M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai : il s'agit plutôt de marchandages !

M. Philippe Bas. … il me semble déplorable de vouloir confondre le citoyen européen avec tout citoyen étranger, aussi respectable soit-il.

Je le répète, nous, citoyens d’Europe, élisons tous des députés au Parlement européen. Il faudrait donc, dans la logique de la proposition de loi constitutionnelle, que, au-delà de la suppression du droit de véto de la France au Conseil de sécurité, soit aussi prévue l’élection de députés aux Nations unies pour conforter la citoyenneté du monde, qui seule pourrait justifier le droit de vote des étrangers aux élections locales. (Sourires sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Robert Hue. C’est incroyable !

M. Philippe Bas. Mes chers collègues, il importe au contraire de ne pas banaliser le droit de vote des Européens aux élections locales, démarche toute particulière dont la justification tient au renforcement de l’Union européenne et n’a pas de pendant pour le droit de vote des étrangers. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l’article.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’article 1er du texte dont nous débattons, il nous est proposé d’élargir le corps électoral aux ressortissants non communautaires en balayant notre tradition juridique et politique vieille de deux siècles. Cette proposition appelle de ma part de vives réserves.

Tout d’abord, qu’il me soit permis de contester que le vote des étrangers est une question d’actualité brûlante : il me semble que la situation du moment nous confronte à des problèmes autrement plus urgents que celui-ci.

Je m’interroge donc sur l’opportunité de débattre de ce thème à la veille d’une période électorale, phase dont nous savons tous que la caractéristique première n’est pas la sérénité. De mauvais esprits pourraient même imaginer que ce choix est guidé par des arrière-pensées politiques…

La proposition de loi constitutionnelle dont nous débattons est issue d’un texte vieux d’une dizaine d’années, qui nous est présenté de façon récurrente avant chaque échéance électorale. En 2001, c’était peu avant les élections municipales ; aujourd'hui, c’est avant l’élection présidentielle. La coïncidence n’est évidemment pas fortuite. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme Christiane Demontès et M. David Assouline. Et quand c’est Nicolas Sarkozy qui en parle ?

Mme Marie-Thérèse Bruguière. En tout état de cause, cette question, certes non urgente mais néanmoins importante, ne saurait être évacuée en une seule demi-journée, sur la base d’un texte adopté voilà plus de dix ans.

En tant qu’élue locale depuis 1983, il ne m’apparaît pas que la possibilité de voter aux élections locales constitue une revendication forte des populations concernées. Celles-ci, surtout en période de crise, sont nettement plus enclines à se préoccuper d’emploi, de pouvoir d’achat ou d’éducation de leurs enfants.

C’est pourquoi le postulat selon lequel le droit de vote et d’éligibilité serait une aide à l’intégration est erroné. Au contraire, c’est l’intégration qui doit ouvrir les portes de la nationalité française, et c’est cette dernière qui permet d’exercer le droit de vote et d’être éligible.

Non, les étrangers présents chez nous ne sont pas des citoyens de seconde zone du seul fait qu’ils ne participent pas aux élections locales. Ils disposent du droit de vote pour toutes les élections professionnelles et pour toutes les consultations régies par le droit social.

Quant au parallèle entre la situation du contribuable et celle de l’électeur, il me paraît pour le moins surréaliste. Nous ne sommes plus sous un régime censitaire, que je sache ! (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

Et ne devrions-nous pas supprimer le droit de vote aux Français non imposables si nous suivions cette logique ? (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

Par ailleurs, pourquoi limiter à certaines élections le droit que vous nous demandez d’accorder ? L’article 1er prévoit ainsi d’accorder le droit de vote aux étrangers pour les seules élections municipales, à l’exclusion de toutes les autres consultations. Or le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 18 novembre 1982, que le droit de vote était de même nature, qu’il s’exerce aux élections législatives ou municipales.

Autre question : y a-t-il un pays prêt à donner le droit de vote aux Français ?

Mme Marie-Thérèse Bruguière. La réponse, à ma connaissance, est négative.

Enfin, Pierre Mazeaud avait fait remarquer dès 1982 que, dans un conseil municipal composé d’une majorité d’étrangers, les nationaux constitueraient l’exécutif alors qu’ils seraient minoritaires, avec les conséquences que l’on peut imaginer pour le bon fonctionnement du conseil et la gestion de la collectivité. Beau déni de démocratie en perspective !

Pour toutes ces raisons, il convient de maintenir le lien entre nationalité et droit de vote. Cela se justifie d’autant plus que les conditions de l’obtention de la nationalité française, qui est fondée sur une démarche volontaire, sont larges, de sorte qu’un étranger qui souhaite participer à la vie politique de notre pays peut le faire en accédant à la nationalité française.

Le droit de vote est et doit rester l’apanage de la citoyenneté ; il participe des droits et devoirs constitutifs de cette citoyenneté. Pour ma part, vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne saurais donc apporter ma voix à l’approbation de ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l’article.

Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, pour ma part, je considère que cette proposition de loi constitutionnelle est incomplète, dans la mesure où elle ne concerne pas les citoyens européens, alors que ceux-ci ne peuvent pas voter aux élections cantonales, qui sont pourtant bien des élections locales.

Les élus européens ne peuvent même pas être maires-adjoints, ce qui me choque. Ils tiennent des bureaux de vote aux cantonales, aux régionales ou encore aux législatives, participant ainsi à ces élections, surveillant leur régularité, mais sans avoir le droit de voter. N’est-ce pas une situation absurde ?

J’ai déjà, à plusieurs reprises, évoqué ce sujet et espéré que les choses évoluent avec la création du conseiller territorial, qui, malgré vous, chers collègues de la majorité sénatoriale, existe toujours pour l’instant.

En juin 2010, j’ai posé une question orale au Gouvernement, qui m’a répondu qu’il fallait d’abord réviser la Constitution. Plus récemment – le 1er octobre dernier, date symbolique pour vous, chers collègues de la majorité sénatoriale –, lors d’un débat sur Public Sénat, j’ai insisté sur la priorité qu’il conviendrait d’accorder au vote des ressortissants communautaires. L’un de nos collègues communistes, que je ne nommerai pas mais qui se reconnaîtra, est convenu alors que leur situation au regard du droit de vote était « une anomalie », qui serait sans doute corrigée dans la présente proposition de loi constitutionnelle, mais je ne vois rien de tel. Pourquoi n’est-ce pas fait ?

Mme Éliane Assassi. Pourquoi ne déposez-vous pas un amendement ?

Mme Catherine Procaccia. Pourquoi les ressortissants communautaires n’ont-ils pas dès le début été autorisés à voter aux élections cantonales et régionales ? Même si vous avez voulu transformer toutes ces élections intermédiaires en enjeux nationaux, il s’agit bien pour moi d’élections de niveau local.

Je lis dans votre texte que les étrangers non ressortissants de l’Union européenne ne pourront pas exercer les fonctions de maire ou d’adjoint. Toutefois, je ne lis nulle part qu’ils ne pourront pas voter aux élections cantonales, régionales ou territoriales. Est-ce que je comprends mal ou cela signifie-t-il que vous faites de la discrimination au détriment des citoyens communautaires ?

Mme Éliane Assassi. Déposez donc un amendement !

Mme Catherine Procaccia. Madame la rapporteure, je sais que vous vouliez que le Sénat vote un texte conforme à celui qu’avait adopté l’Assemblée nationale, mais ce ne sera pas le cas.

Je n’ai jamais été une fanatique de l’Europe et, comme d’autres ici, je n’ai pas voté pour le traité de Maastricht. Toutefois, nous sommes maintenant liés par cet engagement. Aussi ne prenons pas de mesures discriminatoires, voire vexatoires à l’encontre des Européens.

Ce week-end, dans ma commune, qui est située dans le Val-de-Marne – un département dont vous êtes l’élue mais que vous ne connaissez pas, madame la rapporteure (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) –, j’ai entendu certains résidents européens s’étonner de ce que les étrangers non communautaires puissent avoir plus de droits qu’eux, qui sont pourtant intégrés.

Pour terminer, je tiens à dire, puisqu’on l’a évoqué, que l’argument des impôts ne tient pas.

Mme Esther Benbassa, rapporteure. Ce n’est pas moi qui l’ai avancé, mais Nicolas Sarkozy !

Mme Catherine Procaccia. Tout le monde paie des impôts,…

Mme Christiane Demontès. Sauf ceux qui vivent en Suisse !

Mme Catherine Procaccia. … notamment au conseil général et au conseil régional par le biais de la taxe d’habitation. Si l’on estime que payer un impôt local doit donner le droit de vote, pourquoi les ressortissants communautaires ne peuvent-ils pas voter aux élections cantonales et régionales ?

Cette proposition de loi constitutionnelle est donc bien incomplète et discriminatoire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Éliane Assassi. Mais que voulez-vous donc ?

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

M. André Reichardt. À mon tour, je veux rappeler qu’il existe dans notre pays un lien consubstantiel (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) entre la nationalité française et le plus sacré des droits politiques,…

Mme Catherine Tasca. Voilà un vocabulaire bien religieux !

M. André Reichardt. … le droit de vote, ainsi que son corollaire naturel, le droit d’éligibilité.

Cette tradition ne fut aménagée qu’à une seule reprise, en 1992, afin de satisfaire aux engagements internationaux de la France et de permettre aux ressortissants communautaires résidant dans notre pays de participer aux élections municipales et européennes. Cet aménagement s’explique, compte tenu des liens qui nous unissent à nos partenaires européens et de la réciprocité qui régit nos relations.

Une telle imbrication des destins ne se retrouve pas à l’échelon mondial. Il est ainsi peu envisageable que l’ensemble des pays accordent le droit de vote à nos ressortissants dès lors que nous l’aurons offert à tous les ressortissants étrangers sur notre territoire. La réciprocité, pierre angulaire du droit international, ne serait donc pas respectée.

Au-delà, à l’exception de la Constitution du 24 juin 1793, qui n’a, on l’a dit plusieurs fois aujourd'hui, jamais été appliquée, aucun texte fondamental n’a, à ce jour, accordé le droit de vote et d’éligibilité à des ressortissants étrangers.

L’acquisition de ce droit est donc bien liée à celle de la nationalité française. À cet égard, je suis en complet désaccord avec les promoteurs de la proposition de loi constitutionnelle, qui stigmatisent la prétendue « étroitesse d’esprit » de ceux qui présentent la naturalisation comme le meilleur moyen d’accès au droit de vote.

Ce n’est pas être étroit d’esprit, mes chers collègues, que de préférer voir son prochain d’abord intégrer pleinement le corps national, puis prendre part pleinement aux procédures démocratiques !

Récuser la naturalisation comme marche d’entrée dans la citoyenneté, c’est également faire peu de cas de ceux de nos compatriotes, et ils sont plus de 30 000 chaque année, qui se lancent dans cette démarche positive et entrent de plain-pied dans notre roman national.

C’est en effet une chose de conférer un droit nouveau aux étrangers résidant en France ; c’en est une autre d’engager volontairement la démarche de devenir français.

Cette démarche est davantage porteuse de sens. Elle témoigne de l’adhésion à une nouvelle communauté de destin. La France, fidèle à sa tradition d’ouverture, peut s’enorgueillir de ces nouveaux citoyens. Face à de tels exemples, elle ne peut qu’être plus exigeante à l’égard de ceux qu’elle accueille sur son territoire et leur demander, s’ils veulent prendre une part active à la vie politique et électorale, d’entreprendre les démarches nécessaires à leur naturalisation.

C’est là également une part essentielle de notre politique d’intégration, qui concilie fermeté et générosité, monsieur le ministre.

Cette politique ne peut en effet se résumer à faire des gestes en direction des étrangers résidant sur notre sol. Elle doit être accompagnée, qu’on le veuille ou non, d’une volonté d’intégration. En matière politique, bien plus qu’ailleurs, cette volonté doit être fermement exprimée.

Je voudrais également contester la notion de citoyenneté de résidence développée par la majorité sénatoriale.

Le fait de résider dans une commune ne peut fonder en lui-même un droit politique, pas plus d’ailleurs que ne peut le faire le paiement de l’impôt ou l’engagement dans la vie associative, qui par ailleurs est éminemment respectable.

Le droit de vote n’est pas une contrepartie. C’est quelque chose de profond ! L’acquisition de la nationalité, qui témoigne d’un attachement particulier à la France et de la volonté d’entrer dans son histoire, non pour quelque temps, mais pour le reste d’une vie, justifie seul l’octroi du droit de vote.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je voterai, comme mes amis politiques, contre cet article et contre le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, sur l'article.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel débat singulier ! Et était-il vraiment nécessaire aujourd'hui ?

Nous débattons de problèmes de fond, le rapport entre citoyenneté et nationalité n’étant pas un sujet dérisoire, mais, dans le même temps, nous craignons que le retour de ce débat en cette période ne s’explique par des raisons peu honorables de tactique électorale. Ce n’est pas supportable.

Je ne pense pas non plus que le débat qui a eu lieu aujourd'hui dans la rue entre des manifestants attirés par le sujet qui occupe notre assemblée et défendant des thèses contradictoires ait fait avancer la cause de l’expression des étrangers sur notre sol, ni qu’il ait été souhaitable pour l’image même de la France.

J’ai entendu des propos dont j’ai senti la sincérité, sur quelque travée qu’ils aient été prononcés. D’autres m’ont paru davantage marqués par un effort tactique.

J'ai également entendu quelques remises en cause qui sont, pour nous, inacceptables, car elles touchent à des notions fondamentales. Ainsi, lorsque l’un de mes collègues a rappelé ce matin qu'il n'y avait qu'un peuple français, cela a déclenché des protestations sur vos travées, chers collègues de la majorité sénatoriale. Pourtant, c'est un point capital : le peuple français est un.

Nous sommes là au cœur du débat : pour nous, membres de l’opposition sénatoriale, la France n'est pas seulement un territoire sur lequel on s'installe quand on le souhaite, où l’on prend des responsabilités et où l'on s'exprime aux côtés des nationaux français, alors même que l'on n'a pas fait le choix de devenir un citoyen français et d'appartenir à la nation française.

Vous le savez, je suis depuis longtemps président d'un groupe d'amitié et je m’intéresse également beaucoup à la francophonie. À ce titre, je rencontre bien des étrangers qui ont de nombreux points communs avec nous, par exemple notre culture et notre langue. Si certains d'entre eux ont envie de devenir français, je suis fier que mon pays puisse les accueillir, quelle que soit leur origine, leur race ou leur couleur. Pour autant, ils ne peuvent pas avoir les mêmes droits que les citoyens français ; ils ne le demandent d'ailleurs pas.

Lorsqu’a commencé l'examen de ce texte et que quelques manifestations incongrues (Mme la rapporteure s’exclame.)...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Elles ne sont pas de même nature !

M. Jacques Legendre. … ont éclaté aux alentours du palais du Luxembourg, je me trouvais en compagnie de quelques amis africains.

Ils ne comprenaient pas ce qui, aujourd'hui, nous poussait à débattre. En effet, ils ont consacré une partie de leur vie à combattre pour quitter ce qui était à l’époque l'Union française, exister par eux-mêmes et devenir des citoyens dans leur État. Ils l’ont fait en conservant des liens d’amitié avec la France, certes, mais aussi en préservant leur souveraineté et en revendiquant leur propre nationalité. Et ils n’ont jamais manifesté le désir particulier d’accorder aux Français résidant sur leur territoire le droit de vote !

Mes chers collègues, il nous faut rester raisonnables. Nous avons de grands efforts à accomplir pour accueillir dans les meilleures conditions les étrangers en situation régulière sur notre territoire. Néanmoins, si la France est un territoire, elle est aussi un peuple, fort d’un projet commun pour ce pays que nous aimons.

Il convient plus que jamais de continuer de distinguer citoyenneté et nationalité, car cela correspond à notre sensibilité profonde. C'est pourquoi je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Troendle et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Le message de la majorité présidentielle est clair, il a été rappelé par mes collègues au cours de la discussion générale : nous sommes fermement opposés au droit de vote des étrangers aux élections municipales. Les raisons en ont été largement développées depuis le début de l'examen de ce texte et sont sans ambiguïté. Je ne les répéterai donc pas.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous demandons la suppression de votre initiative, qui casserait le lien entre nationalité et citoyenneté, fondement de notre République depuis la Révolution française. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Esther Benbassa, rapporteure. La majorité des membres de la commission soutient l'ouverture du droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne pour les élections municipales. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement soutient avec conviction l'amendement de suppression qui vient d'être présenté par Mme Troendle, et cela pour plusieurs raisons.

Premièrement, cette proposition de loi constitutionnelle est une manœuvre politicienne. (Marques d’agacement sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Claude Guéant, ministre. D’aucuns l’ont souligné : il est impossible de discuter de ce texte sans avoir à l'esprit le projet du parti socialiste, qui vise à régulariser les personnes étrangères en situation irrégulière sur notre sol. Il faut donc bien mesurer les effets quantitatifs qu’entraînerait l’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle.

Mme Christiane Demontès. Pourquoi Nicolas Sarkozy l’a-t-il proposé en 2005, alors ?

M. Claude Guéant, ministre. Que vous le vouliez ou non, cette initiative n'a qu'un effet – j'espère que ce n'est pas qu'un objet –, faire monter le Front national. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme Christiane Demontès. Ce sont les membres de la droite qui ont fait des alliances avec le FN !

M. Claude Guéant, ministre. J'ai cité tout à l'heure les propos pleins de sagesse d'un important responsable socialiste, M. Malek Boutih. Ils ne vous ont manifestement pas convaincus. Je convoquerai par conséquent une personnalité qui jouit d’une plus grande autorité morale au sein du parti socialiste, Lionel Jospin, ancien Premier ministre de la République.

Face à cette possible instrumentalisation, Lionel Jospin déclarait en 1999 : « On a trop reproché à François Mitterrand de jouer avec cela. Moi je ne le ferai pas, je ne prendrai pas ce risque. » C’était une parole de sagesse ! Plus récemment encore, en 2010, dans un entretien au Parisien, s’il se disait « personnellement favorable » à l’octroi du droit de vote aux élections locales pour les « étrangers en France depuis longtemps », M. Jospin ajoutait que ce projet devait être conduit de « façon unanime » : « Il faudrait le faire à ce moment-là de façon unanime, pour que, selon les moments où c’est proposé, on ne taxe pas d'arrière-pensées électorales tel ou tel. »

Or nous pouvons légitimement considérer que de telles arrière-pensées électorales sous-tendent cette proposition de loi constitutionnelle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

J'espère que les arguments de Lionel Jospin sauront toucher les cœurs socialistes de cette assemblée.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est lui-même qui a accepté que le texte soit déposé à l'Assemblée nationale !

M. Claude Guéant, ministre. Deuxièmement, dans notre pays, personne ne peut être un demi-citoyen. Pierre Charon, Joëlle Garriaud-Maylam, Abdourahamane Soilihi ont insisté sur ce point : il ne peut y avoir que des citoyens à part entière et, pour cela, il faut être Français. Depuis des siècles, le citoyen, c'est un national, comme l’ont rappelé Jean-Claude Carle, Marie-Thérèse Bruguière et Jacques Legendre.

Troisièmement, permettre une représentation communautaire revient à favoriser les préférences communautaires, donc le communautarisme, Sophie Joissains l’a souligné à juste titre. Un conseiller municipal, c'est le représentant de toute une population, ce n'est pas le représentant d'une catégorie de la population.

M. Claude Bérit-Débat. Il n'y a pas de catégories de population !

M. François Rebsamen. C'est une conception bizarre !

M. Claude Guéant, ministre. Quatrièmement, et enfin, ce qui est en jeu dans ce débat, David Assouline l’a rappelé, c'est de savoir quelle société nous voulons pour demain.

À droite, nous souhaitons une société qui intègre ceux qui viennent d'ailleurs et qui sont admis dans notre pays. Nous voulons qu'ils adoptent nos règles de vie, qu'ils se sentent à l'aise avec nous. Nous devons aussi faire davantage pour les y aider.

M. Claude Bérit-Débat. Vous ne faites rien pour cela !

M. Claude Guéant, ministre. Pour réussir cette politique,…

Mme Christiane Demontès. C'est réussi !

M. Claude Guéant, ministre. ... il nous faut maîtriser les flux migratoires. Nous refusons le communautarisme, qui est la juxtaposition des communautés. La loi française prévoit des naturalisations qui permettent, au terme d'un parcours d'intégration, de rejoindre la nationalité française, ainsi que l’a rappelé André Reichardt.

La gauche, elle, souhaite que notre pays accueille davantage d'immigrés. C'est un objectif clairement annoncé. Toutes les discussions qui ont lieu dans cet hémicycle ou à l'Assemblée nationale, par exemple à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, en attestent. La gauche ne cesse d'insister sur la valeur de la différence et sur le droit à la différence.

M. David Assouline. C'est l'inverse !

M. Claude Guéant, ministre. Pourtant, vous ne cessez de le répéter !

M. Claude Guéant, ministre. De notre point de vue, mettre l’accent sur les différences, c'est porter atteinte à l'unité nationale, à l'unité républicaine. C’est peut-être le choix de la gauche, mais ce n'est pas le nôtre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 65 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 166
Contre 173

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Catherine Troendle. C'est dommage !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 10 est présenté par Mme Benbassa, au nom de la commission.

L'amendement n° 7 est présenté par MM. Rebsamen, Leconte et Sueur, Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché et du Groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

peut être

par le mot :

est

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l'amendement n° 10.

Mme Esther Benbassa, rapporteure. Cet amendement vise à renforcer la portée de la proposition de loi constitutionnelle qui, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale au mois de mai 2000, se borne à lever les obstacles constitutionnels à l'ouverture du droit de vote aux étrangers non européens, sans pour autant consacrer pleinement ce droit.

En effet, comme l’ont souligné les professeurs de droit entendus par la commission lors de ses auditions, l’emploi du verbe « pouvoir » n'oblige pas le législateur à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne aux élections municipales, mais lui en donne seulement la faculté. Il semble donc nécessaire d'aller plus loin et d'adopter une formulation plus conforme aux intentions de la commission des lois. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour présenter l'amendement n° 7.

M. François Rebsamen. Il est retiré, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 10 ?

M. Claude Guéant, ministre. Il a été brillamment montré tout à l’heure par d’éminents professeurs de droit siégeant dans cette assemblée qu’il fallait, au minimum, se réserver un peu de souplesse au stade de l’élaboration de la loi organique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas au point d’entrer en contradiction avec la loi constitutionnelle !

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 10.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)