M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, mes chers collègues, ce matin, nous examinons notamment les crédits consacrés au transport aérien.

En tant que maire du Bourget, territoire d’accueil du premier aéroport d’affaires d’Europe et du premier salon mondial consacré à l’aéronautique et à l’espace, je m’intéresse depuis de longues années à ces questions. J’y consacrerai donc l’essentiel de mon intervention.

L’aéronautique et l’aéroportuaire sont des secteurs essentiels de l’activité du pays, fortement créateurs d’emplois. L’industrie aéronautique française jouit aujourd’hui d’une réputation d’excellence dans le monde entier. Nous pouvons le dire sans être taxés de chauvinisme, mais nous devons veiller à conforter ce secteur qui fait vivre une bonne part de nos régions. Tel est d’ailleurs le sens de nombre d’initiatives prises par le Gouvernement et je tiens à les saluer.

Ce secteur d’activité est l’un des rares qui contribuent à l’équilibre de notre balance commerciale. Nous savons tous également que notre système aéroportuaire représente un enjeu majeur pour la compétitivité de notre pays, comme pour son image à l’étranger. Sa rénovation et l’amélioration de sa qualité de service ont été entreprises, effort de long terme qui commence à payer et qui implique un grand nombre d’acteurs parmi lesquels les pouvoirs publics, Aéroports de Paris et les compagnies aériennes.

J’aborderai en préalable la situation d’ensemble du trafic aérien et ses conséquences pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Dans ce domaine, je ferai une proposition pour le retour à l’équilibre, et j’évoquerai également un risque. Ensuite, j’appellerai l’attention du Gouvernement sur deux mesures qui seraient de nature, l’une, à améliorer l’avenir de cette industrie, l’autre, je viens d’en parler, à agir en faveur de la qualité de service offerte par les aéroports. Je sais que ces préoccupations sont partagées par le Gouvernement ; aussi, je souhaite apporter ma contribution à sa réflexion.

Je dirai d’abord un mot du contexte, donc du trafic. Cette question s’inscrit bien dans la discussion budgétaire, car le trafic influe directement sur l’équilibre financier du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Malgré la crise, le trafic aérien mondial a connu une nette reprise en 2010. Cette reprise se confirme en 2011, avec une croissance de 6,5 % au premier semestre. En France, le trafic aérien n’a enregistré qu’une hausse de 1,6 % en 2010, mais il devrait fortement progresser en 2011, avec une moyenne de 5,6 % sur l’année. Cette évolution doit nous inciter à nous interroger sur notre capacité à « capter » le trafic, qu’il faut conforter. Cette volonté doit, bien entendu, être compatible avec le respect des exigences environnementales et la concertation locale.

Dans ce contexte global d’amélioration du trafic, des sujets d’inquiétude existent, toujours légitimes, et je souhaite que le Gouvernement conduise la concertation nécessaire. Par exemple, les compagnies européennes et particulièrement Air France-KLM profitent moins de cette reprise. Elles doivent faire face à la concurrence sur le long courrier des compagnies du Golfe et sur le court et moyen courrier des compagnies low cost, particulièrement compétitives. La compagnie Air France-KLM doit remédier aujourd’hui à un handicap de compétitivité, même si son chiffre d’affaires, cela a été rappelé, a augmenté de 7 % au premier semestre. Elle doit aussi faire face à un endettement élevé. La nouvelle gouvernance mise en place récemment a choisi de saisir ces questions à bras-le-corps et l’entreprise est mobilisée pour relever ce défi. Il faudra donc être attentif aux efforts faits par la compagnie pour redresser sa situation financière et réduire ses coûts. Dans ce cadre, des engagements ont été pris en matière d’emplois. Ce point est bien sûr majeur pour tous.

Plus généralement, l’évolution du trafic que nous venons de retracer à grands traits a eu une incidence directe sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Celui-ci a enregistré, du fait de la crise économique, une forte aggravation de son endettement, qui atteint désormais la modeste somme de 1,148 milliard d’euros en 2010 – excusez du peu ! Cet endettement devrait atteindre 1,214 milliard d’euros en 2012.

La Direction générale de l’aviation civile, la DGAC, a entrepris des efforts en interne pour réduire ses dépenses, notamment par la mise en œuvre de mesures d’optimisation des moyens et de modernisation de sa gestion. Nous savons tous que ce sujet est sensible. Nous pouvons avoir notre propre appréciation de ces efforts ; reste qu’ils ne suffiront pas à combler le déficit. Cette question ne peut être éternellement repoussée.

Le budget annexe est structurellement déséquilibré, ce qui conduit la DGAC à s’endetter pour financer son fonctionnement. Ce sous-financement structurel a une raison simple : les redevances versées ne couvrent que 85 % des coûts des activités pouvant être soumises à redevances. Le solde non couvert par les recettes s’élève à 113 millions d’euros et ce chiffre est sensiblement le même chaque année. La structure des dépenses du budget annexe laisse donc très peu de marges de manœuvre, sauf à obérer les capacités d’investissement de la DGAC. Or réduire l’investissement est impossible, compte tenu des dépenses nécessaires pour réaliser la construction du ciel unique européen : les besoins en investissement sont très importants en matière d’organisation de l’information aéronautique, de la navigation aérienne et du contrôle aérien, dans le cadre du programme européen SESAR.

De fait, le désendettement du budget annexe passe par une augmentation de ses recettes. C’est pourquoi je suis favorable à l’affectation au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » de l’intégralité du produit de la taxe de l’aviation civile. Nous pourrons ainsi sortir ce budget annexe de la spirale du surendettement que dénonce la Cour des comptes.

Cette première suggestion étant faite, je voudrais évoquer un risque à conjurer pour le secteur.

Mes chers collègues, j’évoquais au début de mon intervention l’excellence de l’aéronautique française. Je voudrais vous mettre en garde, car il ne faudrait pas la pénaliser en adoptant une mesure proposée par la commission de l’économie. Celle-ci a en effet adopté plusieurs amendements visant à remettre en cause le crédit d’impôt recherche. Si, comme M. le rapporteur pour avis, je suis favorable à ce que les PME bénéficient au mieux de ce dispositif fiscal, je souhaite alerter mes collègues sénateurs sur les conséquences d’une telle mesure, si elle devait aboutir à remettre en cause le crédit d’impôt recherche pour les groupes industriels. Grâce à cette mesure fiscale, ceux-ci investissent dans notre pays, innovent et conquièrent des parts de marché à l’international.

Ce débat viendra prochainement, puisqu’un amendement a été déposé dans le cadre de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Mais le cas de l’industrie aéronautique et spatiale illustre bien les enjeux et les risques que ferait peser une telle mesure.

Je l’exposerai en quelques mots. Notre pays se distingue par un taux de recherche privée particulièrement faible. Au contraire, le secteur aéronautique et spatial est l’un des contributeurs majeurs de la recherche et de l’innovation en France. Les entreprises de ce secteur investissent près de 16 % de leur chiffre d’affaires dans la recherche et développement, la R&D. Les frais de recherche et développement y sont importants et requièrent des investissements initiaux considérables, avec un degré élevé de complexité. Dans ce secteur bien spécifique, le crédit d’impôt recherche est un outil fiscal incitatif qui accélère les initiatives en matière de recherche et développement privée. Il permet ainsi d’améliorer la compétitivité de la France et de faciliter l’arrivée sur le marché de produits en rupture technologique. À l’heure où tout le monde s’accorde sur la nécessité de réindustrialiser notre pays, il serait paradoxal de pénaliser un de nos secteurs industriels les plus performants et les plus compétitifs.

Ayant évoqué une mesure qu’il faut selon moi écarter, je voudrais demeurer positif et, pour terminer, formuler au contraire deux suggestions.

La première concerne les montants alloués dans le cadre des investissements d’avenir. Pour le secteur aéronautique, l’enveloppe allouée aujourd’hui ne permet pas la réalisation de l’ensemble des projets proposés. D’autres secteurs, plus richement dotés, peinent à trouver les supports nécessaires à l’utilisation de ces fonds. L’idée d’un « mandat à mi-parcours » permettant de réajuster la répartition des budgets du programme Investissements d’avenir pourrait être pertinente. Je propose ainsi que le Gouvernement envisage de revoir à mi-parcours les montants alloués par ce programme en fonction des projets proposés par les différents secteurs.

J’en viens à une seconde suggestion, que je livre à la sagacité du Gouvernement. Il s’agit d’une proposition très concrète permettant l’amélioration des conditions d’accueil dans les aéroports parisiens. J’ai dit au début de mon intervention que la qualité de service dans nos aéroports était le résultat d’une coproduction entre les pouvoirs publics, Aéroports de Paris et les compagnies aériennes. Des améliorations sont en cours et doivent être confortées.

Parmi ces améliorations, il faut parler du dispositif PARAFE, pour « Passage automatisé rapide aux frontières extérieures », qui vise à automatiser les contrôles des passagers à l’arrivée et au départ des principaux aéroports français. Ce système de sas automatiques munis de moyens de reconnaissance biométrique est de nature à améliorer sensiblement la fluidité des contrôles aux frontières. Près de 500 000 personnes ont déjà pu en bénéficier, avec un temps de passage moyen de vingt secondes seulement. Nous pourrions franchir aisément la barre des 5 millions d’utilisateurs.

Je souhaite savoir, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement envisage d’étendre l’utilisation de ce système PARAFE, en autorisant notamment le déploiement de 32 sas supplémentaires à Orly et Roissy-Charles-de-Gaulle. Cette extension constituerait un facteur important d’amélioration de la satisfaction des passagers et permettrait d’anticiper l’évolution du trafic d’ici à 2015. Le coût global serait imputable sur la taxe d’aéroport pour 9,2 millions d’euros étalés sur la période 2012-2018, Aéroports de Paris gardant à sa charge 2,1 millions d’euros.

Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que les quelques suggestions et remarques que j’ai pu faire soient utiles au débat dans un domaine qui m’est cher. N’oublions pas que, comme lors de la première traversée de l’Atlantique New-York-Le Bourget, en 1927, le monde entier regarde vers la France lorsqu’il pense à l’aéronautique. En effet, si c’est un Américain, Charles Lindbergh qui a accompli cet exploit, ses premiers mots ont été pour demander à rencontrer Louis Blériot. (M. Raymond Vall applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les actions et les crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transports » appellent de ma part les remarques et questions suivantes.

Dans une perspective d’égal accès de tous aux services essentiels, les transports sont un outil fondamental de solidarité entre les territoires. La liberté constitutionnellement reconnue d’aller et de venir ne peut être exercée pleinement que sur un territoire doté en infrastructures de transport. C’est à la lumière de ce constat que le groupe socialiste a examiné les crédits de ce programme.

Deux mesures de ce projet de loi apparaissent relativement positives. En revanche, le document budgétaire comporte plusieurs lacunes. Il est en outre caractérisé par une absence de visibilité quant aux solutions à mettre en œuvre pour traiter d’importants problèmes, comme l’économie du ferroviaire ou la gouvernance de ce secteur.

J’aborderai successivement ces divers aspects.

Tout d’abord, deux mesures de ce budget sont relativement positives.

En premier lieu, les crédits disponibles, mêmes s’ils ont fait l’objet de « coups de rabot », devraient permettre à Réseau ferré de France, RFF, de procéder cette année à la régénération de 1 000 kilomètres de voies ferrées. Il devrait en être de même au cours des prochaines années. L’effort est incontestable, même si les moyens dégagés ne se situent pas au niveau optimal préconisé il y a quelques années par le professeur Rivier de l’École polytechnique fédérale de Lausanne.

En second lieu, la création, l’an dernier, du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » vise à conforter l’existence des trains d’équilibre du territoire. Les recettes de ce compte, entièrement utilisées pour verser une subvention d’équilibre à la SNCF, s’élèvent à 280 millions d’euros, soit une hausse de 30 % par rapport à 2011, conséquence du doublement imposé par l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, du niveau des péages acquittés pour la circulation de ces trains. En revanche, la fraction de la taxe d’aménagement du territoire payée par les concessionnaires d’autoroutes reste stable, à 35 millions d’euros. La route ne finance pas suffisamment le rail. La pérennité des lignes d’équilibre du territoire requiert donc une hausse progressive de la partie de cette taxe acquittée par les sociétés d’autoroute.

Ensuite, ce projet de budget présente des lacunes.

La première tient à une insuffisance de financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, due principalement à un report à 2013 de la taxe poids lourds. Le budget de l’Agence est ainsi abondé par une subvention d’équilibre de l’État se montant à 1,123 milliard d’euros, qui a d’ailleurs été réduite à l’Assemblée nationale.

Deuxième lacune : l’État ne s’engage toujours pas à lancer le troisième appel à projets pour les transports en commun en site propre. De nombreux projets ont été mis au point par des villes moyennes, qui sont en attente de financement. Comment ne pas rappeler que l’État s’était engagé dans le cadre du Grenelle de l’environnement à consacrer une enveloppe de 2,5 milliards d’euros à cette action ?

La troisième grande lacune de ce projet de loi de finances réside dans le fait que rien n’est prévu pour aider les régions à financer les TER, qu’ils soient ferroviaires ou routiers. Les régions ont énormément investi dans l’achat et la rénovation de matériel ferroviaire, mais aussi, pour certaines d’entre elles, dans la régénération des voies ferrées utilisées par les TER. Il paraît donc logique de créer un versement transport au profit des régions, en prenant toutefois la précaution de ne pas pénaliser les autorités organisatrices intervenant dans le cadre des périmètres de transports urbains, les PTU.

Faisant le constat de l’absence de proposition dans le présent projet de loi de finances, le rapporteur pour avis de la commission de l’économie a déposé un amendement qui a le grand mérite de poser clairement le problème. Nous en discuterons le moment venu avec l’objectif, du moins en ce qui me concerne, d’en faire bénéficier toutes les autorités organisatrices de transport des zones interstitielles.

M. Michel Teston. Enfin, ce budget manque de visibilité quant aux solutions à mettre en œuvre pour traiter d’importants problèmes relatifs aux infrastructures, à l’économie du ferroviaire, mais aussi à la gouvernance de ce secteur.

Ainsi, dans le domaine routier, quelle garantie avons-nous, monsieur le secrétaire d’État, que les onze projets de désenclavement défendus par le groupe de suivi sur l’avant-projet consolidé de schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, mis en place par le Sénat, seront bien prioritaires ? En effet, si personne ne remet en cause les orientations du Grenelle de l’environnement en faveur d’un nécessaire rééquilibrage modal, il n’en demeure pas moins que des aménagements routiers importants sont indispensables dans les territoires non desservis par le train ou pour lesquels la desserte ferroviaire ne peut être améliorée. Je pense, en particulier, au sud de l’Ardèche, qui doit pouvoir disposer à l’avenir d’une connexion directe avec l’autoroute A7 au sud de Montélimar, ce qui suppose la réalisation d’ouvrages de franchissement du Rhône et du canal du Rhône.

Ce projet de budget ne trace pas de pistes de réflexion ni ne dégage de réels moyens financiers pour le fret ferroviaire, dont le développement figurait pourtant parmi les principales orientations du Grenelle de l’environnement.

Mes chers collègues, le trafic est passé de 40 milliards de tonnes-kilomètres il y a quelques années à probablement moins de 28 milliards de tonnes-kilomètres aujourd’hui ! Le fret ferroviaire a donc continué à perdre des parts de marché par rapport au fret routier. Les parts de marché des nouveaux opérateurs ferroviaires, quant à elles, n’ont été gagnées que sur la SNCF ! Cette question majeure pour l’aménagement du territoire ne pourra être résolue que par la reconnaissance du caractère d’intérêt général du fret ferroviaire, et pas seulement du wagon isolé.

Le présent projet de loi de finances n’offre toujours aucune perspective, et donc pas plus de visibilité, concernant la productivité et le financement du secteur ferroviaire.

Au sein du groupe n° 3 des Assises du ferroviaire, relatif à l’économie du ferroviaire, nous débattons de ces questions. Comment améliorer encore les actions de régénération du réseau en réduisant les coûts ? Comment financer les lignes nouvelles ? RFF, la SNCF mais aussi différents autres experts exposent les solutions envisageables pour atteindre ces objectifs. Toutefois, le constat demeure qu’il manque, chaque année, entre 1 milliard et 1,5 milliard d’euros pour assurer le financement de l’ensemble des besoins. Or, la dette de RFF s’élève à 29 milliards d’euros, ce qui oblige chaque année cette entreprise à se financer sur les marchés à hauteur de 1,2 à 1,3 milliard d’euros. Il est temps de proposer une solution permettant de lisser progressivement la dette historique de RFF, c’est-à-dire celle qui lui a été transférée à sa création, qui s’élève à 20 milliards d’euros.

Enfin, et c’est un nouvel exemple du manque de visibilité, aucune piste n’est esquissée quant à l’évolution de l’organisation du système ferroviaire. Faut-il maintenir ou supprimer la séparation entre RFF, gestionnaire des infrastructures, et la SNCF, exploitant historique ? Cette question est rendue encore plus complexe par l’importance de la dette de RFF. Les débats des Assises du ferroviaire montrent à quel point les positions sont tranchées à ce sujet. Pour ma part, je rappelle que je n’ai jamais été favorable à l’organisation actuelle.

M. Michel Teston. En conclusion, mon analyse des actions et des crédits du programme 203 est identique en tout point à celle du rapporteur pour avis de la commission de l’économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, mes chers collègues, bien qu’élu du territoire le plus rural de France, me semble-t-il, je suis cependant tout à fait conscient de l’enjeu que représente pour le territoire national l’adaptation nécessaire au changement climatique, qui entre malheureusement, nous le savons désormais, dans une phase irréversible, dont les conséquences seront dramatiques pour certaines zones de notre planète.

Pour autant, comme un grand nombre de mes collègues élus de la ruralité, je ne peux me résigner à voir ces territoires ruraux sacrifiés du fait de l’absence de prise en compte de leur problème d’enclavement, qui les asphyxie lentement mais sûrement, ainsi que Michel Teston et Louis Nègre viennent de le montrer. La disparition progressive des activités économiques, la désertification provoquée par la suppression des services publics, le départ des acteurs de santé, la fermeture des hôpitaux et enfin les réductions des effectifs d’enseignants consécutives aux migrations des jeunes ruraux vers les villes nous condamnent.

La défense de la survie de ces territoires ruraux me conduit à recentrer essentiellement mon propos sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports », qui est la principale victime des « coups de rabots » du Gouvernement. L’Assemblée nationale y a d’ailleurs contribué, comme l’ont indiqué les précédents orateurs, notamment le rapporteur pour avis de la commission de l’économie, Roland Ries.

Dès la parution du schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT, en septembre 2010, j’ai demandé et obtenu la création, au sein de la commission de l’économie, d’un groupe de travail présidé par notre collègue Louis Nègre. Après douze mois d’études et de déplacements en milieu rural, le groupe a obtenu qu’une fiche ROU 6, « Renforcer l’accessibilité des territoires dont les populations souffrent d’enclavement », soit prise en compte dans le schéma, dont la dernière version a été publiée en octobre 2011.

Au cours des discussions sur le SNIT qui se sont déroulées dans cet hémicycle, Mme la ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet et M. le ministre des transports Thierry Mariani ont pris l’engagement d’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2012 les crédits d’études nécessaires pour répondre à la demande unanime des sénateurs, formulée lors de la discussion du 15 février dernier en séance publique, concernant les onze routes nationales inscrites dans la fiche ROU 6.

Ma question, monsieur le secrétaire d’État, vise à savoir si cet engagement sera respecté dans le cadre de ce programme, puisque Mme la ministre a confirmé, lors de son audition du mercredi 9 novembre, qu’elle ne souhaitait pas, pour l’instant, ouvrir un débat sur le SNIT au Parlement.

J’ai d’autant plus de doutes sur le respect de cet engagement que, dans la dernière version du SNIT, il est indiqué que la politique de l’État en matière d’infrastructures de transport est tournée prioritairement vers le développement des modes alternatifs à la route, avec l’argument qu’il n’est plus nécessaire d’augmenter significativement la capacité du réseau routier en France. Mme la ministre a en outre insisté, lors de sa dernière audition, sur sa volonté de s’inscrire dans une perspective de mutation économique et écologique et a affirmé que les infrastructures de transport seraient rénovées avec un rééquilibrage au détriment des transports routiers.

C’est une escroquerie intellectuelle que de diaboliser les infrastructures routières essentielles, au nom d’une prétendue défense de l’environnement, alors qu’il n’y a aucune autre alternative dans certains territoires. La modernisation d’un itinéraire vital peut être réalisée dans le respect des équilibres naturels, des continuités écologiques, des paysages, de la faune, de la flore et de l’eau. Il est véritablement utopique de penser qu’un territoire rural puisse survivre sans infrastructures de transport !

Je peux vous en parler en connaissance de cause : le département du Gers, que je représente au Sénat, ne dispose, sur son axe nord-sud, que d’une route nationale, la RN 21, qui supporte le transport routier, les cars TER, et verra demain arriver les camions de 44 tonnes, alors que sur plus de la moitié de son parcours, soit 80 kilomètres, aucune possibilité de doubler n’existe ! De ce fait, la RN 21 détient le triste record du nombre de tués sur les routes. On compte en effet plus de trente morts en sept ans, et plus de soixante-quinze sur l’ensemble du parcours de la RN 21.

De ce fait, nous commençons à voir se délocaliser – ce qui paraissait inconcevable il y a encore quelques années – les stockages de produits agricoles vers les villes portuaires situées à plus de 200 kilomètres hors du département. Or vous savez que pour répondre aux fluctuations des prix, ces capacités de stockage devront être augmentées de 10 % pour constituer des stocks tampons. Comment accepter une telle distorsion entre cette situation et les discours prononcés par le Président de la République à Morée le 9 février 2010 et à Aubusson le 11 octobre 2011, qui non seulement confirmaient ce constat, mais prônaient aussi la sauvegarde de l’avenir de ces territoires ruraux par leur désenclavement ?

Monsieur le secrétaire d’État, nous savons quelles contraintes financières nous impose cette crise. C’est pourquoi nous avons proposé une modification législative indispensable pour rendre possible la mise en concession des axes routiers à deux fois deux voies mentionnés dans la fiche ROU 6. Mon collègue Louis Nègre, qui préside l’association Transport, développement, intermodalité, environnement, ou TDIE, a ainsi déposé une proposition de loi pour que ces routes puissent être ouvertes au régime des concessions. Cela permettrait d’accélérer la modernisation de ces onze routes nationales dans des délais raisonnables et en faisant appel à des fonds privés. Je souhaite que vous puissiez nous répondre sur ces deux points, car le groupe du RDSE se déterminera en fonction des réponses que vous apporterez au problème essentiel du désenclavement des territoires ruraux. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord commencer par un compliment, qui s’adresse non pas à vous-même, monsieur le secrétaire d’État, mais à vos collaborateurs et aux fonctionnaires de votre ministère !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement. C’est encore mieux !

M. Jean-Claude Lenoir. J’ai en effet noté que le taux de réponse apporté par les services du ministère avait été particulièrement élevé, ce qui est assez rare ! Depuis longtemps, je souhaitais exprimer mon sentiment de reconnaissance pour le travail accompli.

Je pourrais consacrer le temps qui m’est imparti à convaincre mes collègues de la majorité sénatoriale que ce projet de loi de finances est à la fois responsable, efficace et dynamique. C’est en effet ma conviction, et c’est pourquoi je voterai ce projet tel que le Gouvernement l’a présenté. Mais, compte tenu du peu de temps dont je dispose, je préfère le réserver principalement, même si c’est de façon compendieuse, à l’analyse de quelques points auxquels je suis particulièrement attaché…

Le premier point concerne les transports. Je suis, moi aussi, élu d’un département rural, l’Orne, et attaché au développement d’infrastructures qui nous permettent non seulement de circuler dans le département, mais également de rallier Paris dans les meilleures conditions. En effet, nombre d’habitants du département de l’Orne travaillent à Paris. Par conséquent, et je le répète depuis longtemps avec mes collègues des circonscriptions voisines, voire du grand Ouest en général, nous avons besoin de remettre un peu de carburant dans le moteur !

C’est le cas pour les routes. Ayant participé à un certain nombre d’entretiens au ministère, je voudrais bien qu’on m’explique un jour comment ne pas nous faire rouler dans la farine avec le fameux schéma national des infrastructures de transport, le SNIT !