M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Le débat doit être replacé dans un contexte plus général : le Gouvernement a exprimé son intention de faire participer les collectivités territoriales à sa politique de réduction des déficits. Vous l’avez rappelé récemment dans La Tribune, monsieur le ministre ; le Premier ministre est même allé plus loin, en envisageant de conditionner l’attribution des futures dotations de péréquation à la mise en œuvre, par les collectivités territoriales, d’une politique de maîtrise de leurs effectifs.

Toutefois, nous sommes en droit de nous interroger : comment les collectivités territoriales pourront-elles assurer leurs missions de service public, dont le périmètre a été élargi par les transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, si l’on diminue encore leurs moyens ?

Je ferai un bref rappel historique.

Le premier contrat de stabilité entre l’État et les collectivités locales date de 1995. On invente alors l’enveloppe normée des concours budgétaires, dont la dotation de compensation de la taxe professionnelle constitue la variable d’ajustement.

En 1999, débute la suppression progressive de la part « salaires » de la taxe professionnelle. Si la compensation est intégrale la première année, elle diminue ensuite puisqu’elle ne prend pas en compte les évolutions de l’assiette théorique.

À partir de 2004, la compensation est intégrée à la dotation globale de fonctionnement, la DGF. Cette intégration creuse encore l’écart entre les recettes qu’auraient dû percevoir les collectivités territoriales et les dotations censées compenser la perte de ces recettes.

Le pouvoir d’achat de la DGF forfaitaire n’a cessé de se dégrader. En outre, les transferts de compétences ont été mal compensés et le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, a bousculé les équilibres financiers des ressources des collectivités locales. Parallèlement, le Gouvernement a allégé sa contribution au titre des exonérations de taxe professionnelle. Par conséquent, les élus ne cessent de faire des efforts !

Tout cela relève bien de la péréquation horizontale. On peut y ajouter les augmentations de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et de la dotation de solidarité rurale, la DSR, qui ont été financées par les dotations dites « variables d’ajustement de l’enveloppe normée » ; là aussi, il s'agit de péréquation horizontale.

La décision de prendre quelques mois pour réfléchir à une nouvelle péréquation horizontale plus sécurisée ne constituait pas une manœuvre dilatoire, mais traduisait la volonté de ne plus déstabiliser les recettes de nos collectivités. Je regrette donc que cet amendement, adopté à l’unanimité par la commission des finances, et dont le contenu m’avait amenée à retirer mon amendement de suppression de l’article 58, ne puisse poursuivre sa vie et être voté par notre assemblée.

Le dispositif prévu risque de créer des difficultés plus importantes que ne le laissent augurer les chiffres actuels. J’ai cité plusieurs exemples lors de la séance de mercredi dernier ; je ne les reprendrai pas. Toutefois, je réaffirme mon inquiétude : la modification de ce dispositif peut engendrer des effets pervers, en diminuant l’intérêt qu’ont nos collectivités locales à accueillir de nouvelles activités économiques.

C'est pourquoi je veux insister sur la nécessité d’améliorer la péréquation verticale. Nous maintenons notre proposition d’utiliser la fiscalité sur les actifs financiers pour alimenter cette péréquation, afin de favoriser, dans nos territoires, une dynamique qui participera au redressement de l’emploi et donc de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Si la commission décidait de retirer son amendement, je le reprendrais, car je souhaite que chacun puisse se prononcer sur le sujet en son âme et conscience.

Depuis notre débat de mercredi soir, j’ai l’impression que la droite et la gauche se regardent en chiens de faïence, chaque camp soupçonnant l’autre de vouloir le mettre en difficulté, de sorte que nous ne parvenons pas à discuter du fond. Si ce qui vous gêne, chers collègues du groupe socialiste, c’est le fait que cet amendement ait été présenté par François Marc au nom de la commission des finances, je le répète, je suis prêt à le reprendre à titre personnel.

Nous sommes vraiment très mal embarqués dans cette affaire. Les propos de Mme Beaufils sont frappés au coin du bon sens : nous devrions prendre le temps d’y voir clair ! En effet, les simulations qui nous ont été transmises le week-end dernier montrent que le système adopté par l’Assemblée nationale est le pire de tous, avec des effets induits absolument insupportables ; je n’y reviendrai pas, puisque nous en avons déjà longuement débattu.

D’autres simulations nous ont été transmises, avec des curseurs différents, mais toujours dans le cadre du mécanisme retenu par le Gouvernement. Le résultat est certes un peu meilleur, mais il subsiste des effets indésirables manifestes.

Dans le cas où nous adopterions ce mécanisme sans l’amender, je crains fort qu’il ne devienne pérenne même si nous prévoyons une clause de revoyure et la remise d’un rapport : l’année prochaine, nous risquons de ne pouvoir le modifier qu’à la marge.

Pourquoi ce mécanisme pose-t-il problème ?

En fait, peuvent être taxables toutes les communes situées à partir de 0,9 fois le potentiel financier moyen agrégé de leur strate.

Prenons l’exemple de ma commune en Seine-Saint-Denis. Son potentiel financier moyen est inférieur de 25 % à la moyenne régionale mais, rapporté à la moyenne de la strate, je suis à 1,1. Je serai donc contributeur au FPIC, le Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales. Si le seuil descend à 0,9, cela signifie 4 millions d'euros de recettes en moins pour moi, et je serais toujours imposable au titre du FPIC.

J’ai un autofinancement net de 2,5 millions d'euros ; même si j’avais un autofinancement net négatif de 1,5 million d'euros – alors que ma commune ne possède ni piscine, ni médiathèque, ni patinoire –, je serais quand même contributeur au FPIC. Il y a donc un problème !

On nous avait dit que le choix d’une assiette large et d’un faible taux de prélèvement serait compensé par des reversements ; c’est d’ailleurs ce que la commission des finances du Sénat avait proposé. Or le Gouvernement a décidé que seules 50 % des communes bénéficieront de ces reversements.

Si nous conservons ce dispositif, la frange des communes moyennes sera taxée, et parfois lourdement, quelle que soit la manière dont les curseurs seront ajustés. C’est donc la construction même de la mécanique, indépendamment des curseurs, qui fait que nous n’en sortirons pas, sauf à remettre complètement en cause l’année prochaine cette mécanique. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, je ne crois pas que cela sera possible.

Monsieur le ministre, si nous adoptons ce dispositif tel quel, il faut renoncer à l’objectif de 1 milliard d'euros d’ici à cinq ans, sinon cela reviendrait à pénaliser des communes qui, à mon sens, ne doivent pas l’être, puis rediscutons-en l’année prochaine.

Regardez ce qui va se passer pour une commune comme Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, qui n’est pas dirigée par une majorité UMP. Si le FPIC s’ajoute au FSRIF, le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, cette ville perdra 2 millions d'euros dès 2012 et 8 millions d'euros au bout de quatre ans. Elle possède certes un potentiel financier agrégé non négligeable, puisqu’il est supérieur à la moyenne, mais elle n’en connaît pas moins de réelles difficultés sociales.

Je souhaite obtenir des garanties. Je veux en effet être certain que nous ne mettons pas le doigt dans un engrenage qui finira par nous avaler le bras.

M. le président. La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.

M. François Marc, rapporteur spécial. L’amendement n° II-53 rectifié bis, dont nous avons longuement discuté en séance avant de le réexaminer en commission, mercredi soir puis ce matin, avait été présenté comme l’amendement du consensus, exprimant l’unanimité de la commission des finances.

Monsieur Dallier, je regrette que vous n’ayez pu être présent à la réunion de ce matin. Vous auriez pu participer à notre débat et nous apporter vos éclairages, comme vous venez de le faire à l’instant.

M. Philippe Dallier. J’assistais à un enterrement !

M. François Marc, rapporteur spécial. En commission, nous avons donc examiné les solutions alternatives. Nous avons ainsi rédigé un nouvel amendement, qui a été adopté à l’unanimité par la commission, visant à instaurer un certain nombre de dispositifs d’évaluation et de contrôle pour l’exercice 2012. Nous les détaillerons lorsque l’amendement viendra en discussion.

Dans l’immédiat, la question est la suivante : qu’advient-il de l’amendement de report précédemment présenté par la commission ?

L’unanimité n’existant plus, l’amendement n’existe plus. En effet, ce dispositif n’avait d’autre objectif que de présenter à l’ensemble de nos collègues l’opinion unanime de la commission. Dans la mesure où il est tout à fait impossible de travailler de manière sérieuse en l’absence de simulations et d’informations précises, il est préférable de prolonger la réflexion jusqu’au 15 février prochain.

Il se trouve que certains de nos collègues – vous les connaissez, monsieur Dallier, puisque la plupart siègent sur vos travées – ont rompu le consensus, estimant que les choses devaient être examinées différemment.

Tout le monde est certes favorable à la péréquation. Toutefois, alors que le Gouvernement affirme qu’il veillera à la mettre en œuvre en 2012, nous estimons, pour notre part, qu’elle ne peut être instaurée dans n’importe quelles conditions. C'est la raison pour laquelle nous examinerons tous les amendements qui prévoient un cadrage du dispositif proposé par le Gouvernement, puis l’amendement validé ce matin par la commission, de manière à obtenir la garantie que ce dispositif peu élaboré et peu abouti n’entraînera pas trop d’effets pervers.

Nous espérons disposer d’une évaluation à la mi-2012. Nous souhaitons que la montée en puissance du FPIC, dont les ressources ne sont fixées qu’à 250 millions d'euros pour 2012 mais atteindrons à terme 1 milliard d'euros, puisse tenir compte de l’ensemble des corrections et modifications – le mot a été employé ce matin – qui nous assureront que, lorsque des montants bien plus élevés seront en jeu, le dispositif sera plus équitable et plus performant.

C’est dans cet esprit que je retire l’amendement n° II-53 rectifié bis.

M. Claude Dilain. C’est la sagesse !

M. Philippe Dallier. J’en reprends le texte, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° II-458, présenté par M. Dallier, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° II-53 rectifié bis.

La parole est à M. Philippe Dallier, pour le défendre.

M. Philippe Dallier. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Malheureusement, je n’ai pu être présent, moi non plus, à la réunion de la commission des finances qui s’est tenue ce matin.

Il me semble regrettable que le consensus que nous avions trouvé sur cet amendement de report ait été rompu.

M. Jean-Pierre Caffet. À qui la faute ?

M. Vincent Delahaye. À mon sens, il serait sage de reporter la création du dispositif, même si un travail important a été réalisé sur les modalités de mise en œuvre de cette péréquation que chacun appelle de ses vœux.

En effet, je ne crois pas que nous soyons à un an près. J’ignore ce qui nous oblige à nous précipiter pour mettre en place un système forcément imparfait. Il demeurera certes imparfait à l’avenir, mais nous pouvons tout de même en réduire les effets néfastes.

Nous avons travaillé dur, au Comité des finances locales, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, mais un peu dans la précipitation. C'est pourquoi, je le répète, je regrette que l’amendement n° II-53 rectifié bis ait été retiré par la commission. Nous pourrons certes modifier le dispositif l’année prochaine, mais le nombre d’amendements déposés prouve que la réflexion n’est pas encore aboutie et que nous manquons de simulations.

J’espère que nous pourrons bientôt prendre une décision en toute sagesse, ce qui est normalement la qualité première de notre assemblée.

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

M. Charles Guené. Le vote de cet amendement, repris par M. Dallier, n’étant pas appelé à avoir la même portée que celle qu’il aurait eue s’il avait été adopté dans un contexte de consensus,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est sûr !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous l’avez refusé !

M. Charles Guené. … je peux maintenant m’y opposer à titre personnel, même si je partage les inquiétudes de M. Dallier, alors que je me serais abstenu précédemment.

Cela étant, dès lors que nous nous sommes accordés ce matin en commission sur un amendement prévoyant une clause de revoyure, dans des termes assez cadrés, j’estime que le dispositif proposé est tout à fait acceptable. Je fais en effet partie de ceux qui, tout en étant inquiets, ont pour préoccupation de voir la péréquation appliquée dès cette année.

Certes, la réforme est imparfaite, mais, comme toute réforme de ce type, elle est perfectible, et cet amendement, qui a été adopté à l’unanimité en commission, permettra de corriger, si besoin en était, les imperfections que révélerait sa mise en œuvre en 2012.

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.

M. Claude Dilain. Pourquoi devrions-nous être pressés ? La réponse est claire : de nombreuses communes souffrent et ont des difficultés extrêmes à établir leur budget. Je signale tout de même que, l’année dernière et celle d’avant, plusieurs communes pauvres de banlieue ont voté des budgets en déséquilibre !

Il y a donc urgence, d’autant que ces communes, qui n’ont aucune recette dynamique, voient en revanche leurs charges progresser, en grande partie du fait de la crise sociale, par laquelle elles sont en plus les premières à être frappées.

J’ajoute que, si nous attendons pour voter la péréquation horizontale d’avoir trouvé le système parfait, nous ne la voterons jamais, car il n’y a pas de système parfait.

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Très bien !

M. Claude Dilain. La péréquation constitue en effet toujours un sujet difficile. En revanche, comme on l’a constaté avec la dotation de solidarité urbaine ou le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, c’est un mécanisme dynamique : sans cesse, il faut remettre l’ouvrage sur le métier. Or, plus tôt nous commencerons à mettre en œuvre la péréquation horizontale, plus tôt nous pourrons jauger ses effets, ce que nous permettra de faire la clause de revoyure.

Il me semble donc que le dispositif est assez sage dans la mesure où, d’une part, les communes pourront bénéficier de la péréquation horizontale dès 2012 et, d’autre part, grâce à la clause de revoyure, nous n’irons pas à l’aveugle vers l’avenir.

À titre personnel, je voterai donc contre l’amendement de M. Dallier.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, une situation nouvelle s’est créée. Au nom du groupe CRC, je demande donc une suspension de séance de dix minutes.

M. le président. Je vous accorde cinq minutes !

Mme Marie-France Beaufils. Vous aviez donné une demi-heure au groupe de l’UMP mercredi soir !

M. le président. Je ne présidais pas ce soir-là.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Le Gouvernement ne veut pas, pour les raisons que vient encore de rappeler M Dilain, reporter d’une année supplémentaire la mise en œuvre de la péréquation horizontale.

Nous avons procédé à toutes les simulations possibles et imaginables et, s’il apparaît que des ajustements sont encore nécessaires, nous sommes prêts à les faire.

À cet égard, je remercie la commission des finances du travail qu’elle a réalisée pour trouver une solution qui permette d’avancer tout en s’entourant de garanties, notamment grâce à la clause de revoyure. D’ailleurs, messieurs les rapporteurs spéciaux, si l’amendement n° II-455 est présenté tout à l’heure, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat comme marque de notre volonté de travailler ensemble. Mais le signal ne doit surtout pas être que la péréquation est un problème à ce point important que nous reculons son règlement d’année en année !

Je sais que le Sénat étudie depuis des années la question de la péréquation. Essayons donc de trouver ensemble les ajustements qui permettront d’harmoniser au mieux le dispositif. Je l’avais déjà dit mercredi et je viens de le redire, je suis prêt à apporter à celui-ci les ajustements nécessaires, y compris pendant la période intermédiaire de la navette entre le Sénat et l’Assemblée nationale.

Les principes que nous appliquons ont été clairement posés l’an dernier ; nous essayons de les mettre en œuvre.

Certes, je comprends que ceux dont les collectivités seront amenées demain à contribuer à la péréquation horizontale puissent être réticents, et ce faisant je ne dis pas que tous ceux qui y sont opposés le sont pour cette raison, mais c’est effectivement une raison qui peut conduire à être plus engagé dans le débat.

L’objet de cette intervention n’est donc pas d’attaquer l’un ou l’autre, mais de rappeler un simple constat : il est nécessaire que nous progressions. Dès lors, je regretterais que le dispositif sorte inchangé des travaux du Sénat, car nous serions alors en retrait non seulement par rapport aux attentes, mais aussi par rapport aux engagements que nous avons pris, avec l’Association des maires de France, notamment.

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Premier élément, en examinant un peu tous les secteurs et le mien en particulier, je reconnais que les simulations peuvent effectivement laisser perplexe : il y a des bizarreries, mais je crois qu’elles sont principalement liées aux strates. J’ai ainsi constaté qu’une petite communauté de communes à proximité de mon territoire et beaucoup plus pauvre que celui-ci allait devenir contributrice. Je sais que des amendements que nous examinerons plus tard viseront à corriger ce type de problème.

Deuxième élément, ce matin, alors que nous inaugurions une mairie en Ille-et-Vilaine, j’ai expliqué à nos collègues élus que nous avions deux solutions cet après-midi. Première solution : les simulations n’étant manifestement pas parfaites, renvoyer l’examen du dispositif à l’année prochaine et reporter sa mise en place. Deuxième solution : voter le principe en l’assortissant d’une clause de revoyure très stricte, ce qui éviterait d’hypothéquer la montée progressive du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. La réponse très sincère de tous a été la suivante : je vous en prie, voter le principe dès maintenant !

Troisième et dernier élément, l’importance de ce débat dépasse très largement nos travées. Pour ma part, je serais vraiment très malheureux si le Sénat portait la responsabilité d’un report et que ce soit finalement l’Assemblée nationale qui donne sa traduction concrète à l’idée que la péréquation entre les collectivités de notre territoire est une nécessité. Ce serait un message aux effets négatifs pour l’ensemble de notre institution.

Voilà pourquoi je me rallie très volontiers à l’amendement qui tend à prévoir une clause de revoyure. La commission des finances, à laquelle, comme plusieurs d’entre vous, je n’ai pas pu participer ce matin, a opté pour une position forte : poser le principe mais aussi garantir le réexamen de la question.

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.

M. Yvon Collin. Nous sommes tous pour la péréquation, mais nous savons combien c'est un exercice difficile, pour ne pas dire périlleux. Lorsque la commission des finances, pour tenter d’apporter une solution, a proposé cet amendement de sagesse, je m’y suis rallié spontanément, considérant qu’il s’agissait d’une solution d'attente satisfaisante.

Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts, si je puis dire. Dès lors que cet amendement n’a plus fait l’unanimité, il a fallu trouver une porte de sortie. L'amendement des rapporteurs spéciaux qui a été adopté ce matin en commission me paraît pertinent.

C'est la raison pour laquelle le groupe du RDSE ne votera pas l'amendement n° II-458 et se ralliera à l'amendement n° II-455.

M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour explication de vote.

Mme Caroline Cayeux. Je vous exposerai à mon tour les difficultés que je rencontre depuis une semaine dans mon territoire au sujet de la péréquation.

Péréquation signifie solidarité entre les communes, cela relève de l’évidence. Dominique de Legge l’a souligné à juste titre : il n'est pas question que ce soit le Sénat qui bloque ce dispositif. Pour autant, péréquation ne doit pas signifier pénalités pour certains territoires. Je pense notamment à ceux présidés par des villes moyennes. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, que je présenterai tout à l’heure au nom de la Fédération des maires des villes moyennes, que je copréside avec Christian Pierret.

Nous avons adressé au ministre un certain nombre de réflexions concernant le calcul de la péréquation. Les simulations qui ont été effectuées font apparaître que, dans les agglomérations présidées par des villes-centres moyennes, ce sont ces dernières qui vivraient le plus mal cette péréquation. Ainsi, la ville de Beauvais, qui touche une DSU mais dont personne ne peut pour autant affirmer qu’elle est riche, serait fortement pénalisée par le dispositif proposé. C’est pourquoi il faudrait non seulement prévoir des clauses de revoyure, mais aussi procéder à d’autres analyses pour trouver d’autres modes de calcul qui ne frapperaient pas autant les villes moyennes.

Je me range à la volonté du groupe de l’UMP, et je voterai contre l'amendement n° II-458. Cela étant, je resterai extrêmement vigilante sur les calculs que tendront à proposer les autres amendements en discussion, afin que nous parvenions à une péréquation qui ne soit pas pénalisante et qui permette une meilleure solidarité entre nos territoires.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les jeux tactiques ont assez duré : votons !

M. Philippe Dallier. Voilà bien qui est extraordinaire !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. J’aimerais que la commission des finances nous dise quels amendements n'auraient plus d'objet en cas d’adoption de l'amendement n° II-458.

M. le président. La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.

M. François Marc, rapporteur spécial. C'est une bonne question. En fait, quelle que soit l’issue du vote, tous les amendements qui ont été déposés sur cet article pourront être examinés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-458.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-54, présenté par MM. Marc et Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 10 à 17

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéa 30

Compléter cet alinéa par les mots :

, majorée par un coefficient croissant en fonction de la population de cet ensemble, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

III. – Après l’alinéa 30

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« IV. – Pour la mise en œuvre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le potentiel financier par habitant d’une commune n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre est égal au potentiel financier de la commune divisé par le nombre d’habitants constituant la population de cette commune, telle que définie à l’article L. 2334-2, majorée par un coefficient croissant en fonction de la population de cette commune, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

IV. – Alinéa 31

Rédiger ainsi cet alinéa :

« ... – Le potentiel financier agrégé moyen par habitant est égal à la somme des potentiels financiers agrégés des ensembles intercommunaux et des potentiels financiers des communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre rapportée à la somme des populations des ensembles intercommunaux et des communes n’appartenant à aucun groupement à fiscalité propre, majorées par les coefficients définis aux III et au IV.

V. – Alinéa 36

Supprimer les mots :

d’un groupe démographique tel que défini au IV de l’article L. 2336-1

et les mots :

du groupe démographique

VI. – Alinéas 39 à 41

Supprimer les mots :

de leur groupe démographique

VII. – Alinéas 51 et 53

Supprimer les mots :

de son groupe démographique

La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.

M. François Marc, rapporteur spécial. Nous abordons un sujet très sensible.

Le dispositif de péréquation qui sera décidé et qui se traduira par des prélèvements pour les uns et des redistributions pour les autres peut se heurter, dans sa mise en œuvre, à des obstacles qu'il convient soit de contourner, soit de lever. Je pense en particulier aux effets de seuil. En cas de stratification, ceux-ci pourraient avoir des conséquences non négligeables pour les collectivités situées à la frontière de deux strates.

La moyenne du potentiel financier de chacune des strates est différente. Par conséquent, lorsque l’on compare une collectivité à la moyenne, selon la strate dans laquelle elle se situe, cette différence peut lui être favorable ou défavorable.

Je prendrai un exemple pour illustrer les effets du dispositif proposé par le Gouvernement, en comparant la situation de deux communautés d’agglomération situées, non pas dans ma région, mais tout près d’ici.

Pour la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise,...

M. Alain Richard. J'allais en parler ! (Sourires.)

M. François Marc, rapporteur spécial. ... qui compte 192 650 habitants et dont le potentiel financier par habitant est de 1 278 euros, le montant du prélèvement serait deux fois supérieur à celui qui serait exigé de la communauté d'agglomération de Val-de-Bièvre, qui compte 201 000 habitants et se trouve donc au-dessus du seuil de 200 000 habitants. En d'autres termes, le prélèvement s'élèverait à 1,2 million d'euros pour la première, contre 0,6 million d'euros pour la seconde, alors qu’elles ont toutes deux à peu près la même population et que le potentiel financier par habitant de la communauté d'agglomération de Val-de-Bièvre, de l’ordre de 1 345 euros, est supérieur.

Par conséquent, pour ces deux collectivités situées de part et d’autre d’une frontière de strate, le prélèvement de l'une serait deux fois supérieur à celui de l'autre, et c’est la plus riche qui aurait un prélèvement moindre !

Cet exemple me semble illustrer parfaitement les effets de seuil. L’écart est considérable : on passe du simple au double. Imaginez ce qu'il en sera lorsque ce sera 1 milliard d’euros et non plus 250 millions d’euros : l'écart sera multiplié par quatre !

Nous savons que la suppression des strates assure une bien meilleure lisibilité prospective pour les collectivités. Celles-ci n'ont plus alors à spéculer sur les conséquences des modifications de périmètre sur la moyenne des strates, sur les conséquences des variations de population, sur les conséquences des variations des distributions des produits fiscaux par habitant.

Un débat nourri a été engagé cet été sur cette question entre petites et grandes collectivités. Si nous ne mettons pas en place un dispositif progressif qui corrige les effets de seuil, nous ne parviendrons pas à une situation de compromis.

Il faut donc trouver une méthode qui permette un compromis entre stratification ou déstratification. Elle existe : c'est la démarche logarithmique, progressive, qui est déjà appliquée par l'État pour une composante de base de la DGF.

Si cette méthode était retenue pour la péréquation, d’après les simulations que j'ai pu effectuer de manière artisanale en laboratoire – je ne dispose évidemment pas d'ordinateurs hyper-puissants comme ceux du ministère de l'intérieur –,...