Mme Évelyne Didier. Absolument, monsieur le secrétaire d’État, mais je suis également attachée à ma tranquillité !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il est très important, quand on prend des décisions, d’assumer ses responsabilités. Que l’on soit sénateur, député ou ministre, on doit en mesurer les effets. Je veux que chacun d’entre vous soit informé des conséquences des décisions qu’il pourrait être amené à prendre.

Je poursuis : près de 50 000 emplois sont concernés en Île-de-France, plus de 10 500 en Languedoc-Roussillon…

Mme Évelyne Didier. On a compris !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous voulez que l’on passe vite sur la question des emplois, madame Didier ? Ce n’est pas votre préoccupation ? (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. Martial Bourquin. Il y a 4,5 millions de chômeurs !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je vais continuer, madame Didier, pour que chaque territoire de notre pays sache de quelle manière il sera touché : 575 emplois en Martinique, 14 300 en Midi-Pyrénées, 23 500 dans le Nord-Pas-de-Calais, près de 19 000 dans les Pays de la Loire, 12 000 en Picardie, plus de 20 000 en Poitou-Charentes, près de 18 000 en Provence-Alpes-Côte-D’azur, plus de 23 500 en Rhône-Alpes, plus de 1 200 dans les départements et territoires d’outre-mer.

Il était important d’évoquer la question des emplois. J’ai déjà souligné que Pacitel était un accord de place.

L’amendement n° 89 de M. Cornu tend à rétablir le texte tel qu’il avait été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, c'est-à-dire la version du Gouvernement. Il vise à rendre obligatoire le dispositif Pacitel, lequel ne concernait que 80 % des entreprises de démarchage, et à l’étendre aux 20 % de sociétés qui n’étaient pas parties à l’accord initial. Si cet amendement était adopté, 100 % des entreprises qui font du démarchage téléphonique en France auraient l’obligation de respecter le dispositif Pacitel.

Je rappelle que ce dispositif fonctionne, qu’il est plébiscité par les Français – 550 000 d’entre eux ont d’ores et déjà inscrit plus d’un million de numéros de téléphone sur la liste Pacitel – et que, en outre, il n’a aucun effet négatif sur l’emploi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez le choix entre deux démarches.

En adoptant un dispositif qui fonctionne, vous ferez le choix de protéger le consommateur sans détruire des emplois.

À l’inverse, le mécanisme de surprotection qui a été adopté en commission est contraire à l’esprit et à la tradition du droit de la consommation sur Internet, lequel privilégie l’opt out et non l’opt in. Si vous choisissez ce dispositif, lequel est également destructeur d’emplois, sachez que, dans ce cas, certains consommateurs pourraient ne plus être destinataires, sans même le savoir, d’un certain nombre d’informations qu’ils aimeraient pourtant recevoir. Telle est d’ailleurs la raison pour laquelle la tradition législative française ne privilégie pas l’opt in.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Je rappelle que le texte que nous proposons avait été adopté à l’unanimité au Sénat en avril 2011.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. C’était avant l’instauration de Pacitel !

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Des amendements avaient même visé à durcir le texte. Il me paraîtrait donc singulier d’y revenir aujourd'hui.

En ce qui concerne l’emploi, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas écouté ce que j’ai dit tout à l’heure.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Si, très bien !

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. C’est un dialogue de sourds !

M. Gérard Cornu. Avec vous, c’est sûr !

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Je rappelle que les centres d’appel qui sont encore en France ne réalisent pas l’intégralité de leur chiffre d’affaires grâce au démarchage téléphonique. Je l’ai dit tout à l’heure, l’exploitation des fichiers clients, qui leur est sous-traitée, continuera d’exister. Elle sera même sans doute renforcée.

Notre dispositif prévoit, pour les contrats d’abonnement téléphonique en cours – je l’ai déjà dit, mais je le répète –, que l’absence de réponse de l’abonné à la question de savoir s’il est d’accord pour être démarché téléphoniquement vaudra acceptation. Nous préservons donc les intérêts des entreprises et le chiffre d’affaires des centres d’appel ne va pas s’effondrer du jour au lendemain !

M. Martial Bourquin. Très juste !

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. J’ai dit tout à l’heure que je m’étais personnellement inscrite sur Pacitel, car je suis pragmatique et je souhaitais voir comment cela fonctionnait. J’indique d’ailleurs qu’il existe un délai de plusieurs semaines entre l’inscription sur cette liste et sa prise en compte. C’est normal, car il faut que le professionnel ait le temps de passer sa liste au crible de la liste Pacitel, ce qu’il ne fait pas tous les jours, je suppose.

Il faut savoir également que l’inscription sur Pacitel n’est valable que trois ans. Si vous oubliez de vous réinscrire, vous ne bénéficierez plus de la protection.

Enfin, je suis désolée d’avoir à le dire, mais, malgré mon inscription sur Pacitel, j’ai encore été démarchée par téléphone le week-end dernier. Et je sais que je ne suis pas la seule !

M. Gérard Cornu. Ce n’est pas digne d’un débat au Sénat !

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Aujourd'hui, les victimes du démarchage téléphonique sont non pas vous et moi, monsieur le secrétaire d’État, mais des personnes âgées isolées. Nous en connaissons tous dans nos campagnes : la personne qui les démarche leur parle, leur tient compagnie, se rend sympathique et rompt leur isolement. Ces personnes fragiles se laissent ainsi convaincre d’acheter n’importe quoi. C’est cela aussi, monsieur le secrétaire d’État, la solitude ! Telle est la réalité du démarchage téléphonique. Or les personnes âgées ne se rendent pas sur Internet pour s’inscrire sur Pacitel.

J’ai vérifié, monsieur le secrétaire d’État, s’il était possible d’inscrire un tiers sur le site de Pacitel, par exemple une vieille mère qui vit seule au fin fond d’un département rural.

Voici l’information qui est donnée sur le site : « Seul le titulaire de la ligne téléphonique fixe ou mobile peut inscrire son ou ses numéros de téléphone fixe ou mobile sur la liste Pacitel. Néanmoins, il vous est possible de procéder à l’inscription d’un tiers. Deux possibilités s’offrent à vous. Tout d’abord, vous pouvez inscrire le numéro de la personne sur votre propre compte, à condition d’obtenir une procuration de la part de celle-ci. Vous pouvez également créer un compte pour cette personne, à condition aussi d’obtenir une procuration de sa part. » Il faut donc que je demande une procuration à ma vieille mère pour pouvoir l’inscrire sur Pacitel !

M. Gérard Cornu. C’est normal !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous n’allez tout de même pas l’inscrire de force !

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. C’est tellement simple que nous allons tous le faire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Monsieur le secrétaire d’État, puisque nous sommes là pour protéger le consommateur, nous avons besoin d’une véritable protection, ce que n’offre pas le dispositif Pacitel, je suis désolée de le dire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Protéger votre mère, madame la rapporteure pour avis, c’est ne pas permettre que vous l’inscriviez de force ! Heureusement que l’inscription d’un tiers à un service nécessite son consentement et une procuration ! Cela s’appelle le droit des contrats, lequel s’applique également entre gens très proches. Vous ne pouvez pas agir pour votre mère sans son autorisation.

Permettez-moi maintenant de revenir aux emplois : 100 000 des 275 000 postes que j’ai évoqués tout à l’heure concernent uniquement ce secteur d’activité. Le dispositif de surprotection que vous souhaitez mettre en place…

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Il n’y a pas de surprotection des consommateurs, cela n’existe pas !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais bien sûr que si, cela existe !

Vous qui êtes si attachée au droit, madame la rapporteure pour avis, vous qui n’avez eu de cesse de nous donner des leçons, que ce soit en commission….

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Cela vous a marqué !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … ou dans cet hémicycle, sur la nécessité de respecter la loi et l’esprit de la loi, sachez que l’opt in n’est pas le mode opératoire en matière de consommation sur Internet. Si vous voulez respecter le droit classique en la matière, adhérez à la stratégie proposée par le Gouvernement.

Toutefois, je suis prêt à entendre l’un de vos arguments, madame la rapporteure pour avis, car vous avez raison sur un point, que nous avons d’ailleurs évoqué en commission. Il est vrai qu’il est difficile pour un certain nombre de nos compatriotes de s’inscrire sur Internet. Cette question avait d’ailleurs conduit à l’adoption d’un amendement proposé par M. Teston.

Depuis la réunion de la commission, je ne suis pas resté inactif : après avoir vérifié si les professionnels étaient prêts à mettre en place une plateforme téléphonique, laquelle entraînerait un certain nombre de coûts pour eux, ce qui bien sûr ne les enchante pas, je vous propose de rendre possible l’inscription sur la liste Pacitel par téléphone. Ce dispositif deviendrait ainsi accessible à tous.

Cette question était au cœur des débats de la commission. M. le président de la commission, M. Teston, M. le rapporteur l’avaient soulevée. Je me souviens parfaitement de nos discussions : tous convenaient que Pacitel était un bon dispositif et qu’il fonctionnait, chacun comprenait les arguments juridiques…

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Non !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je ne parlais pas de vous, madame la rapporteure pour avis.

Il est vrai que la question de l’inscription sur la liste était l’une des faiblesses du dispositif initialement mis en place. L’amendement n° 89 de M. Cornu, qui vise à rendre obligatoire le dispositif Pacitel et à l’étendre aux 20 % d’entreprises qui n’étaient pas parties à l’accord initial, permet de corriger cette insuffisance.

Par ailleurs, si M. Cornu acceptait de modifier son amendement et d’ajouter, au troisième alinéa, après les mots « s’inscrire », les mots « par voie électronique ou téléphonique », nous répondrions au souci de la majorité des membres de la commission de l’économie.

Telle est la proposition que je formule au nom du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l'amendement n° 89.

M. Michel Teston. Si cet amendement était adopté, nous en reviendrions finalement à la rédaction de l’Assemblée nationale : nous étendrions aux démarcheurs téléphoniques le principe d’une liste d’opposition, laquelle existe déjà pour les opérateurs téléphoniques. Finalement, cela reviendrait à s’en tenir au dispositif Pacitel, dont M. le secrétaire d’État a abondamment parlé et qui est, à mon sens, largement géré par les professionnels eux-mêmes.

Or le problème principal que pose le dispositif Pacitel, comme l’a d’ailleurs reconnu M. le secrétaire d’État lui-même, est que de nombreuses personnes âgées ne peuvent y accéder facilement.

Telle est la raison pour laquelle la commission de l’économie a fait le choix, après en avoir longuement débattu, de retenir la solution d’un accord exprès et préalable de l’abonné.

À cet égard, je fais remarquer que, même si ce dispositif contraignant et très protecteur pour les abonnés était retenu, les personnes qui le souhaitent auraient également la possibilité de s’inscrire en outre sur la liste Pacitel.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’appelle à voter contre l’amendement déposé par Gérard Cornu et le groupe UMP.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Le présupposé est toujours que nous sommes tous des consommateurs.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Oui !

Mme Évelyne Didier. Or je préférerais que nous partions du principe que nous sommes tous d’abord des citoyens.

M. Gérard Cornu. Des citoyens désireux de préserver l’emploi !

Mme Évelyne Didier. Des citoyens qui ont envie d’un peu de tranquillité chez eux !

Il faut cesser de considérer que le vendeur doit toujours avoir le dernier mot. Je m’oppose à une telle vision. Je le répète : nous sommes des citoyens. Il est légitime d’aspirer à la tranquillité chez soi, pour quelque raison que ce soit. C’est là un droit fondamental.

Par ailleurs, il est inadmissible de culpabiliser ceux – les vilains ! – qui refusent le démarchage téléphonique en affirmant qu’ils contribuent à la destruction d’emplois et à l’augmentation du chômage. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes allé un peu loin tout à l’heure en nous communiquant région par région le nombre d’emplois qui risquaient d’être perdus si nous refusions le démarchage !

Je suis preneuse, monsieur le secrétaire d’État, et je pense ne pas être la seule ici, d’un véritable débat sur l’emploi. Nous verrons alors que les dispositions sur le démarchage ne sont pas responsables du problème du chômage en France.

Il y a là une dérive que je ne peux pas accepter ! Je vous invite à faire preuve d’un peu plus de modération sur ce sujet, monsieur le secrétaire d’État.

J’ajoute que, dans les beaux quartiers, là où il y a du personnel pour ouvrir et fermer les portes et répondre au téléphone, le démarchage n’est pas un problème. En revanche, lorsqu’on ne dispose que d’un court moment chez soi entre midi et deux, on a droit à la tranquillité.

M. le président. Monsieur Cornu, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 89 dans le sens indiqué par M. le secrétaire d'État ?

M. Gérard Cornu. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 89 rectifié, présenté par M. Cornu, Mme Lamure, MM. Hérisson, César et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, et qui est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation est complétée par des articles L. 121-27-1 et L. 121-27-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 121-27-1. - Le consommateur qui ne souhaite pas faire l’objet de prospection commerciale par voie téléphonique peut s’inscrire par voie téléphonique ou informatique sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique.

« Il est interdit à un professionnel de démarcher téléphoniquement un consommateur inscrit sur cette liste, sans l’accord de ce dernier.

« Le ministre chargé de l’économie désigne par arrêté l’organisme unique chargé de la gestion de la liste, après consultation publique, pour une durée fixée par voie règlementaire.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de fonctionnement du mécanisme d’opposition au démarchage téléphonique, les obligations incombant à tout professionnel souhaitant se livrer à une activité de prospection commerciale par voie téléphonique, les conditions dans lesquelles les entreprises ont accès à une version actualisée de la liste et les modalités du contrôle de l’État sur l’organisme gestionnaire.

« L’interdiction définie au deuxième alinéa ne s’applique pas à la prospection en vue de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines.

« Le présent article s’applique sans préjudice des articles 38 à 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Art. L. 121-27-2. - Les manquements aux dispositions de l’article L. 121-27-1 sont punis d’une amende administrative dont le montant ne peut être supérieur à 15 000 € pour une personne physique et 25 000 € pour une personne morale. »

La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Je tiens à remercier M. le secrétaire d'État d’avoir précisé le nombre d’emplois en jeu. Cela permettra à chacun d’entre nous de voter en connaissance de cause.

Pour ma part, j’ignorais que les centres d’appel représentaient 12 000 emplois en Picardie. C’est d’ailleurs une telle structure qui est le premier employeur, avec 500 emplois, de la deuxième ville de mon département, qui n’est pourtant pas très grande.

Je ne comprends pas la position de mes collègues de la majorité sénatoriale ! Le dispositif Pacitel permet aux personnes qui ne souhaitent pas faire l’objet d’un démarchage téléphonique de s’inscrire sur une liste ad hoc. Quant aux personnes âgées, elles peuvent très bien être inscrites sur cette liste par leurs enfants ou leurs petits-enfants, dès lors qu’elles les y autorisent. La solidarité familiale, cela existe, que je sache ! De surcroît, M. le secrétaire d'État vient de proposer que l’inscription puisse se faire par téléphone.

Nous devons protéger la liberté des consommateurs, certes, mais aussi la liberté d’entreprendre. On ne peut pas se poser en défenseur de l’emploi, de l’industrie et de l’activité économique dans notre pays et, en même temps, préconiser des mesures tendant à brider l’esprit d’entreprise, ainsi que les possibilités de choix de nos concitoyens !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. C’est ce qu’on appelle un double discours !

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour explication de vote.

M. Raymond Vall. Il est beaucoup question de droits ; n’a-t-on pas celui de vivre tranquillement chez soi ?

M. Martial Bourquin. Très bien !

M. Raymond Vall. Faudra-t-il demain indiquer expressément sur sa porte que les démarcheurs ne sont pas autorisés à entrer ? C’est une agression ! Je ne comprends pas comment ce débat a pu dériver au point que l’on invoque la défense de l’emploi. Si vraiment l’emploi dans notre pays est menacé par l’adoption du dispositif de cet article, c’est catastrophique !

M. Raymond Vall. Monsieur le secrétaire d'État, vous cherchez à nous culpabiliser en prédisant des suppressions d’emplois dans les centres d’appel. Est-ce un crime de vouloir défendre la liberté de vivre tranquillement chez soi ? Dans la situation actuelle, le démarchage téléphonique représente une véritable agression ! Nos concitoyens sont déjà submergés de messages publicitaires, ils subissent le déferlement de la publicité à la télévision, leurs boîtes aux lettres sont pleines de prospectus dont ils n’ont que faire !

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Mais oui !

M. Raymond Vall. J’ajoute que, de toute façon, la baisse de leur pouvoir d’achat ne leur permet plus de répondre à toutes ces sollicitations ! Je ne voterai pas cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Faisons plutôt en sorte que l’ensemble de la population française puisse accéder aux biens de première nécessité, qui ne font pas l’objet du démarchage téléphonique. N’oublions pas que 8 millions de personnes, dans notre pays, vivent à la limite ou en dessous du seuil de pauvreté. Utiliser l’argument de la défense de l’emploi dans un tel débat me semble complètement déplacé.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. La proposition de M. le secrétaire d'État ne répond en rien à nos attentes. Nous défendons le principe de l’accord préalable de l’abonné à l’utilisation de sa ligne téléphonique à des fins de prospection directe par un tiers.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. On avait compris…

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Vous avez en outre indiqué tout à l’heure que l’opt out n’existait pas dans notre droit de la consommation. Cela est faux : aux termes de l’article L. 34-5 du code des postes et communications électroniques, toute personne physique doit manifester son consentement en matière de démarchage réalisé au moyen d’un automate d’appel, d’un télécopieur ou d’un courrier électronique. Est donc interdite la prospection directe réalisée par l’intermédiaire de ces trois moyens sans le consentement préalable exprès de la personne à l’utilisation de ses coordonnées à cette fin.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous faites erreur, madame la rapporteure pour avis : vous venez en fait d’évoquer le système de l’opt in, qui concerne des moyens de démarchage particulièrement intrusifs, par exemple les automates d’appel. Vous avez probablement mal lu la note que l’on vous a transmise…

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Ne soyez pas désagréable ! C’est vous qui vous trompez !

M. Martial Bourquin. On a le droit de ne pas être d’accord !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. La règle en matière de droit commercial, c’est l’opt out, qui est d’ailleurs à la base du dispositif Pacitel. Lui substituer l’opt in, comme vous le proposez, ce serait prendre le risque de détruire des emplois.

Depuis le début de la discussion de ce texte, j’ai fait preuve d’ouverture sur tous les sujets. J’ai accepté des dizaines d’amendements émanant du groupe socialiste ou du groupe CRC.

M. Martial Bourquin. C’est normal ! Ils étaient bons !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Eh bien en l’occurrence, si je n’approuve pas le texte que vous défendez, c’est parce qu’il n’est pas bon ! Je n’osais pas être aussi direct, mais vous m’avez soufflé le mot, monsieur Bourquin !

Nous avons des points de désaccord, en particulier sur la question de l’encadrement des prix ou des loyers. Cela est parfaitement légitime. Cependant, certaines lignes rouges ne doivent pas être franchies. S’agissant de l’article 8 ter, vos propositions relèvent d’un pur dogmatisme !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le dispositif Pacitel a été mis en place avec l’accord de tous les professionnels et suscite l’adhésion des consommateurs, comme le montre le développement des inscriptions. En outre, il permet de préserver l’emploi, ce bien précieux que chacun d’entre nous devrait protéger. Je tiens à le dire clairement à ce moment du débat : la majorité sénatoriale est en train de commettre un acte grave en préconisant la mise en œuvre d’un dispositif qui détruira des emplois,…

Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Non !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … sans pour autant mieux protéger les consommateurs que Pacitel, fondé sur le principe de l’opt out.

Au-delà des désaccords de fond que j’évoquais à l’instant, vous persistez, par dogmatisme, à promouvoir des mesures pourtant moins protectrices pour les consommateurs que ce que nous proposons. Nous en avons vu plus d’un exemple au cours de ce débat. À l’Assemblée nationale, le texte a été adopté en commission sans aucun vote contre. Même le groupe communiste s’est abstenu, en indiquant qu’il approuvait l’essentiel de ses dispositions.

Si la majorité sénatoriale votait la suppression du dispositif Pacitel, elle prendrait la responsabilité de dénaturer le texte pour des raisons dogmatiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.) Vous êtes sur le point de prendre une décision néfaste aux intérêts économiques de notre pays ! (M. Raymond Vall manifeste son irritation.) Je le dis clairement, ce n’est pas raisonnable !

M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Trop, c’est trop !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je regrette que vous rompiez le dialogue constructif qui prévalait depuis le début de l’examen de ce projet de loi. Il serait pourtant dans l’intérêt des consommateurs de notre pays que nous nous accordions tous sur un texte qui vise à les protéger.

M. le président. Après que M. Cornu se sera exprimé, je mettrai aux voix l’amendement n° 89 rectifié. Je pense que le Sénat est à présent suffisamment éclairé… (Mme Samia Ghali et M. Martial Bourquin applaudissent.)

La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.

M. Gérard Cornu. Ce débat nous permet d’apprécier la capacité d’écoute et l’ouverture d’esprit de la majorité sénatoriale… J’avais pourtant accepté, sous l’amicale pression de M. le secrétaire d’État, de rectifier mon amendement pour faciliter les choses ! Je déplore d’autant plus la rigidité de nos collègues que la minorité sénatoriale, de son côté, n’a pas hésité à faire des pas dans leur direction en votant avec eux certains amendements qui lui paraissaient tout à fait bienvenus.

On voit ici que la réciproque n’est pas vraie, bien que le sujet soit très important. À cet égard, je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir rappelé les enjeux en termes d’emploi, pour toutes les régions de France.

Mme Samia Ghali. Et pour la Tunisie et le Maroc !

M. Gérard Cornu. Un parlementaire doit voter en son âme et conscience, en mesurant les conséquences de ses choix. En l’occurrence, mes chers collègues, vous vous apprêtez à mettre en péril des emplois dans vos propres régions, que vous êtes pourtant censés défendre !

Je demande un scrutin public sur l’amendement n° 89 rectifié, pour que chacun assume ses responsabilités. Nos concitoyens pourront ainsi savoir comment chacun d’entre nous aura voté !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 83 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 347
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l’adoption 170
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 86 rectifié et 171.

(Les amendements sont adoptés.)