Mme Valérie Pécresse, ministre. Eh oui !

Mme Michèle André. Toutefois, il faut le mettre en perspective avec le constat dressé par Philippe Séguin, confirmé par son successeur à la Cour des comptes au travers du Conseil des prélèvements obligatoires, à savoir que les deux tiers des déficits publics depuis 2007 sont imputables aux choix du Gouvernement, contre un tiers seulement à la crise.

Dans ces choix malheureux des gouvernements Fillon, comment ne pas penser à la loi TEPA, censée être l’application du slogan : « Travailler plus pour gagner plus » ?

Je ne reviendrai pas sur l’aménagement du bouclier fiscal, les collègues qui m’ont précédé ayant largement évoqué cette question, pas plus que sur la diminution des droits de succession, la défiscalisation et l’exonération de charges sur les heures supplémentaires pour un coût de près de 5 milliards d’euros, ni encore sur l’effet d’aubaine de déductibilité des intérêts d’emprunt sur l’immobilier, dont l’inefficacité a été constatée dans le rapport Guillaume, pour un coût de 1,8 milliard d’euros encore en 2012 malgré l’arrêt de la mesure qui perdurera, pour partie, jusqu’en 2016.

Ce sont autant de mesures dont l’inefficacité, voire les effets pervers coûtent encore 10 milliards d’euros au budget pour 2012 : 10 milliards d’euros pour un slogan ; 10 milliards encore cette année pour rien ou presque !

Et l’on peut ajouter à la loi TEPA quelques autres mesures, telle que la baisse de la TVA dans la restauration, une mesure qui coûte plus de 3 milliards d’euros annuellement, sans contrepartie contraignante pour les bénéficiaires. Quid du réajustement ? Saurons-nous demain à quel taux ce secteur sera assujetti ?

Je pourrais encore citer la réforme de la taxe professionnelle, une réforme précipitée, coûteuse et génératrice de dégâts fondamentaux sur les finances et, surtout, sur la confiance des collectivités locales en l’État et en leur capacité à agir demain.

Et je n’oublie pas non plus les effets pervers sur l’immobilier des dispositifs Robien, Borloo et maintenant Scellier, des cadeaux que savent depuis longtemps capitaliser les promoteurs, qui avancent l’argument commercial suivant : « Zéro euro d’impôts pour vous constituer un patrimoine ! Offre de la dernière chance ! », une offre que nous recevons tous en ce moment dans nos boîtes électroniques. Mais ces cadeaux, ce sont tout de même les contribuables qui les paient ! Pour notre part, nous aurions largement préféré voir se développer le logement social.

Je vous ferai grâce, mes chers collègues, de toutes les autres mesures…

Le bilan des quatre dernières années aboutit à un enchaînement de diminutions de recettes des prélèvements obligatoires opérées au profit des plus favorisés, quand d’autres impôts ou taxes, telles que la création, puis la hausse, de la taxe sur les mutuelles, de la taxe sur les boissons sucrées ou édulcorées, de la TVA sur les offres triple play, impactent directement le pouvoir d’achat de tous, et donc mécaniquement des plus défavorisés.

Alors même que la crise des dettes souveraines repartait en Europe, le Gouvernement permettait à 300 000 contribuables d’échapper à l’impôt sur la fortune, ce qui représente une perte de recettes fiscales pour l’État de près de 1,8 milliard d’euros.

En période de crise, et alors même que le jeu essentiel des amortisseurs sociaux et le plan de relance contribuaient à creuser le budget de l’État, la politique fiscale du Gouvernement le conduisait à abandonner totalement le levier « recettes » pour tenter de retrouver le chemin de l’équilibre des comptes publics. Il ne lui restait donc plus qu’à actionner le levier « dépenses ». Il s’est donc ensuivi le gel en volume, puis en valeur, des dépenses de l’État, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et ce au risque d’entraîner, nous le constatons maintenant, une dégradation du service public offert à nos concitoyens.

Aujourd'hui, il nous faut rechercher dans la politique fiscale et sociale de notre pays plus de justice pour les ménages et d’efficacité économique pour les entreprises. Il est vrai que les choix à faire sont difficiles. Le levier « recettes » aurait dû être activé plus tôt et plus fortement, et pas de la manière dont vous entendez le faire, madame la ministre ! Pas de cette manière toujours aussi inéquitable, au bénéfice d’un nombre restreint de personnes aisées et au détriment de toutes les autres ! C’est notre nation tout entière – l’État, les organismes sociaux ou les collectivités locales – qui est perdante dans le creusement de la dette. Et qu’en est-il du sentiment de justice fiscale ? D’ailleurs, n’est-ce qu’un sentiment ? Non, c’est bien malheureusement une réalité !

Nous aurons donc à faire face à de grands défis, en vue de rétablir l’équité, la justice, l’efficacité de l’impôt, et ce au moyen de prélèvements clairs et compris de tous.

L’impôt sur le revenu devra disposer d’une assiette large, mêlant à la fois revenu du travail et du capital, mais nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement sur cette question. Il faudra intégrer la CSG à l’impôt sur le revenu pour permettre une plus grande progressivité. Il faudra également réduire ou supprimer de nombreuses niches fiscales ; cette question a été suffisamment abordée pour que je ne m’y attarde pas.

Enfin, en matière d’impôt sur les sociétés, une réforme sera également nécessaire pour mettre un terme à l’injustice actuelle.

Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi de nos collègues François Marc et François Rebsamen, on constate que l’impôt sur les sociétés s’avère plus favorable en termes de taux réels pour les entreprises qui dégagent des bénéfices importants : il s’établit à 33,33 % pour les plus petites entreprises, contre à peine 8 % pour nos poids lourds du CAC 40 !

Dans cet exercice de mitage de l’impôt, le régime des sociétés mères et filiales coûte plus de 25 milliards d’euros au budget national.

La France devra également contribuer à l’accélération, au niveau européen, de l’uniformisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, afin de limiter l’optimisation fiscale au sein de l’Union européenne.

Enfin, au profit des collectivités territoriales et des contribuables locaux, la réforme de la fiscalité locale devra s’orienter vers le renforcement de l’autonomie fiscale et du lien entreprises-territoires, aujourd'hui brisé, ainsi que vers une meilleure prise en compte du revenu. La solidarité territoriale devra s’exprimer au travers de dispositifs de péréquation verticale et horizontale, afin de permettre un égal accès de tous nos concitoyens aux services publics sur l’ensemble du territoire, un principe auquel nous sommes tant attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais remercier le rapporteur général de la commission des affaires sociales pour la pertinence de sa communication, mais souligner la partialité de ses commentaires.

Mon intervention se fera donc sous la forme de trois questions inspirées de ce rapport.

Première question : le déficit est-il essentiellement structurel, comme il le prétend en sous-estimant l’effet crise ? Personnellement, je ne le crois pas. Le problème est chronique ; il est donc surtout structurel, certes, mais aussi conjoncturel. Les dépenses sociales s’accroissent chaque année, ne serait-ce que par l’augmentation de la durée de vie. La dette ne peut mécaniquement diminuer qu’à partir de 2,2 % de croissance. Or la dynamique de la croissance a été cassée par les crises récentes.

Il ne faut pas l’oublier, les experts économiques ont reconnu que la France était le pays européen qui avait le mieux résisté aux crises...

La perte de recettes, principale actrice du déficit, correspond avant tout à une diminution des ressources en matière d’impôt sur les sociétés, de TVA et d’impôt sur le revenu.

Nous en sommes tous conscients, la crise a provoqué la destruction de 330 000 emplois en France. C’est donc plus d’assurance chômage à financer et, de ce fait, moins de cotisations sociales perçues.

Ne l’oublions pas, cela fait très longtemps que les déficits ont filé ! Cela fait longtemps que la France vit au-dessus de ses moyens, et pas toujours en raison de crises historiques.

Les lois de décentralisation, la création de services supplémentaires, les différentes conventions collectives sont des améliorations significatives pour nos concitoyens, mais consommatrices de personnels et d’un coût qui n’est plus supportable. Du toujours plus, mais à crédit ! Cela ne peut plus durer.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous irez le leur dire !

M. René-Paul Savary. Et si la droite n’a pu diminuer les prélèvements obligatoires autant que prévu, c’est bien parce qu’elle a hérité d’une situation structurellement défaillante, chroniquement déficitaire, et que nous avons traversé une crise sans précédent. Cet héritage, ce n’est pas que le nôtre !

Et la course vers toujours plus d’impôts, c’est le renoncement au juste équilibre, le renoncement à des services adaptés à nos moyens, le renoncement aux règles simples de gestion.

J’en viens à ma deuxième question : le Gouvernement a-t-il failli, comme vous l’affirmez ? Personnellement, je ne le crois pas.

Un exemple simple des lois mises en œuvre durant ce quinquennat en vue de retrouver l’équilibre financier, notamment celui des établissements de santé, est la mise en œuvre de la tarification à l’activité dans le cadre de la loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Pourquoi ? Parce que nous sommes maintenant en mesure de comprendre les déficits et de chercher à les résoudre. Il est même dit qu’une comptabilité analytique serait intéressante, alors qu’aucune entreprise ne sait faire sans !

Le retard accumulé de longue date en termes de gestion des ressources publiques est tel que nous parvenons seulement aujourd’hui à faire comprendre aux acteurs publics l’importance de plans de financement pluriannuels, qui donnent une vision, non pas jusqu’en 2014, mais jusqu’en 2025, et permettent de rationaliser l’évolution de l’objectif national de dépenses d'assurance maladie, par exemple.

Alors j’entends bien les propositions : augmenter les prélèvements, supprimer les exonérations liées, comme par hasard, aux heures supplémentaires ! Certes, nous aurions pu mieux faire en revenant sur les trente-cinq heures, par exemple. Nous avions déjà beaucoup à faire, sur les retraites notamment, et nous savons bien que nul ne reviendra dessus.

Vous avez proposé l’amplification de la réduction des niches sociales, sans mentionner, et c’est bien dommage, la couverture maladie universelle, dont les conditions d’allocation pourraient aussi faire l’objet d’un débat, celui sur le modèle social.

C’est l’objet de ma troisième question : faut-il cotiser toujours plus pour toucher toujours moins, ou faut-il revoir notre modèle social à crédit ?

Le budget 2012 est donc une étape essentielle sur le chemin du désendettement, reconnaissons-le. Cela a déjà été souligné.

Les prévisions sont de 4,5 % en 2012, de 3 % en 2013 et de 2 % en 2014. Nous tenons nos engagements avec une réduction de 15 % du déficit budgétaire de l’État, qui vient s’ajouter à la baisse de 40 % du déficit de la sécurité sociale. Cela a déjà été souligné.

Au total, entre 2011 et 2012, nous aurons fait 45 milliards d’euros d’efforts. En matière de maîtrise des dépenses publiques, ces efforts n’ont aucun précédent historique. Ils nous permettent de faire baisser l’endettement à partir de 2013. C’est une avancée considérable, certes, mais pas suffisante pour financer notre modèle social.

À la lecture de ce rapport sur les prélèvements obligatoires, l’inquiétude est légitime. Elle n’est ni de droite, ni de gauche.

Les conditions sont différentes de l’après-guerre.

L’augmentation de l’espérance de vie et les progrès de la médecine sont à prendre en compte.

L’État providence connaît ses limites. À force de vivre à crédit, au-dessus de leurs moyens, les États ne sont même plus des clients privilégiés pour les banques.

Il nous faut donc inventer d’autres solutions, responsabiliser davantage nos concitoyens, arrêter de leur faire des promesses non tenables pour leur proposer des solutions nouvelles. Permettez-moi d’en évoquer quelques-unes.

Quelques pistes sont à approfondir dans le domaine social ou médical : l’innovation avec la télémédecine pour le suivi des malades ou la téléassistance pour les personnes dépendantes ; une répartition de tâches différentes entre professionnels médicaux et paramédicaux ; une alternative à l’hospitalisation, aux transports sanitaires, avec la domomédecine, les téléconsultations, une prévention accrue ; des normes adaptées aux moyens des collectivités ou des établissements en fonction de leur taille ou de leur spécificité.

Bref, sans vouloir remettre en cause notre modèle social, je pense que son adaptation s’impose pour la maîtrise des prélèvements obligatoires, ce qu’a insuffisamment développé le rapporteur général de la commission des affaires sociales, je tenais à le souligner. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires est un privilège pour les sénateurs, car nous savons bien que ces prélèvements sont au cœur d’enjeux vitaux pour notre société : des enjeux d’assainissement de nos finances publiques et de compétitivité de notre économie.

Malheureusement, la croissance est en berne, le chômage ne cesse de progresser et les injustices se creusent. Madame la ministre, votre tâche est particulièrement délicate.

Je voudrais formuler trois propositions.

S’agissant de la compétitivité, tout d’abord, n’est-il pas temps de rompre avec les tabous, de constater que l’option pour la consommation et, oserai-je le dire, les loisirs est une impasse et, en conséquence, de proclamer le primat de la production et de l’emploi ?

Madame la ministre, quel nouveau signe de désastre faut-il encore attendre pour cesser de taxer la production, pour alléger enfin les cotisations destinées au financement des branches « santé » et « famille » ? Dans ces conditions, pourquoi différer l’incontournable débat sur la « TVA sociale » ou bien sur la « TVA antidélocalisation » ou encore – pourquoi pas ? – sur la « TVA réindustrialisation » ?

À ce stade, je voudrais dissiper une inquiétude, madame la ministre.

Est-il vrai que le Gouvernement s’apprête à soumettre au Parlement un dispositif tendant à instituer un taux intermédiaire de TVA ? C’est une proposition que j’ai souvent défendue ici même. Elle recevrait donc, dans son principe, mon appui.

Pour autant, est-il vrai, madame la ministre, que le produit de ce supplément de TVA, puisqu’un taux intermédiaire serait établi, serait affecté à la réduction du déficit et non à celle des cotisations sociales ? Je tiens à vous le dire, une telle option irait à l’encontre de mes convictions.

Tout supplément de TVA doit être affecté, à l’euro près, à la réduction des cotisations sociales pour retrouver de la compétitivité et créer de l’emploi ; vous ne pouvez en disconvenir ! Il n’y a pas si longtemps, en effet, vous déclariez, il est vrai à titre personnel, que vous étiez plutôt favorable à la TVA sociale. Est-il besoin de vous dire combien je me suis réjoui de cette déclaration ?

Toute hausse de TVA doit aboutir à une baisse des cotisations sociales. Combien de temps encore allons-nous nous rendre complices des délocalisations d’activités et d’emplois ?

Dès lors, pourquoi repousser encore cette réforme fondamentale qui conditionne la croissance et l’emploi dans notre pays ? L’année 2007 avait fait naître un espoir. Malheureusement, je crains que cet espoir ne soit déçu.

L’assainissement des finances publiques nécessite un effort accru de compression des dépenses, aussi bien budgétaires que fiscales. C’est en cela qu’un nouveau coup de rabot sur les niches fiscales s’impose.

Parmi les hausses de prélèvements obligatoires inévitables eu égard à la situation de nos finances publiques, il nous faudra revenir sur la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS. Je me permets de rappeler que, voilà un an, j’ai déposé et voté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale tendant à augmenter cette contribution de 0,25 %.

Madame la ministre, vous le savez très bien, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, telle qu’elle est profilée, structurée, va tout droit à la faillite. Nous ne pouvons pas laisser ainsi dériver la situation de cette Caisse.

Avec mes amis du groupe de l’Union centriste et républicaine, je déposerai un amendement tendant à augmenter la contribution au remboursement de la dette sociale. Son adoption conditionnera notre vote en faveur du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, s’agissant de la justice fiscale, à la cotisation exceptionnelle sur les hauts revenus, qui va constituer un deuxième dispositif à barème progressif, donc source de complexité et au rendement modeste, je préfère l’institution d’une tranche supplémentaire, voire deux, dans le barème de l’impôt progressif sur le revenu.

M. Jean Arthuis. Il doit être alors entendu que l’assiette de l’impôt sur les plus-values mobilières et immobilières nécessite d’être purgée des restrictions nombreuses et d’exemptions pour faire l’objet d’une imposition se rapprochant progressivement du barème général.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean Arthuis. Telles sont, mes chers collègues, les observations que je souhaitais formuler à cette heure tardive sur les prélèvements obligatoires, dans ce débat préalable à la discussion des lois financières pour 2012. (Mme Nathalie Goulet et M. Philippe Marini applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat sur les prélèvements obligatoires devrait être placé sous le double signe du courage et de la lucidité. Il ne semble pas que ce soit ces deux vertus qui aient animé la politique au cours de ces dernières années.

Bien sûr que la crise est profonde et que l’actualité est difficile. Mais, en aucun cas, elle ne peut vous dispenser du constat qui est celui d’aujourd’hui et que Mme la rapporteure générale et mes collègues ont évoqué.

Quelle est la marge d’action avec une hypothèse de croissance probablement en dessous de 1 % ? Réduire les dépenses et jouer sur la fiscalité. Or, madame la ministre, vous n’avez pas réduit les dépenses.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mais si !

M. François Patriat. En 2001, la dépense publique rapportée au PIB était de 51,6 %. En 2007, elle était de 52,3 %. Cette année, elle est de 56,3 %, soit quatre points de PIB en dix ans, 80 milliards d’euros. C’est cela la réalité !

À l’heure de rendre des comptes aux Français, vous ne pourrez plus nous accuser de l’irresponsabilité supposée de ceux qui augmenteraient la dépense publique alors que vous-mêmes avez aggravé celle-ci comme jamais.

Reste la fiscalité, qui conditionne le taux des prélèvements obligatoires, mais le niveau de ces derniers ne suffit pas à déterminer une politique fiscale juste et utile pour la nation. C’est un levier qui donne tout son sens à une politique et des choix économiques, budgétaires et de société.

Au terme de ce quinquennat, le taux des prélèvements obligatoires et son évolution reflètent les choix inadaptés de votre majorité en matière de niveau de financement des services publics et des biens collectifs : vous n’avez ni relevé les dépenses d’investissement ni pérennisé la prise en charge des postes de dépenses structurelles, comme l’emploi, la santé ou encore les retraites.

Les prélèvements obligatoires, qui devaient baisser de 4 points au cours de cette mandature, atteindront dans deux ans, en 2013, un niveau historiquement élevé. Notre pays n’a jamais connu un taux de prélèvements obligatoires rapporté au PIB supérieur à 45 %. Vous aviez rêvé que la gauche en porte la responsabilité, mais c’est à la droite que revient ce record ! Cette année, ce taux sera de 43,7 % et l’année prochaine, de 44,5 %. S’il atteint 45 % en 2013, cela coûtera 2,5 points supplémentaires de PIB, soit 50 milliards d’euros, en seulement trois ans ! C’est exactement le montant du prétendu choc fiscal que vous dénoncez dans le programme socialiste.

Mme la rapporteure générale nous l’a dit, pour atteindre, demain, un budget en équilibre, il faudrait prévoir 50 milliards d’euros d’économies et 50 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires. Mais vous avez déjà largement anticipé le processus, et ce bien inutilement !

Or cette hausse sans commune mesure ne servira à rien : ni à combler le déficit, ni à soutenir la croissance, ni à préserver nos équipements et services publics, rabotés durement par la RGPP!

Vous n’avez pas su utiliser ce levier pour rendre la France plus compétitive, pour soutenir la croissance et faire progresser le pouvoir d’achat, parce que vous n’avez pas eu la volonté politique d’élaborer une fiscalité juste, afin de dégager des moyens supplémentaires modifiant la structure des recettes.

C’est là toute la différence avec ce que nous proposons : nous ne demanderons un effort aux Français qu’après avoir mis en œuvre une réforme fiscale générale, afin que cet effort soit juste, équitablement réparti, grâce, notamment, à l’application d’une fiscalité égale sur les revenus du travail et ceux du capital.

La crise a bon dos : chaque fois que vous avez eu l’occasion d’agir, vous avez fait le contraire de ce qu’il fallait faire, dans une incohérence et une inconséquence totales avec les cycles de l’économie : non-sens de la réforme de la taxe professionnelle, inefficacité de la défiscalisation des heures supplémentaires, et même inutilité des mesures prises en matière de fiscalité immobilière.

En fait, ces erreurs successives sont la marque, me semble-t-il, d’un entêtement dogmatique que nous n’avons cessé de dénoncer. Et c’est pour cela que, avant de dégrader le triple A de la France, les agences de notation ont d’abord mis sous surveillance votre politique budgétaire, marquée par une incapacité à protéger les recettes publiques et à assurer la reprise de la croissance.

Elles ont aussi mis sous surveillance une marque de fabrique, à savoir le manque de réalisme et l’insincérité, qui ont fait qu’aucun des soldes budgétaires présentés dans les lois de finances initiales n’a été, depuis 2008, tenu en exécution. Le budget pour 2012 n’échappera pas à cette insincérité.

De surcroît, vous ne pourrez pas compter sur la consommation des ménages, première composante de la croissance : avec un chômage qui s’est approché des 10 % en août dernier, il est normal que la consommation peine à 0,7 % sur l’année passée.

Nous le savons, vous n’aurez pas été le Gouvernement du pouvoir d’achat. Pire, avec l’augmentation de la TVA que vous prévoyez, ce pouvoir d’achat sera encore plus contraint. Pour que cette mesure de dévaluation compétitive soit efficace, il faudrait geler les salaires et les pensions. Je vous engage à dire, pour une fois, la vérité aux Français, qui consomment 40 % de produits importés : l’augmentation de la TVA fera baisser leur pouvoir d’achat.

Il ne vous sera pas possible non plus de compter sur l’investissement des entreprises, qui représente pourtant 10 % de notre PIB. Celles-ci ont vu en effet leurs marges baisser jusqu’à 29 %, un taux jamais atteint. Vous ne les avez aidées ni à investir ni à restaurer leur compétitivité, ce qui aurait pu leur permettre de créer des emplois.

Par ailleurs, 30 % de cet investissement est exclusivement financé par le crédit. Autrement dit, 3 % de la croissance de la France dépend intégralement, aujourd’hui, du crédit, alors que celui-ci se raréfie, à la suite de la politique que vous avez conduite à l’égard des banques.

Je ne parle pas du commerce extérieur, cet autre indicateur de la compétitivité nationale, qui atteindra un déficit de 75 milliards d’euros. Et c’est avec la zone euro que notre déficit commercial est le pire ! Pendant cinq ans, le Chef de l’État a dit et répété qu’il ne serait pas le président des hausses d’impôts. Tandis que vous mettez en œuvre une politique d’augmentation des prélèvements obligatoires, il est dommageable pour le crédit de la parole publique que le Président de la République tente de nous faire croire le contraire.

Pour maintenir les apparences, vous avez multiplié les hausses en matière de prélèvements fiscaux ou sociaux, que celles-ci soient partielles, catégorielles, émiettées, prétendument temporaires mais reconduites, comme celles qui sont inscrites dans le projet de budget pour 2012 : je pense aux taxes additionnelles sur les boissons sucrées ou sur les chambres de bonne ! Dites-moi, madame la ministre, sous quelle mandature, hormis celle-ci, aurions-nous voté autant de taxes ? Au total, vous aurez créé trente prélèvements, pour 50 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, qui rendent notre système fiscal de plus en plus complexe, incompréhensible aux yeux de nos compatriotes, donc injuste et de plus en plus mal supporté, d’autant que le taux des prélèvements obligatoires auquel ils sont soumis est l’un des plus élevés d’Europe.

Comment nos concitoyens ne pourraient-ils pas trouver injuste et inefficace la fameuse taxation des hauts revenus, que vous nous présentez en fin de mandature et qui ne rapportera que 400 millions d’euros par an, alors que vous avez renoncé, voilà quelques semaines, cela a déjà été évoqué, à la réforme de l’ISF.

Pour trouver des recettes supplémentaires, vous avez, encore une fois, renoncé à l’équité. Plutôt que d’instaurer une taxe exceptionnelle et temporaire, il aurait mieux valu aligner sur un même barème de l’impôt sur le revenu les revenus du capital et ceux du travail. Cela pourrait rapporter près de 2 milliards d’euros !

Le débat qui nous réunit ce soir sur les prélèvements obligatoires révèle une chose simple, que tous les Français comprendront : le compte n’y est pas ! Tel est le bilan que vous laissez sur le plan de la fiscalité, comme le reflètent la structure et le montant des prélèvements obligatoires, décrits tout à l’heure par Mme la rapporteure générale.

On peut comprendre que la crise vous conduise à abandonner, enfin, certaines certitudes en matière de baisse des prélèvements obligatoires et à conduire une politique différente de celle que vous aviez promise au départ. Mais ce qui est grave, c’est que vous n’avez toujours pas réalisé qu’il est nécessaire de protéger les recettes publiques.

Il est certain, mes chers collègues, madame la ministre, que le débat de ce soir sera au cœur de la campagne présidentielle de 2012.

Au contraire de cette politique illisible, injuste et brouillonne, nous présenterons aux Français une fiscalité plus claire et plus juste, qui sera le socle du changement que nous portons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)