Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis ravie d’intervenir aujourd’hui dans cette discussion portant sur une proposition de loi dont les mesures sont attendues depuis de nombreuses années par les sapeurs-pompiers volontaires.

Je veux tout d’abord rendre hommage aux sapeurs-pompiers eux-mêmes. Volontaires ou professionnels, ils accomplissent, chaque jour, un travail formidable sur le terrain, parfois au risque de leur vie. Ils sont en première ligne pour apporter assistance et aide aux personnes confrontées à des situations d’urgence et de détresse ; le drame survenu dans les Alpes, voilà quelques jours, nous le rappelle une fois de plus et j’ai une pensée, aujourd’hui, pour les familles des victimes.

En 2009, les sapeurs-pompiers ont procédé à plus de 4 millions d’interventions en France, ont répondu à plus de 20 millions d’appels téléphoniques et ont pris en charge plus de 3 millions de victimes. À ce titre, nous ne pouvons que saluer leur engagement et leur dévouement.

Comme cela a été rappelé, le volontariat occupe une place prépondérante dans cette profession : 80 % des effectifs sont composés de non-professionnels. Sans eux, sans cet engagement civique, il serait impossible de mener à bien l’ensemble des missions des services d’incendie et de secours dans notre pays. Ce constat est encore plus juste en zone rurale, où ils assurent 80 % des interventions.

Malheureusement, depuis de nombreuses années, le volontariat traverse une crise, rendant de plus en plus compliqué son exercice et de plus en plus problématique son développement. En effet, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires n’a cessé de diminuer, tout comme la durée moyenne de leur engagement.

Mme Nicole Bonnefoy. Nous connaissons les origines de cette crise du volontariat, à laquelle il est de notre devoir d’apporter des solutions. Il faut préserver et encourager cet engagement citoyen et républicain, qui fait figure d’exemple dans une société individualiste et repliée sur elle-même. Il nous appartient de reconnaître à sa juste valeur l’engagement de milliers d’hommes et de femmes volontaires en France !

C’est tout l’objet de cette proposition de loi et nous pouvons tous nous en féliciter.

Cependant, même si la philosophie de ce texte est plus que louable, permettez-moi de formuler quelques regrets.

Tout d’abord, je déplore, au titre de la qualité du débat et du travail parlementaire, de devoir examiner ce texte dans la précipitation. Certes, un travail important a eu lieu en amont puisque cette proposition de loi est issue des travaux de la commission « Ambition volontariat » et qu’elle a fait l’objet de deux saisines. Je ne remets donc pas en cause le travail fourni, ni sa qualité, mais il est tout de même dommage, au regard de l’importance de ce texte, que nous soyons aujourd'hui contraints de l’adopter en l’état, sans avoir réellement la possibilité de l’amender.

J’ai parfaitement conscience que le couperet de la date ultime de la révision de la directive européenne sur le temps de travail le justifie.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

Mme Nicole Bonnefoy. Mais pourquoi avoir tant attendu pour inscrire ce texte à l’ordre du jour de nos deux assemblées ?

M. Roland Courteau. On peut se poser la question !

Mme Nicole Bonnefoy. Est-ce à dire que, si la révision de la directive européenne n’avait pas été imminente, nous aurions encore repoussé l’examen de ce texte ?

Mon deuxième regret porte sur le fait que mon collègue Roland Courteau n’ait pas été plus associé à ces travaux. Cela a été rappelé, il est également l’auteur d’une proposition de loi sur le même sujet, déposée en mars dernier, et dont le contenu est assez semblable au texte qui nous réunit aujourd’hui.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est presque identique !

Mme Nicole Bonnefoy. Un examen commun de ces deux propositions de loi aurait été souhaitable, afin d’aboutir à un texte encore plus riche.

D’autres propositions de loi ont, cette année, fait l’objet d’une lecture conjointe. Lorsque le travail s’est fait en bonne intelligence, nos textes n’en ont eu que plus de poids ; ils ont démontré que nous étions capables de travailler ensemble, au-delà de tout clivage partisan, dans l’intérêt général.

Mon dernier regret concerne évidemment l’incidence financière des dispositions préconisées dans ce texte. Encore une fois, l’État transfère de nouvelles charges sur les collectivités territoriales, principalement sur les départements.

M. Claude Bérit-Débat. Comme toujours !

Mme Nicole Bonnefoy. En effet, ce texte consacre la prise en charge par les collectivités de la quasi-exclusivité du financement de l’activité des sapeurs-pompiers, à travers les SDIS.

Une nouvelle fois donc, la question du financement de la sécurité civile se pose. N’est-ce pas l’une des fonctions régaliennes de l’État ? Pourquoi, à ce titre, ne prend-il pas en charge le financement des SDIS, dont dépendent 85 % des interventions des sapeurs-pompiers chaque année ?

S’il revient assez logiquement à l’échelon local de définir la couverture des risques locaux, l’État n’est pas pour autant censé se décharger de ses responsabilités financières !

En tout état de cause, à l’heure où les collectivités sont asphyxiées financièrement, il semble plus que jamais inopportun de leur imposer des charges supplémentaires.

M. Roland Courteau. Tout à fait !

Mme Nicole Bonnefoy. Non que les élus locaux n’aient pas conscience de l’indispensable action des sapeurs-pompiers volontaires, mais ils n’ont pas forcément les moyens de la soutenir entièrement !

Les départements, les communes et les communautés de communes financent déjà 97 % des dépenses de fonctionnement des SDIS, lesquelles représentent plus de 75 % du budget global de ces services. Au total, ce sont 5,5 milliards d’euros par an qui sont mobilisés, soit cinq fois plus que ne dépense l’État dans ce domaine. Ce déséquilibre n’est plus soutenable !

Le fait de préciser que l’application des dispositions de ce texte restera « à la discrétion des assemblées délibérantes en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales » est un artifice ! Dans les faits, cette possibilité sera une obligation, qui ne peut être remise en cause, si ce n’est au détriment des sapeurs-pompiers, ce que, bien sûr, personne ne souhaite !

M. Roland Courteau. C’est certain !

Mme Nicole Bonnefoy. À l’instar de la proposition de loi de mon collègue Roland Courteau, la version initiale du présent texte prévoyait une prise en charge d’une partie des dispositions préconisées par un relèvement de la dotation globale de fonctionnement. Il aurait fallu confirmer ce principe et le rendre même impératif !

Il est également regrettable que le Gouvernement ne soit pas allé plus loin dans la levée de l’article 40 de la Constitution sur plusieurs dispositions du texte initial, ce qui aurait été souhaitable pour une meilleure prise en compte du volontariat.

Après ces remarques introductives qui me paraissaient nécessaires, j’en viens aux mesures concrètes de ce texte. Je ne serai pas exhaustive, car elles ont déjà été longuement présentées.

Dans un premier temps, répondre à la crise du volontariat nécessite de reconnaître la spécificité de l’activité de sapeur-pompier volontaire afin de lui donner un cadre juridique protecteur et adapté. Pour ce faire, une définition juridique de cet engagement spécifique doit être inscrite dans la loi à travers ses deux fondements : le volontariat et le bénévolat.

Au-delà de la reconnaissance nécessaire qu’elle procure, cette définition permet d’anticiper la révision de la directive sur le temps de travail, qui devrait aboutir à l’automne prochain. Il est en effet vital d’exclure l’activité du sapeur-pompier volontaire de son champ d’application. Aujourd’hui, les sapeurs-pompiers volontaires sont la première force de sécurité civile. Si, demain, ces volontaires étaient reconnus comme des travailleurs au sens de cette directive, c’est toute l’organisation de la sécurité civile de notre pays qui serait remise en cause.

Le Conseil d’État l’a indiqué, l’adoption de la présente proposition de loi ne suffira pas à trancher définitivement cette question. Nous pouvons néanmoins espérer qu’elle influencera le processus actuel de révision de cette directive.

Dans un second temps, il importe d’offrir à l’ensemble des sapeurs-pompiers volontaires une reconnaissance et une protection dans l’exercice de leur activité bénévole, en garantissant un certain nombre de droits pénaux, sociaux et financiers.

Je me félicite donc que cette proposition de loi renforce la protection pénale des sapeurs-pompiers volontaires, en prenant en compte le caractère d’urgence dans lequel ils interviennent, afin d’éviter que leur responsabilité pénale ne soit injustement mise en cause.

Je me réjouis également du renforcement de leur protection sociale en cas d’accident ou de maladie professionnelle. Dans le cas ô combien malheureux d’un décès, le texte prévoit en outre une extension des droits à une rente de réversion et au capital décès aux concubins et aux partenaires pacsés.

Il apparaissait également nécessaire d’intégrer plus de souplesse dans la formation qui, a bien des égards, est trop rigide et trop lourde. Encourager et valoriser le volontariat passe nécessairement par une adaptation de ces formations et par une reconnaissance de l’expérience acquise.

Comme le préconise cette proposition de loi, il faut offrir aux sapeurs-pompiers volontaires des formations plus adaptées et plus individualisées, s’accompagnant d’une prise en compte et d’une valorisation des expériences acquises, notamment dans le cadre de la formation professionnelle continue ou de la validation des acquis de l’expérience.

Il faut également sensibiliser les plus jeunes afin de les encourager au volontariat.

Cependant, comme mes collègues députés, je tiens à rappeler que nous devons veiller à ne pas créer deux catégories de sapeurs-pompiers avec, d’un côté, des professionnels hyperqualifiés et, de l’autre, des volontaires qui seraient cantonnés à certaines missions. Il convient de préserver une culture partagée, en laissant aux volontaires leur juste place pour assurer leur part d’interventions sur le terrain.

Enfin, je pense que toutes ces mesures n’auraient pas beaucoup d’effets sans la mise en place d’une valorisation pécuniaire, fût-elle symbolique, de cet engagement. Il est indispensable que l’exercice des fonctions des sapeurs-pompiers volontaires au sein des SDIS donne lieu à l’attribution de récompenses, de contreparties et d’indemnités. À défaut, de nombreux sapeurs-pompiers volontaires seront contraints de réduire, voire d’arrêter leur activité bénévole, afin de faire face à leurs obligations professionnelles ou familiales.

Mes chers collègues, cette proposition de loi représente donc une avancée indéniable pour les sapeurs-pompiers volontaires. Sans être parfaite, elle va dans le bon sens en encourageant le volontariat. Le groupe socialiste votera donc ce texte.

Néanmoins, je tiens à redire que nous ne sommes pas totalement satisfaits. Nous déplorons en effet que l’État se décharge de ses responsabilités financières sur les collectivités territoriales.

La sécurité civile est l’affaire de tous. Il n’est pas possible de laisser peser éternellement le poids financier des SDIS sur les seules collectivités, alors même que leur situation financière est des plus critiques, notamment en raison du gel continu des dotations de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Yvon Collin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de souhaiter la bienvenue à M. le secrétaire d’État pour son baptême du feu, si j’ose dire, dans notre hémicycle. (Sourires.)

Je tiens à saluer l’heureuse initiative de notre collègue député Pierre Morel-A-L’Huissier, qui devrait contribuer à améliorer la condition des 197 000 sapeurs-pompiers volontaires s’acquittant avec dévouement – je n’hésite pas à le redire – de la protection et du secours de nos concitoyens.

Leurs interventions constituent l’immense majorité des opérations menées par la sécurité civile dans notre pays. Leur contribution au maintien de la sécurité des personnes et des biens est essentielle, et je souhaite rendre hommage, au nom de mes collègues du RDSE, à ces milliers d’hommes et de femmes qui se mettent au service d’autrui.

Mme la rapportrice a déjà évoqué les principales données de la situation actuelle. Pour ma part, j’insisterai particulièrement sur le fait que le recrutement de ces volontaires, essentiel au fonctionnement de la sécurité civile, semble aujourd’hui plus difficile. Leur nombre a ainsi diminué de 5,2 % entre 2004 et 2009, même si l’absence de recul statistique doit sans doute nous conduire à être prudents dans l’interprétation de ce chiffre.

De multiples facteurs sont susceptibles d’expliquer ce recul : la difficulté à concilier cet engagement avec une vie professionnelle et personnelle ; les réticences des employeurs à octroyer des autorisations d’absence ; le relâchement du maillage territorial, surtout en zone rurale, résultant de la départementalisation des SDIS ; ou encore l’exposition croissante des sapeurs-pompiers volontaires à des poursuites civiles ou pénales.

Mais surtout, et cela a également été dit, la stricte application de la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail fait aujourd’hui peser un risque important sur le maintien du modèle français de sécurité civile.

Ce texte soulève, en particulier, le problème des temps de garde et des périodes minimales de repos hebdomadaire et quotidien des salariés.

Appliquée strictement aux sapeurs-pompiers volontaires, qui prennent par définition sur leur temps de travail pour accomplir leurs missions, il est évident que cette directive réduira leur disponibilité et mettra en péril le volontariat.

Certes, la loi du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers avait expressément exclu l’application du code du travail aux missions menées dans le cadre de l’engagement volontaire. Cependant, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 octobre 2010 a encore affaibli ce principe en affirmant, s’agissant des sapeurs-pompiers, que la notion de travailleur ne pouvait dépendre des seules législations nationales.

Bien sûr, l’article 1er de la proposition de loi réaffirme avec force que le bénévolat et le volontariat sont la base de l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et précise que cette activité n’est pas une activité professionnelle, afin de la soustraire à l’application du code du travail. Mais la position de la Cour de Luxembourg suscite, sans doute légitimement, l’inquiétude des représentants des sapeurs-pompiers, que nous avons maintes fois rencontrés.

Comme eux, nous attendons que le gouvernement français pèse de tout son poids pour que, dans le cadre du processus de renégociation de la directive, soit introduite une clause particulière qui exclura les sapeurs-pompiers volontaires de son champ d’application.

À défaut, notre modèle de sécurité civile irait au-devant de graves difficultés. Les sapeurs-pompiers volontaires ne doivent en aucun cas être assimilés à des travailleurs et soumis à une obligation de repos de onze heures après leur journée de travail, avant de pouvoir partir en intervention.

Une telle décision ferait peser une charge financière insupportable sur les SDIS. Comme le relevait, en septembre dernier, M. Alain Perret, directeur de la sécurité civile au ministère de l’intérieur, lors de son audition à l’Assemblée nationale, elle imposerait le recrutement de près de 61 000 sapeurs-pompiers professionnels, pour un coût global de 2,5 milliards d’euros.

Nous sommes bien placés pour savoir que ni les SDIS ni les collectivités territoriales ne peuvent évidemment se le permettre ! Pouvez-vous donc, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer où en sont les négociations sur ce point ?

L’efficacité de la protection des biens et des personnes suppose, en toute hypothèse, que les moyens budgétaires nécessaires soient au rendez-vous. Or, sur les 5,5 milliards d’euros du budget de la sécurité civile, 96 % sont pris en charge par les collectivités, les 4 % restants ne représentant que 0,15 % du budget de l’État.

La prise en charge des SDIS représente ainsi 5 % des dépenses de fonctionnement des départements, qui sont aujourd’hui soumis aux contraintes financières que chacun sait.

Depuis 2001, les dépenses ont connu une augmentation globale de 56,5 %, tandis que le nombre d’interventions n’augmentait que de 16,2 %.

Nous pensons qu’une très grande attention doit être portée à la restructuration de la carte des centres d’intervention, le lien entre maillage territorial et volontariat étant étroit.

La diminution de 11 % du nombre de centres de première intervention intégrés et de 9 % du nombre de centres de première intervention non intégrés en 2009, montre à l’évidence que concilier une politique ambitieuse du volontariat et la recherche d’économies revient à trouver un équilibre délicat.

La proposition de loi demeure quelque peu ambiguë à cet égard. Tous les problèmes soulevés par la départementalisation ne sont pas encore réglés.

En particulier, l’article 13 ter, qui institue la faculté pour les départements de revaloriser l’allocation de vétérance, est à double tranchant. D’un côté, il constitue un outil intéressant pour fidéliser les volontaires et mieux reconnaître leur engagement, mais, de l’autre, il met à la charge des conseils généraux une fausse dépense facultative puisqu’ils seront en réalité tenus de l’acquitter pour encourager le volontariat.

Or l’horizon financier des départements est déjà suffisamment obscurci pour qu’ils n’aient pas à financer une charge nouvelle, évaluée à 30 millions d’euros par l’Assemblée des départements de France, a fortiori quand la participation des communes et des EPCI a été gelée en euros constants.

Voilà pourquoi le groupe RDSE soutiendra à l’unanimité cette proposition de loi, qui représente un vrai progrès, tout en restant vigilant sur les modalités de financement de cette réforme, auquel l’État doit prendre sa juste part. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail exemplaire des sapeurs-pompiers, qu’ils soient volontaires ou professionnels, et à leur rendre hommage, eux qui, souvent, mettent leur vie en danger et parfois la perdent pour sauver celle des autres.

Des pompiers sont d’ailleurs présents dans les tribunes pour suivre nos délibérations, qui, pour une part, décideront de leur sort. Ne les décevons pas !

Le Gouvernement nous a successivement proposé de pallier le manque d’effectifs dans la police nationale par des milices citoyennes, pudiquement appelées « réserves civiles de la police nationale », puis de pallier le manque d’effectifs dans la justice en mettant en place des jurés populaires. Et il nous proposera bientôt de pallier le manque de fonctionnaires en faisant travailler gratuitement les bénéficiaires du RSA.

Autant vous dire que nous craignons le prochain expédient qui éludera toujours un peu plus les questions de fond, qui ne cessent de se poser, même en dehors des périodes électorales.

En attendant, occupons-nous du volontariat !

Objectivement, on ne peut que partager le constat du déclin de l’engagement volontaire des sapeurs-pompiers.

La France comptait 207 583 sapeurs-pompiers volontaires en 2004 ; elle n’en compte plus que 196 800, avec une durée d’engagement qui tend à se réduire à dix ans. Parallèlement, le rythme annuel des interventions a explosé, passant de 3,5 millions à 4,2 millions entre 2004 et 2009.

Nous pensons qu’il y a des causes structurelles à cela.

La croissance de la demande de soins de la population vieillissante, couplée à la désertification médicale, a notamment fait croître le recours aux sapeurs-pompiers. Cette situation a été aggravée sur le terrain par la réorganisation des services d’urgence hospitaliers, qui a entraîné la fermeture de certaines unités, sans concertation avec les SDIS.

Le « 15 » est saturé et rebascule les appels vers les pompiers, seuls intervenants multidisciplinaires disponibles 24 heures sur 24.

Et c’est justement parce qu’ils se rendent disponibles 24 heures sur 24 que le temps de repos minimum, que la présente proposition de loi entend contourner, est nécessaire.

Confierait-on son corps à un chirurgien ou ses enfants à un chauffeur de car scolaire qui n’auraient pas disposé, l’un et l’autre, du temps de repos nécessaire au recouvrement de leurs esprits.

Il en est de même pour les pompiers, qui procèdent souvent à de lourdes opérations. Je sais néanmoins que des chefs d’opération sont très attentifs à ce que les astreintes et les gardes ne soient pas systématiquement assurées par des sapeurs-pompiers volontaires. Ce faisant, ils s’efforcent de tenir compte de leur spécificité, qui est d’exercer cette activité parallèlement à leur activité professionnelle.

Les vacations horaires sont payées entre 8 et 13 euros et la couverture sociale est lacunaire. Mes chers collègues, comment s’étonner, dans ces conditions, de la baisse du nombre des volontaires ?

La situation actuelle est donc aussi le fait de choix politiques, dont la majorité seule doit répondre. La révision générale des politiques publiques a largement participé à la dégradation des conditions de travail des sapeurs-pompiers, tant professionnels et volontaires. Dès lors, ces conditions de travail ne peuvent que se précariser et favoriser l’apparition de multiples problèmes.

Je pense en particulier au double statut du sapeur-pompier professionnel, qui intervient à la fois en qualité de professionnel dans une commune et de volontaire dans une autre.

M. Éric Doligé. Ce n’est pas nouveau !

Mme Éliane Assassi. Et alors ? Ce n’est pas une raison pour ne rien faire !

Je pense aussi au recours abusif aux pompiers volontaires qui sont substitués aux pompiers professionnels, notamment pour les gardes « postées ».

M. Éric Doligé. N’importe quoi…

Mme Éliane Assassi. Si c’est n’importe quoi, prenez donc la parole puisque vous en avez la possibilité !

M. Éric Doligé. Je vais la prendre et je vous répondrai !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Chacun pourra s’exprimer !

Mme Éliane Assassi. Les sapeurs-pompiers professionnels ne sont pas des variables d’ajustement, pas plus que les sapeurs-pompiers volontaires ne sont des pompiers de seconde zone ! Il n’en demeure pas moins que c’est le sentiment qui prévaut à ce jour chez les intéressés et que nous partageons.

Le volontariat est loué, tant dans le rapport que dans vos propos. Pour notre part, nous ne condamnons certainement pas la démarche qui conduit nos concitoyens à s’engager, non plus que l’esprit qui la guide. Cette démarche est honorable et doit indubitablement être pérennisée. Cela dit, le volontariat ne doit pas mettre à mal l’égalité de nos concitoyens devant le service public, matrice de notre droit.

L’égalité de nos concitoyens devant le droit à la sécurité civile est un impératif qui s’impose à tous les décideurs publics. L’égalité de nos concitoyens devant le maillage territorial en découle directement.

Or un constat s’impose : les sapeurs-pompiers volontaires représentent 80 % de l’effectif total des sapeurs-pompiers français et effectuent 64 % des interventions sur le territoire ; dans certains départements, comme la Lozère, ils représentent 99 % des effectifs.

On ne peut admettre que, pour l’exercice d’une mission d’une telle importance, la couverture ne repose que sur le volontariat. Il appartient donc à l’État, en théorie, de donner une impulsion légale au maillage territorial.

Si les maires, les présidents d’EPCI et les présidents de conseils généraux sont, de fait, les mieux placés pour définir la couverture des risques locaux, l’État ne pouvant assurer l’intégralité de cette mission sur l’ensemble du territoire, il est toutefois inacceptable que l’État se décharge ainsi de ses responsabilités, notamment en matière de cohérence et de coordination des dispositifs et de péréquation des effectifs.

La sécurité civile illustre parfaitement le désengagement de l’État, qui transfère des compétences vers des collectivités pourtant déjà en phase d’asphyxie avancée. La situation de ces dernières ne peut aller qu’en s’aggravant puisqu’un gel des dotations en leur faveur a été décidé pour les trois ans à venir.

Nous nous devons d’élaborer un budget de la sécurité civile à la hauteur des objectifs assignés à ses missions. Mais, à ce jour, la majorité, pour des raisons d’idéologie partisane, a décidé de n’y consacrer qu’une part minime des crédits budgétaires.

Renforcer l’attractivité du volontariat est une chose, se pourvoir des moyens et effectifs nécessaires à l’exercice de la mission régalienne qu’est la sécurité civile en est une autre.

Comme j’avais eu l’occasion de le souligner au nom de notre groupe lors de la discussion du budget de 2011, la mission « Sécurité civile » ne représente que 0,15 % du total des dépenses du budget de l’État. Les crédits qui lui sont alloués se révèlent bien trop limités pour garantir un dispositif de secours équitable dans tous les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains.

Les investissements consentis dans les SDIS sont autant d’économies réalisées pour la collectivité. Et quelles économies, puisqu’elles se traduisent en vies sauvées, en biens protégés, en entreprises et en emplois sauvegardés ! Or la baisse constante des budgets concernés, conjuguée à la hausse simultanée de la demande d’intervention, appelle un accroissement des financements que l’État ne veut pas assumer alors que l’urgence est à une refonte de la sécurité civile dans son ensemble.

Il serait pourtant possible de faire augmenter les budgets des SDIS, mais les moyens à mettre en œuvre nécessitent, il est vrai, un peu de courage politique.

Nous pourrions, par exemple, mettre à contribution les sociétés d’assurance, dans la mesure où elles réalisent leurs profits pour partie grâce à l’efficacité des services d’incendie, qui limitent l’extension des sinistres et réduisent les hospitalisations. C’est ce que nous proposerons d’ailleurs par voie d’amendement.

À ce propos, il est à noter que d’autres pays de l’Union européenne ont déjà pris une telle mesure : la République tchèque, l’Allemagne, ou encore le Portugal. Pour ce dernier, la contribution représente 25 % environ du financement de la protection civile et de secours.

On pourrait aussi faire participer les entreprises à risques, puisque les SDIS sont obligés de s’équiper de matériels spécifiques pour couvrir leurs activités. Mesure-t-on bien l’intérêt économique d’une intervention rapide et efficace des sapeurs-pompiers pour sauvegarder le potentiel de production ?

Lorsque les sapeurs-pompiers interviennent dans ce type d’entreprises, c’est avant tout pour préserver leur appareil de production ; ils le font, ne l’oublions pas, au péril de leurs vies. Et leurs vies valent plus que les profits !

Si mon groupe a pris la décision de ne pas rejeter cette proposition de loi, c’est parce qu’elle contient un certain nombre de dispositions intéressantes en faveur des sapeurs-pompiers volontaires et qu’elle a au moins le mérite de soulever de véritables questions. Voilà pourquoi nous nous abstiendrons.

Mais, sur le fond, nous savons bien que ce texte ne permettra pas d’apporter de réelles solutions au problème de la crise du volontariat et encore moins de répondre aux problématiques des sapeurs-pompiers dans leur ensemble, qu’ils soient professionnels ou volontaires.

À nos yeux, une refonte globale de la sécurité civile s’impose. Cela nécessite un autre véhicule législatif que cette proposition de loi, qui, malgré le travail effectué par Mme le rapporteur, est débattue à la va-vite dans le cadre d’une session extraordinaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.)