M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Non !

M. Alain Néri, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, votre proposition porte atteinte à un droit fondamental, d’ailleurs largement et régulièrement malmené par ce gouvernement.

En évoquant une extension de la liste des pays classés « sûrs », vous rendez quasiment automatiques les reconduites à la frontière et vous niez les nombreuses atteintes aux droits humains, régulièrement dénoncées par les organisations humanitaires.

En imaginant de refuser le droit d’asile à des réfugiés parce que leur demande a été déposée en retard, vous faites fi des protections inscrites dans notre Constitution ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Mais non !

M. Alain Néri, rapporteur pour avis. Le droit d’asile et le statut de réfugié ont un caractère intangible. Dès lors, ils ne peuvent constituer une variable de la politique migratoire de la France, et encore moins une cible dans le cadre d’une tactique électorale !

Les engagements internationaux de notre pays, le respect que nous devons à des êtres humains désemparés, persécutés, en souffrance et en danger, ne peuvent être effacés sous couvert d’ajustements budgétaires qui ne font que masquer des visées misérablement électorales !

Les crédits soumis à notre approbation cette année sont, certes, supérieurs à ceux des années précédentes, mais ils restent bien en deçà des crédits effectivement consommés annuellement. C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous propose de les rejeter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis.

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’immigration et l’asile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai le privilège de connaître de près la question que nous évoquons ici, car je préside une structure support d’un CADA.

Mon collègue Alain Néri a plus particulièrement relevé dans ce budget des points qui lui semblaient critiquables. Pour ma part, je voudrais souligner quelques éléments qui me paraissent extrêmement positifs malgré les difficultés budgétaires que connaît actuellement notre pays.

Les chiffres du programme 303 ont déjà été mentionnés, mais je ne résiste pas au plaisir de les répéter, car la hausse des crédits va permettre la pleine expression de ce programme. Ce sont 553 millions d’euros qui sont inscrits en autorisations d’engagement, soit une augmentation de plus de 12 % et 560 millions d’euros qui le sont en crédits de paiement, soit une hausse de plus de 14 % par rapport à l’année précédente.

M. Charles Revet. Et voilà !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. Je ne suis pas sûr que beaucoup de rapporteurs d’autres budgets aient eu, cette année, le plaisir d’annoncer des chiffres et des pourcentages de cet ordre !

M. Charles Revet. Très bien !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. C’est un véritable élan qui est donné cette année, d’autant que, lors de l’exercice précédent, l’enveloppe des crédits était restée stable.

M. Charles Revet. Il fallait le dire !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Ça reste un budget sous-dimensionné !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, les parlementaires avaient pointé la sous-évaluation des crédits du programme 303. Nous ne pouvons donc que nous réjouir d’avoir été entendus puisque les crédits concernés enregistrent une augmentation très sensible.

S’agissant de l’action 2, 327,75 millions d’euros étaient inscrits en loi de finances initiale pour 2011. Pour 2012, le chiffre passe à 408,91 millions d’euros, soit une augmentation de 24,76 %. Là aussi, l’an passé, la sous-budgétisation avait été signalée. Il semblerait que, cette année, la pleine conscience de la nécessité de faire un réel effort ait été prise.

Les dotations liées à l’accueil des demandeurs d’asile augmentent de façon significative et permettront de répondre de façon plus adéquate à la demande. L’enveloppe devrait ainsi permettre de financer 9 000 places supplémentaires en hébergement d’urgence et l’allocation temporaire d’attente devrait être perçue par plus de 21 000 bénéficiaires en 2012.

Certes, ces dotations restent inférieures à ce qui sera sans doute effectivement consommé en 2011. Pourtant, l’effort consenti est réel et doit être souligné.

Indicateur essentiel du programme 303, le délai de traitement des dossiers par l’OFPRA et la CNDA est fortement dégradé. La procédure dure au minimum deux ans si l’on prend le cas d’un demandeur qui verrait sa demande déboutée par l’OFPRA et déposerait un recours auprès de la CNDA. Régulièrement, les parlementaires tirent la sonnette d’alarme sur cette question. Je salue les moyens mis en place et pérennisés, je l’espère, pour essayer de revenir à des délais décents.

En matière de recrutement, les effectifs de l’OFPRA devraient être consolidés et quinze nouveaux emplois, gagés sur les effectifs du ministère de l’intérieur, devraient être ouverts en 2012. L’objectif est de réduire le délai global de traitement des dossiers de moitié, pour atteindre un an à l’horizon 2013.

Plus globalement, sur la question, sensible, de la répartition géographique des demandeurs d’asile, un pilotage régional de l’hébergement d’urgence a été mis en place. Il s’agit d’homogénéiser les pratiques, d’organiser la répartition des demandeurs d’asile et de rationaliser les dépenses. Un suivi précis et trimestriel de l’activité d’hébergement d’urgence est ainsi mis en œuvre, permettant un rééquilibrage au profit de zones moins sollicitées.

Enfin, vous avez, monsieur le ministre, annoncé vendredi dernier une réforme du droit d’asile en inscrivant l’Arménie, le Bangladesh, la Moldavie et le Monténégro sur la liste des pays sûrs, afin que certains candidats à l’immigration économique ne se cachent plus derrière la demande de protection internationale.

Parce que le droit d’asile est trop important pour être galvaudé et parce qu’un tel comportement porte préjudice aux véritables candidats au droit d’asile, cette réforme est une bonne réforme !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Très bien !

M. Charles Revet. C’est vrai, et c’est ce qu’a oublié de dire M. Sueur !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. En conclusion, il s’agit certainement du programme dont il est le plus facile de défendre les crédits.

Certes, on a l’impression que la cible s’éloigne au fur et à mesure que l’on s’en rapproche et que les efforts très importants qui sont consentis ne suffisent pas à faire face à l’évolution de la situation : l’accroissement du nombre de candidats à l’asile pourrait faire oublier que les budgets consacrés à ce programme sont en forte augmentation.

Cependant, c’est tout à l’honneur de la France d’accroître ainsi ses efforts pour respecter sa tradition d’accueil !

C’est pourquoi, si la commission a décidé de rejeter le programme 303, à titre personnel, je voterai ces crédits. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes et que l’intervention générale vaut explication de vote sur les crédits.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, évoquer les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sans les rattacher à la politique mise en œuvre par le Gouvernement n’aurait aucun sens. Pour autant, débattre à nouveau sur le fond de cette politique ne ferait qu’alourdir un débat que je voudrais constructif.

Je rappellerai seulement, pour mémoire, que les cinq dernières lois sur le sujet votées depuis 2002 obéissent toutes à la même philosophie : mieux contrôler les entrées et les séjours des étrangers sur notre territoire ; améliorer les conditions d’intégration des étrangers régulièrement admis ; sanctionner avec une plus grande efficacité, en même temps qu’avec sévérité, tous les détournements de la loi.

Les dispositions retenues pour atteindre ces objectifs n’ont pas fait et ne font toujours pas l’objet d’un consensus, les uns considérant que la loi est insuffisamment répressive, les autres, qu’elle l’est trop.

Je n’entrerai pas dans ce débat, mais j’évoquerai les conséquences financières qu’emportent ces dispositions.

Cela a été rappelé, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012 connaissent une forte hausse, de plus de 12 %, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, supérieure à celle que prévoit par la loi triennale de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014.

Cette hausse s’explique par l’augmentation des dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile, notamment l’allocation temporaire d’attente et l’hébergement d’urgence, dépenses qui étaient jusqu’à présent sous-évaluées. Elle vient réduire l’effet de sous-budgétisation chronique de cette action, relevée chaque année depuis 2008 par la commission des finances, alors que l’on pouvait observer, corrélativement, la forte augmentation du nombre des demandeurs d’asile. Ainsi, pour 2012, le projet de budget est établi sur la base de 60 000 demandes, tandis que des projections crédibles situent cet effectif autour de 63 300.

Les conséquences de cet écart d’appréciation sont lourdes, à plusieurs égards, sans même parler de celles, pourtant non négligeables, qui sont relatives à la charge administrative indirectement induite et au coût budgétaire du contentieux.

En 2011, en effet, il aura fallu augmenter les crédits destinés à l’hébergement d’urgence de 127 %, ceux dévolus aux centres d’accueil des demandeurs d’asile de 2,6 % et ceux consacrés à l’allocation temporaire d’attente de 66 %.

Nous constatons, d’ores et déjà, les nécessaires régulations budgétaires apportées au budget 2011, indispensables pour couvrir les dépenses d’hébergement et d’allocation temporaire d’attente. Ces mesures devront être amplifiées pour répondre au devoir qui est le nôtre d’accueillir dignement ces demandeurs d’asile, lesquels doivent bénéficier d’un accompagnement digne de ce nom pour préparer, dans le respect de leurs droits, leur dossier de demande. Or leur accueil dans les CADA devient, compte tenu de leur nombre, de plus en plus problématique, et le taux de places accordées, qui était de 31,4 % au 31 décembre 2010, ne paraît pas devoir s’améliorer en 2012.

Il est de la responsabilité de l’État, monsieur le ministre, d’offrir à tous les demandeurs d’asile des chances égales d’obtenir le statut de réfugié, comme le préconisait en novembre 2010 un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et du contrôle général économique et financier.

Cette égalité des chances passe aussi par les conditions matérielles de leur accueil, qui diffèrent aujourd’hui selon les associations auxquelles sont confiés ces demandeurs d’asile.

Un autre problème récurrent est celui du budget de l’OFPRA, cet organisme chargé de traiter toutes les formes de demande d’asile. Les contraintes de délai auxquelles il est soumis pour examiner les recours formés devant la CNDA ont pour conséquence d’alourdir son budget de façon substantielle. La commission des finances du Sénat a évalué à 15,7 millions d’euros l’économie que représenterait la réduction d’un seul mois du délai de traitement des dossiers. Or ce délai tend à s’allonger ; il a ainsi augmenté de 32 jours entre 2009 et 2011, ce qui induit un maintien prolongé, donc coûteux, en CADA ou en centre d’hébergement d’urgence.

Même s’il est prévu, dans le projet de budget pour 2012 de prolonger de près de six mois l’emploi de trente officiers de protection supplémentaires, on est en droit de se demander si cette ressource supplémentaire permettra de « déstocker » les 14 000 demandes encore en instance.

On ne peut que se féliciter du nombre supplémentaire de places offertes dans les centres de rétention administrative, les CRA : leur nombre est en effet passé de 1 071 en 2005 à 1 826 en 2011. Cependant, on est encore bien loin de l’objectif gouvernemental de 2 700 places qui devait être atteint en 2008 !

Outre le nombre de places manquantes, je voudrais relever le problème de la capacité de ces centres. Les différentes études conduites, à plusieurs reprises, par l’Inspection générale de l’administration, ainsi que les analyses de la commission des finances du Sénat, ont montré que les centres offrant les plus grandes capacités d’accueil sont aussi ceux où se posent les plus importants problèmes de tension sociale. La question de la réduction de la taille maximale des CRA et, par contrecoup, de leur nombre, se pose donc avec une particulière acuité, d’autant qu’elle a un impact sur le respect du droit : accès aux soins, assistance d’un traducteur, chambres d’isolement, etc.

Je ne manquerai pas de souligner, sur ce point, qu’il est urgent de créer, à Mayotte, un centre adapté aux besoins de ce département, qui connaît les chiffres les plus lourds de France en matière d’immigration irrégulière et de reconduite à la frontière.

Je n’ai abordé, monsieur le ministre, que quelques points, auxquels je suis particulièrement attachée. Bien d’autres mériteraient un long développement.

Je veux croire que votre administration saura trouver les voies indispensables pour que la France reste bien ce pays des droits de l’homme qui fait notre force et notre fierté.

Vous avez souligné hier, en réponse à une autre intervention, les efforts accomplis pour améliorer l’accueil des étrangers en préfecture ; je ne les nie pas. Il ne nous reste plus qu’à être exemplaires en matière d’accueil des personnes humainement fragilisées.

Au vu des éléments contenus dans les différents rapports, la majorité du groupe RDSE votera contre les crédits de cette mission. Ses autres membres s’abstiendront ou voteront pour. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers propos pourront paraître surprenants. Il s’agit en fait d’une question, très simple : pourquoi ?

Pourquoi devons-nous débattre de cette mission budgétaire, alors même que le ministère de l’immigration n’existe plus et que les crédits qu’elle recouvre, soit un peu plus de 630 millions d’euros, ne représentent, selon le rapport de la commission des finances, que 15 % environ des crédits consacrés par l’État aux problématiques et politiques liées à l’accueil de la population étrangère dans notre pays ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. C’est une mission de la loi de finances, voilà pourquoi !

Mme Éliane Assassi. À mon sens, la réponse est : pour pouvoir stigmatiser cette population en prétendant qu’elle « coûte ».

Vos récents propos sont révélateurs de cette intention de stigmatisation. Les travailleurs immigrés, accusé de fraudes « spécifiques » aux prestations sociales, détourneraient les cotisations sociales. Vous avez poursuivi crescendo, vous en prenant aux enfants d’immigrés, accusés, pour leur part, d’avoir de mauvaises notes à l’école : selon vos dires, les deux tiers des échecs scolaires sont le fait d’enfants d’immigrés.

Ces propos ne servent qu’à attiser les peurs, à susciter la polémique et à détourner l’attention. Car le véritable échec, monsieur le ministre, n’est pas celui des enfants d’immigrés, c’est celui de votre politique ! Elle est incapable de lutter contre les inégalités sociales et de supprimer l’impact du milieu socio-économique sur la réussite des élèves, qu’ils soient enfants d’immigrés ou non, d’ailleurs.

Vous avez évoqué, dans une dernière déclaration infamante, le risque de voir des étrangers élus maires en Seine-Saint-Denis... Voilà votre ultime argument brandi contre le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers !

Pour vous, le droit de vote des étrangers est un point de crispation ; pour nous, c’est une exigence démocratique. Cette question, qui fait l’objet d’une proposition de loi que nous examinerons très prochainement, trouvera tôt ou tard une issue positive. Plusieurs enquêtes d’opinions confirment en effet qu’une majorité de nos citoyens y est favorable.

Ce débat sera pour nous l’occasion de réaffirmer que les étrangers, à l’instar des ressortissants de la Communauté européenne, doivent obtenir le droit de vote aux élections locales : ils vivent ici, ils travaillent ici, ils paient leurs impôts ici, ils doivent pouvoir voter ici !

En résumé, depuis que vous avez pris vos fonctions, votre rhétorique n’a pas changé d’un iota. Vous faites toujours le même amalgame : « moins de travailleurs étrangers » égale « moins de chômage et moins de fraudes ».

Vous en rajoutez à l’occasion de ce budget. La solution aux problèmes des Français résiderait dans la restriction du regroupement familial et du recrutement des étrangers, notamment des étudiants en fin de cycle, ainsi que dans la réforme du droit d’asile, selon vous « détourné par des migrants économiques ».

Pour restreindre le droit d’asile, vous arguez de nouveau de la « fraude à la procédure ». Voilà votre réponse aux besoins de protection des demandeurs d’asile... S’ensuit une dotation qui reste très insuffisante des crédits prévus par le programme 303 « Immigration et asile ».

La conséquence de cette sous-dotation à répétition va se traduire concrètement par un nombre toujours plus important de femmes, d’hommes et d’enfants plongés dans la précarité, au mépris de leur dignité et en violation des obligations de la France.

Seules 31,4 % des demandes d’hébergement en CADA ont été satisfaites. Pour les autres, les « non-solutions » vont de l’hébergement d’urgence à la rue. Pour ces personnes qui n’ont pas le droit d’occuper un emploi et vivent avec 10,83 euros par jour, le quotidien devient une course à la survie !

Non content de taper sur les demandeurs d’asile en situation de faiblesse, vous vous attaquez spécifiquement aux étudiants étrangers. Votre circulaire du 31 mai 2011 donne ainsi pour instruction aux préfectures de mettre un frein à la pratique des autorisations provisoires de séjour accordées en vertu de la loi du 24 juillet 2006. Cette circulaire inquiète étudiants et universitaires, qui craignent la non-reconduction des conventions passées avec les universités étrangères.

De même, les employeurs, pour lesquels ces directives auront un coût économique, expriment leur inquiétude : les étudiants qu’ils auront formés et auxquels ils auront confié des projets, lors de stages de fin d’étude, seront priés de quitter le territoire du jour au lendemain. Tandis que 2 milliards d’euros de crédits sont consacrés à l’accueil et à la formation des étudiants étrangers dans le projet de loi de finances pour 2012, cette circulaire rend cet investissement d’emblée inefficace et place le Gouvernement en porte-à-faux par rapport marché du travail.

Tous les moyens semblent bons pour mener, coûte que coûte, votre politique hostile à l’immigration. Depuis la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin 2011, la énième sur ce sujet, nous assistons à une effrayante politique du chiffre, qui conduit à décider, sans discernement, de mesures d’enfermement, d’interdiction de séjour, voire d’expulsion, visant des étrangers malades – tout cela pour entretenir le mythe de la migration pour soins –, qui justifie le renvoi sans ménagement de parents d’enfants français, d’hommes et de femmes ayant toutes leurs attaches en France.

Les premiers visés par ces atteintes répétées aux droits de l’homme sont les Roms, qui quittent leurs pays d’origine pour fuir la discrimination raciale et la misère. Le statut discriminant envers ces ressortissants a été officialisé : 80 % des personnes expulsées de France avec une aide au retour sont des Roms !

Coûte que coûte, disais-je ! Car votre politique anti-immigration coûte très cher à nos concitoyens. Elle se chiffre à 232 millions d’euros, ce qui représente environ 12 000 euros pour chaque reconduite à la frontière.

Les grands bénéficiaires des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » devraient être, pourtant, ces immigrés que vous stigmatisez. Ils sont en effet six fois plus nombreux que les Français à vivre dans les zones urbaines sensibles, et 24 % d’entre eux sont touchés par le chômage, contre 8 % de la population française vivant hors de ces quartiers.

Chômage, précarité, démantèlement des écoles : les moyens qui leur sont accordés sont très insuffisants, à l’image des crédits de paiement du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », qui ont diminué de moitié en quatre ans.

Les véritables bénéficiaires de cette politique sont, sans doute, les prestataires qui construisent et gèrent les centres de rétention administrative : ceux-ci comptaient 773 places en 2003 ; ils en compteront 2 063 en 2012.

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, le groupe CRC votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. André Trillard. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la grandeur de la France réside, pour une large part, dans la tradition d’accueil fort ancienne qu’elle a toujours observée à l’endroit des victimes de violence et de persécutions, en raison de leur croyance, de leurs idées politiques ou de leur race. Aussi, quelles que soient les difficultés que nous éprouvions à gérer l’explosion des demandes d’asile auquel notre pays doit faire face aujourd’hui, il est essentiel de résister à la tentation qui consisterait à faire du droit d’asile une variable d’ajustement de notre politique d’immigration.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Très juste !

M. André Trillard. Faut-il pour autant renoncer à canaliser cet afflux massif de demandeurs d’asile, qui font de notre pays, précisément en raison de cette tradition d’accueil, de la générosité de nos prestations et de la longueur des délais de traitement des dossiers, le deuxième pays d’accueil au monde derrière les États-Unis, ainsi que le premier d’Europe, alors que la demande d’asile tend à baisser au plan mondial ?

En d’autres termes, pouvons-nous nous résigner à ce qu’un détournement trop fréquent de notre droit d’asile transforme cette procédure en un nouveau canal d’émigration ? Non évidemment, et ce pour deux raisons.

La première raison est la plus essentielle. L’afflux des demandes et la longueur des délais de traitement qui en résulte pénalisent d’abord les demandeurs de bonne foi, c’est-à-dire tous ceux qui ont de vraies raisons de se prévaloir du droit d’asile et qu’une décision rapide pourrait placer sous la protection de l’État, alors qu’ils devront patienter en moyenne près de deux ans. En effet, un tel appel d’air a pour conséquence de stimuler l’ingéniosité des passeurs, voire des filières de toutes sortes qui exploitent la détresse de pauvres gens. À terme, c’est l’existence même du droit d’asile qui est menacée.

La deuxième raison est de pur bon sens. En raison de la logique même du processus, la poursuite d’un tel afflux sera créatrice de nouveaux délais, donc de coûts de prise en charge supplémentaires, ce que notre situation budgétaire contrainte ne nous permet plus d’accepter.

Je le rappelle, au mois d’octobre 2010, la commission des finances a adopté un rapport d’information sur les conséquences budgétaires des délais de traitement du contentieux de l’asile par la Cour nationale du droit d’asile qui a permis d’évaluer à plus de 15 millions d’euros le coût pour les finances publiques d’un mois de délai supplémentaire de traitement des demandes d’asile.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je salue la construction du budget de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012, en ce qu’elle témoigne de votre volonté de briser ce cercle vicieux, la croissance des moyens affectés visant en priorité à la réduction des délais, qui est clairement identifiée comme l’une des clés du problème. Chacun le sait, il est en effet beaucoup plus compliqué de reconduire dans leur pays d’origine des personnes qui vivent en France depuis un an et demi, voire plus…

La lutte contre les filières d’immigration aux fins de démanteler les réseaux criminels constitue aussi l’une des conditions essentielles qui permettront de sauvegarder l’intégrité du droit d’asile. Ce sont des filières doublement criminelles, d’abord parce qu’elles introduisent clandestinement des personnes sur le territoire, ensuite en raison des traitements souvent indignes qu’elles leur imposent. Je sais que vous en avez fait l’une de vos priorités, sans laquelle aucune amélioration des procédures en vigueur ne saurait se traduire dans les faits. Je relève qu’en un an, les interpellations de passeurs et le démantèlement de filières ont augmenté de 10 % : ainsi, 5 800 passeurs ont été interpellés et 183 filières ont été démantelées.

La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a aussi prévu de dissuader les demandes non fondées au travers d’une procédure particulière appliquée aux demandeurs qui fournissent sciemment des informations fausses et tronquées.

Par ailleurs, le Sénat a introduit l’article 162 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, qui dispose que le bénéfice de l’aide juridictionnelle devant la CNDA doit être demandé au plus tard dans le mois suivant la réception, par le demandeur, de l’accusé de réception de son recours. Sans priver les requérants du droit d’asile à l’aide juridictionnelle ou en limiter l’accès, cette disposition nouvelle devrait éviter que les demandes d’aide juridictionnelle ne soient formulées au dernier moment, lors de l’audience publique.

Est-ce pour autant suffisant ? Je crains que non ! C’est tout le sens de cette analyse qui vous a conduit à annoncer la semaine passée une réforme prochaine du droit d’asile visant à rendre plus sélectives les conditions d’accès à la procédure comme à en réduire le coût budgétaire.

Désormais, un seuil de quatre-vingt-dix jours sera retenu pour faire une demande de statut de réfugié, alors qu’une directive européenne datant de 2005 instaurait la notion plus subjective de « délai raisonnable ». C’est dans cette perspective que s’inscrit également la suspension des prestations sociales accordées aux demandeurs qui fraudent ou qui ne coopèrent pas loyalement avec l’administration. Vous avez également annoncé l’extension de la liste des pays d’origine « sûrs » à certains États dont émanent nombre de demandeurs d’asile alors même que l’évolution politique ne le justifie plus. Un pays est en effet considéré comme « sûr » s’il veille « au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Il n’en reste pas moins, dans l’attente du plein effet de ces mesures, que notre pays risque de rester attrayant, eu égard aux divergences encore persistantes entre les politiques d’accueil et de traitement des demandeurs d’asile et les législations des pays d’Europe.

J’aimerais, monsieur le ministre, que vous m’éclairiez sur l’évolution de la politique européenne en matière d’immigration, amorcée par l’adoption en 2008 du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, et qui me semble être est le corollaire indispensable des efforts que vous déployez.

En janvier 2010, Jacques Barrot, alors commissaire européen à la justice, la liberté et la sécurité se fixait pour objectif de disposer d’une procédure unique d’instruction des demandes d’asile à l’échéance de 2012. Nous en sommes encore bien loin aujourd’hui, alors même que l’arrêt du 21 janvier dernier de la Cour européenne des droits de l’homme a sérieusement remis en cause le règlement de Dublin II, qui responsabilisait nos partenaires européens en faisant de tout pays placé en première ligne le gardien de sa part de frontière européenne. Vous conviendrez avec moi, cette étape, qui a coïncidé avec les déplacements de population que l’on connait résultant du printemps arabe, rend plus que jamais indispensable une coordination entre les pays de l’espace Schengen. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)