M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, développer l’alternance et sécuriser les parcours professionnels : tels sont les objectifs, éminemment importants pour une partie de la jeunesse et des salariés de notre pays, de cette proposition de loi.

En effet, est-il acceptable de se résigner à un taux de chômage des jeunes de seize à vingt-cinq ans qui atteint 23,3 % ? Un tel taux est en effet dramatique pour leur avenir !

Est-il davantage acceptable de tenir la dégradation de la stabilité de l’emploi et l’impuissance des salariés face aux changements économiques pour des situations acquises et sans remède ? Je ne le crois pas.

C’est pour répondre à ces problèmes qui mettent gravement en péril la cohésion sociale que la présente proposition de loi a vu le jour, sur l’initiative de notre collègue député Gérard Cherpion.

Cette proposition de loi vise à offrir des réponses simples et efficaces aux difficultés que peuvent rencontrer certains jeunes pour accéder à l’emploi et certains employeurs pour recruter de la main-d’œuvre. Elle n’a pas la prétention de constituer la réforme d’ensemble qui réglera le problème du taux d’emploi des populations les plus fragiles. Mais elle présente de nombreuses mesures pragmatiques, faciles à mettre en œuvre sans délai et susceptibles d’amorcer une dynamique de croissance de l’emploi.

C’est en effet en actionnant différents leviers encore sous-exploités des champs de la formation initiale, de l’accompagnement des mutations économiques et de la gestion de la main-d’œuvre que l’on pourra donner l’impulsion permettant de consolider la reprise de l’activité économique que la France, comme l’a souligné M. le ministre, connaît depuis le début de l’année 2010.

Depuis son dépôt à l’Assemblée nationale au mois d’avril dernier, la proposition de loi a connu plusieurs évolutions importantes.

Son article 6, qui instaurait un système de bonus-malus sur la contribution supplémentaire à l’apprentissage, a été intégré au projet de loi de finances rectificative pour 2011 actuellement en cours d’examen.

Son article 13, consacré au partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise, figure désormais dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2011 que nous examinerons prochainement.

Saisis en application du protocole de consultation sur les propositions de loi touchant au droit du travail, les partenaires sociaux ont conclu deux accords nationaux interprofessionnels qui sont encore venus enrichir le texte initial.

Enfin –  surtout, dirai-je –, le dispositif d’ensemble a pris de l’ampleur, avec l’ajout de vingt-huit articles lors de l’examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale.

Les dispositions du texte s’organisent désormais autour de quatre grandes thématiques qui se révèlent complémentaires. Elles partagent un objectif commun : améliorer concrètement les conditions d’emploi et de formation des jeunes et de certains salariés ainsi que les possibilités de développement économique des entreprises.

La première thématique porte sur le développement de l’alternance. Elle constitue la traduction des engagements du Président de la République, dans son discours du 1er mars 2011, en faveur des jeunes suivant une formation en alternance. La proposition de loi contient donc un ensemble de mesures en faveur des 600 000 jeunes qui suivent aujourd’hui l’un de ces cursus et qui, espérons-le, seront demain encore plus nombreux à le faire.

Mes chers collègues, vous tous qui êtes élus locaux comme moi, vous avez sans doute été appelés à l’aide par des jeunes de votre département qui ne parvenaient pas à trouver de place en apprentissage. La proposition de loi leur apportera des solutions concrètes, comme de nouvelles possibilités de formation en CFA, pendant qu’ils continuent leur recherche. Grâce aux initiatives heureuses de notre collègue Jean-Claude Carle, la commission des affaires sociales a renforcé les passerelles destinées à ceux qui souhaiteraient changer de formation en cours de route et se réorienter, en passant de la préparation d’un baccalauréat professionnel à celle d’un certificat d’aptitude professionnelle.

Nous savons bien que l’alternance constitue une vraie réponse à la précarité grandissante qui touche certains jeunes, bien plus exposés aux effets des crises que nous ne l’étions à leur âge. Mais les mentalités sont longues à changer et il est malheureusement toujours nécessaire de rappeler que l’apprentissage est une voie d’excellence, comme l’a dit Mme la ministre. En effet, deux tiers des apprentis trouvent un emploi à la sortie de leur formation et 86 % d’entre eux ont un emploi trois ans après la fin du contrat d’apprentissage ; les chiffres parlent d’eux-mêmes ! L’apprentissage représente également le meilleur moyen de devenir chef d’entreprise : plus de la moitié des patrons d’entreprise artisanale sont eux-mêmes issus de l’apprentissage !

Voila pourquoi la proposition de loi s’attache à rendre l’apprentissage plus attractif et à mieux le valoriser. Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, elle ne prévoit pas d’ouvrir l’apprentissage à partir de quatorze ans. Nous avons déjà débattu de cette question dans le passé, mais j’insiste et j’insisterai encore sur ce point : les promoteurs de la proposition de loi n’envisagent aucunement de permettre aux jeunes d’entrer en apprentissage dès quatorze ans !

En revanche, elle propose la revalorisation du statut de l’apprenti, notamment en créant une carte d’étudiant des métiers qui accordera les mêmes avantages économiques, sociaux et culturels que la carte d’étudiant. Les travaux de la commission des affaires sociales ont permis de garantir que les CFA délivreront effectivement cette carte.

Cela étant, l’apprentissage ne se développera pas sans la coopération complète des entreprises. Pour y parvenir, la proposition de loi tend à permettre à deux nouveaux secteurs économiques, qui en ont fait activement la demande, de recourir à l’apprentissage : le secteur du travail temporaire et celui des activités saisonnières. Nous avons d’ailleurs accompagné ce mouvement en ouvrant aux particuliers employeurs, sur la proposition de notre présidente Muguette Dini, la possibilité de recourir aux contrats de professionnalisation afin de favoriser la formation des personnels et de mieux répondre aux besoins des familles.

L’apprentissage ne se développera pas non plus sans les personnes dévouées, passionnées et prêtes à transmettre leur savoir-faire que sont les maîtres d’apprentissage. La proposition de loi prévoit que les branches professionnelles devront négocier sur les moyens de valoriser leur engagement.

Nous avons également été sensibilisés à la question des ruptures de contrats d’apprentissage en « cours de route », qui constituent autant d’échecs navrants. La commission des affaires sociales a donc souhaité élargir temporairement les missions des médiateurs de l’apprentissage à la prévention de ces ruptures, en se fondant sur l’expérience particulièrement efficace de l’Alsace-Moselle ; dans ces trois départements, le taux de rupture des contrats d’apprentissage n’est que de 8 %, contre 24 % à l’échelle nationale.

La deuxième thématique porte sur l’encadrement des stages.

Les mesures que nous avions déjà adoptées dans le cadre de la loi pour l’égalité des chances, notamment sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Godefroy, sont ici renforcées. Ces améliorations reprennent les conclusions de l’accord national interprofessionnel du 7 juin 2011 sur l’accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise.

On sait que les stages restent, pour les jeunes, un excellent moyen de parfaire une formation et sont une étape clé pour leur insertion dans le monde du travail. Ils seront désormais mieux reconnus : les stagiaires accéderont, au même titre que les salariés, aux activités sociales et culturelles de l’entreprise et la durée du stage sera mieux prise en compte dans la période d’essai, en cas d’embauche.

La commission des affaires sociales a également tenu à réaffirmer les droits des jeunes qui souhaitent développer leur engagement citoyen. Sur proposition d’Isabelle Debré, elle a autorisé les jeunes de seize ans révolus à constituer une association et, avec l’accord de leur représentant légal, à l’administrer.

La troisième thématique est fondamentale, car elle concerne l’aide aux personnes victimes d’un licenciement économique.

La proposition de loi crée un nouveau contrat, à savoir le contrat de sécurisation professionnelle, destiné à encadrer leur parcours de retour à l’emploi et à leur permettre, par une formation longue et des périodes de travail, de se reconvertir professionnellement. Ce contrat réalise la fusion de deux dispositifs actuels : le contrat de transition professionnelle, le CTP, et la convention de reclassement personnalisé, la CRP, qui, jusqu’ici, coexistaient difficilement.

Du fait de querelles internes, les méthodes employées dans ces deux dispositifs et leur pilotage n’ont jamais pu être harmonisés. Les conseillers de Pôle emploi, chargés principalement de la mise en œuvre de la CRP, n’ont bénéficié ni de la formation nécessaire ni de l’incitation suffisante pour exploiter le potentiel qu’offre un accompagnement de long terme centré sur l’orientation et la formation.

Pour répondre aux critiques, je tiens à préciser que la fusion des deux dispositifs dans le CSP s’opère sur la base de mesures qui ont fait leurs preuves : l’accent est mis sur le pilotage territorial du futur dispositif, qui explique le succès du CTP lorsqu’il repose sur des acteurs locaux inventifs et compétents, comme j’ai pu en auditionner. Le lien avec le tissu économique local sera donc essentiel pour identifier les métiers vers lesquels il faut orienter la reconversion des bénéficiaires du CSP.

Dans un accord signé le 31 mai 2011, les partenaires sociaux ont défini les modalités de mise en œuvre du CSP. Si cet accord, en lui-même, n’est pas l’objet de notre texte, on peut néanmoins signaler que le CSP sera ouvert aux salariés à partir d’un an d’ancienneté, contre deux ans dans le cadre de la CRP, qu’il donnera droit au versement d’une allocation équivalente à 80 % du salaire brut et, surtout, qu’il sera expérimenté pour l’accompagnement des publics précaires, ceux qui ne bénéficient d’aucune sécurité sur le marché du travail, qu’ils soient en fin de contrat à durée déterminée ou en intérim.

Enfin, la quatrième thématique porte sur les groupements d’employeurs.

Créés en 1985, ces groupements, dont l’objet est de permettre aux entreprises adhérentes d’organiser entre elles la mise à disposition non lucrative de salariés travaillant à temps partagé, représentent aujourd’hui 23 000 emplois. Cette formule a pour intérêt d’offrir des emplois stables, tout en répondant à un besoin temporaire de main-d’œuvre des employeurs : les petites entreprises peuvent notamment partager de cette manière les services de techniciens qualifiés et les grandes entreprises peuvent également y trouver leur intérêt, en développant par ce biais une coopération avec les autres acteurs économiques locaux.

La proposition de loi simplifie les modalités d’adhésion et les règles de responsabilité financière applicables. Cet aménagement devrait encourager les entreprises à considérer le groupement comme le moyen de s’adapter aux variations de l’activité tout en protégeant leurs travailleurs et non pas, comme le craignent certains, être un facteur de précarisation des salariés.

La commission des affaires sociales a veillé à organiser les relations entre groupements d’employeurs et collectivités territoriales, car celles-ci ne sont pas des acteurs économiques comme les autres : elles peuvent être amenées à satisfaire leurs besoins temporaires de main-d’œuvre, pour des travaux d’entretien par exemple, en faisant appel à des entreprises d’insertion. Nous nous sommes aussi préoccupés des conséquences qui pourraient résulter de l’existence de ces groupements d’employeurs pour l’emploi des travailleurs handicapés ; je souhaiterais, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous nous donniez l’assurance que cette formule ne conduira pas à exonérer certaines entreprises de l’obligation, qui leur est imposée par la loi, d’employer des travailleurs handicapés à hauteur de 6 % de leur effectif. Vous savez que je tiens au respect de cette obligation !

Pour finir sur les groupements d’employeurs, je rappelle que les partenaires sociaux ont ouvert, la semaine dernière, une négociation interprofessionnelle sur ce thème. C’est pour cette raison, et pour respecter les règles du dialogue social, que la commission des affaires sociales a proposé de reporter l’entrée en vigueur des dispositions de la présente proposition de loi relatives à ce sujet au 1er novembre 2011, pour laisser du temps à la négociation. Si les partenaires sociaux parviennent à un accord d’ici là, la loi en tiendra compte, mais il ne faudrait pas que l’intervention du législateur soit entravée par des négociations qui pourraient ne jamais aboutir. Depuis plus de deux ans déjà, la réforme des groupements d’employeurs est attendue : il est grand temps d’agir !

J’ajouterai un dernier mot sur le prêt de main-d’œuvre. Cette pratique a été plébiscitée durant la crise et la commission des affaires sociales a souhaité lui donner un cadre juridique protecteur des droits des salariés.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons considéré que la proposition de loi met en lumière certains obstacles au développement de l’emploi, liés aussi bien à la formation en alternance qu’au reclassement des licenciés économiques, et qu’elle y apporte de vraies réponses, en développant la flexibilité, au bénéfice des jeunes en formation, des salariés et des employeurs, et en garantissant une plus grande sécurité dans le déroulement des parcours professionnels.

Bien évidemment, je ne peux achever mon propos sans préciser que nous regrettons néanmoins que le recours à la procédure accélérée et le calendrier très contraint qui nous a été imposé nous conduisent à examiner ce texte dans des conditions peu satisfaisantes.

M. Guy Fischer. C’est le moins qu’on puisse dire !

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Nous en avons encore eu la démonstration ce matin, lors de l’examen des amendements en commission.

M. Guy Fischer. La majorité était absente !

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Je serai donc conduite, tout à l’heure, à émettre, au nom de la commission des affaires sociales, des avis qui ne correspondent pas au texte qu’elle a adopté. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous abordons l’examen aujourd’hui ne pèche pas par ses intentions. Nous partageons le constat de l’insuffisante sécurité des parcours professionnels, livrés à la précarité, et de la nécessité d’œuvrer pour l’emploi des jeunes. Toutefois, nous pensons que la majorité porte une lourde responsabilité en la matière et que la proposition de loi ne contribuera pas à enrayer ce phénomène.

M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Concernant les jeunes, le constat est accablant : le chômage touche un quart des moins de vingt-cinq ans, 21 % d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté et le recours aux emplois précaires explose dans cette classe d’âge.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Que l’on se rassure, le Gouvernement a trouvé la solution puisque, à grand renfort de communication, il mise sur l’apprentissage !

Si l’apprentissage peut être une voie à explorer dans certains cas, il ne saurait constituer le remède aux difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail ni à l’orientation d’élèves mis au ban du système scolaire. En effet, plus d’un tiers des apprentis ne trouvent pas d’emploi à l’issue de leur formation ; quant aux ruptures de contrat, elles concernent environ un quart des apprentis chaque année, pour atteindre, dans certaines formations comme celles du secteur de l’hôtellerie ou de la restauration, des taux de 37 % !

Sur la forme, la proposition de loi ne se donne pas d’autre objectif que d’exaucer les vœux présidentiels, ce qui constitue une regrettable distorsion du fonctionnement de nos institutions et un dévoiement des droits des parlementaires.

Se parant d’objectifs ambitieux, la proposition de loi manque pourtant son but : elle alterne entre dispositions insignifiantes et innovations dangereuses, aboutissant à la précarisation des apprentis comme des salariés.

Concernant l’alternance, un certain nombre de dispositions ont été transférées dans le projet de loi de finances rectificative pour 2011. Elles ont cependant un lien avec cette proposition de loi, et j’en dirai donc un mot.

Bien que ces dispositions soient plus favorables aux entreprises qu’aux apprentis, ces dernières n’ont pourtant eu de cesse d’en atténuer la portée. Ainsi, l’exonération de charges d’un an pour toute nouvelle embauche en alternance dans les entreprises de moins de 250 salariés et le nouveau seuil de 4 % d’apprentis dans les entreprises de plus de 250 salariés, au lieu de 3 % antérieurement, accompagné d’un système de bonus-malus gradué, n’ont pas semblé convenir au patronat.

Alors que ces dispositions sont censées rendre l’apprentissage attractif, non seulement rien n’est fait pour revaloriser les salaires dérisoires des apprentis, qui se situent entre 25 % et 78 % du SMIC, mais des pressions ont également été exercées pour amoindrir les malus des entreprises. C’est ainsi qu’a germé l’idée d’une exonération de contribution supplémentaire à l’apprentissage pour les entreprises s’engageant à augmenter de 10 % leur nombre d’apprentis d’ici à l’an prochain.

En outre, l’instauration d’un plafond pour la part de la taxe affectée aux formations professionnelles, le « barème », favorise la part reversée directement à l’apprentissage, alors que la loi lui réserve déjà 52 % du produit de cette taxe.

Cette limitation ne serait pas si problématique si la part « barème », ainsi fortement diminuée, ne permettait pas précisément de financer l’enseignement professionnel que je veux défendre ici. Oublié, négligé, injustement méprisé, il mérite pourtant toute notre attention. On prétend le revaloriser, alors qu’il va voir ses financements amoindris !

La proposition de loi crée par ailleurs la possibilité de signer un contrat d’apprentissage saisonnier avec deux employeurs différents, ce qui favorisera les entreprises, ravies de pouvoir capter cette main-d’œuvre à bas coût dans un secteur par définition précaire. Les difficultés pour les familles et les apprentis en seront décuplées, ces derniers se trouvant contraints de se diviser entre deux postes, deux formations, deux logements, etc. De plus, il n’est pas certain que la complémentarité de ces contrats soit assurée pour l’obtention du ou des diplômes préparés, tant les emplois dits « saisonniers » sont divers.

La proposition de loi prévoit également la possibilité d’effectuer un contrat d’apprentissage dans des entreprises d’intérim. Là encore, l’intérêt est évident pour l’entreprise, mais beaucoup moins pour l’apprenti, qui doit être engagé dans une mission longue et formatrice de un à trois ans, ce qui est n’est pas le cas en intérim.

Quant à la possibilité de renouveler une fois le contrat de professionnalisation, qui peut déjà durer douze mois et, dans certains cas, vingt-quatre mois, elle est inadmissible ! Cela revient à créer des contrats précaires pouvant durer jusqu’à quarante-huit mois, ce qui est même en dehors du cadre légal des contrats à durée déterminée.

Enfin, au mépris de l’âge de l’obligation scolaire fixé à seize ans, des sections « apprentissage » seraient ouvertes en troisième et en quatrième ; dans le même temps, l’âge du contrat d’apprentissage serait encore abaissé pour atteindre quatorze ans.

Concernant la réglementation des stages, la proposition de loi est malheureusement insuffisante. Elle ne dit en effet mot de la revalorisation de la gratification, ni de l’ouverture des droits à cotisation pour la retraite et le chômage.

Le contrat de sécurisation professionnelle, issu de la fusion entre les conventions de reclassement personnalisé et les contrats de transition professionnelle, ne tient pas compte du bilan opéré par la Cour des comptes sur les anciens dispositifs et des insuffisances qu’elle a pointées, en particulier le nombre limité de bénéficiaires et le manque d’efficacité dans le retour à l’emploi. Ainsi, loin de la sécurité sociale professionnelle que les organisations syndicales appellent de leurs vœux, cette disposition est un aménagement du licenciement économique. S’il est légitime de chercher à limiter les effets de ces licenciements, ce n’est évidemment pas suffisant. Il faut aller au-delà, s’engager dans une démarche tournée vers le maintien de l’emploi et pas seulement vers la reconversion des salariés une fois le licenciement intervenu.

Quant aux dispositions sur les groupements d’employeurs, il s’agit là d’une dérégulation totale.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Elles reposent sur l’idée selon laquelle les salariés devraient servir de variable d’ajustement aux entreprises, en permettant la mise à disposition de salariés au profit des employeurs du groupement.

En autorisant l’adhésion à deux groupements, la proposition de loi étend la possibilité à toutes les entreprises, y compris les plus grosses, ainsi qu’aux collectivités.

Les salariés seront placés dans une situation de grande précarité, puisque l’obligation d’embauche en contrat à durée indéterminée est supprimée et que, contrairement aux missions d’intérim, le salarié mis à disposition ne perçoit pas de prime de précarité.

La possibilité d’étendre le principe du groupement aux collectivités sert, elle, le projet de casse du statut de la fonction publique et permet la généralisation de l’externalisation, jusqu’alors très limitée.

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, nous voterons contre le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, les jeunes ont été particulièrement touchés durant la crise économique, ce qui n’a fait que mettre en lumière les difficultés d’insertion professionnelle et l’inadéquation de la formation par rapport à l’emploi.

Depuis trente ans, notre pays consacre une part importante de ses dépenses publiques à l’emploi des jeunes. Cependant, l’enjeu aujourd'hui est non pas nécessairement l’accroissement de ces dépenses, mais plutôt la création et l’évaluation de nouveaux dispositifs.

Ainsi, l’apprentissage est une voie d’avenir puisque plus de huit jeunes apprentis sur dix trouvent un emploi dans l’année qui suit l’obtention du diplôme. En outre, pour un même diplôme, un jeune formé par apprentissage a davantage de chances de trouver rapidement un emploi qu’un jeune resté sur la voie scolaire.

Pourtant, à ce jour, seuls 7 % des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans ont la chance de bénéficier de ce type de formation. Cela n’est pas satisfaisant !

La question de l’insertion des jeunes est d’autant plus préoccupante que leur situation est comparativement moins bonne en France que dans de nombreux pays européens. Regardons ce qui se passe en Allemagne, où trois fois plus de jeunes sont en apprentissage. Autre culture, autres résultats, me direz-vous. Mais pourquoi ne ferions-nous pas aussi bien que nos voisins ?

Pour construire des parcours professionnels valorisants et juguler le nombre de demandeurs d’emploi, l’apprentissage et l’alternance constituent un levier performant ; l’Allemagne l’a bien compris.

La France figure, de manière récurrente, au triste palmarès des nations de l’OCDE où le chômage des jeunes est parmi les plus élevés, oscillant entre 17 % et 23 %. Outre-Rhin, le chômage des jeunes dépasse rarement 10 %, du fait essentiellement de l’essor d’un système de formation dual et d’un fléchage vers les filières d’apprentissage dès le collège.

La formation en alternance est un modèle de réussite en Allemagne mais pas encore en France ; je le regrette, car, chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ou qualification et 80 000 étudiants quittent l’université au cours de la première année.

Voilà pourquoi le Président de la République a annoncé un plan de mobilisation pour l’emploi le 1er mars dernier, en vue de développer l’alternance, avec 800 000 contrats, dont 600 000 apprentis d’ici à 2015, contre 420 000 à ce jour.

L’emploi des jeunes doit être un objectif national partagé par l’ensemble des acteurs de notre pays, qu’il s’agisse des chefs d’entreprise, des partenaires sociaux, des régions mais aussi de l’État !

Bien que l’apprentissage dans la fonction publique connaisse un développement depuis quelques années, les employeurs publics n’ont pas été suffisamment présents sur le terrain de la formation et de l’insertion de notre jeunesse. De nombreux jeunes engagés dans la voie professionnelle, soit sous statut scolaire, soit en apprentissage, peinent à trouver un employeur prêt à les accueillir. Aussi je souhaite que non seulement l’État, mais aussi les collectivités ne se défaussent pas de leurs responsabilités et s’investissent dans la formation professionnelle pour accueillir des stagiaires en lycée professionnel et des apprentis.

L’apprentissage dans le secteur public est extrêmement peu développé. Seuls 8 000 nouveaux contrats d’apprentissage y ont été conclus en 2009, contre près de 300 000 dans le secteur marchand. Les communes ont conclu près de 60 % des nouveaux contrats, contre à peine 7 % pour les services de l’État, soit seulement 600 contrats !

Avec plus de 5 millions d’agents, le secteur public, premier employeur de France, est appelé à jouer un rôle décisif dans le développement de l’emploi et de la formation des jeunes. À l’instar de l’effort consenti par les branches professionnelles, l’État doit se mobiliser pour augmenter son potentiel d’accueil en alternance.

Les freins à l’alternance dans les services de l’État sont bien identifiés. La culture de l’apprentissage dans le secteur public est encore limitée, mais cela doit changer ! Je souhaite, donc que l’État se montre exemplaire. Le Gouvernement a réaffirmé sa volonté de développer la formation en alternance. Force est de constater que cette volonté, largement partagée, a des difficultés à se concrétiser.

La mise en place, en 2009, de la réforme pleinement justifiée du baccalauréat professionnel a provoqué dans le même temps une baisse structurelle des contrats d’apprentissage de niveau V – 26 000 apprentis de moins qu’en 2008, soit une diminution de 16 % en un an – à laquelle s’ajoute une baisse de 12 000 contrats de professionnalisation du même niveau.

Quatre raisons expliquent cette situation.

La première concerne la famille, pour qui l’orientation d’un enfant en CFA est encore vécue comme un échec.

La deuxième raison touche à l’éducation nationale, toujours aussi réticente à voir l’entreprise entrer dans un domaine qu’elle considère comme réservé.

La troisième raison est liée au fait que les conseils régionaux préfèrent souvent remplir, pour la préparation d’un même diplôme, les lycées professionnels que les CFA. Bien sûr, ils ont beaucoup investi dans les premiers, mais les seconds, comme l’a montré une récente étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, présentent des taux d’insertion dans l’emploi de dix points supérieurs. Dans cette affaire, seul l’intérêt des jeunes devrait pourtant compter.

Enfin, la quatrième raison est que les employeurs hésitent à signer un contrat sur trois ans.

Notre proposition de loi apporte plusieurs réponses fortes à ce problème, et je m’en réjouis.

La première est le dispositif d’initiation aux métiers en alternance, le DIMA, qui prévoit que les CFA peuvent accueillir pour un an, sous statut scolaire, les jeunes âgés de quinze ans pour leur faire découvrir l’apprentissage en approchant plusieurs métiers d’une même filière.

La loi du 24 novembre 2009 indiquait explicitement que les élèves de seconde pouvaient bénéficier du DIMA, mais, malheureusement, une circulaire du ministère de l’éducation nationale est venue limiter ce dispositif à la troisième, faisant ainsi obstacle à la volonté du législateur. Que les fonctionnaires se permettent ainsi de détourner la loi n’est pas acceptable !