M. Gaëtan Gorce. Très bonne question !

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. Malgré toute l’estime que je porte aux réservistes de la gendarmerie, qui apportent un renfort indispensable aux unités, ils ne peuvent servir de substitut à la baisse des effectifs.

Comment allez-vous assurer la sécurité et renforcer la présence des gendarmes, notamment dans les zones rurales, pour répondre aux attentes des élus locaux et de nos concitoyens ?

En conclusion, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurité ». Je vous invite donc, mes chers collègues, à les rejeter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la gendarmerie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 3 août 2009 le rappelle : la gendarmerie est une « force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois ».

C’est ce statut militaire qui permet à l’État républicain de disposer d’une force capable d’agir dans toutes les situations, y compris dans les circonstances les plus graves.

C’est aussi ce statut militaire qui fonde la disponibilité des gendarmes et le maillage du territoire assuré par les brigades.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur n’a pas remis en cause son statut militaire et le dualisme policier.

M. Jean-Louis Carrère. Ce fut une erreur !

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Le rapport de nos collègues Anne-Marie Escoffier et Alain Moyne-Bressand l’a confirmé sans aucune ambiguïté.

M. Jean-Louis Carrère. Ils se sont trompés ! Ce n’est pas l’avis de la Cour des comptes !

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Ce rattachement s’est accompagné de profondes réformes telles que le développement des mutualisations et le renforcement de la coopération opérationnelle entre les gendarmes et les policiers.

Parallèlement, la révision générale des politiques publiques a naturellement eu un impact sur la gendarmerie, à travers la rationalisation de ses soutiens, mais aussi l’adaptation du nombre de ses écoles et de ses effectifs.

Non seulement la gendarmerie, en tant qu’institution, s’est parfaitement adaptée à ce contexte budgétaire délicat, mais elle a obtenu, n’en déplaise à certains, de très bons résultats en matière de lutte contre la délinquance et l’insécurité routière.

Je souhaite donc saluer ici l’action des militaires de la gendarmerie nationale, qui accomplissent, sur le territoire national, outre-mer ou sur les théâtres d’opérations extérieures, une mission difficile au service de la sécurité des Français, au service de notre pays.

Comme Michel Boutant, je souhaite rendre hommage aux gendarmes et aux policiers décédés ou blessés dans l’exercice de leurs fonctions.

Après ce bilan positif, je voudrais, monsieur le ministre, vous faire part de quelques inquiétudes et interrogations.

Hier, je me suis rendu à Versailles-Satory avec Michel Boutant pour évaluer la situation du groupement blindé de gendarmerie mobile et rencontrer les gendarmes militaires du GIGN, dont j’ai pu mesurer à cette occasion la disponibilité, l’engagement et la cohésion. En compagnie du maire de la commune et de notre collègue sénatrice Marie-Annick Duchêne, nous avons également visité les logements, notamment ceux du plateau de Versailles-Satory.

Or le vieillissement du parc est préoccupant, d’autant que la cohésion de la gendarmerie, formée de professionnels, passe aussi par celle de leurs foyers. Dès lors, il nous paraît indispensable d’engager un vaste programme pluriannuel de rénovation immobilière, quelque 70 % du parc ayant plus de vingt-cinq ans. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à présider ou à administrer des organismes HLM, et je puis vous assurer que certains des logements que nous avons visités seraient très mal classés. C’est pourquoi, ensemble, nous devons imaginer des formules innovantes.

Ma seconde source d’inquiétude et d’interrogation porte sur le financement des opérations extérieures.

Je rappelle que plus de 400 gendarmes sont actuellement déployés en opérations extérieures, dont 200 en Afghanistan.

Comme les années précédentes, nous constatons une sous-dotation des crédits destinés à couvrir les opérations extérieures. Il est ainsi prévu une dotation de 15 millions d’euros, alors que le surcoût des OPEX s’est élevé à près de 30 millions d’euros en 2010. Or, faute de financements suffisants, ces surcoûts sont prélevés sur le budget de fonctionnement de la gendarmerie, par le biais de redéploiements de crédits dont nous comprenons la nécessité mais qui pourraient mettre en péril le fonctionnement des brigades territoriales.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il serait préférable que ces surcoûts soient financés par la réserve interministérielle, à l’image de ce qui se pratique pour nos armées ?

Enfin, je soulignerai la nécessité de prévoir une programmation pluriannuelle pour le remplacement progressif des véhicules blindés du groupement.

Contrairement à la majorité des membres de la commission, je voterai ce budget, à titre personnel. En effet, il tient compte des réalités financières de notre pays tout en marquant son engagement pour la sécurité, à travers l’action de ces femmes et de ces hommes ayant fait le choix de participer à une mission que Napoléon Bonaparte définissait voilà deux siècles comme « la manière la plus efficace de maintenir la tranquillité d’un pays ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, l’examen des crédits de la mission « Sécurité » et des résultats de la politique de lutte contre la délinquance me donne l’irrésistible impression d’assister à une partie de bonneteau : la bonne carte est toujours là où l’a décidé le ministre de l’intérieur ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Les chiffres officiels des effectifs de police et de gendarmerie, après avoir augmenté comme la population, soit un peu plus de 6 % entre 1998 et 2008, ont, en quatre exercices, été ramenés à un niveau inférieur à celui de 2002. Pour le ministre de l’intérieur, cela ne signifie pas pour autant que les moyens de police et de gendarmerie ont baissé. Ils auraient simplement été mieux utilisés !

« Certes – répond-il à la Cour des comptes, assez critique – le plafond d’emplois pour 2012 est fixé à 143 714 ETPT – équivalents temps plein travaillé –, à comparer avec un effectif réel de 143 855 au 31 décembre 2002, mais la prévision de consommation d’ETPT pour la police nationale est de 145 504 en 2011. »

« Naïvement, vous vous focalisez sur les effectifs, alors que ce sont les prévisions de consommation d’équivalents temps plein travaillé qui comptent, à moins que ce ne soient les effectifs effectivement engagés sur le terrain ou ceux qui ne sont affectés ni à des tâches administratives ni à des missions de formation. »

Selon ce qui arrange, les adjoints de sécurité, les gendarmes adjoints volontaires, les réservistes, les personnels de l’administration pénitentiaire chargés des transfèrements sont ou ne sont pas pris en compte.

Plus les coupes ont été fortes antérieurement, plus la moindre amélioration est célébrée : c’est la magie du pourcentage ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Et si le bon peuple peine à croire que le meilleur moyen de faire baisser la délinquance, ce n’est pas forcément de faire maigrir les forces de police, il suffit de brouiller les cartes, autrement dit de multiplier les résultats contradictoires.

Chacun sait ici que les indicateurs globaux de délinquance n’ont aucun sens. Mes chers collègues, vous avez constaté comme moi tout à l’heure que M. Ollier n’a pas hésité à rappeler que, selon lui, depuis 2002, cette délinquance globale a baissé de 17 %, ce qui représenterait le salut de 500 000 victimes !

Cette année, les atteintes aux biens diminuent, mais le nombre de cambriolages augmente. Les crimes et délits en matière d’escroqueries, d’infractions économiques et financières diminuent, mais les usurpations d’identité – plus de 200 000 par an – prennent des proportions inquiétantes. Surtout, les atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes, qui restent quand même le premier problème d’un État de droit, continuent à augmenter, essentiellement pour des motifs crapuleux.

Plus on multiplie les indicateurs, plus il est difficile de juger objectivement des résultats des politiques menées, et plus il est facile pour le ministère de l’intérieur de présenter ceux-ci à son avantage. On le comprend !

C’est d’autant plus facile que seront regroupés dans une même catégorie des faits de gravité et d’impact sur l’opinion publique très différents. Ainsi, l’augmentation des agressions sur le personnel des transports – plus 15 % en 2010 –, aux effets, vous le savez, particulièrement calamiteux, disparaît-elle, noyée dans un indice global hétérogène.

Dernière cause de brouillage abordée par mes collègues et que j’aurai le temps d’évoquer : le transfert de plus en plus évident des dépenses de sécurité vers les particuliers et les collectivités. On ne sait plus à qui imputer les résultats de la lutte contre la délinquance !

En 2008, l’industrie de la sécurité privée employait 165 000 salariés, soit plus que le nombre des fonctionnaires de la police nationale, pour un chiffre d’affaires de 4,8 milliards d’euros, en croissance régulière.

Selon le quotidien Les Échos, les seules industries du transport ont réalisé 137 millions d’euros de dépenses de sécurité par an.

Quant aux effectifs des polices municipales – cela a été dit tout à l’heure – ils ne cessent, eux aussi, d’augmenter. Ils atteignaient 19 370 agents en janvier 2010, contre 14 300 en janvier 2002, soit une augmentation de 35 %, alors que, dans le même temps, les effectifs de la police nationale et de la gendarmerie baissaient, ce qui n’empêche pas le Gouvernement de critiquer par ailleurs la croissance des effectifs de la fonction publique territoriale.

Enfin, il y a, bien sûr, la hausse des dépenses liées à la vidéosurveillance, encouragée par le Gouvernement. La Cour des comptes estime à 300 millions d’euros le coût du triplement du nombre des caméras installées sur la voie publique entre 2010 et 2011.

À l’évidence, très majoritairement, les membres du groupe du RDSE ne pourront cautionner ce jeu de passe-passe, car, sauf erreur de ma part, le jeu du bonneteau est interdit dans notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Virginie Klès étant absente pour des raisons totalement indépendantes de sa volonté, je vais lire son intervention, mais je précise bien que tout le mérite des propos que je tiendrai lui revient et que je serai simplement son relais.

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez le talent de la lecture !

M. Jean-Pierre Sueur. Hélas non, mon cher collègue, mais je ferai de mon mieux.

Cette période d’examen budgétaire est propice à l’expression du constat renouvelé de notre désaccord fondamental quant à la manière de gouverner de votre majorité, politique conduisant, faute de priorité et d’objectifs à court, moyen et long termes clairement affichés, et dans le contexte financier contraint que nous connaissons tous, à des transferts de compétences ni concertés, ni compensés, ni même évalués, à des surcoûts ou des dysfonctionnements liés à des décisions prises ou à des annonces faites à l’emporte-pièce.

Ces deux attitudes conduisent in fine à ne pas inscrire les sommes nécessaires au maintien en condition opérationnelle de nos forces de sécurité, dépenses qui n’ont peut-être pas d’effet en matière de politique de communication vers le « grand public ». La réalité, c’est qu’une grande partie des suppressions d’emplois annoncées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, n’est pas justifiée – puisque la seule justification de ces suppressions est financière –, mais serait théoriquement rendue supportable, voire indolore, pour les services, par l’amélioration des conditions matérielles, techniques et scientifiques de travail des hommes et des femmes qui sont au service de notre sécurité à tous. Comme chacun le sait, comme vous ne l’ignorez pas, monsieur le ministre, c’est de la pure théorie !

Pour en revenir aux transferts de compétences et de missions, et sans entamer le débat qui pourrait avoir lieu sur la clarification nécessaire des rôles des entreprises de sécurité privées dans la « coproduction » de sécurité prônée par beaucoup, il faut que le ministre de l’intérieur manque singulièrement de moyens pour en arriver à solliciter les préfets, l’été dernier, pour qu’ils promeuvent le développement de « collaborateurs occasionnels » des forces de l’ordre : des citoyens lambda sont encouragés à surveiller l’espace public, sans aucun encadrement ni aucune limite.

Non, monsieur le ministre, Mme Klès ne voit aucun point commun entre un gendarme ou un policier qui, dans le cadre de ses missions, d’une assermentation, d’une hiérarchie respectueuse de l’équilibre entre libertés individuelles et sécurité, effectue une surveillance de notre espace de vie publique, et un Français à qui l’on demande non seulement de jeter un coup d’œil à la maison de ses voisins lorsqu’ils sont en vacances – acte de civisme naturel ou qui devrait l’être –, mais aussi et surtout de « signaler » aux forces de l’ordre tout fait, tout individu semblant marginal, tout véhicule stationné un peu longtemps, dans un quartier ou ailleurs...

Non, monsieur le ministre, la sécurité n’est pas l’affaire de « Mme la délation », mais bel et bien des pouvoirs publics ; charge à eux d’y consacrer les moyens nécessaires.

Oui, monsieur le ministre, les collectivités locales, par le moyen notamment des polices municipales, par l’intermédiaire de Conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, ou CISPD, qui ne fonctionnent bien que par la seule volonté politique locale, par le lien étroit qu’elles entretiennent avec les forces de sécurité nationales, participent à la production de la sécurité. Toutefois, ce ne peut être à n’importe quel coût, pour n’importe quelles missions, et notamment pas pour le maintien de l’ordre public, une mission régalienne s’il en est et qui doit relever de l’État républicain.

Monsieur le ministre, la police municipale ne peut être la supplétive des forces de la police nationale. Les maires ne l’accepteront pas et ne le feront pas.

Ils sont inquiets face à la création expérimentale, dans quarante-quatre départements, des « patrouilleurs » (M. le ministre marque son étonnement.), agents de sécurité en conditions précaires, dont le niveau de formation est inférieur au premier niveau de recrutement des gendarmes ou policiers nationaux, et qui contribuent au fonctionnement d’un dispositif de proximité d’un coût évalué à 18 millions d’euros pour à peine six mois... Si ce dispositif se révèle efficace et à la fois étendu et pérennisé, qui le supportera ? L’État ou les communes ? Dans quelles conditions ?

Après les tentatives, heureusement sans suite, de conférer plus de pouvoirs judiciaires aux policiers municipaux et de les mettre ainsi à la disposition des officiers de police judiciaire territorialement compétents, tout en laissant les charges financières aux communes, vous ne pouvez faire semblant de ne pas entendre nos inquiétudes.

La vidéoprotection est devenue trop souvent une fin en soi. Comment ne pas voir, là encore, à tout le moins des tentatives de transfert de charges vers les communes ? Quel est le chiffre du coût de la maintenance de ce matériel, à leur seule charge, du pourcentage – incompressible – de 30 % de caméras hors-service dans un système installé, du coût – non négligeable – de l’exploitation des images, sans laquelle aucune efficacité ne peut être obtenue. Enfin, quelle efficacité réelle en attendre ?

Un « sentiment » d’efficacité des professionnels, avez-vous dit récemment. Mais alors, pourquoi tant torturer les chiffres et l’état 4001, notamment l’index 107, pour évaluer les évolutions de la délinquance, si les « sentiments », les « impressions » à utilisation variable suffisent ?

Transfert de compétences, encore, et impréparation totale : le transfèrement des détenus et les gardes des personnes en cas d’hospitalisation ont fait l’objet de longues tractations, dès 2002, puis de décisions pour leur mise en œuvre, enfin, en 2011, avec pourtant de nombreux dysfonctionnements et désaccords encore entre les ministères concernés, celui de l’intérieur et celui de la justice.

Ainsi, monsieur le ministre, pourquoi, au moins en Bretagne, mais peut-être aussi ailleurs, a-t-il été instauré, alors que M. Sarkozy était ministre de l’intérieur et vous-même préfet de cette région, une curieuse habitude, qui est toujours en usage ? Le transfert de responsabilité, de l’administration pénitentiaire vers les forces de police pour la garde en milieu hospitalier banal de détenus parfois dangereux ne se fait que difficilement et par voie de mise en demeure. Ce transfert de responsabilité a pourtant été acté par voie législative.

Plus grave, et plus important en termes budgétaires, bien qu’aucune somme n’apparaisse nulle part sur ce sujet : les locaux nécessaires, prévus par la loi, pour la réalisation dans de nouvelles conditions des gardes à vue. Longtemps remise aux calendes grecques, la réforme de la garde à vue aurait dû être entreprise, réfléchie, concertée. Elle a été en réalité imposée à la va-vite, sans aucune anticipation et, de fait, sans la moindre programmation, y compris financière.

Mme Klès évoquait ensuite le problème des locaux, souvent en très mauvais état, puis le nécessaire renouvellement et entretien des parcs de véhicules. Même si un effort a été consenti cette année, l’ampleur des dégâts est telle que de réels problèmes demeurent pour payer les dépenses de véhicules, mais aussi parfois de carburant !

Monsieur le ministre, j’en arrive à la conclusion : refusant les transferts de compétences, insidieux ou clairement affichés, que ce budget sous-tend, refusant de laisser les forces de l’ordre sans les moyens nécessaires à l’exercice de leurs missions, refusant une politique à la petite semaine qui n’affiche aucune réelle priorité permettant de prendre en compte les contraintes des finances publiques comme la situation réelle de la sécurité intérieure, ayant, au contraire, beaucoup de respect et de considération pour tous les hommes et les femmes qui se dévouent et s’investissent, souvent au-delà du raisonnable, au service de la sécurité des Français, Mme Klès, avec les membres de son groupe, ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2002 et, en accéléré, depuis 2007, la majorité présidentielle, sous la houlette du Président de la République, n’a cessé de voter des lois répressives. Leurs effets sur la délinquance témoignent d’un échec patent. La délinquance violente augmente, les armes prolifèrent et la délinquance financière fleurit.

On cherchera en vain dans ce budget ce qui serait susceptible d’améliorer la situation. En juillet dernier, la Cour des comptes avait pointé les dégâts entraînés par la RGPP. Or vous n’en avez tenu aucun compte.

Vous voulez à toute force réduire les effectifs publics. Dès lors, après l’éducation et le service public hospitalier, pourquoi ne pas sacrifier aussi la sécurité des citoyens ? Voilà un choix bien paradoxal pour un gouvernement qui mise au quotidien sur une politique sécuritaire !

Après avoir connu une stabilisation en 2011, les effectifs de la police nationale diminuent de nouveau, avec 1 720 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, en moins, alors que le nombre d’heures supplémentaires atteint, on le sait, plusieurs millions.

Dans ma circonscription de Paris, ce sont, selon la préfecture de police, 400 postes qui ont été supprimés en 2011, alors que le nombre des crimes et délits augmentait de 5,1 %.

Les effectifs de la gendarmerie connaissent, eux aussi, une nouvelle diminution, avec 1 185 ETPT en moins. Dans ces conditions, il ne paraît pas certain que la mutualisation des deux entités contribue à accroître la sécurité.

Certes, le nombre des adjoints de sécurité augmente de 678. Des fonctionnaires de police pourront donc être remplacés par des précaires sous contrat de trois ans, contre cinq ans avant la LOPPSI, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

De même, nous restons préoccupés par le recours croissant à la réserve civile de la police nationale, désormais ouverte à l’ensemble des citoyens. En effet, être policier est un métier.

La police technique et scientifique se voit dotée de 83 ETPT seulement, alors que sa charge de travail est déjà très lourde. Pourtant, la LOPPSI 2, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, exige un recours accru à ses services, puisqu’elle prévoit la modernisation de la police et la gendarmerie par une plus grande utilisation des technologies nouvelles. Les suppressions de postes touchent évidemment fortement les emplois administratifs et techniques, en vertu de votre politique de substitution avec les actifs prônée également par la LOPPSI pour réaliser des économies.

Le rapport de la Cour des comptes pointait aussi la baisse du budget de fonctionnement des forces de l’ordre. Certes, on constate un effort de 90 millions d’euros pour l’immobilier, l’achat de véhicules et de matériel informatique, ainsi que le fonctionnement courant des services. Mais cela ne compense pas, loin s’en faut, les diminutions précédentes.

Ce sont les acquisitions de matériel et les travaux de maintenance des locaux qui ont connu les plus fortes restrictions, au risque, selon la Cour des comptes, de mettre en cause « l’efficacité de l’action des services ».

Les syndicats de police ont souligné leurs inquiétudes quant à certains équipements, comme les gilets pare-balles et les véhicules dégradés, qui ne peuvent être remplacés ni simplement entretenus.

Quant à la loi sur la garde à vue, le décalage entre les dispositions qu’elle prévoit et l’application qui en est faite n’est pas prêt d’être gommé. Lors des débats parlementaires, nous avons mis l’accent sur les questions d’ordre organisationnel qui se posent et qui inquiétaient déjà les officiers de police obligés de faire face aux nouvelles procédures. Or le projet de loi de finances n’en tient aucun compte.

De même, le respect du principe de dignité humaine de la personne gardée à vue risque de demeurer longtemps encore lettre morte, au vu de la vétusté de nombreux locaux de police.

Aujourd’hui, vous créez des patrouilleurs chargés sur le terrain d’une triple mission – préventive, dissuasive, répressive –, qui recoupe en fait les missions traditionnelles de la police. Votre objectif est de rendre celle-ci « plus visible ». Votre objectif est le même avec l’acquisition de véhicules « sérigraphiés ». Qu’en penser ? Est-ce un retour – incontournable de mon point de vue – à la police de proximité que vous avez supprimée ? Ces patrouilles permettront-elles de faire reculer le sentiment d’insécurité que ressentent nos concitoyens et de restaurer la confiance entamée entre eux et la police par la politique du chiffre ?

Tout, dans ce budget, confirme votre désengagement des missions de service public essentielles et régaliennes.

Dans ce contexte, la police municipale, la vidéosurveillance, la réserve civile ou les sociétés privées – certains tribunaux y recourent – sont, pour vous, des palliatifs à la baisse des effectifs. Les agences de sécurité privée et les sociétés de vidéosurveillance ne se sont jamais aussi bien portées. Preuve en est que le marché est rentable. La vidéosurveillance croît sans cesse, alors que, comme cela a été dit, son efficacité sur la voie publique est contestée et que le respect des libertés publiques est douteux, tout cela pour un coût très élevé. Une évaluation serait nécessaire. Qui plus est, ce sont les collectivités locales qui paient l’essentiel.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois a décidé la constitution d’une mission d’information sur les polices municipales.

Dans son projet électoral, l’UMP promet une « présence renforcée des forces de sécurité sur le terrain ». C’est un nouvel affichage, puisqu’il est précisé que cela se fera sans déroger à la contrainte du « coût zéro », ni sans revenir sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Pour conclure, je veux dire que nous sommes très inquiets face au discours permanent de stigmatisation des étrangers et des jeunes des quartiers populaires que l’on entend au sein de l’exécutif et à droite, instillant l’idée d’une connotation ethno-raciale et sociale de la délinquance, tout particulièrement de la jeunesse.

Pour notre part, les jeunes ne nous font pas peur : c’est la façon dont on les traite qui nous inquiète.

Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis. Oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En matière de sécurité, nous refusons toute instrumentalisation. Nous sommes très attachés à la police républicaine, seule garante de l’égalité entre les citoyens et du respect des libertés publiques.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est très bien dit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi voulons-nous pour elle des moyens à la hauteur de ses missions. Voilà pourquoi nous voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, je n’étonnerai personne en affirmant que le groupe UMP soutient totalement votre action.

M. Claude Guéant, ministre. Merci !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Tiens donc !

M. Roger Karoutchi. Cet après-midi, on a un peu le sentiment qu’il faut revenir aux réalités.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Cela vous change !

M. Roger Karoutchi. Monsieur Placé, je ne vous ai pas interrompu. Je vous saurais gré de faire de même !

Cet après-midi, j’ai connu le bonheur d’entendre M. Placé dire qu’il regrettait qu’il n’y ait pas davantage de policiers.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Bien sûr !

M. Roger Karoutchi. Voilà un vrai écologiste, comme on les aime, réclamant plus d’ordre, plus de sécurité…