M. le président. Le sous-amendement n° 66 rectifié, présenté par Mme Blandin, est ainsi libellé :

Amendement n° 56 rectifié, alinéa 7

Après les mots :

pour l’agriculture et l’alimentation

insérer les mots :

faisant partie de la collection nationale

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Ce sous-amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Le sous-amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Amendement n° 56, alinéa 11

Après les mots :

à l'article L. 660-2 et

insérer les mots :

pouvant garantir que les générations futures pourront disposer des ressources nécessaires à leur alimentation, y compris celles dont on ignore aujourd'hui l'éventuel intérêt futur, ou

Ce sous-amendement a été défendu.

Le sous-amendement n° 64, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Amendement 56 rectifié, alinéa 12

Après les mots :

accès des citoyens

insérer les mots :

, de toute personne physique ou morale

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Notre collègue Christian Demuynck ayant déposé un amendement visant à rédiger l’article 15 bis, j’ai transformé l’amendement n° 18 que j’avais déposé en sous-amendement à l’amendement n° 56 rectifié.

Il y est précisé que la conservation des ressources phytogénétiques patrimoniales françaises est organisée dans des conditions de nature à faciliter l’accès des citoyens et de la communauté internationale à des échantillons de ces ressources.

Je souhaite préciser que les exploitants agricoles doivent aussi avoir accès à ce patrimoine variétal public, libre de droit et présentant toujours un intérêt agronomique.

Ce sous-amendement prévoit par conséquent que toute personne physique ou morale doit pouvoir accéder à des échantillons des ressources phytogénétiques.

Au vu du cadre normatif international et européen auquel nous sommes soumis, le nœud du problème en matière de COV est de trouver un accord sur les conditions de rémunération des obtenteurs, ce qui permettrait d’autoriser officiellement les semences de ferme.

Mais il faut aussi permettre l’accès des agriculteurs aux semences libres de droit. À défaut, le marché des semences protégées pourrait être considéré comme captif !

À titre d’exemple, je prendrai le cas d’un agriculteur que je connais. Il est installé dans la commune de Savennières, qui est située dans mon département. Il cultive toujours des variétés anciennes de légumes, plus par loisir que par intérêt économique. Ce faisant, il contribue à la préservation du patrimoine phytogénétique, mais il ne peut même pas, théoriquement, les donner, contre rémunération, à un organisme de recherches comme l’INRA. Heureusement, cela se fait en coulisses, la proximité géographique le permettant. Pour faire court, les chercheurs viennent directement se servir dans son potager. Il serait plus simple que toute personne physique ou morale dispose d’un libre accès à un tel patrimoine.

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

intérêt général

insérer les mots :

pour garantir que les générations futures pourront disposer des ressources nécessaires à leur alimentation, y compris celles dont on ignore aujourd'hui l'éventuel intérêt futur, pour leur intérêt patrimonial, culturel et gastronomique,

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

sélection variétale appliquée,

insérer les mots :

pour leur intérêt patrimonial, culturel et gastronomique,

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Il est également défendu.

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

pour l'agriculture et l'alimentation

insérer les mots :

faisant partie de la collection nationale

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. C’est un amendement de précision.

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots :

à l'article L. 660-2 et

insérer les mots :

pouvant garantir que les générations futures pourront disposer des ressources nécessaires à leur alimentation, y compris celles dont on ignore aujourd'hui l'éventuel intérêt futur, ou

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il convient de prendre en compte l'ensemble des objectifs de la conservation des ressources phytogénétiques.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Raoul, Mme Blandin, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après les mots :

des citoyens

insérer les mots :

, des exploitants agricoles

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur. L’amendement n° 56 rectifié tend à réécrire l’article 15 bis, qui vise à instaurer un système permettant d’alimenter le dispositif national de conservation des variétés anciennes. C’est une excellente initiative !

Par rapport au texte de la commission, Christian Demuynck propose deux modifications principales.

Tout d’abord, il retire la condition de non-inscription au catalogue, nécessaire pour faire entrer une variété dans la collection nationale des ressources à conserver. En effet, des variétés anciennes sont inscrites au catalogue des variétés de conservation, et il serait dommage qu’elles ne puissent pas figurer parmi les ressources phytogénétiques françaises pour l’agriculture et l’alimentation, lesquelles ont vocation à être partagées au niveau international.

Ensuite, il prévoit de verser à la collection nationale les ressources phytogénétiques dites « patrimoniales », qui doivent être notoirement connues et faire partie de l’histoire agricole nationale.

Ces précisions étant tout à fait utiles et permettant une mise en œuvre plus efficace du TIRPAA, la commission est favorable à l’amendement n° 56 rectifié.

Les auteurs du sous-amendement n° 60, qui reprend en fait l’amendement n° 54, proposent une double modification du texte de la commission : d’une part, ils orientent la politique de conservation vers un objectif, celui de garantir aux générations futures les ressources nécessaires à leur alimentation ; d’autre part, ils précisent que les variétés végétales sont conservées pour leur intérêt à la fois patrimonial, culturel et gastronomique.

À mon sens, plus on ajoute de termes, plus on restreint les possibilités de conservation des ressources phytogénétiques.

Ce sous-amendement s’inscrit dans l’esprit du texte de la commission et de sa réécriture par l’amendement de M. Demuynck. Toutefois, on peut se demander si la rédaction préconisée n’est pas contraire à l’objectif recherché, puisqu’elle limite la politique de conservation des ressources aux variétés anciennes qui présentent un intérêt patrimonial, culturel et gastronomique. Or l’objet de cette conservation devrait être plus large. Les ressources phytogénétiques patrimoniales françaises ne représentent qu’une fraction des ressources à conserver. Elles font d’ailleurs l’objet de l’article L. 660-3 du code rural et de la pêche maritime, tel qu’introduit par ce texte.

Par ailleurs, nos collègues entendent orienter la politique de conservation en direction des générations futures, alors que celle-ci peut aussi se doter d’objectifs à plus court terme. La commission a donc émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.

Le sous-amendement n° 65 rectifié présenté par Mme Blandin est similaire à la seconde partie du sous-amendement n° 60 défendu par Mme David. Il appelle donc les mêmes commentaires et un même avis défavorable.

Par son sous-amendement n° 66 rectifié, Mme Blandin souhaite préciser que les ressources phytogénétiques à conserver font partie de la collection nationale prévue à l’article L. 660-1 du code rural et de la pêche maritime. Or le texte prévoit que seules les ressources d’intérêt patrimonial alimentent ladite collection nationale. La rédaction du sous-amendement englobe toutes les catégories dans la collection nationale et donne à cette dernière un contenu trop large, de nature à restreindre son intérêt. La commission est donc défavorable à ce sous-amendement.

Quant au sous-amendement n° 61 rectifié, il vise également à garantir aux générations futures les ressources nécessaires à leur alimentation. Encore une fois, personne ne peut contester un tel objectif. Toutefois, la rédaction retenue laisse, là aussi, planer un sous-entendu : dès lors que l’on ne parviendrait pas à prouver que l’on agit pour les générations futures, la conservation ne serait plus possible !

Même si le cas est théorique, il me semble préférable de ne pas introduire de trop nombreuses conditions : mieux vaut retenir une définition large, qui permettra de conserver un plus grand nombre de variétés. La commission émet donc un avis défavorable sur le sous-amendement n° 61 rectifié.

Le sous-amendement n° 64 vise à permettre un accès spécifique des exploitants agricoles aux ressources phytogénétiques.

Tant dans le texte de la commission que dans celui de l’amendement n° 56 rectifié, l’accès aux ressources phytogénétiques conservées est limité aux seuls citoyens. M. Raoul souhaite l’étendre aux agriculteurs, d’où sa proposition d’inclure les personnes physiques ou morales. Cela permettra à tous ceux qui font partie d’une SCEA ou d’un GAEC d’avoir accès aux ressources conservées dans la collection nationale.

Conformément à ce que nous avions demandé, cette proposition formulée à l’amendement n° 18 a été fort opportunément réintroduite sous la forme d’un sous-amendement. La commission y est donc favorable.

Enfin, les amendements nos 54, 34, 35, 55 et 18 étant le miroir de l’ensemble de ces sous-amendements, ils appellent les mêmes commentaires de la part de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, force est de constater que, si nous convergeons vers les mêmes objectifs, nous privilégions des formulations différentes. Je m’efforcerai de clarifier, point par point, la position du Gouvernement, qui est d’ailleurs quasiment conforme à celle de la commission.

Je profite de l'examen de l’amendement n° 56 rectifié pour rendre hommage à M. Demuynck, lequel est à l’origine de cette proposition de loi. J’ai le souvenir d’avoir eu avec lui de longues discussions sur ces sujets lorsque j’étais président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement de réécriture de l'article 15 bis. M. Demuynck propose en fait d’instaurer un système permettant d’alimenter le dispositif national de conservation des variétés anciennes. Pour déterminer les espèces sauvages pouvant être versées aux collections, il retient uniquement celles qui sont apparentées à des espèces cultivées, et donc susceptibles de présenter effectivement un intérêt pour l’agriculture et l’alimentation. Une telle restriction est logique dans la mesure où les autres espèces sauvages n’ont pas vocation à entrer dans le dispositif. M. Demuynck prévoit en outre de verser dans les collections les variétés anciennes inscrites au catalogue, donc non protégées.

Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 60, car il vise à restreindre la conservation des ressources phytogénétiques pour l’agriculture et l’alimentation, celle-ci devant obéir à une double condition : garantir aux générations futures des denrées alimentaires en quantité suffisante et présenter un intérêt patrimonial, culturel et gastronomique.

Il n’est pas opportun, madame David, d’introduire une telle restriction. Mieux vaut en rester à la formulation mentionnant comme objectif la défense de l'intérêt général.

Madame Blandin, la notion d’« intérêt gastronomique » que vous proposez au sous-amendement n° 65 rectifié ne semblant pas adaptée au Gouvernement, celui-ci vous suggère de faire plutôt référence à un « élément du patrimoine agricole et alimentaire national vivant ». Si vous acceptiez une telle modification, à laquelle je suis certain que la commission ne verrait aucun inconvénient, le Gouvernement serait en mesure d’émettre un avis favorable sur votre sous-amendement. (Mme Marie-Christine Blandin acquiesce.)

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Patrick Ollier, ministre. Sur le sous-amendement n° 66 rectifié, en revanche, je suis désolé d’émettre un avis défavorable : on ne gagne pas à tous les coups ! (M. Daniel Raoul s’esclaffe.) M. le rapporteur ayant fourni toutes les explications nécessaires en la matière, je n’y reviens pas.

Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 61 rectifié, qui tend à modifier la définition des ressources phytogénétiques patrimoniales en y incluant celles qui possèdent un intérêt alimentaire potentiel. Or il convient de distinguer les ressources phytogénétiques en général des ressources phytogénétiques patrimoniales.

À l’instar de la commission, le Gouvernement émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 64. Il est légitime que chacun puisse avoir accès aux ressources phytogénétiques patrimoniales, les personnes physiques comme les personnes morales. C’est une précision utile, que nous acceptons.

Sur les amendements nos 54, 34, 35, 55 et 18, je fais mienne la position exposée par M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 60.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Blandin, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre, s’agissant du sous-amendement n° 65 rectifié ?

Mme Marie-Christine Blandin. Je l’accepte, et je rectifie mon sous-amendement en ce sens, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 65 rectifié bis, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Amendement n° 56 rectifié, alinéa 6

Après les mots :

sélection variétale appliquée,

insérer les mots :

en tant qu'élément du patrimoine agricole et alimentaire national vivant

Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ainsi rectifié ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 65 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 66 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 61 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 64.

M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, mes chers collègues, même si je me réjouis de la possibilité qui est offerte d’inscrire des variétés anciennes au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées, j’attire votre attention sur le fait que tout ne sera pas réglé pour autant, car il restera à déterminer les personnes responsables de cette inscription.

Je reprends l’exemple que je vous donnais tout à l’heure de cet agriculteur cultivant par plaisir des variétés anciennes de légumes. Qui sera tenu de payer les frais d’inscription et le maintien des cultures en plein champ ? Lui-même, l’autorité publique, l’INRA ou les coopératives de professionnels intéressés par ces variétés anciennes ?

On l’a bien vu tout à l’heure, en l’absence d’inscription, la commercialisation n’est pas possible. Autrement dit, on assiste à une forme de troc entre l’INRA et ce cultivateur pour récupérer un patrimoine génétique particulier. Sans doute faudra-t-il donc aller plus loin en la matière.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 64.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que ce sous-amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 56 rectifié.

Mme Annie David. Nous nous abstiendrons sur cet amendement visant à réécrire l’article 15 bis.

D’une manière générale, il n’est pas tenu compte dans cette proposition de loi des obligations issues du TIRPAA. Je pense notamment aux dispositions de l'article 14, dont l’examen a été retardé, ce que je regrette. Je tiens tout de même à intervenir à ce sujet au nom de ma collègue Mireille Schurch, qui, comme je le disais tout à l’heure, est retenue dans son département.

Depuis toujours, les agriculteurs produisent, échangent, ressèment leurs semences et multiplient leurs plants.

Auparavant, ils étaient libres de les multiplier pour leur propre usage aussi longtemps qu’ils le voulaient : c’était l’exercice d’un droit inaliénable et non une dérogation aux droits des obtenteurs. Les autres sélectionneurs pouvaient utiliser gratuitement les variétés protégées pour développer leur propre matériel.

C’est au travers de ces pratiques que des centaines de milliers d’agriculteurs ont pu créer et renouveler, chaque année, la biodiversité cultivée, biodiversité qui, comme vous le savez, est aujourd’hui fortement érodée.

Ce que vous proposez, avec l'article 14, c’est de mettre hors la loi une grande partie du mode de vie et de la culture paysannes, simplement pour accroître les profits des DuPont, Bayer, Syngenta et autres Monsanto. En effet, avec votre proposition de loi, les semences de ferme ne seront plus automatiquement autorisées et seule une liste d’espèces faisant l’objet d’un décret en Conseil d’État pourra bénéficier d’une exception.

Cette interdiction des semences de ferme équivaut à opérer un transfert de valeurs considérable des agriculteurs vers les entreprises de l’agrobusiness. En généralisant l’obligation faite aux agriculteurs de payer des royalties pour toutes les semences de ferme sans distinction, vous ne cherchez pas à accroître la liberté de ces professionnels, bien au contraire.

L’Union française des semenciers a d’ailleurs récemment demandé de porter les royalties pour le blé tendre de 30 % à 50 % des droits de licence exigés pour la multiplication de semences destinées à la commercialisation. Une telle augmentation reviendrait à instaurer une distorsion de concurrence et à interdire, de fait, les semences de ferme.

Selon la Confédération paysanne, l’application de cette proposition ne manquera pas d’entraîner une charge supplémentaire sur le revenu des agriculteurs évaluée à environ 35 millions d’euros, qui s’accompagnera d’une augmentation du prix des semences commerciales résultant d’une moindre concurrence des semences de ferme.

Dans cette période dramatique de crise que traverse le monde agricole, votre proposition est tout simplement surréaliste.

De plus, vous faites du non-paiement de ces royalties un délit.

Comme l’a indiqué Gérard Le Cam lors de la discussion générale, nous sommes opposés à l’élargissement du champ d’application de la contrefaçon auquel procède le texte. C’est au semencier de prouver qu’il y a contrefaçon.

Ainsi, alors qu’ils ont contribué à lutter contre la pénurie de semences commerciales que nous avons connue en 2009 et que nous connaîtrons peut-être encore cette année du fait de la sécheresse, certains agriculteurs sont menacés de poursuites en contrefaçon devant les tribunaux pour avoir ressemé leur propre récolte. Tout cela est inacceptable !

Les échanges de petites quantités de semences entre agriculteurs sont à la base des sélections paysannes en vue d’une adaptation locale qui relève de l’exception de sélection et non de la contrefaçon.

Le recours aux semences de ferme permet de diminuer l’emploi de produits phytosanitaires, d’adapter les doses de traitement de semences aux nécessités de chaque parcelle et l’utilisation de mélanges variétaux. Et je ne reviens pas sur tous les avantages environnementaux induits, que nous avons déjà évoqués.

Les dispositions prévues dans cette proposition de loi sont complètement inadaptées aux pratiques agricoles. Une large partie des agriculteurs ressèment leurs semences, de nombreux petits maraîchers sèment et vendent sur le marché des variétés de pays, locales, voire familiales. Cela correspond à des usages coutumiers.

Comment distinguer avec précision des variétés très proches les unes des autres à partir de leurs seuls caractères morphologiques, alors qu’elles évoluent très rapidement dès qu’elles sont cultivées sans sélection ?

Si nous admettons que le travail des chercheurs doit être rémunéré, plusieurs questions se posent néanmoins. Quelle recherche voulons-nous ? Dans quel but et par qui sera-t-elle développée ? La charge de sélectionner de nouvelles variétés reviendra-t-elle aux agriculteurs ou aux entreprises semencières ? Comment financer la protection des variétés végétales ? Comment faire encore coexister deux visions différentes de l’agriculture ?

On ne pourra répondre à ces questions tant que ne sera pas inscrite dans la loi la reconnaissance positive des droits des agriculteurs sur leurs semences. Or tel n’est pas l’objet de cette proposition de loi. C'est la raison pour laquelle, au regard des débats qui ont déjà eu lieu, j’indique dès à présent que les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Dans la rédaction proposée par M. Demuynck comme dans le texte originel, il est fait référence à l’objectif d’« éviter la perte irréversible de ressources phytogénétiques stratégiques ».

Or il n’est pas de ressources phytogénétiques que nous pouvons identifier comme stratégiques pour l’avenir de l’humanité : du fait du hasard, de la diversité, des croisements, c’est toute la nature qui est, par essence, stratégique, en inventant des possibles dont on ne sait pas s’ils serviront demain.

C’est la raison qui justifie mon abstention sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56 rectifié, modifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 15 bis est ainsi rédigé, et les amendements nos 54, 34, 35, 55 et 18 n’ont plus d’objet.

chapitre II

DISPOSITIONS DIVERSES