compte rendu intégral

Présidence de M. Thierry Foucaud

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. Alain Dufaut.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président. En application de l’article 40 de l’ordonnance n° 58 1067 du 7 novembre 1958, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte de deux décisions rendues le 20 octobre 2011 par lesquelles le Conseil constitutionnel a rejeté les requêtes concernant les élections sénatoriales du 25 septembre 2011 dans les départements de la Manche et du Nord.

Acte est donné de ces communications.

3

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 21 octobre 2011, trois décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2011-185, 2011-186, 2011-187, 2011-188, 2011-189 et 2011-190 QPC).

Acte est donné de ces communications.

4

Dépôt de documents

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :

- en application de l’article 27 de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, le rapport évaluant, d’une part, les modalités du rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur et, d’autre part, les effets de ce rattachement concernant l’efficacité de l’action de l’État en matière de sécurité et d’ordre publics et la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie ;

- en application de l’article L.O. 111-10-1 du code de la sécurité sociale, l’état semestriel des sommes restant dues par l’État aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale au 31 décembre 2010 ;

- en application de l’article 67 de la loi n° 2044-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les rapports sur la mise en application des lois n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 et 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Le premier a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ainsi qu’à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, le deuxième à la commission des affaires sociales, les trois derniers à la commission des finances.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

5

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

mise en place de la future carte nationale d'identité électronique

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 1398, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Francis Grignon. Madame la ministre, ma question porte sur les inquiétudes que suscite dans un certain nombre de mairies de mon département, le Bas-Rhin, la mise en place de la carte nationale d’identité électronique, en raison des difficultés de compensation de cette activité.

En effet, la dotation pour titres sécurisés instituée par la loi de finances pour 2009 en faveur des communes équipées de stations d’enregistrement s’élève à 5 030 euros par station. Or, cette dotation s’avère insuffisante au regard de l’estimation du temps de travail réel du personnel chargé de cette tâche. En outre, elle ne vise qu’à compenser le traitement des demandes de titres de non-résidents de la commune d’implantation.

Madame la ministre, dans le cadre du réexamen annoncé des règles de calcul de la dotation, le Gouvernement envisage-t-il de modifier les critères d’indemnisation de manière plus juste, en tenant compte, par exemple, du nombre de demandes traitées par la commune ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Claude Guéant, qui, ne pouvant être présent ce matin au Sénat, m’a priée de vous répondre.

Le processus de délivrance de la future carte nationale d’identité électronique utilisera le parc actuel de stations de recueil de données mis en place pour le passeport biométrique. Aujourd’hui, 2 091 communes, réparties sur l’ensemble du territoire, sont équipées de tels dispositifs. Ce parc pourra être étendu à la marge pour tenir compte des flux supplémentaires induits par l’arrivée de la carte nationale d’identité électronique, pour éviter la saturation des matériels et pour faciliter l’accès du public.

Les communes aujourd’hui équipées bénéficient d’une indemnisation au titre des passeports délivrés en faveur de personnes ne résidant pas dans la commune où la demande de titre a été enregistrée. Cette indemnisation, instituée par la loi de finances pour 2009, est forfaitaire et s’élève à 5 030 euros par station. Elle est relevée chaque année dans les mêmes conditions que les autres dotations en faveur des collectivités territoriales.

Avec l’arrivée de la carte nationale d’identité électronique, le flux des titres en faveur des non-résidents va être multiplié par 3,5 environ. Le Gouvernement confirme en conséquence sa volonté de réévaluer l’indemnisation à la hauteur des charges nouvelles pour les communes concernées.

Des discussions sont actuellement en cours avec l’Association des maires de France, l’AMF, dans le cadre d’un groupe de travail présidé par un inspecteur général de l’administration, afin de trouver un nouveau régime d’indemnisation juste et accepté par les différents partenaires. Les travaux de ce groupe ont d’ores et déjà tenu compte des évaluations de coût établies par la Cour des comptes en 2009 s’agissant du passeport.

Selon les premiers axes de réflexion, et en accord avec les propositions que vient de présenter le président de l’AMF, les modalités de calcul de l’indemnisation pourraient associer une partie forfaitaire et un complément par titre.

Ces échanges ont clairement rappelé, comme pour les passeports biométriques, le principe de l’absence d’indemnisation pour les résidents. En effet, en application de l’article L.1611-2-1 du CGCT, les communes assurent, au nom de l’État, et donc sans compensation spécifique, la réception et la saisie des demandes de cartes nationales d’identité et de passeports, ainsi que la remise de ces titres au profit des personnes résidant sur leur territoire.

En tout état de cause, et quel que soit le mode d’indemnisation qui sera finalement retenu, le Gouvernement entend tenir compte de l’évolution de la charge réelle de travail supplémentaire pour les communes qui recueilleront les données destinées à la délivrance du passeport et de la carte nationale d’identité électronique pour les non-résidents.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse positive et tout à fait satisfaisante.

sécurité routière

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 1400, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Alain Fouché. Madame la ministre, le Gouvernement a depuis une dizaine d’années une véritable mission en matière de sécurité routière, et les chiffres permettant de savoir si la politique gouvernementale a porté ses fruits en ce domaine sont chaque mois attendus avec impatience.

Tout le monde reconnaît les résultats positifs de l’action gouvernementale. En effet, depuis 2001, le nombre de décès sur les routes est passé de 7 720 à 3 992.

Mais la volonté de poursuivre cette évolution ne doit pas se transformer en un harcèlement pour les usagers de la route.

Alors que son objectif est plus que louable, la politique de sécurité routière est souvent incomprise par nos concitoyens, qui la perçoivent comme une vraie chasse aux points, un véritable racket, en particulier en ce qui concerne les toutes petites infractions.

En effet, la majorité des amendes et points retirés ne concerne que de très légers excès de vitesse qui ne caractérisent en aucun cas un comportement accidentogène.

Les citoyens se sentent désemparés face à la quasi-impossibilité, compte tenu de la complexité administrative et judiciaire, de formuler des recours. Ainsi, c’est au titulaire de la carte grise de payer l’amende, quand bien même il ne conduisait pas le véhicule lors de l’infraction.

Aussi, il semble nécessaire de revoir cette politique tout en poursuivant l’effort national engagé depuis 2002 en matière de lutte contre l’insécurité routière.

En ce sens, je rejoins la proposition de nos collègues députés relative à la remise à niveau proportionnelle des sanctions pour les excès de vitesse inférieurs à 10 kilomètres-heure.

Par ailleurs, il faut résoudre le problème de la réduction constante, sur l’ensemble du territoire, des effectifs de gendarmerie et de police affectés aux missions de prévention et de sécurité publique, le projet de loi de finances pour 2012 ayant ainsi prévu une suppression de 3 000 postes de policiers et de gendarmes.

Madame la ministre, je souhaite donc connaître les intentions du ministre de l’intérieur pour améliorer les méthodes actuelles et trouver des solutions plus pertinentes en vue de réconcilier les Français avec cet enjeu national qu’est la sécurité routière.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Claude Guéant, qui, dans l’impossibilité d’être présent ce matin au Sénat, m’a demandé de vous faire part de la réponse qu’il souhaitait vous adresser.

Vous avez rappelé les très bons résultats obtenus par le Gouvernement dans le domaine de la sécurité routière.

La diminution de moitié du nombre de morts et de blessés sur nos routes en moins de dix ans fait en effet de la France une référence en Europe et dans le monde. Une évolution aussi positive et aussi rapide ne s’est jusqu’à présent produite nulle part ailleurs. Et nous avons tout lieu de penser que, malgré les mauvais chiffres du début de l’année, nous serons à nouveau en 2011 en deçà du nombre de 4 000 morts sur les routes.

Pour autant, des progrès restent à accomplir : certains pays font en effet encore mieux que nous en matière de sécurité routière, et il n’y a pas de palier ou de seuil incompressible qui ne pourrait être franchi. Bien entendu, cela doit se faire avec les Français, et non pas contre eux. Le Gouvernement y est très attentif, et les objectifs de cette politique sont unanimement partagés.

Ainsi en est-il de l’alcool au volant, que tous nos compatriotes condamnent unanimement. Dans ce domaine, les forces de police et de gendarmerie ont accru leurs efforts puisque près de 11 millions de dépistages ont été réalisés l’an dernier, contre seulement 8 millions en 2002. Dans le même temps, le taux de dépistages positifs a progressé de 62 %.

On ne saurait donc évoquer un quelconque relâchement de la politique de prévention et de sécurité routières. On observe bien au contraire un ciblage toujours plus fin des contrôles visant à rendre ces derniers plus efficaces.

Mercredi dernier, 19 octobre 2011, la mission d’information de l’Assemblée nationale relative à l’analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière, qui a produit, sur l’ensemble de ces questions, un travail considérable en procédant à plus de 160 auditions, a remis son rapport dans lequel figurent 39 propositions tout à fait intéressantes que le Gouvernement étudie actuellement.

La majeure partie de ces propositions sont en parfaite cohérence avec les orientations du comité interministériel de sécurité routière du 11 mai dernier. Mais le rapport des députés contient aussi des propositions nouvelles, dont plusieurs paraissent pouvoir être reprises par le Gouvernement et mises en œuvre rapidement ; nous y travaillons.

Monsieur le sénateur, soyez en tout cas assuré que nous considérons l’adhésion des usagers de la route aux mesures que nous prendrons comme un élément clé du succès de cette politique.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la ministre, permettez-moi de réagir en quelques mots à votre propos.

Les chauffards ou les conducteurs en état d’alcoolémie doivent être très fortement punis : tout le monde est d’accord sur ce point.

Ce que j’ai pour ma part évoqué, ce sont les infractions qui sont légères mais dont les conséquences peuvent aller jusqu’à la perte d’emploi pour nos concitoyens les plus modestes, ceux qui n’ont pas les moyens de payer pour récupérer des points. Il y a en matière de petites contraventions un véritable harcèlement, un racket financier qui concerne beaucoup de monde et auquel il faut mettre un terme.

découpage cantonal

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, en remplacement de M. Jean-Paul Fournier, auteur de la question n° 1402, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes un certain nombre d’élus, dont Jean-Paul Fournier et moi-même, à nous interroger sur l’application de la réforme des collectivités territoriales.

Nous souhaitons attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur le fait que, après maintes péripéties procédurales, le nombre de conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région est définitivement fixé par l’article 6 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales modifiée par la loi n° 2011-871 du 26 juillet 2011 fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.

Ces dispositions entraînent la nécessaire refonte de la carte des cantons dans chacun des quatre-vingt-quatorze départements de métropole et dans les deux départements d’outre-mer auxquels s’applique la réforme des collectivités territoriales. Par ailleurs, à cette prescription légale s’ajoute une exigence issue de la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel confirmant que le paramètre démographique doit servir de base à la délimitation de toute circonscription électorale à créer ou à refondre.

L’ensemble de la procédure touchant à la création des circonscriptions pour l’élection des conseillers territoriaux relevant du domaine du règlement, le Parlement, en particulier le Sénat qui assure la représentation constitutionnelle des territoires, souffrirait de manquer d’informations sur cette question. Madame la ministre, pouvez-vous nous en préciser les modalités, c’est-à-dire présenter l’ensemble des étapes de la procédure, le calendrier, les consultations éventuelles, le degré de prise en compte de la ruralité pour moduler le seul critère démographique, notamment dans les zones de montagne ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargée de l’outre-mer. Monsieur le sénateur Fouché, vous avez eu raison de rappeler le processus qui a conduit à l’adoption de la réforme territoriale, dont l’un des piliers est la création du conseiller territorial. Si vous me le permettez, je souhaiterais y revenir en quelques mots pour que l’on comprenne bien la nécessité de réajuster la carte des cantons.

La réforme engagée a pour but d’en finir avec l’empilement des structures et la concurrence dans l’exercice des compétences. En abrogeant la clause de compétence générale pour les régions et les départements, le Gouvernement a voulu supprimer les doublons qui créent la confusion et entraînent des dépenses supplémentaires.

À cette fin, la réforme s’appuie sur la création du conseiller territorial : des conseillers moins nombreux assumeront à la fois les compétences du département et celles de la région. Le conseiller territorial sera l’interlocuteur unique des maires et accélérera en conséquence le montage des projets des communes, des intercommunalités et des autres partenaires des collectivités. Enfin, l’organisation d’une seule élection permettra que le débat sur l’ambition que département et région doivent partager soit plus clair: c’est le meilleur remède à l’abstention.

Ainsi, le nombre des conseillers territoriaux a été fixé définitivement par la loi du 26 juillet 2011. Ce texte, qui complète la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, avait pour objet de rendre le tableau des effectifs de conseillers territoriaux conforme à la décision du Conseil constitutionnel du 9 décembre 2010. Le nouveau tableau fixé par la loi prévoit un effectif total de 3 493 conseillers territoriaux et traduit concrètement le réajustement de la carte des cantons. Depuis leur première délimitation, en 1791, les deux tiers des quatre mille cantons n’ont jamais été modifiés et cinquante-six scrutins s’y sont déroulés depuis 1833. La répartition des sièges entre les départements a été effectuée sur la base des chiffres de population des départements authentifiés par le décret n° 2010-1723 du 30 décembre 2010 et applicables au 1er janvier 2011.

Comme le prévoit la loi, le Gouvernement procédera par décrets en Conseil d’État à la délimitation de nouveaux cantons dans lesquels seront élus les conseillers territoriaux à partir de mars 2014. Ces décrets, monsieur le sénateur, seront pris après avis de chaque conseil général et respecteront quelques grands principes fondés sur les termes de la loi et sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, à savoir des « bases essentiellement démographiques » pour garantir le respect du principe d’égalité – avec toutefois la prise en compte de motifs d’intérêt général liés à la spécificité des territoires, comme la densité démographique, le nombre de communes et les particularités géographiques – et le respect des limites tant des circonscriptions législatives que des communes de moins de 3 500 habitants.

L’objet de cette réforme est très clair : le Gouvernement compte réduire fortement les écarts de représentation de la population, qui vont aujourd’hui de un à quarante-cinq, sans oublier cependant les réalités géographiques ou historiques de nos cantons.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Je tiens à remercier Mme la ministre des précisions qu’elle vient de nous apporter.

perspectives de fusion des communautés de communes en zone de montagne

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 1412, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales.

M. Jean Boyer. Madame la ministre, j’ai souhaité attirer votre attention ce matin sur les perspectives de fusion des communautés de communes, spécialement dans les zones de montagne.

Élu d’un département dont 250 communes – sur un total de 260 – sont classées en zone de montagne, avec une altitude moyenne d’habitat parmi les plus élevées de France, je m’interroge sur l’application du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, créé par l’article 35 de la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales. En effet, avec de grands espaces et des responsabilités que je qualifierai de « diluées », ne va-t-on pas aggraver la désertification de ces territoires ? Le III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ne mérite-t-il pas d’être pris en compte dans les secteurs concernés ? À sa lecture, il semblerait en effet que les communautés de communes de moins de 5 000 habitants situées en zone de montagne soient « dispensées » de regroupement.

Cette analyse relève somme toute d’une vision de bon sens, tant les contraintes topographiques et climatiques imposent un regard extérieur et objectif spécifique. Pour dispenser les établissements publics de coopération intercommunale de l’application du seuil de 5 000 habitants, le critère de « zone de montagne » est apprécié – vous le savez, madame la ministre – au regard de la loi du 9 janvier 1985, dite « loi montagne », qui prévoit que ces zones sont délimitées par arrêté interministériel.

Je souhaiterais connaître concrètement la réalité de l’application de cette mesure dans les territoires ruraux inscrits au cœur des zones de montagne. Est-il utile de susciter des interrogations, si ces critères de regroupement ne sont pas applicables légalement ?

Merci, madame la ministre, de bien vouloir m’indiquer les précisions nécessaires à ce sujet. Je suis également convaincu que, si le message des élus concernés doit-être pris en compte, il ne manquera pas de rencontrer l’écoute objective du préfet.

Puis-je également me permettre, madame la ministre, de vous demander d’élargir votre réponse à l’ensemble des perspectives de décisions relatives aux projets de regroupement d’intercommunalités en cours ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargée de l’outre-mer. Monsieur le sénateur Jean Boyer, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Philippe Richert.

La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales prescrit l’élaboration, dans chaque département, d’un schéma départemental de coopération intercommunale, ou SDCI, dont l’un des principaux objectifs est d’aboutir à la mise en place d’EPCI à fiscalité propre sur des périmètres pertinents et en capacité d’exercer les missions qui leur sont confiées.

À cet égard, la loi prévoit, au titre des orientations à prendre en compte lors de l’élaboration du SDCI, la constitution d’EPCI à fiscalité propre regroupant au moins 5 000 habitants.

Les débats parlementaires ont mis en évidence le fait que l’observation systématique du seuil démographique de 5 000 habitants, compte tenu de la topographie des zones de montagne, risquerait de conduire à la création d’EPCI sur des territoires trop vastes, comprenant par exemple des vallées ne pouvant pas communiquer entre elles.

Pour ces motifs, le législateur, prenant en compte ces réalités des zones de montagne, a prévu, au III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales créé par l’article 35 de la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, que « ce seuil de population n’est pas applicable aux établissements publics dont le territoire comprend des zones de montagne délimitées conformément à l’article 3 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ».

Il convient toutefois de relever que cette dérogation ne concerne que le seuil démographique minimal des EPCI à fiscalité propre. Les communes de montagne qui n’appartiendraient à aucun EPCI à fiscalité propre ou qui seraient en situation d’enclave ou de discontinuité territoriale au sein d’un EPCI existant verront en revanche leur situation modifiée.

Les autres orientations et objectifs fixés par la loi, et notamment la « rationalisation des périmètres », l’« amélioration de la cohérence spatiale » et « l’accroissement de la solidarité financière », sont par ailleurs applicables aux zones de montagne. Le schéma a pour objet de les mettre en œuvre ; à cette fin, il « peut proposer la création, la transformation, la fusion d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi que la modification de leurs périmètres », que les communes concernées soient situées, ou non, en zone de montagne.

Les regroupements d’EPCI à fiscalité propre situés en zone de montagne sont donc légalement possibles. Comme l’a rappelé récemment le Premier ministre, M. François Fillon, les projets de schéma doivent être élaborés en suivant un processus de « co-construction » entre les préfets et les élus, de façon à leur permettre de recueillir l’accord le plus large possible. Par conséquent, ce n’est que si la concertation entre les préfets et les élus fait apparaître la pertinence de telles fusions que celles-ci pourront être mises en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, on peut apprécier l’objectivité du législateur, mais considérer aussi qu’elle n’est pas allée assez loin. En effet, la diminution du nombre d’élus de proximité réduira les initiatives locales.

Or ce constat ne date pas d’aujourd’hui. Depuis des années, on ne prend pas assez en compte l’espace à gérer, en se référant trop exclusivement à des critères démographiques. Les communes rurales qui comptent moins de dix habitants par kilomètre carré doivent gérer un espace où la présence d’élus de proximité est nécessaire !