M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien ! Les choses doivent être dites !

M. le président. La parole est à M. Jacques Chiron.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Soyez bref, mon cher collègue : vous ne disposez que de deux minutes de temps de parole ! (Sourires.)

M. Jacques Chiron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Président de la République promettait en 2009 que « là où on dépense un euro pour le nucléaire, on dépensera un euro pour les énergies propres ».

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. En effet !

M. Jacques Chiron. Mais, aujourd'hui, nous venons de rater l’opportunité de développer une véritable filière photovoltaïque en France.

La société iséroise Photowatt, qui compte plus de 500 salariés, a déposé son bilan le 4 novembre…

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Jacques Chiron. … sans que l’État, sollicité à maintes reprises, intervienne.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Jacques Chiron. Cette société a connu un essor important et est devenue, en 2003, l’un des leaders mondiaux. Elle est la seule entreprise française à maîtriser l’ensemble de la filière, de la conception à l’installation, en passant par la fabrication industrielle des cellules solaires sur le territoire français.

Mais, en dix ans, la concurrence étrangère, en particulier chinoise, ainsi que le manque de soutien de l’État aux PME-PMI de la filière ont empêché notamment cette entreprise de créer une dynamique de développement à la mesure du marché potentiel. Et pourtant, le marché privé de vente de panneaux solaires a explosé. Comment expliquer ce nouvel échec dans la conquête d’un marché industriel créateur d’emplois pour l’avenir ?

Premièrement, la mise en place de tarifs de rachat d’énergie non dégressifs a conduit à une spéculation financière, constatée dès 2009, mais, comme d’habitude, non régulée.

Deuxièmement, le moratoire que le Gouvernement a mis en place en 2010, suivi du blocage, pendant neuf mois, des appels d’offres, a provoqué une déstabilisation générale du secteur.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Ce sont 10 000 emplois qui ont été perdus !

M. Jacques Chiron. Troisièmement, en l’absence d’une quelconque certification de la qualité des panneaux – coût carbone, maintenance, recyclage… –, ce sont majoritairement des panneaux chinois qui ont été installés en France.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Eh oui ! Bonjour le bilan carbone !

M. Jacques Chiron. Notons au passage qu’EDF, entreprise publique, est le premier acheteur français de panneaux chinois…

Quatrièmement, enfin, les investisseurs ont été découragés par les mouvements de yo-yo de la réglementation et par l’illisibilité de notre stratégie nationale.

Depuis deux ans, les représentants de ce secteur, relayés par certains élus, dont notre collègue sénateur Jean-Pierre Vial et Geneviève Fioraso, députée de l’Isère, ont frappé à toutes les portes – ministères, Fonds stratégique d’investissement, direction de l’industrie, grands opérateurs… – afin de signaler ces incohérences. En vain !

Monsieur le secrétaire d’État, au niveau national, le bilan de la filière est terrible : à ce jour, sur un total de 25 000 emplois, près de 15 000 ont été supprimés ou le seront à terme.

M. Jacky Le Menn. Alors qu’on devait en créer !

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est une catastrophe !

M. Jacques Chiron. Enfin, je souhaite attirer votre attention sur les investissements et dépenses en recherche et développement publics de l’État et des collectivités locales en faveur des laboratoires du CEA-Liten, à Grenoble, et de l’Institut national de l’énergie solaire, l’INES, à Chambéry, deux fers de lance de notre recherche technologique dans ce secteur dont les applications vont se retrouver sans débouchés pour les entreprises françaises, faute, justement, d’entreprises françaises !

Monsieur le secrétaire d’État, le résultat est désastreux pour cette filière qui représente, pourtant, un enjeu essentiel de notre bouquet énergétique. En quatre ans, quel immense gâchis pour la filière photovoltaïque française ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Mireille Schurch et M. Raymond Vall applaudissent également.)

MM. Jacky Le Menn et Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en mars 2010, au Salon de l’agriculture, on s’en souvient, Nicolas Sarkozy s’exclamait : « l’environnement, ça commence à bien faire ! »

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Il l’a dit !

M. Ronan Dantec. Force est donc de constater, et nous pouvons sans doute trouver un consensus sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, l’efficacité absolue de la parole présidentielle sur l’évolution de l’action publique, tout du moins dans le domaine de l’environnement ! (Mme Mireille Schurch et M. Roland Courteau sourient.)

Les ministres se sont montrés zélés et, un peu plus d’un an après cette déclaration, le budget de l’environnement est en effet en très forte baisse, le nombre de fonctionnaires du ministère en réduction massive et une grande partie des engagements du Grenelle se sont perdus dans les méandres administratifs de la rédaction de décrets dont on n’attend même plus la publication.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Si nous considérons par exemple le programme 217, qui rassemble la masse salariale du ministère de l’écologie, nous ne pouvons qu’être saisis par la fonte des effectifs : 1 580 équivalents temps plein sont supprimés l’année prochaine, après déjà près de 4 000 suppressions de postes entre 2009 et 2011.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est une véritable saignée !

M. Ronan Dantec. Nous sommes au-delà du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ! Comment peut-on, dans ce cadre, atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement si promu à l’époque ? La ministre Mme Kosciusko-Morizet reconnaissait elle-même sur son blog en mars 2010 qu’il fallait « retrouver l’âme du Grenelle ». Dix-huit mois plus tard, il faut donc constater qu’elle cherche encore.

Pour reprendre un exemple frappant de ce désengagement du Gouvernement, notons la réduction de 496 équivalents temps plein pour le programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité ». Comment peut-on imaginer que la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité, pourtant présentée comme une priorité pour 2012, puisse se développer avec un tel manque de moyens ? C’est évidemment impossible.

Il y a quelques semaines, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie M. François Baroin a lui-même clairement enterré le Grenelle de l’environnement en déclarant : « Nathalie Kosciusko-Morizet n’a pas compris ce qui se passe. C’était une mutation folle sous l’angle des moyens. On a laissé faire Jean-Louis Borloo dans l’euphorie ; personne n’a porté l’idée que cela a un prix ». Le propos, tenu pour les quatre ans du Grenelle, avait plus valeur d’épitaphe que de cadeau d’anniversaire !

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Cela y ressemblait !

M. Ronan Dantec. Le Gouvernement n’a pas la volonté d’une politique de l’environnement et il ne s’en donnera pas les moyens financiers ni humains. Le budget initial en témoigne mais, comme si cela ne suffisait pas, la majorité de droite, constante dans l’effort, a encore raboté ce programme en réduisant significativement à l’Assemblée nationale les programmes portant sur l’énergie, la biodiversité et la gestion des risques.

L’action sur l’efficacité énergétique avait été présentée comme l’une des grandes priorités de ce Grenelle et nous espérions effectivement une forte impulsion sur ce point. Cependant, les résultats sont bien loin des objectifs. Il faut se rendre à l’évidence, au rythme actuel, nous n’atteindrons pas l’objectif de 38 % de réduction des consommations d’énergie du parc de bâtiments existants d’ici à 2020 et de 400 000 rénovations chaque année à compter de 2013.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.Exact !

M. Ronan Dantec. La remise en cause l’année dernière de la possibilité pour les ménages de cumuler le crédit d’impôt et l’éco-PTZ n’est pas pour rien dans ce mauvais résultat, en cassant toute dynamique. Nous nous réjouissions donc du rétablissement de la possibilité de cumul, sauf qu’en limitant ce cumul aux foyers dont les ressources ne dépassent pas 30 000 euros par an, vous limitez d’emblée la portée de cette mesure. Cela se retrouve, et c’est cohérent, dans ce projet de loi de finances puisque vous budgétez une réduction du crédit d’impôt en faveur du développement durable, le CIDD, de près de 600 millions d’euros cette année encore, soit 1,2 milliard d’euros de moins en deux ans.

Les chiffres affichent donc ce que vous n’avouez pas : la réduction de l’effort de réhabilitation du logement ancien, en contradiction totale avec vos déclarations de principe sur l’efficacité énergétique et la lutte contre le changement climatique, au détriment de l’indépendance énergétique de la France et du pouvoir d’achat des ménages.

Si, au moins, au-delà des contraintes budgétaires et dans le souci de trouver de nouvelles recettes pour le budget de l’État, vous vous engagiez sur des mesures de fiscalité écologique… Le Grenelle en avait avancé plusieurs. Mais, là non plus, et pourtant cela rapporterait à l’État, nous ne notons aucun progrès.

La taxe sur les poids lourds, engagement n° 45 du Grenelle, pourrait rapporter plus de 1 milliard d’euros par an. Mais, autre preuve s’il en fallait du recul du Gouvernement, sa mise en place est encore repoussée et nous pouvons même douter de la volonté de l’instaurer un jour. Vous avez été bien plus rapides, en revanche, pour autoriser l’augmentation du tonnage des poids lourds sur nos routes.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Ah oui !

M. Ronan Dantec. Le transport de marchandises par camion a beau contribuer fortement aux émissions de gaz à effet de serre, vous n’aurez finalement jamais rien fait pour le réorienter vers le rail.

MM. Jean-Jacques Filleul et Roland Courteau, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Ronan Dantec. La part du fret ferroviaire a été divisée par deux en dix ans en France, alors qu’elle doublait en Allemagne dans la même période.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Quel gâchis !

M. Ronan Dantec. Ce matin, notre collègue Louis Nègre évoquait une politique dans le droit fil du Grenelle concernant le ferroviaire. Je présume qu’il parlait de fil à plomb, pour visualiser la chute à pic du fret ferroviaire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Bien vu !

M. Ronan Dantec. Lundi prochain, s’ouvrira à Durban, en Afrique du Sud, la dix-septième Conférence des Parties de l’ONU sur le changement climatique. Il y a seulement deux ans, la France se targuait presque de pouvoir sauver la planète à elle toute seule, par son volontarisme, son plan « énergies renouvelables » pour l’Afrique et, bien sûr, la force du verbe de son Président.

Aujourd’hui, nous observons plus que jamais le scepticisme voire la colère des pays du sud, car, de nos paroles, il ne reste rien de bien concret ! Pour prendre un seul exemple, les crédits affectés spécifiquement au changement climatique dans le budget de l’environnement, qui sont déjà faibles, sont encore réduits de 20 % dans le projet de loi de finances qui nous est proposé aujourd’hui.

C’est pourtant par nos résultats en termes de réduction des émissions de CO2 en France, par des engagements financiers réels sur l’abondement des fonds de solidarité Nord-Sud, décidés à Copenhague et à Cancún, que nous restaurerons la confiance avec les autres pays du monde. Nous n’arriverons pas à un accord climatique ambitieux, et ô combien nécessaire, dans les prochaines années si nous n’agissons pas nous-mêmes à la hauteur des enjeux.

Votre budget, monsieur le secrétaire d’État, prend exactement le chemin inverse : c’est bien un budget de démission face aux enjeux environnementaux, nous voterons donc résolument contre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure cette discussion générale, je vais essayer de répondre au mieux aux orateurs qui se sont succédé à cette tribune et partager avec vous les motivations qui nous ont conduits à la construction du budget de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » pour 2012.

L’objectif premier de ce budget est de répondre aux attentes concrètes des Français pour améliorer leur quotidien. C’est un budget qui découle directement des travaux du Grenelle de l’environnement.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.. Vous plaisantez !

M. Jacky Le Menn. C’est un farceur !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. La mission « Écologie, développement et aménagement durables » représente 9,603 milliards d’euros de crédits de paiement, en reconduction par rapport à 2011.

Cette mission est au cœur de l’action ministérielle que nous menons avec Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani, dont l’ensemble du périmètre d’action pèse, je le rappelle, près de 27,7 milliards d’euros.

Ce niveau d’intervention, dans un contexte budgétaire tendu, témoigne de l’importance qu’accorde le Gouvernement au cadre de vie des Français et à leurs modes de transport, dans une logique totalement « grenellienne ».

Bien sûr, l’effort de redressement des finances publiques, indispensable pour préserver durablement le modèle social français,…

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Cela n’a rien à voir avec le Grenelle !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … marque aussi ce budget 2012.

Je définirais le budget 2012 en lui attribuant trois qualités : il est responsable, efficace et dynamique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Vous savez que ce n’est pas vrai !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est un budget responsable, car il permet de couvrir des dépenses obligatoires. Je pense évidemment à l’équilibre de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, à l’entretien des infrastructures routières notamment.

Il est responsable, surtout, parce que nous mobilisons toutes les économies possibles. Les réformes décidées dans le cadre de la RGPP nous permettent d’aller un peu au-delà du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Les effectifs seront ainsi réduits de 1 309 ETP, pour atteindre 60 305 ETP.

M. Ronan Dantec. C’est inacceptable !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Pour répondre à la crise et redresser les finances publiques, le Premier ministre a annoncé deux séries de mesures, le 24 août et le 7 novembre derniers. Le ministère y contribue bien évidemment. L’effort représente 240 millions d’euros de crédits budgétaires, dont 140 millions d’euros sur la mission que nous examinons aujourd'hui.

Il y a tout d’abord des économies de constatation à l’AFITF et à l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l’ANGDM. À Gérard Miquel qui s’inquiète de la soutenabilité du budget de l’énergie, je précise que les économies, liées à la démographie de l’ANGDM, nous permettent de contribuer à l’effort de redressement des finances publiques sans pour autant mettre en péril l’Agence. La situation est donc assainie de façon durable.

Des efforts complémentaires ont porté sur les infrastructures de transport, sur la gestion des risques, les crédits environnementaux et le fonctionnement. Pour être juste, il n’y a pas eu de « vache sacrée » dans l’ensemble du périmètre ministériel, chaque secteur ayant contribué à hauteur de ses capacités.

M. Ronan Dantec. C’est l’abattoir !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Les mesures annoncées début novembre portent essentiellement sur des dispositifs fiscaux. Il s’agit de recentrer ceux-ci sur les mesures les plus efficaces. De façon générale, l’ensemble des niches fiscales a connu une « réduction homothétique ». Le CIDD, l’un des crédits d’impôt les plus importants, participe un peu plus compte tenu de son poids dans l’ensemble de la dépense fiscale.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Beaucoup plus !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Notre responsabilité, enfin, c’est aussi de réformer nos établissements pour en améliorer l’efficacité et leur donner les moyens de se développer. Je prendrai les exemples de l’Institut géographique national, l’IGN, et de Météo-France, en réponse à François Fortassin.

L’Institut géographique national intégrera l’Inventaire forestier national au 1er janvier 2012. L’enjeu est de disposer d’un établissement aux compétences étendues en matière de description du territoire et d’inventaire de la ressource forestière, tout en mutualisant les moyens des deux établissements. Nous ferons ainsi des économies sur les plans financier, immobilier et humain : c’est ainsi que nous pourrons consolider la situation financière de l’établissement. Des crédits de 96 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012.

Météo-France, quand à lui, sera confronté à des chantiers très importants en matière d’investissements en 2012. Ces investissements accompagnent sa réforme territoriale : ce sont deux volets indissociables pour améliorer le service et la performance reconnue de l’établissement. Les investissements prioritaires sont ceux qui sont relatifs aux infrastructures du réseau d’observation, avec la nécessaire rénovation des infrastructures techniques de base pour le réseau des radars et le réseau d’observation de surface. Nous tirons pleinement les conséquences des épisodes neigeux de décembre 2010 en remplaçant les stations au sol obsolètes et en déployant des capteurs de hauteur de neige en plaine. Ainsi, 4,3 millions d’euros supplémentaires seront consacrés en 2012 aux investissements destinés au réseau d’observation et aux investissements immobiliers.

C’est un budget efficace, car nous tenons compte des évaluations portées notamment par l’Inspection générale des finances sur les dispositifs fiscaux. Ceux-ci sont réformés en conséquence pour mieux les orienter et éliminer les effets d’aubaine qui avaient été dénoncés. C’est le cas du CIDD et de l’éco-PTZ.

S’agissant de ces deux produits, nous avons réalisé un véritable travail de « réingénierie ». Notre objectif reste celui du Grenelle : réduire de 38 % la consommation énergétique dans l’habitat. Le nouveau dispositif encourage donc la réalisation de bouquets de travaux, qui permettront à la France d’atteindre ce seuil, plutôt que des travaux isolés, lesquels créaient des effets d’aubaine et faisaient légitimement l’objet de critiques.

M. Ronan Dantec. C’est incohérent !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Les bouquets de travaux ouvrent droit à des bonus d’aide afin d’inciter à « monter en gamme » sur le plan de l’efficacité énergétique. Le cumul du CIDD et de l’éco-PTZ est de nouveau autorisé, spécifiquement pour accompagner les ménages les plus modestes, comme Roland Courteau et Bernadette Bourzai en ont exprimé le souci.

Je rappelle à Bernadette Bourzai qu’il existe également le programme « habiter mieux » porté par l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, sur le grand emprunt, qui permettra d’aider des milliers de nos compatriotes les plus modestes.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Et les collectivités ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Enfin, ce budget est dynamique, car de véritables choix politiques ont été faits pour financer par redéploiements nos priorités. Le point commun à ces priorités, ce qui leur donne un sens, c’est bien sûr le respect des engagements du Grenelle de l’environnement. Je peux vous dire qu’ils sont tenus. (M. Jacky Le Menn s’exclame.) Au titre des crédits budgétaires pour 2012, les seuls engagements spécifiques du Grenelle de l’environnement représentent 163 millions d’euros, mais, en fait, c’est toute l’action du ministère qui est désormais réorientée. L’ambition et l’action vont donc de pair, contrairement à votre analyse, madame Laurence Rossignol.

L’année 2011 restera marquée par la catastrophe nucléaire de Fukushima.

Mme Laurence Rossignol. C’est déjà bien que vous reconnaissiez qu’il s’agit d’une catastrophe nucléaire. Certains disent que c’est un tsunami !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Au printemps dernier, Nathalie Kosciusko-Morizet a immédiatement redéployé des moyens, qui seront consolidés et amplifiés dans le budget 2012. L’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, chargés des expertises et des audits post-Fukushima, bénéficieront ainsi de 44 emplois supplémentaires dédiés et de moyens financiers accrus de presque 20 millions d’euros.

Un travail important en matière d’expertise en sûreté nucléaire et en radioprotection sera réalisé dans les années à venir par l’IRSN. Les travaux porteront à la fois sur les évolutions des doctrines et des objectifs de sûreté, mais également sur la mise en œuvre des conclusions des expertises effectuées dans le cadre des audits.

J’évoquerai maintenant un point très important pour le ministère et pour Nathalie Kosciusko-Morizet, à savoir le lien entre santé et environnement. Chantal Jouanno est intervenue sur ce sujet tout à l’heure. Le plan national santé-environnement sera pleinement déployé, avec ses vingt-six plans régionaux. En lançant la cohorte Elfe – le suivi de 20 000 enfants –, la France se donne les moyens scientifiques de mieux connaître pour mieux prévenir. Je remercie évidemment Chantal Jouanno pour son soutien en la matière.

Au sein de la gestion des risques, les crédits du Grenelle représentent 64 millions d’euros, au bénéfice notamment du traitement des points noirs du bruit, du traitement des sols pollués et des friches, de la qualité de l’air intérieur, de la prévention des risques liés aux agents physiques comme les ondes électromagnétiques, et du plan déchets de l’ADEME.

Les dispositions adoptées à l’Assemblée nationale en matière de gestion des risques pour accélérer la mise en œuvre des PPRT, permettant d’arrêter par défaut le financement des mesures foncières et augmentant le plafond du crédit d’impôt en faveur des particuliers répondront, je le pense, aux préoccupations de Bruno Sido et de Chantal Jouanno.

Sur la sécurité routière, dont les crédits sont votés aujourd’hui, bien que cette compétence relève du ministère de l’intérieur, je précise à Vincent Delahaye que le produit des amendes radars est nécessaire au déploiement des radars pédagogiques, dans un objectif de diminution des accidents. Je serai donc défavorable à l’amendement qui sera discuté tout à l’heure et qui vise à diminuer les ressources du compte d’affectation spéciale. Élisabeth Lamure a fort bien développé cette question ce matin, tout en regrettant, comme nous, la complexité des circuits de financement.

Le cadre de vie, c’est aussi le développement de la ville durable et donc une politique renouvelée en matière d’urbanisme. Notre ministère contribue au développement durable des grandes agglomérations françaises au travers des opérations d’intérêt national de Bordeaux, Marseille, Nice et Saint-Étienne. Il répond également aux défis du Grand Paris, porté par le Président de la République, en soutenant les grandes opérations d’urbanisme franciliennes, notamment celle qui est la plus emblématique : le cluster scientifique et technologique du plateau de Saclay.

Dans le programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité », près de 8 millions d’euros sont consacrés à l’aide aux collectivités locales afin de développer des outils plus pertinents en matière d’urbanisme. Je pense évidemment aux SCOT Grenelle – les schémas de cohérence territoriale –, aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux, aux éco-quartiers et aux projets d’urbanisme que nous portons. Ces éléments sont une réponse à la question posée sur ce point par Jean-Claude Lenoir.

Ce budget, enfin et surtout, a pour objectif d’encourager le dynamisme et de favoriser notre adaptation aux nouveaux défis économiques, technologiques et écologiques.

La première des transformations de notre modèle économique, c’est l’efficacité énergétique. Nous avons été interpellés sur ce point par Evelyne Didier et Jean-Claude Lenoir. C’est un enjeu essentiel pour le pouvoir d’achat des ménages, un enjeu de compétitivité pour nos entreprises, une formidable opportunité industrielle et de croissance dans le monde de l’après-Fukushima. Et c’est le premier des facteurs pour lutter contre le changement climatique.

À la demande du Président de la République, des tables rondes pour l’efficacité énergétique ont été lancées. Les propositions qui en ont résulté sont aujourd'hui en consultation. C’est pourquoi les aides fiscales existantes – le crédit d’impôt en faveur du développement durable et l’éco-PTZ, que j’évoquais voilà quelques instants – sont recentrées sur l’objectif du Grenelle de réduire les consommations de 38 % dans l’habitat.

Les budgets de politique énergétique du ministère et de ses opérateurs, je pense notamment à l’ADEME, seront mobilisés en priorité sur ce thème. J’indique à Chantal Jouanno que, malgré les efforts financiers demandés à tous les secteurs, le budget de l’ADEME pour 2012 sera bien maintenu à hauteur de 690 millions d’euros de crédits d’intervention. L’effort est, me semble-t-il, suffisamment important pour être souligné.

En matière de recherche, le Grenelle de l’environnement a fixé un objectif de 1 milliard d’euros d’investissements supplémentaires d’ici à 2012. Cet objectif sera dépassé dès la fin de cette année, avec un effort supplémentaire de 1,2 milliard d’euros en cumul sur les années 2008-2011 par rapport à 2007. Au total, entre la base de recherche traditionnelle et l’effort supplémentaire lié au Grenelle, ce sont 1,6 milliard d’euros qui sont consacrés chaque année, au sein des organismes de recherche et des agences, aux priorités définies lors du Grenelle de l’environnement.

L’accélération des investissements dans la recherche et l’innovation doit assurer à notre pays une avance décisive dans la maîtrise des technologies vertes.

En matière de transport, le budget pour 2012, qui atteint plus de 7,8 milliards d’euros, est une traduction concrète du fort engagement du Gouvernement. Dans ce domaine, qui est au cœur des compétences du ministère, nous souhaitons réorienter les politiques et les financements pour assurer le développement économique durable des territoires, lequel nécessite des infrastructures de transport rénovées.

Conformément aux engagements pris dans le cadre du Grenelle de l’environnement, la priorité est donnée au rééquilibrage modal et à la complémentarité des différents modes de transport. Roland Ries appelait de ses vœux des moyens pour les modes de transport alternatifs à la route : c’est bien le marqueur de ce budget, qui prévoit le maintien des moyens pour la relance portuaire, des investissements nouveaux pour la voie d’eau portés par le budget de l’AFITF, ou encore l’engagement en faveur des transports collectifs.

Je rappelle que, en engageant 1,3 milliard d’euros pour les projets de métro, de tramway ou de bus à haut niveau de service, nous sommes en avance sur les objectifs du Grenelle. Michel Teston reconnaîtra tout de même comme moi qu’il faut laisser le temps aux collectivités locales de mettre en œuvre les 130 projets de TCSP retenus avant de lancer un nouvel appel à projets.

Comme l’ont souligné Louis Nègre et Jean-Jacques Filleul, de façon générale, nous faisons le choix responsable de favoriser les investissements nécessaires à l’entretien des réseaux et à l’amélioration du service aux usagers : 3,9 milliards d’euros y seront consacrés dans le budget de l’État et de l’AFITF.

Marie-Hélène des Esgaulx regrettait que l’entretien routier ait trop souvent constitué la variable d’ajustement dans le passé : vous remarquerez avec satisfaction que ce n’est pas le cas dans le présent budget. Après un effort en gestion 2011 pour corriger des baisses excessives, le budget 2012 consolide le rebasage : ce sont 90 millions d’euros en plus sur 2011 et 2012.

Jean-Claude Requier, Mireille Schurch, Louis Nègre et Raymond Vall ont interpellé le Gouvernement sur le schéma national d’infrastructures de transport, ou SNIT. Je rappelle que le SNIT ne constitue pas la programmation de l’État en matière d’infrastructures de transport. C’est une vision stratégique de l’évolution des infrastructures de transport en France, qui devra être croisée avec les engagements de la France en matière budgétaire. Il décrit donc le champ très large des possibles pour les décennies à venir, mais n’a pas vocation à décrire le champ du faisable à court et à moyen terme. Ne confondons donc pas, si vous le voulez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, le SNIT et une programmation budgétaire. Telle n’est pas sa vocation.

Dans le cadre du SNIT, le ministère engagera une démarche de programmation sur cinq ans afin de définir les premières priorités sur lesquelles l’État doit s’engager.

S’agissant du secteur aérien, les objectifs du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » sont de faciliter la reprise du trafic dans un espace aérien plus sûr, plus accessible, et de permettre aux compagnies aériennes des vols plus économiques et moins polluants, avec des routes plus directes.

Pour atteindre ces objectifs, le budget annexe sera doté de plus de 2 milliards d’euros. Il est vrai, je le dis à Élisabeth Lamure, que le contexte de crise a fragilisé l’équilibre de ce budget. Notre objectif est désormais de parvenir à concilier les priorités d’économies – qui reposent sur le respect de la programmation triennale, la poursuite de la RGPP et la réduction des coûts de fonctionnement – avec celles des investissements, tels que les projets européens, pour lesquels 179 millions d’euros sont investis en 2012.

L’industrie aéronautique, je l’indique à Vincent Capo-Canellas, bénéficie également de soutiens importants : 195 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont inscrits dans le budget de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ».

Dans le domaine maritime, je réponds à Charles Revet. Outre les crédits orientés en priorité vers la sécurité des marins, de la mer et du littoral, notre action vise à soutenir une filière économique majeure et à préparer son avenir. L’État s’est bien engagé à soutenir le projet de l’École nationale supérieure maritime et 7 millions d’euros auxquels s’ajoute un retour sur les ventes immobilières seront affectés à son projet de relocalisation.

Au sujet du soutien à l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM, je précise que le projet de loi de finances rectificative ouvrira plus de 23 millions d’euros pour la gestion 2011 et que les crédits dans le projet de loi de finances pour 2012 sont en hausse de 7 %. Ils seront votés avec les autres régimes de retraite et de sécurité sociale.

Concernant les contrôles de pêche, notre objectif est bien d’en réaliser plus de 15 000, comme cela a été évoqué en commission.

Marie-Hélène Des Esgaulx m’a interrogé sur SeaFrance. Vous le savez, le tribunal de commerce a décidé de maintenir l’activité jusqu’au 28 janvier, de nouvelles offres pouvant être présentées jusqu’au 12 décembre. Une réunion à ce sujet se tient d’ailleurs aujourd'hui au ministère.

Je dirai maintenant quelques mots sur la protection du patrimoine naturel. À Ronan Dantec, je réponds que les initiatives seront nombreuses et 45 millions d’euros sont spécifiquement fléchés « Grenelle » correspondant aux espaces protégés – gestion durable du patrimoine naturel, création et gestion de réserves naturelles –, à la connaissance, au contrôle, à l’expertise et préservation des espèces – mise en œuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité –, ou encore à la gouvernance dans la politique de l’eau.

Nous travaillons d’ailleurs à un fonds en faveur de la trame verte et de la trame bleue et, voilà quelques jours, Nathalie Kosciusko-Morizet a décidé de retenir en la matière les suggestions faites par Chantal Jouanno.

Grâce à la stratégie nationale pour la biodiversité, que nous avons évoquée tout à l’heure, la France se dote d’outils concrets, qui bénéficieront d’une enveloppe spécifique de 15 millions d’euros en 2012. Des appels à projets permettront de financer, par exemple, des opérations de restauration de sites dégradés, l’innovation dans le domaine de l’ingénierie écologique, le rétablissement des continuités écologiques ou encore la lutte contre les espèces envahissantes, notamment outre-mer, où les enjeux sont majeurs.

Je voudrais à cet égard rassurer Bruno Sido : en effet, ni les crédits « Grenelle » ni la stratégie nationale de biodiversité ne subissent le « rabot » évoqué tout à l’heure.

Ces initiatives se concrétisent dans les territoires, en partenariat avec les collectivités locales : je citerai la création de six parcs naturels marins et du nouveau parc national des Calanques, mais aussi la poursuite de l’effort déjà lancé en 2011 sur les parcs naturels régionaux, avec sept parcs en création et deux en extension.

Nous avons bien entendu les remarques d’Ambroise Dupont sur les moyens du Conservatoire du littoral et sur le droit annuel de francisation des navires, ou DAFN. Cet établissement contribue toutefois à l’effort de redressement des finances publiques, à hauteur de 5 % – comme les autres établissements. Nous travaillons également à « verdir » le DAFN, comme l’a demandé le Président de la République, et je peux vous dire que le ministère et les douanes avancent à grand pas sur ce sujet.

Par ailleurs, les agences de l’eau consacreront en 2012 un peu plus de 2 milliards d’euros à l’amélioration de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques. Comme le soulignait également Bruno Sido, elles adopteront en 2012 leur dixième programme d’intervention. C’est un rendez-vous particulièrement structurant, car il s’agit rien de moins que d’engager quelque 14 milliards d’euros ! Le dialogue que nous engagerons à ce sujet avec les élus et les usagers constitue donc également l’une des priorités pour 2012.

Je regrette à ce titre que des amendements de suppression aient été déposés. Lors du vote de la loi sur l’eau en 2006, les élus ont souhaité que ces programmes puissent être encadrés par le Parlement. En introduisant ces textes dans le projet de loi de finances, c’est bien cette légitimité politique et ce contrôle que le Gouvernement a souhaité vous soumettre. Il est par conséquent surprenant que certains parmi vous entendent le supprimer.

À travers ces éléments que je viens de développer au nom de Nathalie Kosciusko-Morizet, vous voyez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, combien nos ambitions pour 2012 sont élevées.

La force de ce ministère est finalement d’avoir concrètement réussi à diffuser dans tous les secteurs de la société l’esprit du Grenelle de l’environnement, chacun pouvant désormais constater que l’écologie ne se résume pas à la défense de la biodiversité, quel que soit par ailleurs l’importance de ce combat.

C’était, me semble-t-il, l’une des plus belles ambitions de ce quinquennat, et c’est aussi sans doute l’une de ses plus belles réussites. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également. – Mme Laurence Rossignol s’exclame.)