M. Jean-Michel Baylet. Mais je ne veux pas de dotations !

M. Dominique de Legge. Je forme le vœu que, sur l’ensemble de nos travées, nous ayons le courage de tenir un langage de vérité sur ce point et que nous cessions de feindre de confondre autonomie fiscale et autonomie de gestion. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Sur ce plan, regardons ce qui se passe au-delà de nos frontières.

Enfin, je ne voudrais pas que la distinction que nous établissons entre péréquation horizontale et péréquation verticale offre une nouvelle occasion d’opposer l’État aux collectivités en rejetant sur lui les responsabilités. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) J’aimerais au contraire que nous en profitions pour affirmer que ces deux formes de péréquation participent de l’action publique et de la nécessaire solidarité entre territoires. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.

M. Claude Dilain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons, dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le difficile problème de la péréquation, enjeu d’un conflit d’intérêts légitimes.

En effet, chacun défend ses intérêts en les jugeant légitimes,…

M. Philippe Richert, ministre. Merci de le dire !

M. Claude Dilain. … à tort ou, le plus souvent, à raison, et tous ces intérêts sont malheureusement en contradiction les uns avec les autres.

Pour essayer de sortir de ce débat toujours difficile, je propose que nous ne nous éloignions pas des fondamentaux.

Si la péréquation suscite des débats passionnés, c’est parce que les inégalités territoriales sont extrêmement importantes en France. Nous détenons au moins un titre européen, mes chers collègues : celui de champion des inégalités territoriales ! (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Claude Dilain. Il existe même un Observatoire des inégalités, qui permet de comparer les situations.

M. Francis Delattre. Et pour la qualité de la vie, il y a un observatoire ?

M. Claude Dilain. De nombreuses études réalisées par des universitaires, par le Commissariat général du Plan en son temps, par le Centre d’analyse stratégique aujourd’hui démontrent que les inégalités territoriales sont très importantes dans notre pays.

À cet égard, je me bornerai à citer un exemple, qui me tient à cœur, tiré d’un rapport du Commissariat général du Plan. Il date un peu, mais je crains que la situation ne se soit encore aggravée.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est pire aujourd’hui, en effet !

M. Claude Dilain. En Île-de-France, les inégalités structurelles vont de un à dix. Ainsi, le maire d’une ville ayant des ressources dépense dix fois moins pour entretenir une école, par exemple, que le maire de Clichy-sous-Bois. Mes chers collègues, pensez-vous sincèrement que le résultat sera le même ? Ce n’est pas possible !

Ces inégalités territoriales ont de graves conséquences. Il semble difficile de continuer sur la voie de la décentralisation sans avoir réglé en amont ce problème. Je veux bien que l’on mette les territoires en compétition, mais à la condition qu’ils soient tous placés sur la même ligne de départ !

Par ailleurs, d’autres études, nombreuses et extrêmement inquiétantes, hélas ! de sociologues, d’économistes, de journalistes tirent la sonnette d’alarme et nous avertissent que la France est en train de partir en morceaux. Le tissu social se désagrège dangereusement. Je vous renvoie aux travaux d’Éric Maurin, de Didier Lapeyronnie, de Luc Bronner, de Gilles Kepel, auteur d’un rapport sur ce sujet au nom de l’Institut Montaigne, ou du géographe Jérémy Robine, dont le livre Les Ghettos de la nation est éclairant.

Il y a là une menace grave pour notre pays, qui rend la péréquation absolument nécessaire. La péréquation verticale a été mise en place, et je me réjouis, monsieur le ministre, qu’elle soit maintenue pour 2012. Il appartient en effet à l’État de garantir l’égalité entre les citoyens, en donnant plus à ceux qui ont moins. (M. le ministre approuve.)

Toutefois, cette péréquation verticale ne suffisant pas à résorber les inégalités, il me paraît nécessaire d’instaurer une péréquation horizontale. Elle est d’ailleurs déjà pratiquée dans la région d’Île-de-France, où a été finalement mis en œuvre le FSRIF, au terme d’une longue lutte et après bien des débats. Il ne s’agit donc pas d’une simple vue de l’esprit : quand on a le courage de tenir bon, on y arrive ! Je me réjouis que Paris métropole ait, à l’unanimité de son bureau, décidé d’augmenter les ressources du FSRIF.

M. Philippe Richert, ministre. Nous l’avons intégré !

M. Claude Dilain. Aujourd’hui, j’espérais, comme Philippe Dallier, vivre un jour historique, celui de la création du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. Certes, disons-le franchement, il doit être amélioré, en particulier sur le plan de l’effort fiscal.

M. Philippe Richert, ministre. Nous sommes prêts !

M. Claude Dilain. Les communes attributaires de la DSU « cible » ou de la DSR « cible » ne doivent pas être contributrices.

Il convient en outre de prendre en compte non seulement les ressources, mais aussi les charges, sinon il n’y a pas de péréquation possible.

Tout cela est amendable. Malheureusement, les simulations manquent ou nous ont été transmises trop tard. Je crains donc fort que nous ne soyons obligés de remettre à plus tard la création de ce fonds national de péréquation. Je déplore profondément cette absence de simulations !

Je suis d’autant plus inquiet que je vois se répéter un scénario que je connais par cœur : tout le monde est d’accord pour mettre en place la péréquation, jusqu’à la communication des résultats des simulations ; alors là, c’est fini !

M. Philippe Richert, ministre. Et voilà !

M. Claude Dilain. Il en va de même aujourd’hui, et il en ira de même dans un an.

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Claude Dilain. Je crains que l’absence de simulations ne soit qu’un prétexte pour remettre à un an, voire aux calendes grecques, des décisions difficiles.

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Claude Dilain. Mes chers collègues, je vous donne rendez-vous dans un an : nous verrons alors si ceux qui se sont opposés à la péréquation horizontale pour des raisons techniques maintiendront leur position.

Ce serait l’honneur du Sénat tout entier, représentant des collectivités territoriales, d’être à l’initiative d’un dispositif de péréquation qui ne laisse aucune collectivité territoriale au bord de la route. Ce serait l’honneur d’un Sénat à majorité de gauche d’être le moteur de la solidarité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Benoît Huré.

M. Benoît Huré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Relations avec des collectivités territoriales » est un temps fort de la discussion budgétaire au Sénat.

Pour la deuxième année consécutive, alors qu’une crise économique et financière sans précédent accable le monde, l’Europe et la France, le Gouvernement soutient les collectivités territoriales. En effet, les reversements de l’État au titre des compensations d’exonérations et de dégrèvements législatifs, des dotations ou des transferts de fiscalité dépasseront les 100 milliards d’euros en 2012, soit 1 milliard d’euros de plus que l’année passée, et ce malgré une contribution de 200 millions d’euros demandée aux collectivités au titre du plan Fillon d’août 2011. Cette dernière somme est à mettre en regard des 200 milliards d’euros de budget cumulé des différentes collectivités territoriales françaises, auquel l’État contribue, je le répète, à hauteur de 100 milliards d’euros.

Je me félicite du maintien de ce soutien de l’État et de la volonté manifestée par le Gouvernement en la matière.

La péréquation suscite de vifs débats : quoi de plus logique au sein de notre assemblée, qui représente les territoires ? Elle fait l’objet des articles 57 et 58 du projet de loi de finances, au travers de la création du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales et de la prise en compte des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle pour les régions. La péréquation ne peut plus attendre ! Quitte à modifier le dispositif l’année prochaine ou les suivantes, il faut maintenant la mettre en place !

M. Philippe Richert, ministre. Merci !

M. Benoît Huré. Je le dis à mes collègues de droite comme de gauche, c’est ce qu’attendent de nous nos territoires !

Tant la péréquation horizontale que la péréquation verticale sont nécessaires. En effet, une meilleure répartition des richesses et des moyens doit être assurée par une péréquation juste, tenant compte des situations et des efforts des uns et des autres. Aujourd’hui, les écarts de richesse entre territoires vont de 1 à 500, voire plus. De telles situations ne sont plus acceptables, elles sont même devenues insoutenables !

En matière de péréquation des moyens publics, ce que l’on appelle la péréquation verticale, les dotations de l’État aux collectivités doivent être rééquilibrées. Il faut procéder à un toilettage de toutes ces dotations qui se sont superposées. Par exemple, la DGF par habitant était l’année dernière de 18 euros dans les zones rurales et de 78 euros dans les zones urbaines, soit un rapport de un à quatre : de telles différences sont-elles acceptables ? Non !

La péréquation, tant horizontale que verticale, doit prendre en compte de nouveaux critères de calcul. Aux critères classiques que sont l’endettement, le potentiel fiscal, l’effort fiscal et le potentiel financier, il faut en ajouter d’autres pour obtenir un meilleur ciblage.

Le revenu par habitant, par exemple, est un indicateur de la capacité contributive. En la matière, l’écart est de un à quatre, l’imposition locale par habitant variant de 258 euros à 1 042 euros en 2011 : les marges de manœuvre ne sont pas les mêmes !

Un autre paramètre à prendre en compte est le pourcentage de personnes âgées ou handicapées dans la population totale d’un territoire. En effet, depuis quelques années, la solidarité de la nation à leur égard a considérablement augmenté. Plus ce pourcentage est important, plus la charge des allocations à verser au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, est élevée.

Il faut également tenir compte du pourcentage de personnes relevant des minima sociaux, du taux de chômage, du nombre d’habitants au kilomètre carré, de la longueur de voirie et de réseaux divers par habitant.

Je fais confiance à l’ancien sénateur et au président de conseil général que vous êtes, monsieur le ministre, pour mener à bien tout ce travail d’amélioration du partage de la richesse, notamment par une plus grande équité dans la répartition des dotations de l’État aux territoires. Plus largement, nous comptons sur vous pour mettre en place une politique d’aménagement du territoire qui permette de réduire la fracture territoriale progressivement apparue depuis plus de trente ans. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une certaine amertume que je m’exprime à cette tribune, car je partage entièrement les propos de Claude Dilain. Je comprends les raisons pour lesquelles la commission des finances s’est prononcée unanimement pour un report de la création du fonds national de péréquation. Outre les effets négatifs de la suppression de la taxe professionnelle, nous n’avons pas, ou pas assez, de simulations.

Toutefois, on ne peut pas dire que ce constat soit positif pour nous tous. En effet, cela revient à reporter d’un an l’effort qui s’impose pour mettre en œuvre la nécessaire solidarité entre nos collectivités. Il est tout à fait vrai que, comme l’a dit Alain Richard, les marges de croissance seront demain ce qu’elles sont aujourd’hui, même si l’on peut espérer que cela changera.

La péréquation horizontale est donc nécessaire ; la péréquation verticale ne suffira pas. Par conséquent, il faut la bâtir, la fonder. À cet égard, je voudrais simplement faire quelques observations de méthode.

Il y a beaucoup d’impasses sur la voie de la péréquation. Je m’exprime depuis assez longtemps sur ce sujet à cette tribune, et à d’autres, pour pouvoir affirmer que la première impasse, c’est la complexité.

Il suffit de relire l’histoire de la DGF pour constater qu’elle reposait, au départ, sur un nombre de critères limité : le nombre d’habitants, le potentiel fiscal et l’effort fiscal.

Puis, de nombreux bons esprits – pour des raisons toujours bonnes, excellentes même ! – ont estimé qu’il fallait prendre en compte le nombre d’élèves dans les écoles, le nombre de logements sociaux, le nombre de kilomètres de routes, puis ce même kilométrage rapporté à la surface. Ensuite, certains ont voulu ajouter un coefficient pour les routes de montagne. D’autres ont eu l’idée de créer une dotation touristique, et par la suite on en a ajouté une seconde, plutôt que de corriger les défauts de la première !

Il est arrivé un moment où soixante-dix critères étaient pris en considération. Seuls nos amis de la Direction générale des collectivités locales et quelques autres, à Bercy, étaient en mesure de comprendre le dispositif ! Il fallait prendre une décision. C’est Daniel Hoeffel qui l’a fait : on a décidé de tout cristalliser.

Ainsi est née la dotation forfaitaire, qui, en fait, « coagule » un grand nombre d’inégalités, d’effets de circonstance et d’opportunité. La seule logique claire de la dotation forfaitaire, c’est de garantir, pour une année donnée, un versement au moins équivalent à celui de l’année précédente.

La complexité, toujours croissante, est l’ennemie de la péréquation. Une bonne péréquation, qu’elle soit verticale ou horizontale, doit reposer sur un petit nombre de critères incontestables.

M. Jean-Pierre Sueur. Le nombre d’habitants, l’effort fiscal, le potentiel fiscal, les charges ! Cela a été dit remarquablement par Claude Dilain, et il n’y a rien à ajouter.

M. Philippe Dallier. Comment définissez-vous les charges ?

M. Jean-Pierre Sueur. Le deuxième ennemi de la péréquation, c’est l’empilement.

Depuis vingt ans, pour résoudre les problèmes, on ajoute à chaque fois de nouveaux dispositifs aux anciens.

Les exemples sont nombreux. Quelle est, d’après vous, l’origine de la dotation nationale de péréquation, la DNP ? C’est très simple : voilà quelques années, à l’occasion d’une loi de finances, on a pris un reste de DCTP et un reste de FNPTP pour créer le FNP, qui est ensuite devenu la DNP. Tout le monde suit ? (Sourires.)

Avec une telle logique, on aboutit à un empilement totalement abstrait.

Rappelez-vous le moment où l’on a voulu améliorer la dotation de solidarité rurale. Celle-ci comprenait deux parties, dont l’une est toujours versée à 32 000 communes. J’attends encore que l’on m’explique en quoi cette partie de la DSR est péréquatrice ! On a donc décidé de créer une troisième partie pour les communes cibles, c’est-à-dire les plus pauvres, sans rien changer aux deux autres.

On crée toujours de nouveaux dispositifs, mais sans corriger les inégalités qui continuent à l’évidence à exister dans les dispositifs qu’on ne corrige pas. À force d’agir ainsi, on aboutit à des absurdités.

Le troisième ennemi de la péréquation est l’amour excessif du statu quo, que produit naturellement le zèle, tout à fait compréhensible, des associations d’élus locaux. Je prends des risques, je le sais, en disant cela dans cet hémicycle, mais puisque nous pouvons parler librement, profitons-en !

Les petites communes se défendent. Qui osera dire qu’elles ont tort ?

Les grandes communes invoquent quant à elles, à l’instar de M. Collomb qui s’est exprimé avec beaucoup de conviction, les charges de centralité et leur apport incontestable au développement du pays. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)

Les communes moyennes ne veulent pas être en reste, ni les départements ni les intercommunalités.

Il ressort de tous ces discours que chacune de ces collectivités a de bonnes raisons de vouloir recevoir la même dotation que l’année précédente. Or il faut avoir le courage politique, et c’est le rôle de l’État républicain, de dire qu’il faut aider fortement les communes qui en ont le plus besoin. À cet égard, il est vrai que la DSU n’est pas assez sélective : parmi les communes qui la touchent, certaines ont nettement plus de ressources que d’autres. L’écart va parfois de un à dix ! On pourrait d’ailleurs faire la même remarque au sujet de la DSR.

La dotation d’intercommunalité, que j’ai contribué à mettre en place, était simplement destinée, à l’origine, à inciter les élus à créer des intercommunalités. Or, aujourd’hui, est-il raisonnable de considérer qu’il suffit d’être une intercommunalité pour bénéficier de la péréquation, car certaines intercommunalités sont plus aisées et d’autres plus pauvres ?

Mes chers collègues, nous sommes contraints de faire preuve de courage politique.

M. Roger Karoutchi. Une fois que l’on a dit cela...

M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite que nous y parvenions le plus vite possible. Nous nous accordons un délai d’un an ; ce ne doit pas être une manœuvre dilatoire. Je le répète, cette année de report doit nous permettre de faire preuve de courage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon temps de parole étant de cinq minutes, mon intervention sera télégraphique.

D’abord, merci, monsieur le ministre. Comme l’ont dit plusieurs de mes collègues, ce coup de rabot de 200 millions d’euros ne devrait ni provoquer pareille ire – même si certains font parfois semblant de se battre... – ni même faire débat si l’on pense aux 200 milliards d’euros de budget cumulé de nos collectivités et aux 100 milliards d’euros apportés par l’État, surtout en cette période si difficile pour notre pays et nos compatriotes.

J’ai un léger problème : je suis d’accord avec beaucoup d’intervenants de gauche.

M. Didier Guillaume. C’est bon signe !

M. Philippe Dallier. Ça m’inquiète !

M. Roger Karoutchi. Moi aussi !

Vous conviendrez, mes chers collègues, que leurs propos s’apparentent à ceux des élus de droite.

M. Didier Guillaume. Et vice-versa !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela s’appelle l’osmose !

M. Roger Karoutchi. Je ne sais pas qui influence qui. En tout cas, je partage nombre d’arguments de nos collègues Alain Richard, Claude Dilain, Gérard Collomb. Mais, rassurez-vous, je suis également d’accord avec Philippe Dallier, Benoît Huré et les autres intervenants de mon groupe.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ah quand même !

M. Roger Karoutchi. Le problème qui se pose, et sur lequel vous reviendrez sans doute, monsieur le ministre, est le suivant : les collectivités plus aisées – ne disons pas « riches » ! – acceptent mal de contribuer à l’effort, tandis que les collectivités bénéficiaires considèrent toujours qu’elles ne reçoivent pas assez.

Cela étant, je veux vous expliquer pourquoi j’ai voté, hier, l’amendement de la commission des finances cosigné par François Marc et Pierre Jarlier.

En tant que président de la commission des finances d’une région, l’Île-de-France, qui est cataloguée comme riche, alors qu’elle connaît des inégalités territoriales aussi fortes, sinon plus, que d’autres régions,…

M. Roger Karoutchi. … je peux vous dire que nous sommes favorables à la péréquation et que nous sommes d’accord pour payer notre part.

M. Roger Karoutchi. Nous sommes même prêts à faire un effort supplémentaire, à condition que les critères retenus soient justes et que les charges soient prises en compte.

Pensez que, au terme des critères retenus dans le projet de loi de finances initiale pour 2011, la région de l’Île-de-France occupait le dernier rang. Puis, les critères ayant été modifiés, elle s’est retrouvée au huitième rang. Dans d’autres cas, elle se retrouve classée première. Selon les critères retenus, sa contribution diffère donc de manière considérable.

Oui à la péréquation ! Oui, à la solidarité des collectivités, pourvu que nous nous mettions d’accord sur des critères durables, acceptés et acceptables par tous ! Voilà ce qui pourrait être l’objet essentiel du groupe de travail qu’a prévu de mettre en place la commission des finances.

À cause de l’empilement, personne n’y comprend plus rien. Les plus savants de nos financiers dans les régions, les communes ou les départements ne sont pas capables de dire combien nous devrons payer l’année suivante. Ce n’est pas normal ! Pour boucler nos budgets, nous avons besoin de savoir ce qui sera prélevé au titre de la péréquation.

Pour ma part, je fais confiance à la solidarité de l’État. Mais je sais que c’est un sujet qui fait débat en permanence entre nous. M. Fortassin a d’ailleurs rappelé hier, en commission de finances, que la péréquation et l’autonomie fiscale et financière étaient deux notions foncièrement différentes. C’est vrai ! Lorsque les collectivités bénéficient d’une autonomie complète, pourquoi mettre en place une péréquation ?

M. Baylet l’a dit clairement : donnez-moi l’autonomie fiscale et je n’aurai plus besoin de la DGF. Qu’il ait raison ou tort, force est de constater que nos territoires ne disposent ni des mêmes ressources ni des mêmes compétences.

Accorder une autonomie fiscale complète aux collectivités et supprimer la DGF ainsi que la péréquation horizontale aurait pour conséquence de privilégier les collectivités les plus « riches ». C’est pourquoi la péréquation est nécessaire. En l’occurrence, sachez que la DGF représente déjà un effort considérable.

Si la France est une, si l’ensemble des territoires participent d’une seule nation et d’une seule République, c’est à l’État d’assurer la solidarité entre les collectivités et entre les citoyens sur l’ensemble du territoire.

Monsieur le ministre, je le répète, nous sommes prêts à payer et à participer à la péréquation. Nous demandons seulement que soient retenus des critères de charges. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Alors que nous débattons de ce projet de budget, nos collectivités locales, représentées par les maires et par les présidents de conseils généraux et régionaux, élaborent leur budget sous la contrainte, dans une conjoncture difficile, et sans aucune visibilité.

C’est dans ce contexte que vous avez choisi, monsieur le ministre, de mettre les collectivités au pain sec et à l’eau. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Dallier. Quel sens de la mesure !

M. Rémy Pointereau. Ce qui est excessif est insignifiant !

M. Didier Guillaume. Dans mon conseil général, pour la première fois, la dotation de l’État est inférieure de moitié aux dépenses sociales prises en charge par le département.

Mes chers collègues, je ne connais pas un seul maire, un seul président de conseil général, un seul président de conseil régional, qui augmente les impôts pour le plaisir, qui dépense à tort et à travers.

M. Philippe Dallier. Il y en a, et des deux côtés !

M. Didier Guillaume. La plupart des responsables d’exécutifs locaux gèrent correctement leur collectivité. Cette qualité n’est l’apanage ni de la droite ni de la gauche.

Reste que ces élus locaux naviguent à vue.

Selon notre éminent collègue Roger Karoutchi, le coup de rabot de 200 millions d’euros ne mérite même pas un débat. Effectivement, si l’État payait ses dettes, on n’en parlerait pas ! Or j’entends aujourd’hui des élus, de droite comme de gauche, se plaindre que le compte n’y est pas. Il y a donc bien un problème !

La réforme de la taxe professionnelle a été conduite avec vitesse et précipitation, et elle est totalement illisible. Les chiffres sont tellement imprécis qu’aucune collectivité locale ne sait plus où elle va. Même les chefs d’entreprises se plaignent !

Si nous pouvions être d’accord sur le principe d’une telle réforme, nous constatons que le résultat est loin d’être satisfaisant pour nos collectivités locales.

Et que dire de l’autonomie fiscale, qu’a évoquée Jean-Michel Baylet ! Dans les départements, voilà quelques années, elle était de 50 % ; elle est aujourd’hui de 21 %, de 19 %, voire de 17 %.

Mes chers collègues, comment pouvons-nous appliquer des politiques locales sans autonomie fiscale ?

M. Jean-Michel Baylet. Voilà la vérité !

M. Didier Guillaume. Les maires, les présidents d’exécutif réclament non pas des dotations aléatoires, mais des recettes pérennes.

M. Jean-Jacques Mirassou. Et dynamiques !

M. Jean-Michel Baylet. Et un contrat avec les citoyens !

M. Didier Guillaume. De ce point de vue, il n’y a pas de fatalité. Si nous sommes des élus responsables, nous devons tout mettre en œuvre pour changer la vie de nos concitoyens.

Pour ma part, je ne peux pas embrayer sur le discours qui consiste à dire que demain sera comme aujourd'hui. Je ne peux pas cautionner l’idée qu’on n’y arrivera pas parce que l’État est pauvre. Non, les femmes et les hommes politiques doivent justement avoir la volonté de se battre contre la fatalité, de changer les choses ; ils doivent aussi considérer que les budgets des collectivités locales ne doivent pas être la variable d’ajustement du budget de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

J’en viens à la péréquation.

Loin de moi l’idée de faire un mauvais jeu de mots, mais j’oserai une comparaison : alors que Robin des Bois prenait aux riches pour donner aux pauvres, ce gouvernement prend aux pauvres pour donner aux plus pauvres !

Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous reconnaissons tous la nécessité de disposer de plus de temps. Certaines collectivités locales sont très riches tandis que d’autres sont très pauvres. La péréquation que nous souhaitons doit être équitable et conjuguer verticalité et horizontalité. Ce n’est que dans ce cadre-là que l’on introduira justice et équité financière en matière de ressources des collectivités territoriales. Et cette équité devra évidemment prendre en compte le potentiel financier, voire le potentiel financier élargi, et l’effort fiscal !

Certaines collectivités locales sont sous-imposées. Pourquoi d’autres devraient-elles payer à leur place ?

M. Daniel Raoul. C’est vrai !

M. Didier Guillaume. Mes chers collègues, n’oublions pas non plus de prendre en considération les charges des collectivités locales, faute de quoi l’iniquité demeurera le maître mot.

Ce point a été abordé à plusieurs reprises, notamment par notre excellent collègue Gérard Collomb ou encore lors de nos récents débats relatifs à l’intercommunalité, les territoires eux-mêmes doivent se prendre en main.