M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Justement non ! Vous n’avez rien compris !

M. Bernard Frimat. J’ai parfaitement compris, monsieur le président de la commission des lois, surtout après avoir entendu vos explications… Ne vous calomniez pas ainsi !

Pour en revenir au Conseil constitutionnel, son rôle n’est pas de juger de la conformité d’une prévision macroéconomique.

M. Bernard Frimat. Il n’est pas non plus de juger de la validité d’hypothèses de croissance.

M. Bernard Frimat. S’il en était autrement, le Conseil constitutionnel ne pourrait pas ne pas intervenir dans des choix politiques.

Mme Nicole Bricq. Bien sûr !

M. Bernard Frimat. Or ce n’est pas sa mission. Laissons-le donc dans son rôle.

En outre, tout renvoi à la loi organique ouvre une brèche et prive le Parlement de toute maîtrise, car s’il faut, madame la ministre, une majorité des trois cinquièmes pour réviser la Constitution, il suffit d’une majorité simple pour adopter une loi organique…

Des exemples récents ont suffisamment montré que l’esprit du constituant pouvait être bafoué pour qu’aujourd’hui nous soyons méfiants. Le renvoi à la loi organique est une solution pleine d’imprécisions qui ne nous donne aucune garantie.

Contrairement à ce que l’on tente de nous faire croire, le Sénat, pas plus que l’Assemblée nationale, d’ailleurs, n’est pas le lieu d’un débat entre les partisans et les adversaires de l’équilibre budgétaire, même si la sacralisation de cette exigence peut, elle, être l’objet d’un autre débat.

Il ne s’agit pas non plus d’un débat entre ceux qui veulent maîtriser la dépense publique et ceux qui soutiennent un déficit systématique ; entre les professeurs de vertu budgétaire, saisis par le remords, et les théoriciens du déséquilibre.

La question n’est pas celle-là. Elle est de savoir si le fait d’inscrire une règle dans la Constitution est une réponse au problème qui se pose à nous. La réponse est manifestement négative. Car, sinon, dans le même élan, vous nous proposeriez l’inscription d’une règle dans tous les domaines où vous avez échoué : la politique de sécurité, la politique d’immigration… Non ! La Constitution est chose trop sérieuse !

Il ne suffit pas, madame la ministre, de répéter avec constance que des règles sont nécessaires ; plus vous réclamez de règles, moins vous avez de principes !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est un paradoxe !

M. Bernard Frimat. Pour cette raison, le projet de loi constitutionnelle que vous présentez me déplaît.

Je peux comprendre les objectifs d’affichage et de communication qui sous-tendent ce texte, mais la vérité est ailleurs. Le choix qui nous attend et qui nous oppose est celui d’une stratégie.

Dans la situation où se trouvent nos finances publiques et à laquelle le Gouvernement n’est pas totalement étranger – c’est une litote –, il faut savoir en effet à qui l’on demandera des efforts, comment l’on expliquera les décisions et comment l’on tracera des perspectives susceptibles de recueillir l’assentiment des Français.

Mais comment mettre en accord votre discours avec votre pratique lorsque, par exemple, vous proclamez qu’il ne sera pas possible d’accroître la charge de la caisse d’amortissement de la dette sociale sans créer au même moment des recettes équivalentes, et que vous passez outre à la règle ainsi à peine posée ?

Mme Nicole Bricq. Par exemple…

M. Bernard Frimat. Comment mettre en accord votre discours et celui de votre prédécesseur avec la pratique dont Nicole Bricq présentera les détails et qui a consisté à profiter d’une loi de finances rectificative pour augmenter encore les charges et accroître les cadeaux consentis à ceux qui en ont le moins besoin ?

La Cour des comptes a établi que le déficit public résultait pour deux tiers de raisons structurelles, pour un tiers de raisons liées à la crise. Deux tiers, un tiers, telle est la situation.

Je reviendrai tout à l’heure, monsieur le président de la commission des lois, sur l’immense effort que vous avez fait en acceptant un adverbe…

Pour l’heure, mon temps s’épuise. Le président de séance va sans doute, en toute rigueur, me contraindre à conclure mon propos,…dans l’heure qui vient ! (Rires.)

Je veux encore vous dire, madame la ministre, que quelque chose nous sépare, et ce n’est pas choquant dans une démocratie : c’est une conception, une stratégie politiques et la vision d’un objectif pour la France.

Notre ambition, que vous pouvez critiquer – c’est toujours la démocratie –, est de partager l’effort, d’être plus attentifs à ceux qui en ont le plus besoin et de faire porter particulièrement l’effort sur les niches fiscales que vous avez créées, parfois avec une précision remarquable : peut-être la « niche Copé » est-elle un sujet sur lequel nous pourrions réfléchir et progresser…

Dans la suite du débat, nous aurons l’occasion de poursuivre nos échanges et de nous répondre ; pour l’instant, je m’en tiens là, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle qui nous est aujourd’hui soumis en deuxième lecture prévoit d’introduire dans la Constitution une série de dispositions qui sont de nature à modifier en profondeur la gouvernance de nos finances publiques.

Plus exactement, ce texte vise à consacrer la fameuse « règle d’or » budgétaire chère à plusieurs membres éminents de notre assemblée : celle-ci consiste à inscrire dans la loi fondamentale, notre Constitution, le principe du retour à l’équilibre des comptes publics.

Il est envisagé de résoudre le problème des déficits par un encadrement plus strict, voire plus coercitif, des pouvoirs du Parlement dans les domaines budgétaire et fiscal, ainsi que pour ce qui a trait au financement de la sécurité sociale.

Le présent projet de loi constitutionnelle représente au même moment une forme de remise en cause des principes essentiels de la démocratie représentative.

En premier lieu, dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, il modifie substantiellement l’article 34 de la Constitution en prévoyant que les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale pourront seules fixer les règles « concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ». Il prévoit encore que les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale.

En d’autres termes, le projet de loi constitutionnelle tend à restreindre aux seuls textes énumérés dans son article 1er l’usage de leur pouvoir d’amendement par les parlementaires. Or le cas se présentera au plus deux ou trois fois par an, en fonction d’un calendrier fixé par le Gouvernement.

Ainsi, le projet de loi constitutionnelle instituerait de facto une forme de tutelle sur la représentation nationale, alors que la réforme constitutionnelle de 2008 avait permis au Parlement de mettre en place des semaines dites d’« initiative parlementaire ».

Ces « niches » réservées au dépôt et à l’examen de propositions de loi sont l’occasion, pour chaque groupe, de faire preuve d’initiative, d’innovation et de créativité dans tous les domaines, sans exclusive. Le présent projet de loi ne nous privera-t-il pas de débats qui sont l’essence même de la démocratie ?

La souveraineté du peuple s’exerce par l’intermédiaire de ses représentants ; il est permis de se demander si le présent projet de loi, en restreignant le droit d’initiative parlementaire, ne lui porte pas directement atteinte.

On nous reproche régulièrement d’être une chambre d’enregistrement de normes communautaires à propos desquelles nous n’aurions pas notre mot à dire – ou si peu. Aujourd’hui, c’est le rôle du Parlement et sa capacité à « contre-proposer » qui sont en question.

Depuis 1958, l’article 40 de la Constitution nous interdit de déposer un amendement qui diminue les recettes de l’État ou augmente ses charges. Or, quoique cet article ait été appliqué avec rigueur, et avec une sévérité croissante depuis 2008, le moins que l’on puisse dire est que les gouvernements, quels qu’ils aient été, n’ont pas eu besoin du Parlement pour faire adopter des budgets en déséquilibre…

En réalité, ce projet de loi constitutionnelle est procédural ; il n’aborde pas suffisamment les questions de fond et ne résoudra pas de manière structurelle les problèmes du déficit et du poids insoutenable de la dette.

Avec ce projet de loi constitutionnelle, on prétend donner de la crédibilité aux textes budgétaires en instaurant une procédure rigide, qui ne tient pas compte des aléas de la vie économique. C’est un pari d’autant plus risqué que de nombreux moyens existent pour corriger les écarts budgétaires au cours de l’exécution.

La constitutionnalisation de la règle d’or budgétaire suffira-t-elle à cacher l’état réel de nos comptes publics ? Nous n’en sommes pas persuadés.

En second lieu, le projet de loi constitutionnelle créé des lois-cadres d’équilibre des finances publiques déterminant les normes d’évolution et les orientations pluriannuelles des finances publiques, en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Il prévoit également qu’une loi organique en précise le contenu.

La loi constitutionnelle renvoie à la loi organique, qui renvoie elle-même à la loi-cadre. Avec un programme de stabilité et des engagements européens qui ne nous laissent qu’une faible marge de manœuvre, nous subissons déjà des contraintes suffisamment lourdes sans qu’il soit nécessaire d’ajouter une nouvelle procédure. D’autant plus que le texte ne prévoit aucune coïncidence entre les programmes de stabilité et les lois de finances. Le dispositif risque de rendre plus complexe encore la procédure budgétaire.

La création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques pourrait entraîner une très grande rigidité, qui limiterait la capacité du Parlement à voter des réformes d’ampleur de façon autonome.

Permettez-moi de rappeler les termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, [...] par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».

La critique que moi-même et mes collègues du Rassemblement démocratique social et européen faisons de ce projet de loi constitutionnelle est donc motivée par une idée simple : c’est la volonté politique, traduite en choix politiques décidés ici même, au Parlement, qui permettra d’atteindre l’équilibre des finances publiques, et non pas une réforme constitutionnelle.

La plupart de mes collègues du RDSE considèrent que la Constitution doit fixer des droits et des normes, qu’elle doit déterminer des règles, non des objectifs politiques, au risque de confondre les règles de fonctionnement de nos institutions avec les choix politiques exprimés par le peuple français lors de la désignation de ses représentants au Parlement.

M. Daniel Marsin. Il est tout de même étonnant que, en dépit des échecs successifs des différents gouvernements, quels qu’ils soient, dans leurs tentatives pour résorber nos déficits et réduire notre dette, on veuille néanmoins se parer des habits de la vertu budgétaire, et ce d’autant plus que toutes les lois de finances successives se sont appliquées à dégrader, l’une après l’autre, les équilibres des comptes publics adoptés par la loi précédente, au sein même de chaque exercice budgétaire.

Pour conclure, j’indiquerai que les membres du groupe du RDSE maintiendront, pour cette deuxième lecture, la position qu’ils avaient adoptée en première lecture et que, pour ma part, je m’abstiendrai une nouvelle fois. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, nous examinons à nouveau un projet de loi constitutionnelle dont l’avenir demeure incertain.

Nicolas Sarkozy a tenté de donner des gages aux marchés financiers en proposant d’inscrire dans la Constitution le principe d’une règle d’or répondant aux exigences de la mondialisation financière et s’imposant aux peuples et à leurs représentants durant une période d’au moins trois ans, sans que le pouvoir législatif puisse s’y opposer ni la modifier, même marginalement, au cours de la période concernée.

Le Gouvernement, en particulier par la voix de Michel Mercier, garde des sceaux, a appelé nos concitoyens à la responsabilité. Cette règle d’or, c’est-à-dire l’austérité budgétaire gravée dans le marbre de nos institutions, vise à « responsabiliser » le salarié, le chômeur, le retraité, l’allocataire du revenu de solidarité active, le RSA, autrement dit, à les rendre responsables de la dette, qui a doublé depuis 2002 – 1 800 milliards d’euros au lieu de 900 milliards d’euros –, en exonérant de toute responsabilité les vrais responsables de la crise, à savoir les banques, les financiers, bref, les décideurs économiques qui ont fait le choix d’une politique monétaire tournant le dos à une politique de croissance et de développement industriel, lequel fait aujourd’hui tant défaut à la France.

Nous avons examiné le 14 juin, en première lecture, ce texte constitutionnel sacralisant l’austérité budgétaire, c’est-à-dire la baisse du pouvoir d’achat, la réduction du service public à la portion congrue, soit une semaine avant que soit décidé le scandaleux allégement de l’impôt sur la fortune qui, faut-il le rappeler, se cumule avec le maintien, durant deux ans, du bouclier fiscal.

Madame la ministre, 1,8 milliard d’euros de recettes en moins ! Pour qui et pour quoi ?

Nous avions assisté auparavant à la mise au pilori, par M. Copé et ses amis, des bénéficiaires du RSA, présentés comme des profiteurs.

Voilà quelques jours, le Gouvernement a décidé l’allongement de la durée des cotisations de retraite, visant, là encore, les salariés plutôt que les actionnaires.

Madame la ministre, on attend toujours des mesures efficaces contre les parachutes dorés, contre les stock-options, contre les rémunérations exorbitantes !

S’agissant des niches fiscales, nous avons maintes fois formulé des propositions visant à procurer un surcroît de recettes, mais, tant du côté de la majorité sénatoriale que du côté du Gouvernement, nous n’avons obtenu aucune réponse.

Ce projet de loi constitutionnelle symbolisait le « deux poids et deux mesures » de la politique de Nicolas Sarkozy : on serre la ceinture du peuple et on remplit le portefeuille des plus riches. (Rires sur certaines travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Fourcade. Il faudrait nuancer un peu votre propos, tout de même…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la vérité, mais elle vous dérange !

M. Thierry Foucaud. Monsieur Fourcade, personne ne peut contester ici que, depuis cinq ans, les inégalités sociales se sont accrues dans notre pays !

Ceux qui veulent ainsi instaurer l’hyper-austérité tentent de faire avaler à notre peuple la même potion amère que celle que boivent actuellement les Grecs, les Portugais ou les Espagnols.

La nomination de M. Draghi à la tête de la Banque centrale européenne souligne la manipulation en cours. Ce financier était responsable, pour l’Europe, de la banque américaine Goldman Sachs, alors que cette dernière corrompait les comptes publics de la Grèce.

Le même homme est maintenant à la tête des marchés financiers européens, alors que, selon nous, il aurait dû être sévèrement sanctionné avec ses comparses – pour ne pas dire ses complices –, en raison de ses lourdes responsabilités dans la crise actuelle.

Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront une nouvelle fois sans aucune hésitation contre ce projet de loi constitutionnelle instaurant une loi-cadre d’équilibre des finances publiques.

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur pour avis. Nous sommes rassurés ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Thierry Foucaud. Je l’ai dit, nous refusons l’intégration dans notre Constitution des règles de l’orthodoxie budgétaire décidée par la Commission européenne.

Nous la refusons d’autant plus que les exonérations fiscales et sociales ne sont pas remises en cause. Il faut tout de même rappeler que 100 milliards d’euros de recettes fiscales manquent du fait de la mansuétude manifestée à l’égard des plus riches. (M. Serge Dassault s’exclame.)

Eh oui, mon cher collègue !

Il faut savoir également que, l’an dernier, le montant des exonérations sociales a atteint 173 milliards d’euros !

Voilà, madame la ministre, des possibilités de recettes !

Je pourrais également parler des entreprises du CAC 40 et, parmi elles, de Total, qui ne paie pas d’impôt. Pour reprendre une image que j’ai employée ici même récemment, je dirai que l’épicier du coin paie aujourd’hui plus d’impôt que Total !

Nous refusons cet affichage hypocrite de la vertu budgétaire par le Président de la République, alors que la première mesure qu’il a prise, en juillet 2007, et qui fut votée comme un seul homme par sa majorité, a été d’accorder 10 milliards d’euros aux plus favorisés, avec la trop fameuse loi TEPA, qui comprenait le bouclier fiscal.

La règle d’or de M. Sarkozy, c’est de ne jamais décevoir ses amis, ceux du Fouquet’s et de Davos. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Changez de disque !

M. Thierry Foucaud. Nous voterons donc contre ce projet de loi constitutionnelle, car son principe même porte atteinte aux droits du Parlement.

Cela a été dit : comment accepter qu’une majorité engage le Parlement pour trois, cinq ou dix ans, au mépris d’éventuelles évolutions électorales, au mépris de nouveaux choix citoyens ?

En première lecture, Nicole Borvo Cohen-Seat avait souligné la contradiction profonde entre ce texte et des principes fondateurs de la République, comme l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui pose que c’est le peuple et ses représentants qui décident de l’impôt.

Notre collègue avait également rappelé une décision du Conseil constitutionnel de 2001 précisant que la loi de finances votée chaque année était le « cadre privilégié » de l’application de l’article XIV précité.

Personne, ni le rapporteur ni le ministre, n’a daigné répondre à cette forte argumentation.

Le Parlement et les parlementaires n’auront pu exercer, durant cette période d’application de la loi-cadre, leur droit d’initiative, leur droit d’amendement.

Nous avons noté l’attitude de la majorité sénatoriale, qui, à l’exception de la commission des finances, a refusé les excès manifestes du texte initial voté par l’Assemblée nationale.

L’attitude de la majorité sénatoriale est cependant profondément contradictoire, car elle accepte le principe des lois-cadres, qui induit pourtant la réduction des droits des parlementaires.

Pour conclure, je rappelle notre hostilité aux pouvoirs exorbitants conférés par le présent texte au Conseil constitutionnel – texte accepté en grande partie par la majorité sénatoriale –, un Conseil érigé en garant de l’orthodoxie budgétaire et à qui il reviendrait de censurer ou non toute disposition financière au regard de son adéquation aux principes de la loi-cadre.

Faut-il rappeler que le Conseil constitutionnel n’a pas de légitimité démocratique et qu’il ne peut ainsi contraindre le Parlement ?

Le Congrès de Versailles n’aura pas lieu dans l’immédiat, car Nicolas Sarkozy n’a pu rassembler jusqu’à présent les trois cinquièmes des parlementaires derrière son projet antidémocratique. C’est une bonne chose pour que subsiste encore une parcelle de souveraineté populaire en matière budgétaire.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne voterons pas ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, mes chers collègues, comme vous nous l’avez rappelé, madame la ministre, c’est l’insuffisante maîtrise de nos comptes publics, notamment en période de croissance, qui a conduit aux déséquilibres budgétaires actuels.

C’est la raison pour laquelle vous vous êtes engagée – et nous avec vous – à inscrire dans la Constitution une « règle d’or » qui interdirait tout déficit budgétaire en dehors des investissements.

Nos partenaires européens attendent beaucoup de la France en la matière.

Nous le savons tous, notre pays souffre d’un problème structurel pour maîtriser ses comptes. De fait, la crise a fait exploser notre déficit budgétaire et notre dette publique. Or la maîtrise de notre endettement et le retour à l’équilibre de nos finances publiques ne sont pas seulement une nécessité économique ; ils constituent un impératif si nous voulons préserver notre liberté de choix pour la préparation de l’avenir, pour protéger notre modèle social et garantir notre souveraineté.

Cette situation appelle donc un renforcement de la gouvernance de nos finances publiques. Mais cela ne doit pas se faire dans n’importe quel sens. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Sénat avait été le lieu de débats passionnés en première lecture.

Je ne reviendrai pas sur les aspects techniques, Jean-Jacques Hyest les a brillamment rappelés. Néanmoins, je voudrais redire notre attachement à la discussion parlementaire, à la valeur constitutionnelle de l’initiative parlementaire, notamment depuis la réforme constitutionnelle de 2008.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est mal parti !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Alors qu’un accord est intervenu sur le cœur de la réforme, à savoir les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, un désaccord subsiste entre le Sénat et l’Assemblée nationale à la suite du rétablissement par celle-ci, en deuxième lecture, du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

La Haute Assemblée a suivi la position de la commission des lois et a souhaité préserver le droit d’initiative des parlementaires et la possibilité pour les commissions permanentes d’examiner de façon cohérente les réformes de grande ampleur.

C’est pourquoi le groupe UMP soutient la démarche engagée par la commission des lois et son président-rapporteur, que je tiens à féliciter du travail minutieux qu’il a effectué sur ce texte tellement important pour notre avenir commun.

Oui, le groupe UMP soutiendra cette démarche, car elle permet de préserver l’efficacité de cette réforme telle qu’elle est envisagée, tout en corrigeant ses inconvénients et en privilégiant la cohérence et la sécurité juridique.

Je voudrais d’ailleurs renouveler le vœu que notre collègue Patrice Gélard avait formulé en première lecture, celui d’une attitude responsable de la Haute Assemblée pour forger un outil qui concilie respect de l’initiative parlementaire et retour à l’équilibre budgétaire.

En conclusion, la règle budgétaire que nous allons adopter, celle du « zéro déficit », sera une affirmation de notre détermination à protéger les Français. C’est pourquoi elle mérite bien son nom de « règle d’or ». Et ceux qui la refusent, refusent, en réalité, de s’astreindre à une discipline, même pour une meilleure protection des Français, ce que je regrette. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, en première lecture le groupe socialiste avait répondu négativement aux deux questions essentielles que pose ce projet de loi constitutionnelle : le Gouvernement est-il crédible ? Le Gouvernement est-il sincère ?

Près d’un mois après cet examen du texte par le Sénat, le 14 juin, aucune raison d’infléchir cette position n’est apparue, bien au contraire : nous avons examiné entre-temps une série de lois financières et leur bilan est assez dur au regard de la règle que vous souhaitez imposer.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est justement pour cette raison que cette règle est nécessaire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Changez plutôt de politique !

Mme Nicole Bricq. Mais, monsieur le président Hyest, vous ne niez pas avoir voté ces textes !

Nous avons examiné la loi de règlement des comptes pour l’année 2010 ; à ce titre, nous avons pu constater que le coût de la réforme de la taxe professionnelle était plus de deux fois supérieur à celui qui avait été annoncé en 2009, et qu’il n’était d’ailleurs pas compensé par des recettes équivalentes, puisque la taxe carbone est morte aussitôt que née.

Nous avons pu également constater que le surplus de recettes fiscales lié à la reprise économique en 2010 était amputé de plus d’un tiers par les coûts supplémentaires engendrés par la funeste loi TEPA et la baisse de la TVA dans la restauration.

Nous avons relevé que, hors plan de relance, les dépenses fiscales avaient augmenté de 2,5 milliards d’euros – il s’agit des fameuses niches, qui croissent et se multiplient ! – et que la règle de gage des dépenses fiscales prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 n’était pas respectée.

Dès lors, comment vous ferions-nous confiance en 2011, qui plus est à la veille d’une échéance capitale pour les cinq années à venir ?

Le débat d’orientation budgétaire ne nous a pas rassurés davantage sur votre volonté de vous attaquer énergiquement aux dépenses fiscales qui grèvent notre fiscalité.

Madame la ministre, dans l’entretien que vous avez accordé à un journal dominical, vous avez annoncé que le Parlement aurait connaissance, à la fin du mois de juillet, du rapport de l’Inspection générale des finances relatif à l’évaluation des dépenses fiscales – comme quoi, il est utile de lire le journal : je vous avais posé la question la semaine dernière, mais vous n’aviez pas daigné répondre…

Ce travail sera certainement très utile. En outre, il nous permettra de tester votre volonté d’agir sur les recettes de l’État en 2012.

Pour l’heure, vous n’agissez que sur les dépenses, et encore ! En 2010, vous n’avez respecté la norme « zéro volume » qu’au prix des nombreux arrangements ; nous les avons énumérés la semaine dernière.

Faut-il ajouter que les deux lois de finances rectificatives votées les jours derniers amputent les recettes prévues par la loi de finances pour 2011 et pèseront sur l’exercice budgétaire 2012 ? Il s’agit de l’allégement de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune, et de la prime pour le partage de la valeur ajoutée.

Quant à la trajectoire budgétaire, qui nous conduirait, selon vous, Gouvernement et majorité, à passer sous la barre des 3 % de déficit en 2014, il s’agit d’un conte de fées. Nous n’y croyons pas plus aujourd’hui qu’il y a un mois, au contraire : en effet, nul ne peut l’ignorer sur ces travées, les perspectives macroéconomiques se sont assombries au cours des dernières semaines - la prudente Banque de France a en effet revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2011 - et les politiques budgétaires restrictives menées en Europe pénalisent la croissance, ce qui fragilise particulièrement la France dont les flux commerciaux sont pour l’essentiel intra-européens. Le déficit du commerce extérieur, qui est catastrophique, pèsera durablement sur nos comptes.

Je ne m’en réjouis pas, bien sûr. Mais, force est de le constater, en un mois, le déficit s’est encore aggravé à la fin du mois de mai, ce que le déblocage des fonds pour soutenir la Grèce n’explique que partiellement. D’ailleurs, la charge de la dette a augmenté avant même que ne prenne effet le relèvement des taux décidé par la Banque centrale européenne.

Dans ce contexte, la règle d’or que vous souhaitez imposer au Parlement est irréaliste. Du reste, les commissions des finances des deux assemblées n’ont pas pris part au consensus que vous invoquez. J’observe que ni le président ni le rapporteur général de la commission des finances du Sénat ne sont présents aujourd’hui. J’ai noté que la commission des finances de l’Assemblée nationale a renoncé à se saisir pour avis du texte en deuxième lecture ; que son président s’est installé dans l’hémicycle et non au banc des commissions ; que son rapporteur général était absent, sans doute – ce n’est qu’une interprétation, mais je la crois juste – pour témoigner sa désapprobation quant à la méthode qui a présidé à l’élaboration de ce texte.