Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.

M. Jean-Jacques Pignard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il existe deux façons de lire ce budget : avec les yeux d’un membre du Gouvernement ou avec le regard d’un parlementaire et d’un élu local, à la lumière de ce que nous vivons dans nos communes, au contact de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, vous n’échappez d’ailleurs pas à cette double contradiction puisque vous êtes aussi élu local.

Commençons par votre lecture en tant que membre du Gouvernement.

Vous avez raison de rappeler que, aujourd’hui, le budget de l’éducation est le premier budget de l’État, ce qui, on l’oublie trop souvent, n’a pas toujours été le cas, loin s’en faut, dans la longue histoire de nos républiques. On peut faire au Gouvernement tous les reproches possibles, mais on ne peut nier que, en cette période de crise, l’éducation reste sa priorité ou, tout au moins, qu’elle occupe le premier rang de sa hiérarchie budgétaire.

Nous avons également notre lecture, nous autres parlementaires et élus locaux, nourrie non seulement par la remontée du terrain, par les doléances des familles, des enseignants, parfois des jeunes, mais aussi par les questions que posent certaines enquêtes internationales quant à l’efficacité de notre système, pour ne plus dire notre modèle.

Il y a donc deux lectures contradictoires, dont l’une ne saurait être tout à fait vraie et l’autre tout à fait fausse.

On a beau tourner le problème dans tous les sens, on en revient toujours à la question des moyens, d’autant que les défis auxquels vous devez faire face dépassent de loin le cadre de vos attributions ministérielles.

Aujourd’hui, on ne vous demande plus seulement d’être le ministre de l’instruction publique, comme c’était le cas sous la IIIe République, on vous demande également d’être le ministre de l’intérieur, tant il est vrai que la sécurité au sein et aux abords des établissements scolaires alimente l’angoisse des familles.

On vous demande d’être le ministre de l’aménagement rural, tant il est vrai que les élus tiennent avec raison à leur école. On peut certes fantasmer sur le village du siècle dernier, avec son maire, son instituteur, son curé, son garde champêtre et son médecin ; nous sommes en 2011, et il est vain de pleurer sur les curés et les médecins disparus. Tâchons au moins de conserver nos maires et nos instituteurs !

On vous demande d’être le ministre de la ville, tant la précarisation et la ghettoïsation de nos banlieues compliquent le rôle d’ascenseur social que joue l’école.

On vous demande d’être le ministre de la famille, tant elle a abdiqué les responsabilités qui étaient les siennes depuis l’aube des temps.

On vous demande d’être le ministre de la culture, tant les enseignements artistiques peinent à se frayer un chemin dans des programmations pléthoriques.

Je pourrais poursuivre indéfiniment cette liste, puisque tous les secteurs ou presque de notre vie publique sont concernés.

Bref, l’éducation nationale étant au carrefour de toutes les contradictions et lacunes de notre société, celui qui en a la charge, à défaut d’être le Premier ministre, pourrait bien être le premier des ministres, ce qui justifie sans doute le fait que lui soit confié le premier budget de l’État.

Mais ce qui est vrai du ministre au sommet de la pyramide l’est également de l’enseignant à sa base, sinon davantage encore, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes professeurs des écoles, souvent inexpérimentés, à qui l’on demande certes d’être enseignant mais aussi, parfois, assistante sociale, policier, artiste, spécialiste des nouvelles technologies ; à qui l’on demande souvent, surtout chez les petits, de remplacer le père ou la mère défaillants.

Oui, dans cette école primaire où tout se joue dès le plus jeune âge, l’enseignant d’aujourd’hui ne doit pas se contenter d’inculquer les fondamentaux du savoir, il doit également soigner les fondamentaux du cœur, gronder ou consoler, mais ne pas gronder trop fort ni consoler trop près, afin d’échapper aux suspicions de violences faites à mineur ou de pédophilie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Chers collègues, je songe à certains cas que j’ai rencontrés dans ma commune.

Ce faisant, je ne sais pas si le métier d’enseignant est encore le plus beau métier du monde, mais il est à coup sûr devenu le plus complexe.

M. Alain Néri. C’est pourquoi il faut une bonne formation des enseignants !

M. Jean-Jacques Pignard. C’est pourquoi nous en revenons encore et toujours à la question des moyens : comment faire plus alors que les contraintes financières nationales et internationales nous enjoignent de faire moins ?

À budget constant de l’État, faut-il augmenter le nombre des fonctionnaires de l’éducation nationale ? Au détriment de quel domaine ? De la justice ? De la sécurité ? De la santé ?

Peut-on créer des milliers de postes supplémentaires sans porter atteinte aux autres secteurs et tout en réduisant les déficits ?

Nous le savons bien, ces questions seront au cœur des débats électoraux du printemps ; nous n’y répondrons pas ce soir au Sénat. Mais nous sommes peut-être tous d’accord sur un point : s’agissant de l’éducation – j’ai tenu un autre discours, la semaine dernière, au sujet des musées nationaux – la RGPP atteint ses limites.

Mme Maryvonne Blondin. C’est certain !

M. Jean-Jacques Pignard. Nous avons suffisamment dégraissé le mammouth : aujourd’hui, nous avons atteint l’os !

Monsieur le ministre, je prends volontiers acte du fait que, à plusieurs reprises, vos interventions ont mis l’accent sur deux points : la formation et la revalorisation des carrières enseignantes. Dans le premier domaine, je salue les efforts que vous avez accomplis ; dans le second, je les déplore.

Concernant la revalorisation, il est vrai que les dernières mesures que vous avez annoncées vont dans le bon sens, notamment s’agissant des nouveaux enseignants. Il faut poursuivre dans cette voie, car à la complexité croissante du métier répond l’exigence d’une meilleure rémunération.

M. Alain Néri. Et d’une meilleure formation !

M. Jean-Jacques Pignard. En revanche, vous savez que, sur le plan de la formation, je suis bien plus sceptique. (M. Alain Néri s’exclame.) Je tiens à préciser que je n’ai jamais été un ardent défenseur des IUFM, de leur pédagogisme confus, de leur sociologisme prétentieux et de leur dogmatisme présomptueux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mes chers collègues, vous aurez compris que je n’ai guère d’affinités avec M. Philippe Meirieu, étant rhodanien moi-même, et je crois que M. Gérard Collomb en a encore moins !

À mon sens, l’IUFM ne constitue pas la solution. Je regrette d’ailleurs que l’université, avec la mastérisation, ait hérité du référentiel bondissant…

M. Jean-Jacques Pignard. … et reste dans la même logique : celle de propos abstraits et abscons, alors même qu’un jeune enseignant a besoin d’être formé sur le terrain, accompagné pas à pas par un véritable professionnel, en suivant de véritables stages.

M. Alain Néri. Chiche ! Rouvrons les écoles normales !

M. Jean-Jacques Pignard. Pourquoi pas !

Nous n’avons pas d’autre choix que d’innover et d’inventer : peut-être ces innovations et ces inventions pourront-elles concrétiser des suggestions a priori décoiffantes.

Mon collègue et ami Yves Pozzo di Borgo, qui connaît bien l’éducation nationale pour en avoir été inspecteur général, proposera de mettre un terme à cette aberration des heures supplémentaires, auxquelles plusieurs orateurs ont fait maintes allusions, tout en prolongeant de deux heures le temps réglementaire et en l’annualisant, quitte à réduire ces grandes vacances qui n’ont peut-être plus aujourd’hui leur raison d’être.

Les enseignants sont prêts à accepter ces propositions, dès lors que sera satisfaite la double exigence que je viens de mentionner : la qualité de leur formation et l’augmentation de leur rémunération.

La dureté des temps ne nous laisse d’autre choix que celui de l’innovation.

Pour conclure, monsieur le ministre, j’ai parfaitement conscience que ce budget ne répond pas à toutes nos attentes, loin s’en faut, et que vous avez été contraint de l’élaborer dans des conditions particulièrement difficiles sur le plan tant national qu’international, compte tenu du poids de la crise. Vous avez évité le pire, permettez-moi de l’affirmer.

Je ne me reconnais évidemment pas dans certaines critiques excessives de l’opposition, qui fait mine d’ignorer les difficultés de l’heure, comme l’environnement international dans lequel nous vivons. Je déplore plus encore les propos outranciers de certains leaders de cette opposition, qui vous ont charitablement qualifié de cancre. À mes yeux, vous n’êtes pas un cancre ; vous êtes aujourd’hui chargé de résoudre la quadrature du cercle, et cette tâche est tout sauf aisée !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Résolvez d’abord le manque de régulation des marchés financiers !

M. Jean-Jacques Pignard. Le groupe de l’Union centriste et républicaine votera les crédits de cette mission, en reconnaissant qu’il y a peut-être en vous quelque chose qui évoque parfois le désarroi de l’élève Törless. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » affectés à l’enseignement professionnel que portera mon intervention.

Nul ne me contredira si j’insiste sur la nécessité d’une rénovation de la voie professionnelle, qui doit cesser de constituer une voie de garage pour devenir une filière de prestige pour les jeunes qui quittent le collège. En effet, plus d’un tiers des élèves du second degré empruntent la voie professionnelle. C’est dire si cette filière est importante !

Les crédits concernés s’élèvent à 6,729 milliards d’euros, contre 6,677 milliards d’euros en 2011. Au milieu des nombreuses coupes claires auxquelles le présent projet de loi de finances procède, nous nous réjouissons de cette augmentation de 0,8 %. Reconnaissez, monsieur le ministre, que c’est l’effort minimum que vous pouviez consentir en faveur de cette branche, après avoir mis en place la « rénovation de la voie professionnelle ».

Toutefois, il est regrettable que, cette année, la poursuite de l’application du passage du baccalauréat professionnel en trois ans au lieu de quatre vous conduise à supprimer 455 postes dans les lycées professionnels. Quant aux crédits pédagogiques, ils diminuent de 4,6 % par rapport à 2011.

Par ailleurs, il ne fait aucun doute que les coupes budgétaires dans les crédits de la mission générale d’insertion, qui doit faciliter l’accès à la formation professionnelle, se réduisant de 3,88 millions d’euros à 3,71 millions d’euros, feront de nouvelles victimes parmi les élèves. En l’occurrence, je ne parle pas des décrocheurs, mais de ceux qui sont « décrochés » par le système scolaire. Cette réalité est d’autant plus regrettable que ces derniers constituent l’un des publics prioritaires de la réforme de la voie professionnelle.

Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler à nos collègues – peut-être ainsi qu’à vous-même – l’un des trois objectifs de cette réforme : réduire le nombre de jeunes qui quittent l’école sans diplôme, en les incitant à suivre au moins une « formation courte ».

Nous pouvons également regretter la suppression de lycées professionnels, dont les effectifs sont inférieurs à 200 élèves : dix-sept établissements ont été fermés ces dernières années. Certes, vingt établissements de réinsertion scolaire ont été créés, mais c’est peu si l’on veut répondre aux 180 000 jeunes « perdus de vue » chaque année.

Il serait trop simple de reporter l’enseignement professionnel sur les centres de formation d’apprentis, les CFA, dont les régions sont les « premiers financeurs ». L’Association des régions de France n’a d’ailleurs pas manqué de souligner le déséquilibre existant entre la formation initiale et l’apprentissage, l’absence de chiffrage, le manque de concertation ; bref, de dénoncer une réforme inadaptée aux professeurs de lycée professionnel.

Même la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels n’a pas atteint ses objectifs.

La réforme de la voie professionnelle que vous avez mise en œuvre est loin de porter ses fruits. En effet, avant même d’être parvenue à son terme, elle se traduit par un nouvel essor du décrochage scolaire.

Nous nous félicitons de l’augmentation du nombre de bacheliers professionnels. Mais ce mouvement n’est-il pas dû mécaniquement à la superposition transitoire des baccalauréats professionnels et des anciens brevets d’études professionnelles, les BEP ? Cet effet, qualifié du terme imagé de « bourrelet », disparaîtra dès l’année 2013.

Monsieur le ministre, votre réforme a reçu un accueil très contrasté. Les enseignants se montrent très critiques quant aux modalités d’application, tant sur le plan matériel que pédagogique. Ils pointent le manque d’accompagnement de l’inspection, l’hétérogénéité accrue des classes, les difficultés d’articulation entre la certification intermédiaire, à savoir les CAP et BEP, et la préparation au baccalauréat.

Pendant ce temps, les inégalités entre les établissements se creusent du fait de leur autonomie accrue. Cette évolution risque de provoquer la perte de spécificité du métier de professeur de lycée professionnel.

Faut-il rappeler l’absence quasi systématique de passerelles effectives à ce jour entre formations ? Les quelques passerelles – lorsqu’elles sont possibles – nécessiteront forcément un accompagnement adapté des élèves en phase de transition. Mais chacun sait que le suivi personnalisé est, malheureusement, inégalement appliqué ; de fait, chaque établissement fixe ses propres règles d’accompagnement, le réservant à certaines classes ou certains niveaux, bien sûr faute de moyens.

Heureusement, et on peut le comprendre, le message de revalorisation symbolique du baccalauréat professionnel semble être bien accueilli par les élèves et leurs familles, tout comme la possibilité de s’inscrire en BTS après le baccalauréat. Toutefois, il convient de prendre garde à la forte demande sociale à l’entrée des sections de techniciens supérieurs que cette réforme va entraîner en 2013. Il s’agira alors de ne point décevoir l’espoir de ces familles des classes moyennes et populaires.

Parallèlement, il faudra veiller à ne pas brouiller la distinction entre, d’une part, la voie technologique permettant de poursuivre ses études dans le supérieur et, d’autre part, la voie professionnelle destinée à l’insertion dans le monde du travail, laquelle constitue l’un des trois objectifs assignés à la réforme.

Par ailleurs, avant de réfléchir à la possibilité de rendre l’alternance obligatoire lors des dernières années de préparation au baccalauréat professionnel et au certificat d’aptitude professionnelle, comme l’a demandé le Président de la République, ne serait-il pas d’abord judicieux d’évaluer et d’harmoniser la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans ?

Pour finir, j’insisterai sur le fait qu’une part importante des élèves choisit encore sa spécialité en fonction de l’offre de formation disponible localement, plus qu’en fonction d’un projet professionnel. Au choix de l’élève et de sa famille s’ajoute celui de l’institution elle-même, qui répond davantage à une logique de remplissage des formations existantes, sans tenir compte des réels projets professionnels de l’élève.

La clé de la valorisation de la voie professionnelle réside donc dans le « calibrage » de l’offre de formation et de sa répartition géographique. Or, au vu des fermetures d’établissements et de la tendance à vouloir se défausser sur l’apprentissage aux dépens de l’enseignement professionnel sous statut scolaire, cette valorisation paraît surtout s’estomper. Ce mouvement s’accompagne de la poursuite de la baisse du nombre de professeurs et du désengagement de l’État vers les collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les chiffres n’étant pas à la hauteur de l’enjeu, le groupe socialiste ne votera pas le budget de l’enseignement professionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2012 de la mission « Enseignement scolaire » répond à deux priorités essentielles : d’une part, la mise en œuvre concrète des engagements du Président de la République en matière de personnalisation des enseignements et des parcours scolaires ; d’autre part, la mise en place d’une vraie politique de ressources humaines, en accord avec la maîtrise des dépenses publiques.

Ce budget illustre aussi clairement la priorité donnée par le Gouvernement à l’avenir de la jeunesse. La mission « Enseignement scolaire » représente 61 milliards d’euros, soit un cinquième du budget, ce qui en fait le premier poste de dépenses de l’État.

Vous avez, monsieur le ministre, la volonté de mener des réformes ambitieuses, et si le temps des réformes est un temps long, des résultats encourageants sont cependant perceptibles.

Même si les résultats ne sont pas ceux que l’on pouvait escompter, l’enquête internationale PISA – programme international pour le suivi des acquis des élèves –, publiée en décembre 2010, montre que le système éducatif français obtient des résultats corrects, dans la moyenne des grands pays développés.

Notre système éducatif doit encore s’améliorer, et c’est toute l’ambition de la poursuite de la politique mise en œuvre par le Gouvernement depuis 2007, qui repose sur trois piliers majeurs : l’aide personnalisée apportée à chaque élève ; la responsabilisation des établissements pouvant conduire à leur autonomie ; enfin, la valorisation des enseignants, qui bénéficient d’un « nouveau pacte de carrière » à propos duquel vous avez explicité des mesures importantes lors du salon européen de l’éducation le 24 novembre dernier, mais j’y reviendrai.

Grâce aux dispositifs de l’aide personnalisée, de l’accompagnement éducatif, des stages de remise à niveau ou passerelles et du tutorat, l’élève dispose, de l’école maternelle à la terminale, d’un accompagnement personnalisé tout au long de sa scolarité.

Je souhaiterais axer mon propos sur les dispositifs d’accompagnement des élèves étendus aux premières des lycées généraux et technologiques dès la rentrée de 2011.

Les nouvelles premières générales amorcent la spécialisation progressive des élèves, tout en conservant un important tronc commun aux trois séries. Les élèves qui en éprouvent alors le besoin peuvent changer de série, en cours d’année, en bénéficiant de stages passerelles pour se remettre à niveau dans les disciplines spécifiques de la série qu’ils souhaitent intégrer. C’est un excellent outil afin d’éviter le décrochage scolaire, encore trop fréquent chez nos jeunes.

Les résultats du baccalauréat 2011 ont vu accéder 71,6 % d’une classe d’âge à ce diplôme : c’est un chiffre historique, de six points supérieur aux dernières statistiques, qui stagnaient depuis quinze ans.

En cohérence avec l’un des trois points clés de la réforme du lycée, à savoir « mieux orienter », l’orientation active, en liaison avec l’enseignement supérieur, s’adresse aux élèves dès la classe de première du lycée général et technologique. Elle permet donc aux lycéens d’accéder à une information générale sur les filières de l’enseignement supérieur ainsi qu’à un conseil personnalisé.

Des lycéens mieux formés et mieux accompagnés sur la vie universitaire et ses cursus, c’est la garantie d’étudiants motivés et dont l’accès et la réussite aux diplômes universitaires n’en seront que facilités ; c’est tout l’esprit des objectifs de Lisbonne, qui visent à ce que 50 % des bacheliers puissent atteindre un niveau bac+3.

Nous saluons ces avancées notables, car il est important de porter un intérêt spécifique à la réussite de chaque élève, quel qu’il soit.

Je pense à l’attention toute particulière qui a été apportée aux élèves handicapés, dont la scolarisation en milieu ordinaire a augmenté de près de 60 % depuis la rentrée de 2004.

Les assistants de scolarisation remplaceront progressivement les contrats aidés afin de pérenniser et de parfaire la professionnalisation de l’accompagnement de chaque élève handicapé. C’est un objectif très important alors que l’on a trop souvent entendu parler du manque de formation de ces personnels.

Monsieur le ministre, vous avez laissé davantage d’autonomie aux établissements, afin de leur permettre de prendre en compte les réalités du terrain et de mieux adapter les réponses pédagogiques aux besoins des élèves.

À ce titre, dans un rapport d’information que j’ai présenté l’an dernier au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la suite d’une mission effectuée en Finlande, j’ai souligné que ce n’est pas à l’élève de s’adapter à l’école, mais à l’école de s’adapter à l’élève. C’est fidèle à cet esprit que le système finlandais repose non seulement sur une forte autonomie pédagogique des établissements, déterminée par les communes, mais aussi sur une autonomie de recrutement des enseignants.

S’il est évident que, en France, l’État doit conserver la maîtrise complète des programmes et des diplômes, il est indispensable que les chefs d’établissement disposent de davantage de marges de manœuvre pour adapter au mieux l’enseignement au profil des élèves. Nous savons, monsieur le ministre, que vous souhaitez mener cette réflexion en profondeur.

Enfin, la mission « Enseignement scolaire » prévoit le financement des mesures en faveur de la gestion des personnels et la revalorisation de la condition enseignante.

Comme vous l’avez rappelé, le nouveau pacte de carrière des enseignants, ambitieux et complet, répond à quatre engagements : une meilleure formation des enseignants ; un meilleur accompagnement tout au long de leur vie professionnelle ; des possibilités plus larges et réelles de mobilité et d’évolution de parcours ; un métier mieux considéré et mieux rémunéré.

Le statut des enseignants n’a guère évolué depuis les années cinquante. Cela mérite réflexion ! Une adaptation à la société du XXIe siècle est indispensable. La priorité est que les enseignants retrouvent statut social, considération et autorité.

Cette reconnaissance accrue permettra aux enseignants de s’investir pleinement dans leur mission : la réussite de chaque élève.

Il s’agit ainsi de construire une politique de ressources humaines ambitieuse, avec des enseignants mieux formés, mieux accompagnés et mieux payés.

Lors du salon européen de l’éducation, le 24 novembre dernier, vous avez explicité les mesures de revalorisation indemnitaire des personnels enseignants et non enseignants pour l’année 2012 ainsi que la revalorisation indiciaire qui concerne les jeunes professeurs. Cette revalorisation était nécessaire pour rééquilibrer la pyramide des rémunérations entre anciens et nouveaux professeurs, concrétiser financièrement l’élévation du niveau de recrutement des enseignants et garantir l’attractivité du métier.

Pour conclure, nous ne pouvons que souscrire à votre volonté d’améliorer l’efficacité du système scolaire, de consolider les réformes entreprises et d’assurer l’équité de traitement des territoires, en renforçant les chances de réussite de chaque élève et en permettant d’assurer la qualité des enseignements.

Pour accompagner le nécessaire mouvement de modernisation de l’enseignement scolaire que vous poursuivez, vous pouvez compter sur le soutien du groupe de l’UMP.

M. Alain Néri. C’est la moindre des choses !

Mme Colette Mélot. Le groupe de l’UMP votera donc les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner. (Mme Michèle André et M. Alain Néri applaudissent.)

M. Jacques-Bernard Magner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai plus particulièrement le budget de l’enseignement technique agricole. S’il constitue l’un des six programmes de la mission « Enseignement scolaire », il en reste malheureusement, depuis toujours, le parent pauvre, ne représentant que quelque 2 % de ses crédits.

C’est à ce point un parent pauvre que, chaque année, les sénateurs et les députés, tour à tour, sont obligés de trouver des « ficelles » pour abonder ce budget et ne pas le laisser au triste sort dans lequel le Gouvernement s’obstine à vouloir l’abandonner. Malgré cela, l’enseignement technique agricole reste en sous-financement chronique.

La politique menée par le Gouvernement ces dernières années en matière d’enseignement, en particulier les suppressions massives de postes auxquelles il a procédé, n’ont fait que renforcer ce sous-financement et n’ont rien arrangé. J’en veux pour preuve l’avis du Conseil économique, social et environnemental en date du 13 septembre dernier : « La France affiche aujourd’hui une performance éducative décevante […] De surcroît cette situation s’est fortement dégradée depuis dix ans. […] Plus récemment, […], de très sévères restrictions budgétaires et des suppressions de postes sont venues compromettre un peu plus cette situation ». C’est le CESE qui le dit !

Pour être plus précis, rappelons quelques chiffres.

Depuis 2007, 80 000 postes ont été supprimés au sein de l’éducation nationale. Cela a abouti, entre autres conséquences, à la surcharge des classes, à des difficultés de remplacement des enseignants, à la non-scolarisation des enfants de moins de trois ans et à la diminution de l’offre de formation professionnelle des enseignants, qu’il s’agisse de la formation initiale, avec la fermeture des instituts universitaires de formation des maîtres, qui avaient succédé aux écoles normales, ou de la formation continue, sacrifiée sur l’autel de la réduction des moyens de remplacements.

Le taux d’encadrement des élèves de notre pays est le plus faible des pays de l’OCDE. On constate que, entre 2000 et 2010, le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans est passé de 34,5 % à 13,6 %. On assiste à une mise en péril de la scolarisation des enfants en maternelle alors que, de tous bords politiques, on se dit convaincu de l’intérêt de la scolarisation précoce des enfants, en particulier pour les plus défavorisés d’entre eux.

N’oublions pas non plus les 160 000 jeunes qui quittent chaque année notre système éducatif sans aucune formation, sans qualification et donc, peut-on le craindre, sans avenir.

Quant aux enseignants, leur situation s’est tellement dégradée ces dernières années que certains songent même à se reconvertir et à changer de profession ! (Marques d’approbation sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.) Les candidats au métier de professeur des écoles sont deux fois moins nombreux qu’il y a quelques années, notamment lors de la dernière rentrée scolaire. C’est un signe ! Et l’on se demande ce qu’il va advenir des 32 000 salariés en emplois précaires dans un tel contexte de réduction des moyens.

Cette année, le budget de restriction que nous propose le Gouvernement pour l’enseignement scolaire prévoit 14 280 suppressions de postes. Les crédits sont en recul de 1,75 % par rapport à 2011, compte tenu de la prévision d’inflation et du poids des pensions.

Dans ce contexte de rigueur budgétaire, l’enseignement agricole, quant à lui, perd 280 postes équivalents temps plein, après la suppression de 214 emplois en 2011, de 244 emplois en 2010 et de 152 emplois en 2009, et ce alors même que le ministre de l’agriculture avait, en 2009, annoncé un moratoire à ce sujet. Nous en sommes bien loin !

Cette perte de 280 emplois correspond à un taux de non-remplacement de plus de 68,3 % des départs à la retraite, soit l’un des plus élevés du budget de l’État.

Le régime auquel est soumis l’enseignement technique agricole est extrêmement sévère ; pour lui, ce n’est pas le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, ce qui est déjà très difficile à supporter, ce sont deux fonctionnaires sur trois qui ne seront pas remplacés ! En conséquence, l’insécurité des personnels est organisée : ces derniers sont sur-précarisés, ils ne reçoivent aucune reconnaissance professionnelle et leurs conditions de travail sont fortement dégradées.

Bien évidemment, il y a une très forte présence de contractuels dans ce secteur, pour lesquels le Gouvernement a annoncé l’adoption prochaine d’une loi de titularisation. Mais, là encore, c’est la portion congrue. Le nombre de postes qui seraient ouverts au titre de la « déprécarisation » est très faible : seulement 200 postes d’enseignants et 100 de non-enseignants, pour 2 950 ayants droit en 2012 et 3 500 sur la durée du plan prévue.

Il convient de remarquer que l’enseignement agricole public étant de petite dimension, il est encore plus problématique de trouver les postes à supprimer et d’organiser ainsi la pénurie qui en résulte. L’application mathématique de la règle du non-remplacement d’un nombre élevé de départs à la retraite n’est pas adaptée à des effectifs d’enseignants peu nombreux et qui remplissent des missions tout à fait spécifiques.

Parallèlement, il est assez déroutant de constater que l’enseignement agricole privé est largement favorisé par rapport à l’enseignement agricole public : les suppressions de postes y sont moindres, les fermetures de classes également. À ce sujet, il faut rappeler que, en 2009, le Gouvernement a signé des protocoles avec les fédérations de l’enseignement agricole privé afin de lui assurer un financement pérenne.

Face à cela, on peut dire que le Gouvernement a manqué d’ambition et de détermination en faveur de l’enseignement agricole public, qui est ainsi engagé dans une espèce de « cercle vicieux » : réduction de l’offre de formation, fermeture de classes, baisse des effectifs, baisse des moyens, diminution de l’offre de formation, et ainsi de suite.

L’excuse apportée par le Gouvernement d’un passage de quatre à trois années pour l’obtention du baccalauréat professionnel ne saurait, à elle seule, justifier autant de désaffection.

À terme, c’est une très forte menace qui pèse sur l’enseignement agricole public, alors qu’il est complémentaire de l’enseignement général, les formations y sont, en général, de qualité et les taux d’insertion professionnelle sont excellents, sans doute parce que les formations proposées sont en adéquation avec les besoins des entreprises et des territoires.

« Instruire, c’est construire », déclarait Victor Hugo lors de l’examen de la loi Falloux en 1850 à la tribune de l’Assemblée nationale. Quand on considère la dégradation des moyens mis aujourd’hui à la disposition de l’enseignement public et plus précisément de l’enseignement technique agricole public, on peut craindre que, plutôt que construire, on s’attache à démolir.

Pour toutes ces raisons, les membres de la majorité sénatoriale de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont décidé de proposer le rejet des crédits du budget de l’enseignement technique agricole et, plus généralement, de la mission « Enseignement scolaire », tels qu’ils figurent dans le projet de loi finances pour 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)