M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous se sont émus de l’opportunité et du calendrier de cette proposition de loi constitutionnelle.

Force est de constater que le parti socialiste, avec une régularité d’horloger, depuis 1981, opportunément et systématiquement, remet cette question à l’ordre du jour, à la veille de chaque grande échéance électorale. (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !

M. Claude Guéant, ministre. Ce fut le cas en 1981,…

M. Jean Desessard. C’est bon signe !

M. Claude Guéant, ministre. … ce fut le cas avec ce texte même que vous avez choisi d’inscrire à votre ordre du jour, et qui fut adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 3 mai 2000.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pour ce qui est des dates, c’est exact !

M. François Patriat. J’y étais !

M. Claude Guéant, ministre. Monsieur Rebsamen, je me permets de souligner que c’est non pas le Gouvernement, mais votre majorité qui remet ce point à l’ordre du jour.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Claude Guéant, ministre. Ne nous dites pas que vous n’avez pas pu le faire avant. Il est vrai que François Mitterrand, Président de la République, après l’avoir inscrit dans les 110 propositions lorsqu’il était candidat, a estimé que les Français n’étaient pas prêts pour le droit de vote des étrangers et qu’il ne fallait donc pas le soumettre au vote.

Mme Catherine Tasca. C’était il y a trente ans !

M. François Patriat. Il a aboli la peine de mort !

Mme Christiane Demontès. Que disait M. Sarkozy en 2005 ?

M. Claude Guéant, ministre. Ce choix est, du reste, révélateur, il faut que les Français le sachent, de votre sens des priorités. Ils sont prévenus : alors même que l’Europe traverse une crise sans précédent, que tant d’autres sujets tenant aux conditions de vie quotidienne de nos compatriotes, à leur emploi, à notre économie,…

M. Roland Courteau. Bla-bla-bla !

M. Claude Guéant, ministre. … à l’accès au logement, à la question des choix énergétiques, à leur sécurité quotidienne sont en jeu, c’est au droit de vote des étrangers que va votre priorité ! (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous oubliez qu’on vient de voter le budget !

M. Claude Guéant, ministre. Je n’oublie pas qu’au soir des élections sénatoriales les principaux responsables du parti socialiste ont immédiatement déclaré à la télévision qu’on allait enfin pouvoir passer à cette priorité, qui s’imposait par rapport à toutes les autres.

Cette question touche à l’essence même de la République française, elle touche à l’essence de ce qui fait la nation.

Un sénateur de l’UMP. Exactement !

M. Claude Guéant, ministre. À ce titre, elle ne doit pas être prise à la légère, traitée comme une question électoraliste.

Monsieur Béchu, vous avez raison de souligner qu’on peut être en même temps républicain et hostile au droit de vote des étrangers aux élections locales. J’ajoute que l’on peut ne pas partager les idées du parti socialiste, tout en étant profondément républicain ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Pierre Godefroy. L’inverse est vrai aussi !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je ne conteste pas ce point, monsieur le ministre !

M. Claude Guéant, ministre. C’est souvent contesté, monsieur Sueur ! Voilà pourquoi je me permets de l’affirmer ! Il ne s’agit pas de vous, car, je le sais, vous êtes un vrai républicain.

Le Gouvernement, M. le Premier ministre l’a réaffirmé avec force tout à l’heure, est résolument hostile à cette proposition de loi constitutionnelle,…

Mme Éliane Assassi. On avait compris !

M. Claude Guéant, ministre. … d’abord pour des raisons tenant à la conception de notre droit.

Comme l’ont rappelé les sénateurs de la majorité gouvernementale, dans notre pays, depuis des siècles, la nationalité va de pair avec la citoyenneté : on vote parce que l’on est citoyen et on est citoyen parce que l’on est Français !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sauf pour les Européens !

M. Claude Guéant, ministre. Les socialistes – c’est la vision que leurs représentants nous ont exposée – veulent, au contraire, dissocier l’appartenance à la nation française de l’exercice de la souveraineté, en créant une citoyenneté de résidence.

Mme Marie-France Beaufils. C’est vous qui bradez la souveraineté !

M. Claude Guéant, ministre. C’est faire fi de l’essence même de nos institutions et de notre tradition républicaine, Roger Karoutchi l’a dénoncé de façon brillante tout à l’heure.

Mme Samia Ghali. Il ne faut pas exagérer, tout de même !

M. Claude Guéant, ministre. Je le répète, on vote parce que l’on est citoyen et on est citoyen parce que l’on est Français !

Mme Éliane Assassi. Et les Européens ? Votre démonstration ne tient pas !

M. Claude Guéant, ministre. On est citoyen non pas parce que l’on habite la France, mais parce que l’on partage le destin de la France. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat lève les bras au ciel.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les étrangers contribuent au destin de la France !

M. Claude Guéant, ministre. Vous me permettrez, monsieur Madec, de dire que réduire le partage du destin de la France au fait de payer des impôts me semble étonnamment réducteur. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les citoyens du lac Léman, qui ne paient pas d’impôts, eux, votent bien en France ! (Exclamations sur les mêmes travées.) C’est la vérité !

M. Claude Guéant, ministre. J’y viens, madame Borvo Cohen-Seat !

Vous affirmez que le traité de Maastricht aurait ouvert « une brèche » dans ce lien historique entre nationalité et citoyenneté. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)

Au contraire, dans sa décision du 9 avril 1992, le Conseil constitutionnel le confirme, en soumettant l’adoption du traité à la modification de la Constitution en considérant que « seuls les nationaux français ont le droit de vote et d’éligibilité pour la désignation de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale de la République ».

D’aucuns arguent du fait qu’accorder ce droit serait une question de justice et mettrait fin à « l’apartheid politique », pour reprendre les mots de M. Placé,…

Mme Bariza Khiari. Il a raison !

M. Claude Guéant, ministre. … dans lequel se trouveraient les non-ressortissants de l’Union Européenne, par rapport aux ressortissants de l’Union.

Non, les étrangers se trouvant dans notre pays ne sont pas des citoyens de seconde zone, comme j’ai pu l’entendre à plusieurs reprises, car, tout simplement, ils ne sont pas des citoyens.

Mme Samia Ghali. Ils ne sont pas des citoyens ? Mais c’est grave ! Ce sont des extraterrestres ?

Mme Éliane Assassi. Ils paient des impôts !

M. Claude Guéant, ministre. Ils habitent dans notre pays, c’est vrai, mais ils n’en sont pas citoyens. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)

M. Roland Courteau. Vous les traitez de sous-citoyens !

M. Claude Guéant, ministre. J’ajoute qu’ils ne sont pas non plus des sous-citoyens, comme cela a également été dit.

Le principe d’égalité, auquel vous vous référez, n’a jamais empêché de traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.

Cette différence, c’est celle de la citoyenneté européenne, reconnue, au travers du traité de Maastricht, faut-il le rappeler, par le peuple français, qui s’est prononcé par la voie du référendum. À cet égard, je voudrais saluer la démonstration de M. Zocchetto sur ce point.

Il s’agit non pas d’un concept subjectif, mais bien d’un concept juridique. C’est l’aboutissement de la communauté de destin qui lie les Européens depuis 1957.

La citoyenneté européenne est conditionnée à la possession de la nationalité de l’un des États membres ; elle englobe donc la citoyenneté française. C’est pour cette unique raison que les citoyens européens ont un traitement différent des étrangers non européens. Il s’agit d’un choix politique construit et profond.

De surcroît, votre proposition introduit une étrange distorsion, certains l’ont souligné, entre européens et non européens. En effet, les premiers ne peuvent exercer leur droit de vote que sous condition de réciprocité, mais vous dispensez les seconds d’une telle condition. Vous introduisez donc une nouvelle discrimination et, à vrai dire, vous donnez aux étrangers extracommunautaires des droits supérieurs à ceux des étrangers citoyens de l’Union européenne. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

Mme Esther Benbassa, rapporteure. Oh !

M. François Patriat. C’est la meilleure ! Vous poussez le cynisme à son comble !

M. Roland Courteau. Vous avez vu ça où, monsieur le ministre ?

M. Claude Guéant, ministre. Pour ce faire, vous invoquez notamment, mesdames, messieurs les sénateurs de la gauche, le renforcement de la cohésion sociale et de l’intégration qu’entraînerait l’octroi du droit de vote et d’éligibilité.

Notre vision de l’immigration et de l’intégration n’est pas celle-là.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On s’en est aperçu !

M. Claude Guéant, ministre. Notre politique, c’est de faire en sorte que les étrangers qui vivent dans notre pays et sont admis à y résider s’intègrent,

Mme Samia Ghali. Ils sont intégrés !

M. Claude Guéant, ministre. … qu’ils s’y sentent bien et que, dans le même temps, les Français soient à l’aise dans leurs relations avec eux.

Pour cela, comme certains l’ont rappelé, notamment Mme Assassi, mais je ne tire pas les mêmes conclusions qu’elle des informations qu’elle a données à la Haute Assemblée, les étrangers non communautaires ont d’ailleurs la plénitude des droits sociaux, au même titre que les Français, afin d’assurer leur participation à la vie économique et sociale de notre pays. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Ils bénéficient des mêmes prestations de sécurité sociale, ils participent aux élections professionnelles, ils peuvent être délégués syndicaux,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce fut un long combat syndical !

M. Claude Guéant, ministre. … membres de comités d’entreprise ou bien électeurs aux prud’hommes.

Au terme du processus d’intégration, que la jouissance de ces droits favorise, un étranger peut, s’il le souhaite, obtenir le droit de vote et d’éligibilité, en devenant Français.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On en reparlera !

M. Claude Guéant, ministre. Cela suppose, bien sûr, qu’il adhère aux valeurs qui sont les nôtres. Cela suppose aussi, et je revendique cette exigence supplémentaire, qu’il parle le français. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Après tout, quoi de plus normal qu’un Français parle le français ?

Mme Samia Ghali. Les étrangers le parlent, ne vous inquiétez pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et mieux que les Anglais en général !

Mme Éliane Assassi. Surtout quand ils sont en France depuis quarante ans !

M. Luc Carvounas. Que disait M. Sarkozy en 2005 ?

M. Claude Guéant, ministre. Il est paradoxal de vouloir donner une tranche de citoyenneté, je dis bien « une tranche de citoyenneté », à quelqu'un qui n’émet pas le souhait de devenir Français et de se lier à notre communauté de destin, alors qu’il en a la possibilité.

Cela n’empêche pas, monsieur Mézard, je vous rejoins tout à fait, que nous avons tous le devoir de respecter toutes les personnes de nationalité étrangère admises et accueillies chez nous et de faire en sorte qu’elles vivent à l’aise dans notre pays.

Mme Samia Ghali. C’est très gentil de votre part, monsieur le ministre…

M. Claude Guéant, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens à un autre point qui a été évoqué : oui, il existe bien, aux yeux du Gouvernement, des risques communautaristes intrinsèques à une telle proposition.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Non !

M. Claude Guéant, ministre. La commune gère des questions essentielles, dont on ne peut minorer l’importance. Vous proposez de soumettre la gestion des services publics à des personnes, qui, parce qu’elles n’appartiennent pas à la nationalité française, n’en partagent pas forcément les valeurs.

M. David Assouline. Tous ceux qui sont présents sur notre territoire doivent respecter nos valeurs !

M. Claude Guéant, ministre. La citoyenneté, comme la souveraineté, ne se divise pas. M. Retailleau a tout à l’heure insisté sur ce sujet.

Comment peut-on banaliser ainsi, au sein de ce que Clemenceau appelait le « Grand conseil des communes de France », les décisions de la vie locale ? Comme si participer à la vie locale dans les élections municipales était de peu d’importance.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que nous disons !

M. Claude Guéant, ministre. Les communes de France sont aussi porteuses des grands principes de la République et elles les mettent en œuvre dans les décisions qu’elles prennent.

M. Jean-Pierre Godefroy. Justement, a fortiori !

M. Claude Guéant, ministre. Imaginons ce qui pourrait se passer sur plusieurs sujets, que certains d’entre vous, notamment M. Béchu, ont déjà mentionnés.

Prenons un débat sur les cantines scolaires : ne risquerait-il pas d’aboutir à des règles relatives au fonctionnement des cantines et à l’alimentation des enfants qui soient contraires au principe de laïcité ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. David Assouline. C’est n’importe quoi !

M. Jean-Pierre Godefroy. Les maires gèrent ces problèmes au quotidien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi-même j’ai longtemps mangé du poisson le vendredi !

M. Claude Guéant, ministre. Évoquons les délibérations susceptibles d’être prises en matière de fréquentation des piscines : ne court-on pas le danger d’avoir un règlement contraire à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ?

M. Philippe Esnol. Vous ne connaissez pas les réalités locales, monsieur le ministre !

Mme Éliane Assassi. Il n’est même pas élu !

M. Claude Guéant, ministre. Je le dis solennellement, offrir la possibilité d’une représentation communautaire au sein des conseils municipaux ouvre la voie au communautarisme. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Éliane Assassi. Ça, c’est raciste !

Mme Samia Ghali. Rejoignez donc Marine Le Pen ! (Oh ! sur les travées de lUMP.)

M. Luc Carvounas. La chasse aux voix de l’extrême droite est ouverte !

M. Claude Guéant, ministre. Par ailleurs, je voudrais réfuter un certain nombre d’affirmations qui ont été lancées tout à l’heure par différents intervenants, en particulier par MM. Rebsamen et Leconte.

Jamais je n’ai dit que la proposition de loi constitutionnelle débattue aujourd'hui pouvait se traduire par l’élection de maires étrangers. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Si, vous l’avez dit !

M. Claude Guéant, ministre. Non, madame !

Mme Éliane Assassi. À la radio !

Mme Esther Benbassa, rapporteure. Partout !

M. Claude Guéant, ministre. Je sais lire, en l’occurrence sept lignes, et je répète ce que je viens de dire ! J’ai simplement fait allusion à un accord passé entre le parti socialiste et les Verts, lequel prévoit expressément le droit de vote et d’éligibilité des étrangers.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Aux élections municipales !

M. Claude Guéant, ministre. Référez-vous donc à ceux qui ont déjà travaillé sur la question, vous vous apercevrez que M. Mamère, dans le rapport qu’il a déposé lors de la discussion de la proposition de loi constitutionnelle en 2000, a bien évoqué d’autres étapes à venir.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas dans le texte d’aujourd'hui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Mamère n’est pas sénateur !

M. Claude Guéant, ministre. Pour prendre une référence plus actuelle, je citerai M. Placé, qui, tout à l’heure, n’a pas démenti le fait que d’autres étapes étaient envisagées.

M. André Reichardt. Exactement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les parlementaires qui votent, ce n’est pas vous, monsieur le ministre !

M. Claude Guéant, ministre. Alors, bien sûr, il y a une petite difficulté dans cette affaire, c’est que je n’avais consulté que le site des Verts pour prendre connaissance de l’accord. Or quand vous consultez aussi celui du parti socialiste (Mme Christiane Demontès s’exclame.), vous découvrez que le texte n’est pas le même : il paraît que c’est tout de même un accord… (Sourires et applaudissements sur plusieurs travées de lUMP. – M. Gérard Larcher lève les bras au ciel. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. David Assouline. Ce n’est pas à la hauteur !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S’il fallait se fier à ce que disent les membres de l’UMP, on en ferait des montagnes !

M. Claude Guéant, ministre. Le risque de communautarisme que je souligne est d’autant plus fondé que, ne l’oublions pas, dans le projet du parti socialiste, il est prévu de régulariser les étrangers qui se trouvent en France en situation irrégulière.

M. David Assouline. Mais vous aussi, vous les régularisez !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous n’êtes pas dans un meeting électoral, monsieur le ministre, vous êtes au Sénat !

M. Claude Guéant, ministre. Cela est écrit et a même fait l’objet d’un vote à l’unanimité lors d’une convention du parti socialiste.

Je le précise, parce que je suis honnête, cette proposition est assortie d’une condition : une telle régularisation se fera sur des critères clairs et transparents.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas le sujet !

M. Claude Guéant, ministre. La traduction a été donnée par la première secrétaire du parti socialiste, interrogée sur le sujet. Elle a répondu qu’elle ferait comme M. Zapatero en Espagne, lequel a régularisé tout le monde : 800 000 régularisations. Voilà l’exacte vérité !

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Berson. Nouveau mensonge !

M. Robert Hue. Ce n’est pas une estrade électorale, monsieur le ministre !

M. Claude Guéant, ministre. On ne peut même pas exclure qu’il n’y ait aucun lien entre les travaux d’une association qui revendique sa proximité avec le parti socialiste, sa qualité de pourvoyeuse d’idées…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ça recommence avec Terra Nova…

M. Claude Guéant, ministre. Je suis d’accord qu’elle ne représente pas le parti socialiste,…

M. Claude Bérit-Débat. Vous l’avez pourtant sous-entendu !

M. Claude Guéant, ministre. … mais il n’en est pas moins vrai qu’elle s’érige en inspiratrice d’un certain nombre de ses décisions.

Cela a été dit tout à l’heure, l’association en question a relevé que la classe ouvrière avait déserté peu à peu les rangs du parti socialiste. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Elle en a tiré cette conclusion dans un rapport : le parti doit se saisir d’une nouvelle catégorie de la population, à savoir les étrangers, qui sont censés voter davantage à gauche ; en conséquence, il faut leur faciliter l’accès au vote en commençant, pourquoi pas, par les élections municipales. (Brouhaha continu sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. David Assouline. Approximation !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Guéant est en meeting !

Mme Christiane Demontès. Il est avec l’extrême droite !

M. Robert Hue. Vous n’avez jamais été élu, cela se voit !

M. Pierre Charon. Présidez, monsieur le président, présidez !

M. Claude Guéant, ministre. Le risque de communautarisme, mesdames, messieurs les sénateurs, est réel, et c’est pourquoi le Gouvernement, qui veille au respect de nos principes républicains, s’oppose fermement à cette proposition. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

Le communautarisme ne fait pas partie de la République !

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas la question !

M. Claude Guéant, ministre. J’ai même entendu ce mot à gauche !

Vous invoquez aussi l’argument selon lequel la France serait archaïque,…

Mme Esther Benbassa, rapporteure. Elle l’est un peu.

M. Claude Guéant, ministre. … voire moins démocratique, car elle n’appliquerait pas ce que nombre de ses voisins font déjà. Cet argument me semble audacieux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De l’audace, toujours de l’audace…

M. Claude Guéant, ministre. Beaucoup d’entre vous en ont déjà souligné la limite. Il n’existe pas de modèle unique européen auquel nous devrions nous soumettre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sauf en matière financière !

M. David Assouline. Sauf la règle d’or !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes mal placés à l’UMP pour affirmer cela !

M. Claude Guéant, ministre. Les choix des pays sont la résultante d’histoires et de traditions politiques extrêmement différentes.

Tout à l’heure, il a bien été montré, sur les travées de la droite, à quel point les études de droit comparé auxquelles vous vous étiez livrés étaient sommaires.

M. Claude Guéant, ministre. Je dirai, très franchement, que la France n’est pas moins démocratique que l’Irlande parce qu’elle n’accorde pas le droit de vote aux étrangers. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

Il est absurde de classer les démocraties et juger de leur qualité selon un seul critère de ce genre. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

M. Gérard Larcher. Bien sûr !

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement, je le rappelle, a une volonté politique en matière d’immigration, celle de réussir l’intégration.

M. Luc Carvounas. Kärcher !

Mme Samia Ghali. Ce n’est pas réussi !

Mme Christiane Demontès. Jusqu’à présent, c’est même raté !

M. Claude Guéant, ministre. C’est l’absence de politique d’intégration et l’absence de toute politique de contrôle de l’immigration qui ont abouti à la constitution de véritables ghettos, lesquels ne font pas honneur à notre République.

Mme Christiane Hummel. C’est vrai !

M. Claude Guéant, ministre. Le communautarisme, c’est l’exact opposé des valeurs françaises. La France refuse la juxtaposition de communautés séparées et l’État a le devoir de veiller au respect d’une République une et indivisible.

Le Gouvernement refuse que l’on prenne le risque de voir créées des tensions supplémentaires dans notre pays, de voir remis en cause les principes les plus fondamentaux, les plus structurants de notre vie républicaine. Il rejette l’idée d’instaurer une citoyenneté partielle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour être citoyen à part entière, il faut être Français : c’est tout simple ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

(M. Jean-Pierre Raffarin remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)