétences, notamment dans le domaine de l’enseignement. Entre 2014 et 2018 devrait se tenir un scrutin d’autodétermination, ce qui est une bonne chose, car l’histoire n’a que rarement laissé le choix aux Néo-Calédoniens.

Nous souhaitons véritablement que cette réforme apporte un nouveau souffle à la vie politique néo-calédonienne, déjà trop éprouvée, ainsi que la stabilité nécessaire aux transferts de pouvoirs prévus pour l’avenir. Bien sûr, nous voterons ce texte. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Loueckhote.

M. Simon Loueckhote. Je voudrais tout d'abord remercier les quelques collègues présents en séance à cette heure tardive,…

M. Charles Revet. C’est normal !

M. Simon Loueckhote. … afin de discuter un texte petit par le nombre de ses articles, mais grand par ce qu’il apportera à la Nouvelle-Calédonie en matière de stabilité institutionnelle.

Le 17 février dernier, trois membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie démissionnaient, ouvrant ainsi une période d’instabilité qui suscite de l’inquiétude et des doutes parmi nos compatriotes de cette terre française du Pacifique.

Les membres du gouvernement démissionnaires liaient leur geste au fait que trois communes de la Nouvelle-Calédonie n’avaient pas encore hissé le drapeau indépendantiste au fronton de leur mairie. Ils reprochaient ainsi au président du gouvernement d’être le responsable de cette situation.

Comme le prévoit la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le congrès s’est réuni quinze jours après, soit le 3 mars 2011, afin d’élire un nouveau gouvernement. Dans la foulée de cette élection, le président déchu et ses colistiers démissionnaient à leur tour, provoquant la démission de plein droit du gouvernement nouvellement élu.

Ces démissions allaient se répéter après les élections du gouvernement du 17 mars et du 1er avril derniers, installant la Nouvelle-Calédonie dans une profonde crise institutionnelle, dont l’une des issues possibles est le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui.

Les Calédoniens sont inquiets, et ne veulent pas revivre le passé. Même si la situation politique ainsi créée n’est en rien comparable à celle que nous avons connue dans les années les plus sombres de notre histoire, elle a eu quelques effets sur l’économie fragile de l’archipel. C’est pourquoi il faut trouver une solution à la fois juridique et politique.

Madame le ministre, lorsque vous êtes venue nous rendre visite, en avril dernier, la situation était préoccupante. Chacun a pu, lors de ce déplacement, apprécier votre capacité d’écoute, votre volonté d’entendre toutes les forces politiques afin de trouver ensemble une issue à cette crise institutionnelle. Je tiens aujourd’hui à vous remercier publiquement.

Vous aviez conscience, en venant en Nouvelle- Calédonie, qu’un simple bricolage de la loi organique ne suffirait pas à sortir d’une crise dont vous avez pu mesurer la profondeur. En effet, il ne faut pas remettre en cause les principes qui ont fondé les accords de Matignon, puis de Nouméa.

Par ailleurs, et j’en ai été très heureux, en mai dernier, le Premier ministre, François Fillon, a, sur votre proposition, rencontré à l’hôtel Matignon des représentants de l’ensemble des forces politiques de Nouvelle-Calédonie. J’ai apprécié, une fois encore, l’esprit de consensus et la capacité d’écoute du Gouvernement de la République. Bien sûr, il y a des divergences d’approches entre les forces politiques qui ont été reçues, et c’est là le gage de la démocratie. Mais l’État et les responsables politiques calédoniens, c’est-à-dire les partenaires de l’accord de Nouméa, savent entretenir et faire vivre le dialogue sur l’essentiel, à savoir notre avenir commun.

Pour mettre un terme à la crise politique sur le Caillou, il a été décidé d’engager une procédure de modification technique du statut. L’histoire, qu’elle soit récente ou ancienne, est lourde de significations et d’enjeux en Nouvelle-Calédonie. L’État partage avec les responsables calédoniens une très grande responsabilité dans cette histoire. Comme à Paris en 1988, puis à Nouméa en 1998, et de nouveau à Paris cette année, nous sommes capables de trouver ensemble les ressources pour continuer à bâtir un avenir partagé, si cher aux Calédoniens.

C’est dans cet esprit que le Premier ministre réunira de nouveau, début juillet à Paris, le Comité des signataires de l’accord de Nouméa, afin de poursuivre cette œuvre, qui est une œuvre historique pour la Nouvelle-Calédonie et qui fait honneur à la France.

Mais alors, madame le ministre, pourquoi faire cette réforme ?

Il semblait nécessaire, pour préserver le fonctionnement des institutions calédoniennes, de corriger cette faille du statut, sans pour autant supprimer le mécanisme prévu à l’article 121. Les groupes politiques, que vous avez consultés lors de votre déplacement en Nouvelle-Calédonie du 14 au 17 avril 2011, sont attachés au maintien d’une disposition présentée comme essentielle pour préserver le « droit des minorités ». Je partage totalement cette position. Nous avons tous insisté sur ce point auprès du Premier ministre lors des entretiens qu’il nous a accordés à Paris en mai dernier.

L’idée de la modification de la loi organique a fait son chemin. Depuis février 2011, l’article 121 de la loi organique est sur la sellette. C’est lui qui permet d’entretenir l’instabilité institutionnelle. Or, on ne touche pas à un texte de portée constitutionnelle et aussi sensible sans consulter préalablement les différentes forces politiques. C’est ce qui a été fait par le Gouvernement, et je m’en réjouis.

Pour mémoire, le dispositif de l’article 121 permet à un groupe politique de provoquer la chute de l’exécutif en faisant démissionner les membres du gouvernement lui appartenant, ainsi que les suivants de liste. Tel qu’il est rédigé, il permet même de le faire à répétition, d’où la crise actuelle !

Or ce texte n’a pas été conçu pour cela. Personne n’avait imaginé que cet article serait utilisé pour faire tomber le gouvernement et, ainsi, rechercher le blocage des institutions. Il avait pour objet de permettre de remplacer un membre du gouvernement démissionnaire par le suivant de liste et, en cas d’impossibilité, de procéder à une réélection du gouvernement. L’épuisement d’une liste ou la démission en bloc ne devaient intervenir que marginalement, et non pas se substituer à la motion de censure pour renverser le gouvernement.

On le voit bien, l’article 121, tel qu’il est utilisé, crée de l’instabilité artificielle. Il faut donc en limiter les effets pervers.

Le Gouvernement nous propose, par conséquent, de le modifier, en corrigeant le mécanisme prévu par les dispositions de cet article sans les vider de leur substance.

Le texte proposé a donc pour ambition de permettre d’atteindre l’objectif de stabilité institutionnelle visé, de préserver le fonctionnement des institutions calédoniennes, tout en respectant les principes à valeur constitutionnelle de collégialité et de proportionnalité, issus de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998.

Les groupes politiques dont des représentants ont été reçus par le Premier ministre ont très majoritairement adhéré à l’objectif de stabilité visé par le texte et approuvé cette réforme dans son principe.

Ainsi, le projet de loi organique fixe un délai de dix-huit mois, à compter de la dernière démission d’office, pendant lequel la démission d’un nombre minoritaire de ses membres n’entraîne plus celle de l’institution toute entière.

Il s’agit d’éviter que des démissions collectives répétées ne conduisent à la démission d’office du gouvernement. Le mécanisme est ainsi maintenu dans son principe, mais son effet est limité en cas de répétition.

Le projet de loi organique permettra également aux groupes démissionnaires qui se trouveraient, pendant ce délai de dix-huit mois, privés de la représentation qui leur revient au sein du gouvernement, de déposer à tout moment une nouvelle liste et de revenir ainsi au gouvernement.

Il s’agit de maintenir le mécanisme de la démission du gouvernement par démission complète d’une liste, considéré comme intimement lié à la collégialité, mais en évitant que le scénario ne se reproduise trop souvent. Cette synthèse constitutionnelle est-elle fonctionnelle ? Si un groupe a utilisé cette possibilité une fois, le scénario ne peut se reproduire : on ne renouvelle alors que les membres de la liste qui a démissionné.

J’attire l’attention sur le fait que, au travers de la décision du Conseil d’État, nous avons vu la fragilité de la loi organique. L’éclaircie aurait pu provenir d’une solution juridique, mais, compte tenu du fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie, cette solution juridique ne suffira pas en elle-même : il faudra certainement aussi une solution politique, autrement dit une formule consensuelle.

Au sujet de la modification de la loi organique, nous sommes donc parvenus, je l’espère, à l’étape ultime de règlement de la crise politique qui nous préoccupe depuis bientôt trois mois. L’arsenal déployé n’a pas été des moindres, et tous les outils ont été mis à contribution, des ministères, y compris le premier d’entre eux, jusqu’au Conseil d’État, pour parvenir à la modification de la loi organique qui nous est soumise aujourd’hui. Cet exercice illustre la politisation du droit et la constitutionnalisation du politique !

Aujourd’hui, madame le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je tiens à exprimer ma satisfaction quant à la version de l’article 121 soumise au Sénat. Elle est plus souple que l’avis exprimé par le congrès. L’objectif d’éviter les démissions à répétition sans les exclure, pour préserver le droit de l’opposition, est atteint ; je m’en réjouis. Les principes de collégialité et de proportionnalité à valeur constitutionnelle, qui sont incontournables, sont ici préservés.

Je souhaite aussi parler des droits des partis minoritaires. Je rappellerai, comme je l’ai déjà fait en d’autres temps, notamment à propos de l’ouverture du paysage radiophonique, que, comme l’a récemment dit François Fillon lors de la consultation à Matignon des différents groupes politiques, « on ne peut pas faire l’unanimité en écartant ceux qui ne sont pas d’accord ».

La recherche d’une solution d’avenir ne peut pas se faire sans les autres. La sortie de l’accord de Nouméa doit être préparée dans le respect de cette notion de collégialité et d’écoute.

En conclusion, madame le ministre, je ne peux aujourd’hui que me féliciter de l’esprit de concertation dont le Gouvernement a fait preuve afin de gérer au mieux la crise politique sans précédent qui a secoué la Nouvelle-Calédonie. J’ose espérer que la réforme que vous nous proposez nous permettra d’en sortir par le haut et apaisera les esprits, ce qui n’est pas complètement gagné ! Une nouvelle déception pointe déjà, toujours au sujet de la répartition des portefeuilles au sein du gouvernement : affaire à suivre ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de remercier notre rapporteur, M. Christian Cointat, auquel j’associe bien sûr M. Bernard Frimat, pour le travail réalisé. Il a parfaitement réussi dans un exercice difficile, en permettant à ses collègues d’appréhender une situation complexe et méconnue, et ainsi de se faire la meilleure idée possible de la conjoncture calédonienne. Son éclairage, sa parfaite compréhension de la Nouvelle-Calédonie aideront, j’en suis certain, le Sénat à prendre les décisions qui permettront à cette belle contrée de poursuivre son évolution vers les objectifs définis par l’accord de Nouméa, dans la sérénité et la compréhension mutuelle dont elle a tant besoin.

Je souhaiterais également rendre hommage aux responsables calédoniens pour leur sagesse et leur sens des responsabilités, qui se manifestent dans leur adhésion à la nécessaire modification de l’article 121 de la loi organique de 1999 qui nous est soumise aujourd’hui.

Le Premier ministre et vous-même, madame la ministre, avez joué un rôle majeur dans la recherche et l’obtention du consensus politique calédonien, qui a abouti à la solution que vous nous proposez. Cela mérite un hommage et, je l’espère, un vote consensuel dans cet hémicycle !

Bien entendu, je ne vais pas rentrer dans la mécanique juridique qui sous-tend la modification de l’article 121, car je ne ferais que redire très imparfaitement ce qui a déjà été fort bien expliqué.

En fait, je voudrais tout simplement exprimer, en tant que parlementaire, mais surtout en tant qu’Océanien ayant vécu plus de la moitié de sa vie en Nouvelle-Calédonie, mon vœu qu’une vie normale puisse enfin reprendre dans l’archipel et que se poursuive, dans la diversité et non dans la division, la recherche d’une sortie positive de l’accord de Nouméa.

La Nouvelle-Calédonie, qui s’est bien ressaisie après avoir beaucoup souffert, ne mérite pas un retour dans le passé !

En effet, il y a un quart de siècle seulement, des événements terribles ont marqué la vie des Calédoniens. De profondes fractures sont apparues, qui ont déchiré les familles, les communautés. La violence et la mort se sont abattues sur ce paradis. Le basculement vers l’enfer n’était pas loin. Mais des mains se sont tendues, là où on ne les attendait pas, entraînant les Calédoniens dans l’acceptation mutuelle et la recherche d’un avenir partagé. La construction d’un pays et d’un destin communs a finalement pu être lancée, et les résultats sont, me semble-t-il, très satisfaisants.

Ces derniers mois, il est vrai, la machine s’était un peu grippée. Heureusement, nul dérapage n’est survenu. Le débat me paraît avoir été riche, intense, et l’intelligence a prévalu, pour aboutir à la modification de l’article 121 de la loi organique de 1999, qui, à n’en pas douter, remettra le pays sur les rails de son développement et de son évolution normale.

Ce débat me donne l’occasion de rappeler que, sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, vivent une vingtaine de milliers de Wallisiens et Futuniens, soit une fois et demie la population de Wallis-et-Futuna ! C’est dire le lien étroit et fort qui peut exister entre nos deux territoires et nos deux populations ! Un très grand nombre de ces Wallisiens et Futuniens, parce qu’ils remplissent les critères de la loi de 1999, sont citoyens calédoniens. Je sais qu’ils en sont fiers et qu’ils font tout pour s’insérer toujours davantage, et de façon positive, dans la construction d’un destin qu’ils veulent conjoint.

Là encore, je voudrais exprimer ma reconnaissance aux signataires de l’accord de Nouméa d’avoir ouvert cette destinée commune à leurs concitoyens originaires de Wallis-et-Futuna installés en Nouvelle-Calédonie.

Je formule le vœu que ce magnifique territoire puisse poursuivre sa construction. Que l’on me permette de dire que cette construction doit tenir compte de deux éléments qui me semblent primordiaux : d’une part, le partage des retombées du développement, d’autre part, le respect de l’environnement et la promotion d’un développement durable.

« Il n’est de richesse que d’hommes » : le premier atout de la Nouvelle-Calédonie est sa population, et celle-ci doit être impliquée dans l’exploitation des potentialités énormes du territoire, de ses paysages, de son espace marin et de son sous-sol. Elle doit être le premier bénéficiaire du développement du tourisme, de la pêche, de l’agriculture et, bien sûr, de l’exploitation des ressources minières, bref de toute l’économie.

Ce développement est perceptible presque à vue d’œil, surtout pour qui se rend régulièrement à Nouméa. En faisant le trajet de l’aéroport international au centre de la ville, on est frappé par l’extension rapide de la capitale, qui absorbe les communes voisines. Mais le visiteur, à l’approche du centre-ville, ne peut que s’interroger sur les retombées de ce dynamisme économique en constatant la présence massive d’habitations précaires et insalubres, qui abritent les familles les plus modestes.

Je sais que les responsables calédoniens prennent des mesures pour remédier à cette situation, et je ne peux que très humblement les en féliciter et les encourager à aller vers toujours plus de justice et de partage.

Le développement de la Nouvelle-Calédonie est surtout lié à l’exploitation de ses richesses minières, mais l’amoureux de la nature que je suis se permet de rappeler combien ce territoire est riche dans sa biodiversité, comme dans le charme de ses paysages.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !

M. Robert Laufoaulu. Un tel environnement doit être préservé, et le classement par l’UNESCO d’une partie du lagon calédonien au patrimoine mondial de l’humanité va dans ce sens.

Il fut un temps où l’exploitation des mines polluait rivières, plantations vivrières, plages, mangroves, récifs coralliens et lagons. Ce sont là de tristes souvenirs des années soixante. Ce massacre de la nature était une honte. Heureusement, ce temps est révolu.

Je sais que tout est fait désormais, dans les grands chantiers miniers, que ce soit Goro, Vavouto ou ceux de la société Le Nickel, pour la sauvegarde de l’environnement. C’est un grand progrès que préservation de l’environnement puisse rimer avec développement économique plutôt qu’avec décroissance et paupérisation, son corollaire.

« Ce qui ne te tue pas te rend plus fort », affirmait Nietzche. Les divisions, les haines n’ont pas tué la Nouvelle-Calédonie ; il faut donc vouloir avec toute notre énergie qu’elle devienne plus forte. Nous pouvons y contribuer modestement par la modification législative qui nous est soumise aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle je voterai avec espoir et beaucoup d'enthousiasme ce projet de loi organique. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi organique modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
Article 2

Article 1er

L’article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est ainsi rédigé :

« Art. 121. – I. – Lorsqu’un membre du gouvernement cesse d’exercer ses fonctions, le candidat suivant de la liste sur laquelle celui-ci avait été élu le remplace. Ce remplacement est notifié sans délai au président du congrès et au haut-commissaire, ainsi que, le cas échéant, au président de l’assemblée de province intéressée.

« II. Lorsqu’il ne peut plus être fait application du I ou lorsque les membres d’une liste présentent simultanément leur démission en cas d’atteinte au principe de collégialité, il est procédé comme il est dit aux III et IV.

« III. – Si le nombre de membres du gouvernement à remplacer est égal ou supérieur à la moitié de l’effectif déterminé conformément à l’article 109, ou s’il n’a pas été fait application du présent III dans les dix-huit mois précédents, le gouvernement est démissionnaire de plein droit et il est procédé à l’élection d’un nouveau gouvernement dans un délai de quinze jours. Le haut-commissaire en est informé sans délai. Le gouvernement démissionnaire assure l’expédition des affaires courantes jusqu’à l’élection d’un nouveau gouvernement.

« IV. – Si le nombre de membres du gouvernement à remplacer est inférieur à la moitié de l’effectif déterminé conformément à l’article 109 et s’il a été fait application du III dans les dix huit mois précédents, tout groupe politique dont la liste ne peut plus servir aux remplacements conformément au I a la faculté de notifier à tout moment au haut-commissaire et au président du congrès une nouvelle liste de candidats, en nombre égal à celui prévu au premier alinéa de l’article 110, dont l’éligibilité est vérifiée dans les conditions prévues au quatrième alinéa du même article. En l’absence de saisine du tribunal administratif, la liste est réputée approuvée quarante-huit heures après son enregistrement par le président du congrès. Dans le cas contraire, elle n’est réputée approuvée qu’à l’issue de la procédure définie au quatrième alinéa de l’article 110.

« Le gouvernement est réputé complet si la faculté prévue au précédent alinéa n’est pas exercée par le groupe intéressé. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou lorsque les membres d’une liste présentent simultanément leur démission en cas d’atteinte au principe de collégialité,

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Cet amendement vise à revenir sur la rédaction proposée par la commission. En effet, la très légère modification qui a été introduite peut paraître marginale, mais, en réalité, elle est susceptible de dénaturer le dispositif.

La commission a ajouté une nouvelle condition à la mise en œuvre de l'article 121 de la loi organique du 19 mars 1999, celle d'une démission collective « en cas d'atteinte au principe de collégialité ». Or cette rédaction peut donner le sentiment que seules les démissions collectives pour ce motif doivent être retenues. Il paraît d’ailleurs particulièrement difficile de prouver une telle atteinte. En outre, une telle disposition irait à l'encontre de l'esprit même du mécanisme prévu à cet article, qui est d’offrir à la minorité la possibilité d’utiliser la démission collective comme substitut à la motion de censure.

Pour ces raisons, il me semble opportun de revenir à la rédaction initiale de ce projet de loi organique.

Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

leur démission en cas d'atteinte au principe de collégialité

par les mots :

une démission motivée

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 1.

M. Christian Cointat, rapporteur. Au cours de la discussion générale, j'ai analysé le texte de la loi organique de 1999, en montrant notamment que l’article 121 était lié à l’article 95, ainsi qu’à l'article 110 relatif à la composition du gouvernement. Un équilibre apparaît clairement entre, d'une part, le fait majoritaire, avec la procédure de la motion de censure, et, d’autre part, la protection de la minorité, qui doit participer au gouvernement au titre de la collégialité. Il faut veiller à ne pas remettre en cause cet équilibre.

C'est la raison pour laquelle la commission des lois avait introduit la notion d’atteinte au principe de collégialité. Toutefois, dès lors que nous voulons apporter davantage de précisions, il ne faut pas que les termes juridiques puissent prêter à confusion. C’est pourquoi nous sommes revenus sur notre position, non sur le fond, mais sur la forme. En effet, dans la mesure où le texte est suffisamment explicite et son interprétation téléologique claire, puisque la volonté du législateur est manifeste, il faut insister sur l'élément essentiel en vue d’éviter les dérapages que nous avons connus, à savoir la motivation de la démission collective, qui rendra les démissionnaires comptables de leur acte devant les citoyens.

Voilà pourquoi nous proposons cette nouvelle rédaction, qui paraît plus sage sur le plan politique et plus sûre sur le plan juridique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 3 ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Dès lors que la commission renonce au principe de collégialité, qui était sujet à interprétation juridique et pouvait fragiliser le texte, le Gouvernement retire l’amendement n° 1 et émet un avis favorable sur l'amendement n° 3.

Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.

M. Bernard Frimat. Comme je l’ai annoncé lors de la discussion générale, nous voterons l'amendement n° 3.

Cela étant, madame la ministre, il n’est nullement question de renoncer au principe de collégialité, qui est essentiel pour le fonctionnement des institutions calédoniennes. Certes, en commission, nous étions convenus que la rédaction faisant référence à une atteinte au principe de collégialité était plus déclaratoire que normative, mais le cœur du problème était bien d’assurer le respect de ce principe.

Sans rien abandonner sur le fond, la nouvelle formulation proposée par le rapporteur, qui imposera aux démissionnaires de motiver leur décision, et donc d’en rendre compte à la population calédonienne, constitue un progrès démocratique. Je me réjouis que vous ayez émis un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Monsieur le sénateur, il va de soi que je ne suis pas contre le principe de collégialité : c'est la base du statut. En revanche, je souhaitais qu’il n’y soit pas fait référence à cet endroit du texte, pour éviter toute ambiguïté juridique. Cette précision me semble importante.

M. Charles Revet. Tout le monde est d'accord ! Beau travail parlementaire !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5, avant-dernière et dernière phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

Pour l'application des dispositions de la présente section faisant référence à l'élection des membres du gouvernement, l'enregistrement de la nouvelle liste de représentants dans les conditions fixées au présent IV vaut enregistrement de la liste de candidats à l'élection des membres du gouvernement conformément à l'article 110.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. La commission des lois a procédé à une double modification du IV de l’article 121.

La première modification consiste en une précision terminologique, à laquelle je souscris.

La seconde modification tend à préciser que, quarante-huit heures après son enregistrement, la liste est réputée approuvée en l’absence de recours devant la juridiction administrative. Dans le cas contraire, elle n'est réputée approuvée qu'à l'issue de la procédure prévue à l'article 110. En d'autres termes, la rédaction de la commission donne à penser que le recours à la procédure de l'article 110 n’intervient qu'en cas de saisine du tribunal administratif. Or, le projet de loi initial, en renvoyant au quatrième alinéa de l'article 110 de la loi organique de 1999, prévoyait déjà que l’éligibilité d’un candidat pouvait être soumise à l’appréciation du tribunal administratif par le haut-commissaire.

Par conséquent, l'article 121 ne constituant qu’une modalité d'application de l'article 110, le Gouvernement a déposé cet amendement tendant à revenir sur cette seconde modification.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 4, présenté par M. Cointat, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dernier alinéa de l'amendement n° 2

Remplacer le mot :

représentants

par le mot :

candidats

et les mots :

vaut enregistrement

par les mots :

vaut adoption

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Cointat, rapporteur. L’intervention de Mme la ministre me donne le sentiment que le Gouvernement se déclarera favorable à ce sous-amendement.

Si la commission a souhaité modifier le texte du Gouvernement, c’est parce que celui-ci la gênait sur trois points.

Premièrement, il y est question de « représentants », alors que ce terme ne figure nulle part dans le statut de la Nouvelle-Calédonie.

Deuxièmement, il est fait état d'un enregistrement de la liste de candidats à l’élection des membres du gouvernement « conformément à l’article 110 ». Or cet article ne fait nullement mention d’un tel enregistrement.

Troisièmement, rien n’est prévu concernant la validation de la liste. Or, puisque le gouvernement est collégial, toutes les sensibilités y sont représentées, et l'élection détermine donc à la fois le nombre de sièges attribués à chaque groupe politique et les noms des élus. Il faut que ce soit la composante concernée par le remplacement qui propose sa nouvelle liste de candidats, comportant autant de sièges qu’attribués par l’élection. Cette liste doit bien entendu faire l’objet du contrôle de légalité prévu à l’article 110, mais encore faut-il qu’elle soit valide.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Christian Cointat, rapporteur. C'est pourquoi la mention de l'enregistrement des candidats nous gênait.

Si le Gouvernement accepte les deux rectifications présentées au travers de ce sous-amendement, nous nous rallierons à la rédaction qu’il propose, dont nous approuvons l’esprit.

En conclusion, la commission émet un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 4. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 4 ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 4.

M. Bernard Frimat. La rédaction initiale du texte, aux termes de laquelle « l’enregistrement de la nouvelle liste de représentants […] vaut enregistrement de la liste de candidats », nous semblait pouvoir être améliorée… (Sourires.)

La solution qui a été trouvée me convient, et je me réjouis qu’elle fasse consensus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. C’est peut-être un peu inhabituel, mais nous suivons le rapporteur et lui faisons confiance quant au respect de l'esprit qui avait présidé aux travaux de la commission.

Par conséquent, nous voterons ce sous-amendement et l'amendement du Gouvernement, ainsi modifié.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 4.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que cet amendement et le sous-amendement qui l’a modifié ont été adoptés à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi organique modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

(Non modifié)

Pour l’application de l’article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie pendant les dix-huit mois suivant la publication de la présente loi :

1° Au III, les mots : « ou s’il n’a pas été fait application du présent III dans les dix-huit mois précédents » sont remplacés par les mots : « ou s’il n’a été fait application, dans les dix-huit mois précédents, ni du présent III, ni du second alinéa du présent article dans sa rédaction antérieure à la loi organique n° …du … » ; 

2° Au IV, les mots : « et s’il a été fait application du III dans les dix-huit mois précédents » sont remplacés par les mots : « et s’il a été fait application, au cours des dix-huit mois précédents, des dispositions du III ou de celles du second alinéa du présent article dans leur rédaction antérieure à la loi organique n° …du … ». – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 2
Dossier législatif : projet de loi organique modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines, le Sénat s’est engagé dans une série de travaux législatifs d’importance pour assurer une plus grande stabilité des institutions des collectivités d’outre-mer.

Le présent projet de loi organique s’inscrit clairement dans cette filiation. Il est la réponse à l’appel que nous a lancé le congrès de la Nouvelle-Calédonie par sa résolution du 1er avril dernier.

La crise institutionnelle, qui s’est superposée à la crise politique de l’affaire du drapeau de la Nouvelle-Calédonie, a mis en exergue certaines difficultés induites par l’articulation du principe de collégialité avec la nécessaire continuité des missions de l’exécutif local.

Cette actualisation de la loi organique du 19 mars 1999 ne remet pas en cause les principes de collégialité et de proportionnalité qui régissent le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Le présent projet de loi vise précisément à concilier le principe de continuité de l’État avec la nécessité d’assurer un minimum de stabilité au gouvernement calédonien. Il ne remet donc pas en cause le désormais fameux « consensus océanien », défini lors de la conclusion de l’accord de Nouméa de 1998.

Je tiens tout particulièrement à saluer, au nom des sénateurs centristes, le travail réalisé par la commission des lois, notamment par son excellent rapporteur, Christian Cointat, qui a très justement mis en relief le caractère spécifique du principe de collégialité dans le fonctionnement du gouvernement calédonien. Ce principe est fondamental pour la légitimité de ce gouvernement, dans le respect de l’accord de Nouméa.

Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte dans la rédaction proposée par la commission des lois.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 246 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 336

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi organique modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
 

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 16 juin 2011, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

1. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la restauration du patrimoine architectural de la ville de L’Aquila (Procédure accélérée) (n° 534, 2010-2011).

Rapport de Mme Bernadette Dupont, fait au nom de la commission des affaires étrangères (n° 606, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 607, 2010-2011).

2. Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (n° 566, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 589, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 590, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART