Mme Annie David, rapporteure. Pour combien de communes de droite ?

Mme Nadine Morano, ministre. Je vous rappelle quand même que 250 000 salariés sont concernés sur le plan national ; 32 PUCE ont été créés, dont 29 en région parisienne, auxquels s’ajoute Plan de Campagne à Marseille.

Mme Annie David, rapporteure. Parlons-en de Plan de Campagne !

Mme Nadine Morano, ministre. Vous le savez très bien : vous confondez repos dominical et repos hebdomadaire. Telle est la réalité !

Mme Isabelle Pasquet. Pas du tout !

Mme Nadine Morano, ministre. Vous vivez au XIXe siècle sans voir que la société évolue !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les chômeurs aussi vivent au XIXe siècle ! Ils représentent 8 % de la population !

Mme Nadine Morano, ministre. Le travail du dimanche fait l’objet de dérogations, lesquelles ont été élargies.

En conséquence, le Gouvernement est évidemment favorable à la suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Hummel, pour explication de vote.

Mme Christiane Hummel. Monsieur le président, madame le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, l’amendement qui vient de nous être présenté par notre excellente collègue Marie-Thérèse Bruguière tend à supprimer l’article 1er du texte élaboré par la commission des affaires sociales, présidée par Mme David.

Mme David veut modifier l’article L. 3132-3 du code du travail, en inscrivant que le jour de repos le dimanche est un droit « dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et de la société ».

Madame la présidente, je ne veux pas être désagréable avec vous…

M. Ronan Kerdraon. Vous n’oseriez pas ! (Sourires.)

Mme Annie David, rapporteure. Pourtant, de fait, vous l’êtes ! Je suis ici non pas présidente mais rapporteure de la commission !

Mme Christiane Hummel. … et, si je l’ai été, je vous prie de bien vouloir m’en excuser.

La réécriture du code que vous proposez ne fait pas preuve d’une grande nouveauté, puisque – vous le savez, on l’a répété –, le repos dominical a été généralisé par la loi de 1906, soit dès le début du XXe siècle, tandis que la loi du 10 août 2009 dont notre excellente collègue Isabelle Debré a été le rapporteur pour le Sénat a contribué à sécuriser ce repos, au travers de dérogations, pour le plus grand intérêt des salariés. Contrairement à ce que vous avez affirmé, cette loi d’équilibre que nous avons votée ne visait absolument pas à remettre en cause le principe du repos dominical, principe auquel nous sommes tous résolument attachés.

Mme Christiane Hummel. On peut se demander ce qui vous pousse ! Il est vrai que, depuis quelque temps, détricoter tout ce que nous avons patiemment construit pour les travailleurs est à la mode sur vos travées ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Mme Isabelle Pasquet rit.) Il n’y a qu’une seule raison à cela : nous sommes à l’origine de ces avancées !

Madame le rapporteur, ce n’est pas en empilant les déclarations de principe que l’on donne du sens à un principe. Je le répète : alors que nos collègues de la gauche parlent sans arrêt de généralisation du travail le dimanche, la loi de 2009 apporte des dérogations précises et bien encadrées.

Mais vous voulez tout déconstruire, y compris ce qui garantit la sécurité des salariés !

M. Ronan Kerdraon. Le chômage, c’est l’insécurité des salariés !

Mme Christiane Hummel. L’article 1er de la présente proposition de loi est une source d’insécurité juridique majeure : au-delà des motivations de la loi de 2009, son adoption remettrait en cause les dérogations au repos dominical nécessaires à la continuité de la vie sociale et économique de notre pays, ainsi que les accords collectifs accordant des contreparties aux salariés.

Pour nous tous, le dimanche doit rester une journée consacrée essentiellement à la vie familiale et amicale, aux activités sportives, associatives et culturelles.

Ceux d’entre nous qui sont maires savent bien que, en cette période de Noël, c’est pour assurer les animations de nos villes, dans le plus grand intérêt des familles, qu’ils font éventuellement travailler les fonctionnaires le samedi ou le dimanche.

Nous n’avons jamais remis en cause le principe du repos dominical, au contraire ; nous avons permis que le salarié travaillant le dimanche ait droit, en contrepartie, à un repos compensateur et à une majoration de salaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas ce qui se passe dans la réalité !

Mme Christiane Hummel. Cet article tend également à empêcher toute dérogation au principe du repos dominical, « à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie ». Poser cette interdiction ne correspond pas aux réalités économiques et sociales d’aujourd’hui. Nous réaffirmons que des dérogations à ce principe doivent être possibles dans les communes et zones touristiques et thermales, ainsi que dans certaines grandes agglomérations. Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe du repos du dimanche ou d’étendre le travail dominical à l’ensemble du territoire national, contrairement à ce que vous avez laissé entendre, ni d’augmenter le nombre des dimanches pendant lesquels les salariés peuvent travailler.

Pourquoi toujours vouloir faire peur aux gens ? Vous recourez perpétuellement à la théorie du complot !

M. Ronan Kerdraon. C’est vous qui faites peur !

Mme Christiane Hummel. L’enjeu économique est lié aux attentes des consommateurs : les achats se font en famille et demandent du temps, en particulier pour les biens d’équipement, dont les magasins, généralement situés en périphérie, sont difficilement accessibles en semaine.

M. Ronan Kerdraon. Ouvrons la nuit, alors !

Mme Christiane Hummel. Nous pensons que le texte de la commission ainsi rédigé n’apportera rien de plus aux salariés, et que cet ajout est redondant. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP demande, par cet amendement, la suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. Même si nous approchons de la période du mercato, il me semble que Mme Annie David est toujours membre du parti communiste et que M. Desessard appartient encore au groupe Europe Écologie Les Verts, lequel fait partie de la majorité de gauche du Sénat… Ce rappel est destiné à rafraîchir la mémoire de Mme la ministre.

Mme Christiane Hummel. Il est parfois difficile de s’y retrouver !

M. Ronan Kerdraon. On nous a fait un long cours d’histoire, en remontant très loin dans le temps ; peut-être en arriverons-nous à l’époque de Mathusalem d’ici à la fin du débat…

Je voudrais citer trois observations tirées du bilan de la loi Mallié établi par le comité parlementaire chargé de veiller au respect du principe du repos dominical.

Tout d’abord, « l’analyse des conventions souligne le peu de garanties apportées à la notion de volontariat, par ailleurs incompatible avec le lien indéfectible de subordination entre le salarié et son employeur. Le rapport n’évoque aucun des contentieux engagés après la mise en œuvre de la loi qui, à l’évidence, n’a pas résolu ce problème. »

Ensuite, « le sentiment de “ légalisation ” du travail dominical provoqué par l’adoption de la loi Mallié a fait exploser les infractions à l’ouverture des commerces alimentaires le dimanche au-delà de treize heures, souvent jusqu’à vingt-deux heures et particulièrement à Paris ».

M. Ronan Kerdraon. « L’insuffisance de l’action répressive en ce domaine des services de l’État méritait d’être mieux dénoncée. » (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Enfin, « les aberrations, les distorsions de concurrence, les inégalités salariales entre les PUCE et les zones d’intérêt touristique ont été accentuées et aucune proposition n’a été formulée sur ce point ».

La loi Mallié a donc des faiblesses, reconnaissez-le. Mais, surtout, ne dites pas que le dimanche est le jour où l’on va créer du lien social dans les commerces, voire faire des rencontres : restons sérieux !

Nous sommes opposés à la suppression de l’article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. À titre personnel, j’aurais préféré que l’on ne légifère pas sur le travail le dimanche ; je l’ai déjà dit et je le répète.

Si nous avons été contraints de le faire, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes : pendant des années, l’État, les parlementaires, les syndicats ont laissé faire sur le terrain. Des habitudes de consommation ont alors été prises sur certains points du territoire.

À l’époque, les salariés ne disposaient d’aucune garantie ! Lorsque j’ai déposé un amendement visant à autoriser l’ouverture des commerces de meubles le dimanche sur l’ensemble du territoire français, c’était parce qu’il s’agit d’achats que je qualifierais de « réfléchis », effectués le dimanche en famille.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vrai que c’est important…

Mme Isabelle Debré. En effet, il est difficile d’aller acheter une chambre à coucher pour un enfant en semaine après l’école, à cinq heures du soir.

Mme Isabelle Debré. Je souhaitais également étendre, pour la même raison, cette dérogation aux commerces spécialisés dans l’équipement de la maison et le bricolage, mais j’y ai finalement renoncé parce que les salariés concernés ne bénéficiaient pas, comme ceux des commerces de meubles, d’une convention collective très protectrice à l’échelon national.

Ne me faites pas dire que la loi Mallié est parfaite, je sais très bien que tel n’est pas le cas. J’ai pour habitude d’être honnête : cette loi est améliorable, et j’espère que nous parviendrons à l’améliorer dans l’avenir.

Aux termes de la rédaction du deuxième alinéa de l’article 1er établie par la commission, « aucune dérogation à ce principe n’est possible, à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie ». Quels critères allez-vous retenir pour accorder des dérogations ? Aujourd’hui, il en existe cent quatre-vingts : seront-elles maintenues ou interdira-t-on aux salariés concernés de travailler le dimanche ? C’est un véritable problème ! Est-il normal que des salariés en soient réduits à manifester devant l’Assemblée nationale ou à Plan de Campagne pour pouvoir travailler le dimanche ? Notre société vit actuellement dans un climat de défiance ; il faut aller vers la confiance.

Avec la loi Mallié, nous avons imposé le salaire double dans les PUCE pour le travail dominical. Pour les zones d’intérêt touristique, nous avons rendu la négociation obligatoire : certes, une négociation n’aboutit pas nécessairement, mais il s’agit déjà d’une avancée majeure.

Par ailleurs, je voudrais moi aussi citer un extrait du rapport du comité parlementaire chargé de veiller au respect du principe du repos dominical, dont Mme le rapporteur et moi-même faisons partie : « Ce texte a permis de mettre en place une sécurité juridique en faveur des employés travaillant le dimanche. »

Certains commerces d’alimentation connaissent effectivement des contentieux, monsieur Kerdraon, mais ils sont très peu nombreux. Je peux vous assurer que si la loi Mallié mérite d’être encore améliorée, elle représente néanmoins une grande avancée pour les salariés.

Permettez-moi de vous contredire sur un point : il est faux de prétendre que les achats du dimanche peuvent être reportés sur la semaine. Mais surtout, au-delà de l’aspect strictement économique, il ne fait aucun doute que si nous revenions en arrière, de nombreux emplois seraient perdus ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Ronan Kerdraon. Ouvrons la nuit, dans ce cas !

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Nos collègues du groupe UMP estiment que cet article se limiterait à une « pure déclaration de principe qui n’apporte aucune garantie supplémentaire à un principe fondamental auquel nous sommes tous attachés ».

Or M. Mallié a été le premier à souligner, lors de l’élaboration de la loi qui porte son nom, que le repos dominical était dans l’intérêt du salarié. Auparavant, l’article L. 3132-3 du code du travail indiquait seulement que « le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». À l’époque, nous ne vous avons pas entendus vous opposer à la précision apportée par M. Mallié.

Sur le fond, nous sommes convaincus que si le repos dominical est certes dans l’intérêt des salariés, il est également dans celui des familles et de la société. On ne peut pas dénoncer le délitement du cercle familial, sanctionner des parents au prétexte qu’ils ne joueraient pas leur rôle et, dans le même temps, prendre des mesures les contraignant à travailler le dimanche, comme c’est le cas dans les zones touristiques depuis l’adoption de la loi Mallié.

M. Ronan Kerdraon. Très bien !

M. Dominique Watrin. Les offensives contre le repos dominical ne sont pas, j’en conviens, l’apanage du Gouvernement et des parlementaires qui le soutiennent. Il s’agit d’un mouvement concerté au plan européen, qui, sous le nom de libéralisme, amène toujours plus de dérégulation et un affaiblissement des mesures de protection des salariés, considérées comme des freins au bon fonctionnement de l’économie, ainsi qu’en témoigne l’objet de votre amendement, selon lequel l’adoption de cet article serait « aussi de nature à entraver la vitalité économique de notre pays ».

Autrement dit, il faudrait, pour permettre le développement d’une économie qui profite de moins en moins aux salariés, que les droits de ceux-ci soient toujours plus réduits ! Voilà bien la source de nos désaccords : n’invoquez pas, s’il vous plaît, la laïcité, laissez-la à ceux qui la défendent réellement !

Mme Christiane Hummel. C’est-à-dire à nous !

M. Dominique Watrin. Heureusement, face à cette offensive patronale – disons le mot ! –, la résistance s’organise. À l’occasion de son dernier congrès, la Conférence européenne des syndicats a adopté un amendement, déposé sur l’initiative de la CFTC, tendant à préciser que le repos dominical est donné dans l’intérêt du salarié et de la société.

Dans le même temps s’est constituée l’Alliance européenne pour le dimanche, qui déclare expressément que « tous les citoyens de l’Union européenne ont le droit de bénéficier d’horaires de travail décents qui, par principe, excluent le travail en soirée, de nuit, les jours fériés et le dimanche. Nous pensons qu’actuellement, la législation et les pratiques en vigueur aux niveaux européen et national doivent mieux protéger la santé, la sécurité, la dignité de tous et devraient s’attacher davantage à promouvoir une conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. »

Voilà ce que réclament les syndicats, voilà, madame la ministre, ce qui est moderne, voilà ce que nous soutenons !

Modestement, l’article 1er vient appuyer cette mobilisation d’avenir et tend à renforcer les droits des salariés, comme nous y invitent les syndicats, sur le plan européen comme sur le plan national. Nous voterons donc contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Madame la ministre, vous avez qualifié notre discours d’« idéologique », puis de « politicien ». Il faut choisir ! Un discours idéologique repose sur des convictions profondes ; un discours politicien vise par exemple à l’exploitation politique d’un petit fait divers… (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Votre acharnement à critiquer nos propositions vous pousse à employer des termes incompatibles !

Quant à moi, je penche pour l’idéologie, qui amène la gauche, les écologistes notamment, à défendre les droits des salariés. L’article 1er, en réaffirmant le principe du repos dominical, y contribue, en donnant aux salariés le droit de refuser de travailler le dimanche, le droit d’obtenir des contreparties financières, le droit à davantage de garanties sociales.

M. Jean Desessard. Madame Debré, vous avez lancé un appel à la confiance : croyez-vous que, lorsqu’on laisse le capitalisme gérer les rapports sociaux, les salariés en tirent avantage ? Cela est faux, car nous voyons bien que l’exploitation des travailleurs ne cesse de s’aggraver ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Oh là là !

M. le président. Laissez M. Desessard s’exprimer, mes chers collègues.

M. Jean Desessard. Nous divergeons effectivement sur ce point, mes chers collègues ! Il existe bien une droite et une gauche lorsqu’il s’agit des questions sociales !

Considérer que le capitalisme amène une amélioration du sort des salariés va à l’encontre de tout ce que nous constatons depuis une dizaine d’années : le retour du travail à temps partiel, le développement de la précarité, les licenciements abusifs, la baisse des salaires… Qui défend les salariés, sinon les organisations syndicales et la loi ? Or, pour votre part, vous êtes partisans du laisser-faire et appelez à faire confiance aux patrons pour améliorer le sort des salariés. Vous niez la réalité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Retour au XIXe siècle !

M. Jean Desessard. Par ailleurs, Mme Debré nous a dit qu’il fallait favoriser la consommation le dimanche. Quelle philosophie vous anime, ma chère collègue ! À vous entendre, l’existence semble se résumer à la production et à la consommation ! Mais nos concitoyens peuvent aussi être acteurs de leur développement personnel et de l’évolution de la société, dans une perspective altruiste. On ne peut pas les réduire à de simples producteurs et consommateurs : vers quelle société voulez-vous nous conduire ?

M. Alain Gournac. Une société de liberté !

M. Jean Desessard. Madame la ministre, cet article n’est pas « politicien », il est fondé sur une conception de la société ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Mon propos, qui rejoint celui de M. Desessard, sera très pragmatique.

Je voudrais évoquer l’accord signé le 2 décembre dernier et visant à encadrer le travail dominical dans la zone touristique de Marseille, à la suite de la désignation de cette ville comme capitale européenne de la culture en 2013 : il prévoit le droit au repos le dimanche, dans la mesure où l’organisation du travail et l’effectif disponible le permettent.

Par ailleurs, madame Procaccia, si on généralise l’ouverture des commerces de détail le dimanche, il faudra bien les approvisionner. Par conséquent, demain, ce sont les commerces de gros qui devront ouvrir le dimanche. Quant aux salariés concernés, ils devront faire garder leurs enfants et il faudra donc également ouvrir des crèches ce jour-là. On aboutira donc bien à une généralisation du travail le dimanche ! Il faut renforcer le principe du repos dominical ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Personne, sur nos travées, n’a prôné la généralisation du travail le dimanche.

Mme Chantal Jouanno. L’évaluation de l’application de la loi de 2009 montre que, au total, trente et un PUCE ont été créés, regroupant 10 000 salariés. Il ne s’agit donc pas du tout d’une démarche de généralisation du travail le dimanche.

En réalité, ce débat est intéressant en ce qu’il fait bien apparaître les clivages, les oppositions de fond qui existent entre nous.

Ainsi, les écologistes sont partisans de la décroissance.

M. Jean Desessard. Elle est inéluctable !

Mme Chantal Jouanno. Par conséquent, ils sont logiquement opposés au travail le dimanche, dans la mesure où il contribue à la croissance.

Ensuite, vous manifestez une suspicion systématique à l’égard des entreprises et du patronat. Vous avez raison de dénoncer les abus, mais vous en faites une généralité !

Mme Isabelle Pasquet. C’est la réalité !

Mme Chantal Jouanno. Tout le patronat n’est pas mû par de mauvaises intentions à l’égard des salariés ! Une telle vision des choses est tout à fait désastreuse.

Enfin, vous estimez que les parlementaires sont mieux placés que les individus pour décider ce qui est bon pour eux. Faire ses courses le dimanche est un choix, nul n’y est contraint.

M. Ronan Kerdraon. Ouvrons aussi la nuit !

Mme Chantal Jouanno. Pourquoi vous y opposez-vous systématiquement ? Connaissez-vous la réalité de la vie des femmes aujourd’hui ? Savez-vous comment se passent les samedis et parfois les mercredis de la plupart des mères de famille ? Elles conduisent leurs enfants à un endroit pour faire du sport, à un autre pour suivre un cours de musique… Elles font le taxi toute la journée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela dépend des milieux !

Mme Chantal Jouanno. Dans ces conditions, beaucoup de femmes font leurs courses le dimanche matin ; c’est une réalité ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Annie David, rapporteure. Nous ne vivons pas dans le même monde !

Mme Chantal Jouanno. C’est une réalité que vous avez peut-être oubliée. Moi, je la vis ! Connaissez-vous encore des mères de famille ?

M. Jean Desessard. Vous faites du productivisme ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. La description qui vient d’être faite de ces mercredis ou de ces samedis passés à faire le taxi pour conduire les enfants d’une activité à l’autre ne vaut que pour les mères de famille appartenant à un milieu social privilégié. (Marques d’étonnement sur les travées de l’UMP.)

Mme Annie David, rapporteure. Absolument !

Mme Catherine Procaccia. Vous n’avez pas compris !

Mme Corinne Bouchoux. Qui, parmi nous, a eu l’occasion de travailler le dimanche matin ?

M. Alain Gournac. C’est comme ça que j’ai payé mes études !

M. Ronan Kerdraon. Vous n’êtes pas le seul !

Mme Catherine Procaccia. Moi aussi, j’ai travaillé le dimanche !

Mme Corinne Bouchoux. C’est également mon cas, mais là n’est pas le propos.

L’argument consistant à invoquer le rythme de vie frénétique des mères qui font le taxi pour leurs enfants n’est pas d’une portée générale. Le point crucial, c’est que si l’on ne préserve pas le principe du repos dominical, qui admet déjà des dérogations que l’on peut déplorer, mais qui permettent peut-être de créer des emplois, on se dirigera vers une société de consommation frénétique. Cela répondrait sans doute à vos vœux, mes chers collègues, mais pas aux nôtres ! Nous ne voulons pas d’une société qui marche sur la tête !

J’ajoute que, pour les personnes à revenus modestes, faire des courses aussi le dimanche peut déboucher sur le surendettement, des frustrations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Plancade. Je voudrais réagir aux propos injustes de Mme Jouanno.

De ce côté de l’hémicycle, personne, ma chère collègue, ne vous a accusés de vouloir obliger les gens à travailler le dimanche, ni n’a fait le procès de l’entreprise et des entrepreneurs. M. Desessard a simplement évoqué des abus manifestes, que vous aussi seriez prête, j’en suis convaincu, à dénoncer. Je vous demande donc de bien vouloir retirer les propos que vous avez tenus tout à l’heure à notre endroit,…

M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !

Mme Chantal Jouanno. Non ! Assumez les vôtres !

M. Jean-Pierre Plancade. … car, je le répète, personne, sur nos travées, n’a mis en cause le patronat !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’article 1er.

M. Jean Desessard. Je ne voudrais pas prolonger le débat à l’excès, sinon nous devrons siéger dimanche. (Sourires.)

Mme Jouanno a affirmé que les écologistes sont partisans de la décroissance.

Mme Chantal Jouanno. Vous l’avez dit plusieurs fois !

M. Jean Desessard. Je l’assume !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui la créez, la décroissance !

M. Jean Desessard. Vous avez été ministre de l’écologie, madame Jouanno. Or l’écologie nous apprend que, si nous ne changeons pas nos modes de consommation et de production, nous serons inexorablement condamnés, par manque de ressources naturelles, alimentaires, énergétiques. Voilà ce que disent les écologistes ! Il ne s’agit pas, pour nous, de prôner la décroissance par plaisir. Il ressort de l’analyse politique de la situation mondiale que si nous ne parvenons pas à maîtriser notre consommation et notre production de façon raisonnée, nous serons condamnés à une décroissance forcée que nous ne pourrons plus contrôler.

Plutôt que d’attendre que la décroissance soit devenue inéluctable faute de matières premières et de ressources alimentaires, prenons conscience de la nécessité de mettre en place un autre modèle de développement, fondé sur une décroissance sélective, c’est-à-dire n’excluant pas la croissance dans certains domaines comme le logement ou la santé et concernant avant tout la consommation des biens matériels.

Telle est notre conception idéologique de ce que l’on appelle la décroissance.

Par ailleurs, monsieur Gournac, vous dites avoir financé vos études en travaillant le dimanche.

M. Jean Desessard. Mais c’était avant la loi Mallié, que je sache ! (Sourires.) Il était donc possible, à l’époque, de travailler le dimanche ! La loi de 2009 n’était pas nécessaire ! Si vous avez pu payer vos études de cette façon, monsieur Gournac, c’est parce qu’il existait une contrepartie financière au travail dominical.

M. Jean Desessard. C’est justement ce que nous voulons garantir aux salariés d’aujourd’hui, ainsi que des droits sociaux ! En effet, nous craignons fort qu’il ne soit plus possible, à l’avenir, de financer ses études en travaillant le dimanche, comme vous avez pu le faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)