M. Roland Courteau. Très bien !

M. Ronan Dantec, membre du groupe de travail. … tout ce qui ralentit les phénomènes et donne le temps de l’adaptation est utile.

Rappeler que la voie est ouverte, qu’un accord mondial reste possible et que des mécanismes efficaces vont monter en puissance, c’est redonner à l’action tout son sens.

Il ne s’agit pas de perdre toute lucidité sur le nombre d’obstacles qui se dressent encore devant nous, mais nous devons être convaincus d’une chose : il n’est pas trop tard ! Ceux qui disent le contraire se trompent. Le scénario négaWatt, récemment publié, montre ainsi qu’il est encore possible d’atteindre les objectifs de réduction d’émissions dans les délais impartis. Mais n’attendons plus et agissons maintenant ! La France et l’Europe doivent continuer à montrer la voie…

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Ronan Dantec, membre du groupe de travail. … et, au-delà des discours, afficher clairement que l’objectif de réduire de 30 % les émissions de CO2 d’ici à 2020 sur notre continent est bien notre ambition minimale commune et que nous allons nous organiser pour l’atteindre et le dépasser. C’est le message que nous devons porter en 2012, de Rio à Doha ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, j’invite chaque orateur à respecter son temps de parole, car je rappelle qu’à dix-sept heures est prévue une séance de questions cribles thématiques.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, membre du groupe de travail.

M. Jean-Claude Lenoir, membre du groupe de travail « Négociations internationales - Climat et environnement ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour porter une appréciation positive et lucide sur ce qui s’est passé à Durban, il me paraît nécessaire de revenir quelque peu en arrière, car, juste avant que ne débute la conférence, on affirmait : « Il faut sauver Kyoto. »

Le protocole de Kyoto hante encore les rêves de tous ceux qui ont le souci de préserver la planète. Il faut le reconnaître, l’accord intervenu en 1997 est un moment fondateur de l’écologie globale, marqué par deux traits principaux.

D’une part, Kyoto a institué un mécanisme contraignant, avec des réductions chiffrées des émissions de gaz à effet de serre et de CO2, et créé dans le même temps une sorte de solidarité entre les nations, pour que l’ensemble de la planète participe à la lutte contre le réchauffement climatique.

D’autre part, Kyoto a constitué l’amorce d’un gouvernement écologique mondial, associant les États, les différentes organisations, intergouvernementales comme non gouvernementales, les scientifiques, les médias, ainsi, en définitive, qu’une bonne partie de l’opinion.

Il n’est donc pas inutile de souligner que le protocole de Kyoto a été le point de départ d’une prise de conscience dont on trouve encore trace dans les initiatives qui sont prises non seulement par les États, mais également par les collectivités locales et les citoyens.

Cela dit, il n’est pas indifférent de le rappeler, Kyoto doit beaucoup aux États-Unis, pour ce qui est tant de sa signature que de l’échec qui a suivi.

Si les États-Unis sont intervenus pratiquement au dernier moment, la présence d’Al Gore, alors vice-président, a largement contribué à inciter un certain nombre d’États à signer avec eux. Cependant, nous le savons, le fait que le protocole n’ait pas été ratifié par le Congrès américain a lourdement pesé sur la suite des événements, entraînant des réactions, souvent négatives, de la part de pays qui croyaient en sa mise en œuvre ; je pense notamment au Japon, à la Russie et au Canada.

Reconnaissons tout de même qu’une formidable et puissante dynamique s’est manifestée avec Kyoto, ouvrant sur de vastes plages d’espérance.

La conférence de Copenhague, elle, laisse le souvenir d’un grave échec, et même d’un véritable choc, puisqu’elle n’a pas abouti à consolider les acquis, malgré tout réels, de Kyoto.

Cet échec – faut-il le rappeler ? – doit beaucoup aux États-Unis et à la Chine.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir, membre du groupe de travail. Chacun de ces pays attendait une avancée de l’autre pour agir. Leur poids très important, quand bien même les responsabilités furent partagées, a été déterminant dans l’échec de Copenhague.

Néanmoins, a émergé lors de la conférence une idée qui a trouvé sa consolidation dans les années suivantes : la lutte contre le changement climatique et l’éradication de l’extrême pauvreté sont des enjeux indissociables. À partir de là, on ne s’est plus contenté d’une vision environnementale sur l’évolution du climat ; on y a adjoint une vision économique et même sociale à l’égard de la situation d’un certain nombre de pays pauvres.

Bien entendu, le sommet de Cancún a été marqué par la volonté de réaffirmer le consensus qui s’était manifesté au départ. Le processus étant engagé, on a cherché à identifier les obstacles à lever.

J’en viens maintenant aux conclusions de la conférence de Durban.

Je veux tout d’abord, madame la ministre, vous remercier de nous avoir conviés, Laurence Rossignol, Marie-Hélène Des Esgaulx et moi-même à vous y accompagner. Nous avons ainsi été à même de voir comment se déroulait concrètement une telle conférence, d’en comprendre les éléments moteurs et de connaître les questions animant les débats dans les coulisses.

Un certain nombre de défis devaient être relevés. Il fallait notamment obtenir un engagement commun de l’ensemble des 195 pays participants. Force est de constater que cet engagement ne s’est pas exprimé : tous les pays n’ont pas signé le document susceptible de constituer le prolongement du protocole de Kyoto, qui expire tout de même à la fin de cette année 2012. Je l’ai dit au début de mon propos, l’objectif assigné à la conférence de Durban était : « Il faut sauver Kyoto. »

L’échec total était possible, il était même annoncé. Quelle ne fut pas ma surprise de trouver dans la presse, en me rendant à Durban, aussi peu d’articles laissant à penser que la conférence pouvait aboutir à un résultat positif !

Finalement, celle-ci s’est conclue sur deux avancées, qu’il convient de souligner.

La première, c’est la fixation d’une double échéance : les États se sont tous engagés à prévoir un accord en 2015, qui devra entrer en vigueur en 2020. Voilà un point important et, de ce point de vue, Kyoto a été sauvé.

La seconde n’a pas été forcément assez mise en lumière. Les pays signataires avaient le choix entre trois formules : le protocole, l’instrument juridique et l’instrument juridique « liant ». Or, de ces subtilités juridiques propres au langage onusien, c’est la troisième qui a été choisie.

En définitive, quel jugement pouvons-nous porter sur ce qui s’est passé à Durban ?

Certes, d’aucuns diront que les signataires se sont contentés de remettre le problème à plus tard. Tel n’est pas mon avis. Dans la mesure où des échéances ont été actées, le processus continue.

En outre, la conférence a permis d’afficher le rôle majeur joué par l’Europe. Je l’avoue, j’ai ressenti un grand sentiment de fierté à voir la place que notre continent a occupée dans le débat. À ce titre, madame la ministre, je garde un excellent souvenir de votre intervention, qui a manifestement marqué les esprits.

M. Roland Courteau. Il ne faut tout de même pas exagérer !

M. Jean-Claude Lenoir, membre du groupe de travail. Elle restera comme l’un des grands moments qu’il nous a été donné de vivre lors de cette conférence.

On l’a dit avant moi, Durban a également mis en évidence le rôle important des collectivités locales. Ces dernières, y compris les plus modestes, se sont en quelque sorte appropriées les questions touchant au climat et les élus ont intégrées celles-ci dans les préoccupations qu’ils expriment.

Un autre point m’est apparu à Durban : la « dislocation » des grands ensembles sur le plan géopolitique.

D’un côté, la Chine s’est rapprochée et, de ce fait, les États-Unis sont en train d’évoluer. De l’autre côté et dans le même temps, une scission est clairement en train de s’opérer au sein des pays émergents, entre les BRICS – le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud – et les autres, parmi lesquels on compte des pays vulnérables, comportant des zones submersibles, situés en Afrique ou ailleurs. Or les seconds ne partagent pas forcément les mêmes préoccupations que les premiers, même si une attention particulière leur est accordée dans les accords passés : on parle en effet à leur propos non plus de limitation, mais d’adaptation.

Puis, il y a le fonds vert. La corbeille de celui-ci reste à remplir, et il nous appartient, madame la ministre, d’agir en ce sens. Un certain nombre de solutions vont certainement nous être proposées ; mais je m’arrêterai là, car j’ai épuisé mon temps de parole.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisque j’ai entendu certains de mes collègues avant moi prononcer le mot « pessimisme », je terminerai par une citation d’Alain. Ce grand philosophe, né comme moi à Mortagne-au-Perche, ville dont je suis aujourd'hui le maire, affirmait ainsi : « Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté. » (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, membre du groupe de travail.

Mme Évelyne Didier, membre du groupe de travail « Négociations internationales - Climat et environnement ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les négociations climatiques internationales donnent désormais lieu, à la fin de chaque d’année, à des débats où s’expriment invariablement des doutes sur la réalité des conséquences de l’activité humaine sur le climat – encore que des progrès aient été faits de ce côté –, la mauvaise volonté des uns, le sentiment d’urgence des autres, bref, des avis tellement divers et divergents sur des sujets multiples qu’il est bien difficile pour le citoyen du monde de s’y retrouver !

On pourrait considérer que ces grandes démonstrations internationales sont des marathons au cours desquels des initiés, parlant un langage abscons, sous le regard vigilant des lobbies, finissent par accoucher de textes consensuels parce que non contraignants.

Je poserai donc une question double : devons-nous continuer pour que rien ne bouge…si tant est qu’il vrai que rien ne bouge ?

Faisons le point et notons, pour commencer, les aspects positifs de la conférence de Durban.

Finalement, en jouant les prolongations, nous avons abouti à un consensus : pour la première fois, tous les pays émetteurs ont accepté de s’inscrire dans un accord global de réduction des émissions. Une feuille de route a été établie pour un nouvel accord multilatéral, à conclure d’ici à 2015, qui entrera en vigueur en 2020 et englobe tous les pays.

Le processus est sauvé, les négociations ne sont pas rompues.

Un accord a été trouvé sur les modalités de fonctionnement du fonds vert pour le climat : décidé à Cancún en 2010 pour aider les pays en voie de développement à faire face aux changements climatiques, il est censé être alimenté jusqu’en 2020 par les pays industrialisés, du moins si l’on arrive, d’ici à 2013, à trouver des modalités de répartition acceptés par les contributeurs. Ce n’est pas encore gagné, mais espérons !

Kyoto a donc trouvé son prolongement, fût-il modeste.

L’Union européenne s’est affirmée, grâce à sa pugnacité, et sa propre feuille de route continue de s’appliquer.

Par ailleurs, à Durban, pour la première fois dans l’histoire des conférences climatiques, syndicats et ONG ont rédigé ensemble – ce qui n’a pas été suffisamment souligné – une déclaration affirmant que la question environnementale est intimement liée aux questions sociales.

M. Roland Courteau. Cela n’a pas été suffisamment souligné, en effet !

Mme Évelyne Didier, membre du groupe de travail. De plus, au travers des transferts de technologies décidés en commun à Cancún, les pays développés peuvent aider les pays en voie de développement, ce qui mérite d’être encouragé. Cela s’est d’ailleurs déjà produit et la voie est donc ouverte.

Alors, oui, pour toutes les raisons que je viens d’indiquer, même si les avancées peuvent parfois sembler modestes, il importe de persévérer.

Pour autant, madame la ministre, mes chers collègues, fallait-il crier victoire ? Je ne le crois pas. Les déclarations très optimistes du gouvernement français semblaient d’ailleurs quelque peu en décalage avec les faits.

Commençons par rappeler que les États signataires du protocole de Kyoto ne sont responsables que de 15 % des émissions de gaz à effet de serre.

Quels sont les points de difficultés ?

Voyons, tout d’abord, le diagnostic : il doit être partagé par toutes les parties si l’on veut fonder durablement un accord.

Or, en matière d’émissions de gaz à effet de serre, l’exercice n’est pas simple. On sait assez bien quelles quantités sont émises au niveau global, mais, lorsque l’on cherche à répartir le budget carbone entre les pays, les choses se compliquent. Ainsi, si l’on dispose de données a priori fiables sur les émissions de gaz à effet de serre des pays de l’annexe I du protocole de Kyoto, ce n’est pas le cas pour les autres pays, notamment pour le gros émetteur qu’est la Chine : d’après mes sources, les dernières données fiables la concernant remontent à 1994, ce qui date un peu !

Notons ensuite la non-attribution de certaines émissions. C’est le cas des combustibles de soute liés à l’aviation et à la marine internationales, soit environ 4 % des émissions mondiales. Personne n’en a aujourd’hui la responsabilité.

Parlons enfin des émissions dont l’imputation pourrait être contestée, puisque des émissions attribuées à certains pays donneraient matière à discussion. Ainsi, les émissions contenues dans des produits importés doivent-elles être imputées au pays producteur ou au pays consommateur ? En outre, doit-on considérer les émissions contenues dans les importations ou celles qui sont évitées dans les pays importateurs ?

Aujourd’hui, les émissions sont attribuées au pays sur le territoire duquel elles ont été émises. Ainsi, les exportations chinoises représentent le quart du produit intérieur brut de ce pays et près de 6 % des émissions mondiales. La véritable interrogation est alors de savoir si les exportations chinoises évitent ou non la production de CO2 dans les pays développés.

Ainsi, le constat n’est simple ni à établir ni à faire reconnaître par tous : la « vision partagée » apparaît surtout comme un élément de langage, et la « responsabilité commune mais différenciée » comme une expression permettant de produire un consensus mou, d’où d’ailleurs des positions en apparence convergentes qui dissimulent, en fait, des préoccupations très hétérogènes.

J’en viens aux stratégies.

L’Union européenne, tout comme les États insulaires, les pays en développement et les pays émergents, soutient la mise en œuvre d’un nouveau protocole de Kyoto. Mais le Canada, le Japon et la Russie ont refusé de renouveler leur engagement. Et les pays émergents, la Chine en tête, continuent de défendre cette vision de la « responsabilité commune mais différenciée ».

Disons-le, tant que les États-Unis, la Chine et le Brésil ne participeront pas vraiment à la discipline collective de réduction des émissions, celle-ci restera vaine.

Toutefois, il faut moduler ce que je viens de dire puisque nous savons qu’en réalité ces pays se mobilisent, mais le font d’une autre manière.

Historiquement, le protocole de Kyoto a constitué un outil destiné à stabiliser les émissions sur du court terme par une action immédiate. Entre 1996 et 2005, les discussions se sont concentrées sur la ratification et la mise en œuvre de ce protocole de court terme, au détriment de la discussion sur la stratégie de long terme.

À la conférence suivante, en 2006, on espérait la mise en place d’un nouveau dispositif juridiquement contraignant, qui serait plus large. Les espoirs de la conférence de Bali n’ont cependant pas été confirmés à Copenhague en 2009.

Les deux dernières années de négociations semblent confirmer une tendance.

D’une part, les initiatives viennent moins d’en haut que d’en bas, puisqu’en l’absence de nouveau protocole chaque pays annonce les objectifs qu’il s’est fixés. Au fond, chacun y va un peu comme il veut, comme il peut, avec ses forces.

D’autre part, nous sommes passés d’objectifs exprimés en termes de réductions d’émissions par pays à un objectif unique, mondial, qui consiste à limiter le réchauffement à 2 degrés. Pour ambitieux que puisse paraître cet objectif, dont beaucoup pensent d’ailleurs qu’il ne peut pas être tenu, il ne faut pas oublier qu’il implique la disparition de 5 % à 15 % des membres de l’ONU et que ce sont, comme toujours, les plus vulnérables qui seront les plus affectés.

Cette situation appelle plusieurs commentaires.

Il semble indispensable que la France maintienne son soutien à la mise en place de règles de transparence internationales pour ce qui est de la comptabilisation et du contrôle des émissions. C’est la solidité de la base des négociations qui est en jeu.

Comme toutes les crises environnementales, la crise climatique rejoint les crises économique, financière, politique et sociale que nous connaissons aujourd’hui, avec des risques de tensions très fortes qui peuvent, nous le savons, produire, à certains endroits, des guerres. Plus que jamais, il convient d’envisager des négociations climatiques non pas hors-sol, mais liées aux autres processus de négociation internationaux.

Nous ne pouvons faire l’économie de telles négociations si nous voulons que les acquis soient durables et il appartient à la France de faire des propositions en ce sens.

Enfin, quoi qu’on puisse dire du résultat des négociations climatiques, il ne faut pas négliger l’effet d’entraînement sur les collectivités et les acteurs économiques. Le processus est long et continu. Pour être partagé, l’effort de mobilisation doit donc également s’inscrire dans le temps.

Parions surtout sur l’implication des citoyens. Leur conscience des enjeux n’a jamais été aussi forte ! Les peuples s’en mêlent et la compréhension collective progresse.

Qui savait, il y a vingt ans, voire il y a seulement dix ans, que des îles étaient submergées, que des États disparaissaient, que le chikungunya allait s’installer dans nos régions et que les oiseaux, les papillons, les arbres et la vigne remonteraient vers le Nord ? Nous n’en parlions pas véritablement.

Aujourd’hui installée dans la conscience collective, la question climatique contribuera à une conscience globale, qui, je l’espère en tout cas, mettra en évidence l’absolue nécessité de la construction d’un monde plus juste, d’un monde dégagé des logiques financières où l’action des hommes se fera pour l’homme dans le respect de son environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, membre du groupe de travail.

M. Marcel Deneux, membre du groupe de travail « Négociations internationales – Climat et environnement ». Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la lutte contre le changement climatique est un véritable défi de la communauté internationale.

Elle repose sur deux piliers essentiels : la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation aux impacts du changement climatique.

Elle a des répercussions dans de très nombreuses disciplines – économie, droit, environnement, finance, technologie, gouvernance – et, en définitive, de plus en plus d’influence sur notre vie quotidienne.

Malgré les efforts accomplis depuis l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto en 2005, les modifications du climat s’accélèrent et les prévisions des scientifiques sont alarmantes. Nos émissions de gaz à effet de serre, qui provoquent le réchauffement de la planète, sont plus importantes que prévu, et celles des pays à fort développement vont inexorablement croître, dans des proportions bien supérieures à celles, par exemple, des efforts de sobriété de l’Union européenne.

La conférence de Durban visait à gérer la question de « l’après-Kyoto », les effets contraignants du protocole s’achevant le 31 décembre prochain.

Les commentaires sur les résultats obtenus à Durban ont été très divers. Il est vrai qu’il a fallu attendre l’extrême fin de la conférence pour arracher un minimum d’engagements. Je considère pour ma part que les résultats ne sont pas nuls.

En effet, hormis le Japon, la Russie et le Canada, tous les pays – 195 au total –, y compris la Chine, l’Inde et les États-Unis, se sont ralliés à la feuille de route défendue par l’Union européenne. En la matière, il faut souligner le travail préalable remarquable des diplomates européens et, pour la France en particulier, celui de l’ambassadeur Serge Lepeltier, mais aussi, bien sûr, l’impulsion, déterminante dans les échéances finales, que vous avez donnée, madame la ministre.

Les résultats du sommet ne sont pas enthousiasmants pour autant.

Au final, l’accord a permis, d’une part, de prolonger jusqu’en 2017 les effets du protocole de Kyoto et, d’autre part, de fixer un nouveau cadre pour l’adoption en 2015 d’un accord global avec effet à l’horizon 2020, cela dans une formulation évidemment non contraignante, ce qui signifie que les différentes dates butoirs qui avaient été fixées précédemment sont repoussées de cinq ou sept ans…

L’accord ne s’accompagne pas d’une hausse du niveau d’ambition des pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les engagements annoncés ne permettront donc pas de contenir le réchauffement de la planète sous le seuil de 2 degrés d’ici à 2100, ce qui est d’autant plus certain que, selon les projections actuelles, il devrait s’établir dans une fourchette de 3,5 à 5 degrés.

Après Durban, le fonds vert reste une coquille vide. Aucun engagement financier n’a été pris pour assurer son abondement, et la crise mondiale de la dette ne rend pas optimiste quant à la mobilisation internationale sur ce sujet. Ce mécanisme demeure pourtant essentiel pour avancer.

Ces conclusions doivent conduire à plusieurs types de réflexions.

À titre liminaire, je souhaite rappeler que les ambitieux efforts de l’Union européenne pour diminuer les rejets de gaz à effet de serre pourront vraisemblablement, s’ils sont maintenus, limiter l’étendue du réchauffement climatique, lequel reste toutefois inéluctable.

La France et l’Europe ont, avec des instruments juridiques contraignants, comme le Grenelle et le plan climat-énergie en perspective, mis en place une politique énergétique tournée vers les énergies renouvelables et la sobriété énergétique.

Cependant, l’Europe ne peut pas, à elle seule, contenir le réchauffement climatique. C’est d’autant plus vrai que l’objectif de limitation du réchauffement à 2 degrés est maintenant dépassé puisqu’il sera probablement d’environ 3 degrés. Ainsi devrions-nous réduire non pas de 20 % mais de 30 % nos émissions par rapport à 1990.

L’Europe semble faire cavalier seul sur ce chemin vertueux, alors qu’elle n’est responsable que de 11 % des émissions de gaz à effet de serre. Pour autant, elle doit continuer, voire renforcer sa politique environnementaliste, ne serait-ce que pour l’exemplarité, en termes de politique publique, et pour les effets de celle-ci sur les comportements des sociétés.

Au niveau international, les négociations sur le climat peuvent être ressenties par certains comme un « caprice de riches », coûteux et incompatible avec la croissance économique. D’autres ne les inscrivent pas dans leurs préoccupations prioritaires et elles sont, aux yeux de nombreux dirigeants, déconnectées des enjeux de politique interne. Sur la question du climat, la communauté internationale joue donc prudemment un jeu de poker menteur entre l’affichage de bonnes intentions et l’inertie en matière d’actions capables d’enrayer le processus du changement climatique.

Il est temps de faire avancer un projet de gouvernance mondiale et de créer un lieu où parler enfin de tous les problèmes de développement, ce qui permettra de démontrer à quel point il est nécessaire que les solutions proposées soient complémentaires.

On relève néanmoins dans beaucoup de politiques nationales des progrès remarquables en matière de pollution.

Il ne faut pas faire du climat une cause perdue, mais il faut porter une nouvelle approche sur la scène internationale. Le changement climatique est une réalité qui concerne tous les pays.

En outre, la limitation du rejet des gaz à effet de serre est aussi une opportunité économique. En effet, la révolution des énergies renouvelables créera plus d’emplois qu’elle n’en détruira dans les filières que l’on va progressivement remplacer. Je citerai, à titre d’exemples, le chantier de 10 milliards d’euros de l’éolien offshore en France, avec les milliers d’emplois qu’il représente, les évolutions en cours dans la filière automobile et tout ce qui commence à être fait en matière de remise aux normes des bâtiments.

Ce sont là autant de chantiers qui, démultipliés à l’échelle internationale, permettront de substituer des énergies non polluantes aux énergies émettrices de gaz à effet de serre. Pour cela, il faut être en mesure de « vendre » l’économie verte comme un levier de croissance mondiale, un business auquel les grands groupes auraient intérêt à participer.

De même, sur le volet de la recherche et du développement, le changement climatique rend nécessaire le développement de l’ingénierie agronomique afin d’adapter les semis et les cultures aux caprices de la nouvelle donne climatique, comme la biodiversité s’adapte elle-même à celle-ci.

Sur le volet humain, enfin, il me semble indispensable que les négociations internationales consacrées au climat traitent de la situation des réfugiés climatiques. Le chiffrage à l’horizon 2050 diffère selon les organisations. Selon l’Organisation des Nations Unies, 50 millions, puis 150 millions de personnes seraient concernées. Bref, selon l’ampleur des variations, ce sont certainement des centaines de millions de personnes qui vont être touchées.

Les causes principales et « classiques » des déplacements sont l’avancée du désert, la déforestation, la salinisation des sols et les inondations, auxquelles s’ajoutent l’assèchement des lacs, les tempêtes violentes auxquelles sont soumises certaines zones, l’érosion ou encore la montée du niveau des océans, qui touchera directement les archipels et, à plus long terme, les 650 millions de personnes qui habitent dans des zones situées à moins de dix mètres au-dessus du niveau de la mer.

Certaines des 118 îles de la Polynésie française sont ainsi menacées de disparition, comme l’ont rappelé des scientifiques de plusieurs pays lors de l’ouverture du colloque sur l’aménagement du littoral face au changement climatique, le 11 décembre dernier, à Tahiti.

En marge des actions pour tenter de limiter le phénomène direct du réchauffement climatique, il nous faudra donc mettre aussi en place des outils juridiques internationaux afin de remédier à ses conséquences humaines, notamment au phénomène des réfugiés climatiques. Ces outils pourront prendre des formes diverses : ajout d’un protocole à la convention de Genève, convention ad hoc ou conventions bilatérales entre zones menacées et terres d’accueil, telle qu’il en existe entre l’archipel polynésien de Tuvalu et la Nouvelle-Zélande.

Entre prise en compte des effets directs du changement climatique et promotion du développement durable, qui suppose une approche environnementaliste de l’économie et, réciproquement, une approche économique de la protection de l’environnement, la France et l’Union européenne doivent adopter une nouvelle façon d’aborder la question du climat : il s’agit d’amener la communauté internationale à voir la politique mise en œuvre dans ce domaine comme une opportunité plutôt que comme un arsenal de contraintes.

Bien sûr, nous traversons une crise économique, mais, pour autant, le climat n’arrête pas de se réchauffer. Ces deux points essentiels doivent guider toute notre action politique, qui tiendra compte des différentes échelles de temps.

Cessons de vivre à crédit sur le plan financier : nos enfants nous en seront reconnaissants !

Cessons de vivre à crédit face au réchauffement climatique : nos petits-enfants chanteront nos louanges ! (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)